COUR NATIONALE DE L INCAPACITÉ ET DE LA TARIFICATION DE L ASSURANCE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL RÉPUBLIQUE FRANÇAISE 17 décembre 2013 - AT/MP-opposabilité-irrégularité de procédure L inopposabilité a pour objet de sanctionner les décisions prises par les caisses primaires d assurance maladie sans que l employeur ait été mis en mesure de présenter utilement ses observations ; Ainsi une éventuelle irrégularité des décisions par lesquelles la caisse fixe la date de consolidation de l état du salarié victime, et le taux de la rente réparant l incapacité de travail, ne rend pas ces décisions inopposables à l employeur. N de répertoire : Section : ACCIDENT DU TRAVAIL / MALADIE PROFESSIONNELLE Décision déférée : jugement du tribunal du contentieux de l incapacité de... en date du 16 juin 2011, référencé ARRÊT DU 17 DECEMBRE 2013 La Cour, statuant en audience publique, sur l appel interjeté contre un jugement du tribunal du contentieux de l incapacité de..., en date du 16 juin 2011, a rendu l arrêt suivant. À l issue des débats, la Présidente a indiqué que l arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour à la date du 17 décembre 2013. La décision a été signée par..., Présidente de section, et par..., secrétaire à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire. PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR : APPELANTE - La caisse primaire d assurance maladie de... prise en la personne de son représentant légal ayant son siège :... représentée à l audience par..., munie d un pouvoir à cet effet INTIMÉE
N de répertoire :... Page 2 sur 7 -Société... prise en la personne de son représentant légal sise :... représentée à l audience par Maître..., substituant Maître..., avocat inscrit au barreau... COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats et du délibéré : Présidente : -..., Présidente de section ; Assesseurs : -..., représentant des employeurs ou des travailleurs indépendants ; -..., représentant des salariés. SECRÉTARIAT GREFFE Lors des débats :..., agent du secrétariat ayant régulièrement prêté le serment prévu à l article R. 143-40 du code de la sécurité sociale. Lors du prononcé par mise à disposition au greffe :..., agent du secrétariat ayant régulièrement prêté le serment prévu à l article R. 143-40 du code de la sécurité sociale. RAPPEL DE LA PROCÉDURE Par décision du 15 février 2005, la caisse primaire d assurance maladie des... a reconnu à M.... un taux d incapacité permanente partielle de 20 %. Par requête en date du 10 juin 2008, la société..., employeur de l assuré, a contesté cette décision devant le tribunal du contentieux de l incapacité de... Par jugement en date du 16 juin 2011, notifié le 27 juin 2011, le tribunal du contentieux de l incapacité lui a déclaré inopposable la décision de la caisse et a condamné cette dernière au paiement de la somme de 500 euros au titre de l article 700 du code de procédure civile. Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 juillet 2011, la caisse primaire d assurance maladie des... a interjeté appel de cette
N de répertoire :... Page 3 sur 7 décision et en a demandé l infirmation. Le Secrétaire Général de la Cour a communiqué aux parties les mémoires et pièces de la procédure et les a régulièrement invitées à conclure en demande et en défense conformément aux dispositions des articles R. 143-25 à R. 143-29 du code de la sécurité sociale. L ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2013 et l affaire fixée pour être examinée à l audience du 6 juin 2013 à 9 heures 30. A cette date, l affaire a été renvoyée à l audience du 14 novembre 2013 à 9 heures 30. Les parties ont été convoquées le 19 juin 2013 pour ladite audience, en application des délais fixés aux articles R. 143-29 du code de la sécurité sociale et 643 du code de procédure civile. Elles ont signé l accusé de réception de la convocation le 21 juin 2013. Les parties ont adressé à la Cour des observations dans les conditions prévues par l article R. 143-25 du code de la sécurité sociale et ont comparu à l audience ; la décision sera contradictoire à leur égard. A l audience, la Présidente a fait le rapport de l affaire, puis la Cour a entendu la partie appelante en ses demandes, la partie intimée en ses observations, la partie appelante une nouvelle fois et en dernier. À l issue des débats, la Présidente a indiqué aux parties présentes que l arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 17 décembre 2013. La Cour s est retirée et a délibéré de l affaire conformément à la loi. DÉCISION Sur la recevabilité de l appel La Cour observe que l appel a été formé dans les délai et forme prévus par la loi. L appel sera donc déclaré recevable. Sur le fond 1 - Les faits Le 29 septembre 2000, M...., né le 24 avril 1972, salarié de la société... au moment des faits, s est coincé le pied dans un rail de
N de répertoire :... Page 4 sur 7 roulement. Cet accident a occasionné, selon le certificat médical initial, une fracture ouverte du tiers inférieur du tibia gauche, dont les conséquences ont été prises en charge au titre de la législation sur les risques professionnels. Son état a été déclaré consolidé par la caisse primaire d assurance maladie des... à la date du 1er décembre 2004. Par décision du 15 février 2005, ladite caisse a fixé une incapacité permanente partielle au taux de 20 %. La société... a exercé un recours devant le tribunal du contentieux de l incapacité de... qui lui a déclaré inopposable la décision de la caisse et a condamné cette dernière au paiement de la somme de 500 euros au titre de l article 700 du code de procédure civile. La caisse primaire d assurance maladie des... a, de ce fait, interjeté appel du jugement rendu. 2 - Les prétentions et moyens des parties en cause d appel Au soutien de son appel, la caisse primaire d assurance maladie des... constate que le tribunal du contentieux de l incapacité a déclaré inopposable la décision administrative attributive de rente en raison de son absence de signature. Toutefois, elle produit aux débats ladite notification sur laquelle apparaissent bien les signatures des agents gestionnaires du dossier. Par conséquent, elle sollicite l infirmation du jugement déféré et la condamnation de la société au paiement de la somme de 500 euros au titre de l article 700 du code de procédure civile. La société..., intimée, rappelle les prérogatives du Directeur d une caisse primaire édictées par le code de la sécurité sociale. Elle s appuie également sur une décision de la Cour de cassation en date du 7 avril 2011 selon laquelle les juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale sont compétentes pour statuer sur la validité d une décision prise par la caisse par rapport à une délégation consentie par son Directeur à un agent. Par conséquent, elle sollicite de la caisse la production aux débats de la délégation de gestion et de signature consentie par le directeur de la caisse à l agent signataire de la notification attributive de rente ainsi que la délégation consentie par l agent comptable à l agent agissant en son nom par délégation. À défaut de cette production, elle considère que la décision doit lui être déclarée inopposable. À titre subsidiaire, elle estime que le taux d incapacité permanente partielle de 20% est surévalué compte tenu de l état séquellaire de l intéressé et demande la condamnation de la caisse au paiement de la somme de 1500 euros au
N de répertoire :... Page 5 sur 7 titre de l article 700 du code de procédure civile. En réponse à ces éléments, la caisse primaire des... considère comme sans objet la demande tendant à ce qu elle produise une copie des délégations consenties aux agents signataires de la notification attributive de rente. En effet, elle rappelle que ladite notification est un simple acte de gestion administrative signé par l agent, agissant pour le compte de la caisse, sous délégation du Directeur, sans responsabilité. Elle reprend les termes de l article R. 434-32 du code de la sécurité sociale selon lesquels la décision est notifiée par la Caisse primaire et qu en l espèce, la dénomination de l organisme en entête de la décision litigieuse suffit à en faire un acte de gestion conforme. Elle précise qu il s agit d une question d organisation et que ce type de délégation est prévu à l article R. 122-3 du code de la sécurité sociale. Enfin, elle souligne que la décision de la Cour de cassation en date du 7 avril 2011 produite par la société est relative à la notification d une sanction financière par la caisse régionale..., et qu il s agit d une décision à caractère répressif non transposable en l espèce. Par conséquent, la caisse primaire d assurance maladie des... reprend et maintient l ensemble de ses précédentes demandes. À réception de ces éléments, la société intimée rappelle la nécessité pour les agents gestionnaires de caisses primaires d avoir une délégation de gestion et de signature. Elle maintient pour le surplus l ensemble de ses autres écritures. La caisse primaire des... réplique aux arguments de la société en faisant tout d abord valoir que celle-ci a fait une interprétation inexacte de ses écritures. En effet, elle rappelle à juste titre que ses agents bénéficient d une délégation afin d exécuter les missions qui sont les leurs, et qu en aucun cas, la caisse a indiqué qu aucune délégation n était nécessaire. Elle affirme par ailleurs qu aux termes des articles 1er et 4ème de la loi 2000-321 du 12 avril 2000, toute décision prise par un organisme de sécurité sociale comporte outre la signature de son auteur, la mention en caractères lisibles du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. En l espèce, elle souligne que toutes les mentions requises figurent sur la notification de rente adressée à la société et que ces mentions ne sont pas requises à peine de nullité ; que le texte n impose pas non plus de faire figurer sur la décision ou d y annexer la délégation de signature en vertu de laquelle l agent chargé de l affaire est habilité à agir au nom du directeur. Elle ajoute que l article R. 434-32 du code de la sécurité sociale ne pose aucune exigence en ce qui concerne la délégation de signature susceptible d être donnée par le directeur. Enfin, elle note que selon l article L. 211-2-2 du même
N de répertoire :... Page 6 sur 7 code, le directeur de la caisse peut déléguer sa signature sans autre précision ; et que les dispositions de l article D. 253-6 du code de la sécurité sociale ne subordonnent pas l entrée en vigueur de la délégation de signature à l accomplissement d une mesure de publicité. La caisse considère ainsi que le moyen tiré de la nullité doit être écarté. La société... s appuie sur un arrêt du Conseil d Etat en date du 27 juin 2001 et une circulaire du 28 mai 2001 pour affirmer que les délégations de signatures doivent être consenties par le directeur de la caisse primaire, être nominatives et comporter la fonction et leur champ doit être précisé. À réception de l ensemble de ces éléments, la caisse primaire d assurance maladie des... ne formule pas d autres observations. 3 - La décision de la Cour En cet état, Considérant que, selon une jurisprudence constante, l inopposabilité a pour objet de sanctionner les décisions prises par les caisses primaires d assurance maladie sans que l employeur ait été mis en mesure de présenter utilement ses observations ; Considérant qu une éventuelle irrégularité des décisions par lesquelles la caisse fixe la date de consolidation de l état du salarié victime, et le taux de la rente réparant l incapacité de travail, ne rend pas ces décisions inopposables à l employeur, qui conserve la possibilité de contester tant le taux de l incapacité retenue que le point de départ du versement de la rente correspondante (Cour de cassation, II, 14/02/07,09/07/09 et 10/10/2013) ; Considérant en l espèce que le grief tiré de l absence de délégation de pouvoir ou de signature consentie à l agent signataire de la décision attributive de rente ne saurait avoir pour effet de rendre cette dernière inopposable à l employeur ; Que le premier juge n a pas fait une juste appréciation des faits et circonstances de la cause, qu il y a donc lieu d infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Considérant que la société sollicite à titre subsidiaire la diminution du taux d incapacité permanente partielle initialement fixé à 20 % ; Qu en conséquence, il y a lieu de renvoyer l affaire à la mise en état aux fins de désignation d un médecin consultant et de transmission du rapport
N de répertoire :... Page 7 sur 7 d incapacité permanente partielle ; Considérant qu il y a lieu de réserver la demande présentée sur le fondement de l article 700 du code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS, La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire à l égard des deux parties, Déclare bien fondé l appel formé par la caisse primaire d assurance maladie des... contre le jugement du tribunal du contentieux de l incapacité de..., en date du 16 juin 2011, référencé... Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau, Ordonne le renvoi de l affaire à la mise état aux fins de désignation d un médecin consultant. Réserve la demande présentée sur le fondement de l article 700 du code de procédure civile, ainsi que la demande au titre des dépens et celle tendant à l exécution provisoire du jugement déféré. La Secrétaire La Présidente...... En vertu de l article R. 144-7 du code de la sécurité sociale, les parties disposent d un délai de deux mois (augmenté le cas échéant des délais de distance prévus par le code de procédure civile), à compter du jour de la signification ou de la notification de cette décision, pour déférer celle-ci à la Cour de cassation. En vertu des articles 628 et 629 du code de procédure civile, le demandeur en cassation qui succombe dans son pourvoi est, sauf exception, condamné au paiement des dépens et peut, en outre, en cas de recours jugé abusif, être condamné à une amende d un montant maximum de 3.000 euros.