Françoise Piponnier (dir.) Loire Alpara Chapitre 9. Les trouvailles monétaires Jean-Michel Poisson Éditeur : Alpara Lieu d'édition : Lyon Année d'édition : 1992 Date de mise en ligne : 2 juin 2016 Collection : DARA http://books.openedition.org Référence électronique POISSON, Jean-Michel. Chapitre 9. Les trouvailles monétaires In : : Loire [en ligne]. Lyon : Alpara, 1992 (généré le 08 juin 2016). Disponible sur Internet : <http:// books.openedition.org/alpara/1688>. ISBN : 9782916125275. Ce document a été généré automatiquement le 8 juin 2016. Il est issu d'une numérisation par reconnaissance optique de caractères.
1 Chapitre 9. Les trouvailles monétaires Jean-Michel Poisson 1 Dans la zone castrale, seule la fouille de la tour a procuré des trouvailles monétaires. Il d un ensemble abondant mais s agit peu assez diversifié : on compte en effet huit pièces de monnaie, et quatre objets monétaires variés. Il s agit de pièces appartenant au Moyen Âge, à l exception d une monnaie du XVIIe s. trouvée en surface, et qui proviennent pour l essentiel des couches d occupation ou de fondation de la tour. Les espèces monétaires Les monnaies 2 Les espèces provenant des ateliers monétaires royaux appartiennent aux règnes de saint- Louis, Philippe Le Bel, Charles VII et Charles VIII : ce sont trois derniers tournois et un liard du Dauphiné. Quant aux monnayages seigneuriaux, ils ont procuré des deniers des archevêques de Lyon, des ducs de Savoie et des comtes de Namur. 3 La période chronologique concernée couvre l ensemble des XIIIe, XIVe et XVe s., avec une seule exception : le denier lyonnais frappé dans la première moitié du XIIe s. On peut en déduire une occupation continue de la tour depuis le milieu du XIIIe s. jusqu à la fin du XVe s. Par ailleurs, le denier lyonnais, retrouvé dans une couche sous-jacente au sol du rez-de-chaussée, semble bien permettre de dater du XIIe s. la phase de construction de la tour. 4 Ces données sont en accord avec les mentions documentaires : le premier texte citant Essertines comme castrum date en effet de 1194, et l ensemble castral est décrit dans ses différentes composantes par un texte de 1203. On remarquera cependant que la période qui couvre la seconde moitié du XIIe et les débuts du XIIIe s. ne semble pas avoir fourni de vestiges matériels. En ce qui concerne l abandon du château, les monnaies nous indiquent une période de peu postérieure au dessin de l Armorial de Revel (milieu XVe s.).
2 5 La chronologie proposée par les monnaies s établit donc ainsi : sol du rez-de-chaussée : XIIIXIVe s. ; sol de l étage (couche noire) : première moitié du XIVe s. ; réoccupation : (sommet couche noire) : première moitié du XVe s. Autres objets monétaires 6 Deux poids monétaires ont été trouvés dans la tour. Le premier, de forme rectangulaire, est le poids de la pièce appelée «lion d or» frappée sous Philippe VI de Valois ; le second, circulaire, correspond à l écu d or frappé sous Philippe IV Le Bel. Ils appartiennent donc tous les deux au XIVe s. Ces objets avaient pour fonction de contrôler, au moyen d une balance ou trébuchet, le poids des pièces d or en circulation, qui pouvaient perdre de la valeur par usure. Les poids monétaires ou dénéraux étaient réalisés en bronze, au moment de la frappe de l espèce correspondante. On leur donnait le poids exact de la monnaie qu ils devaient servir à contrôler, et on y reproduisait l effigie ou le symbole de la pièce afin qu ils puissent être facilement identifiés par le changeur. Ce sont ce poids et cette effigie qui permettent de les identifier. C est ainsi que le poids monétaire du «lion d or» représente la figure héraldique qui caractérise cette émission, un lion «rampant», la dorure complétant la référence. Le poids de l écu associe au symbole (un écusson fleurdelisé) une légende explicite : «poids de l écu». 7 Un méreau ou jeton à compter a également été rencontré : il s agit d une petite pièce d alliage d argent et de cuivre (le billon) portant une légende sans signification, ce qui est souvent le cas des jetons, pour éviter une confusion avec les monnaies, dont ils sont très proches par la taille et l aspect. 8 Enfin, le dernier objet monétiforme est vraisemblablement une médaille religieuse : il porte sur un seul côté la figure d un personnage barbu et nimbé. 9 On doit également mentionner ici un anneau sigillaire en plomb portant sur le chaton de forme hexagonale l empreinte gravée en creux d une fleur de lis barrée, qui compose les armoiries des ducs de Bourbon. Ce signe héraldique se retrouve sur certaines de leurs monnaies (Poey d Avant, 1961). Il est logique de dater cet objet postérieurement à 1368, date à laquelle le comté de Forez est passé dans le domaine des ducs de Bourbon. Les fonctions de la tour La circulation monétaire 10 À la différence des émissions royales qui circulent uniformément sur l ensemble du territoire quel que soit l atelier dont elles proviennent, les monnaies seigneuriales informent sur les courants de la circulation monétaire, dans la mesure où leur lieu de provenance indique un parcours réel. Sans vouloir faire dire à ces trois monnaies plus qu elles ne le peuvent, on remarque d une part qu elles proviennent d ateliers situés tous dans l Est, et d autre part que l une d elles provient d une région plutôt lointaine (Namur). Ceci est le signe de l appartenance de la région d Essertines à un courant d échanges commerciaux à large rayon, tel que peut l être l axe Saône-Rhône. Par ailleurs, la présence de monnaies royales, qui circulent à peu près partout dans le pays, démontre l existence d activités commerciales qui ne sont pas limitées aux échanges locaux. Malgré
3 son aspect reculé et enclavé, cette petite région du Forez participe à un courant de circulation des produits et des hommes qui déborde largement le cadre micro-régional. Fonctions administratives 11 La présence d objets tels que poids monétaires, jeton et anneau sigillaire renvoie à une fonction de contrôle administratif et économique exercé par la forteresse sur la zone qui l entoure. En effet, les poids monétaires supposent l utilisation d espèces d or à cet endroit, et la présence d une personne apte à en contrôler la valeur. On peut penser à la perception sur place de cens ou redevances en numéraire ou d autres taxes ou droits, de péage ou de mutation par exemple, encore qu il soit assez difficile d envisager que le montant individuel des perceptions ait pu nécessiter l usage de pièces d or. 12 Le jeton est un instrument de comptabilité. On sait en effet qu on utilisait au Moyen Âge, pour effectuer les quatre opérations, une plaque de bois (comptoir) divisé en colonnes où l on disposait (jetait) des jetons, le plus souvent métalliques. Là encore cet objet suppose la présence sur place d une personne sachant compter, et renvoie donc à une activité de gestion ou de perception. On peut cependant se demander si ce type d objet, extrêmement semblable à une monnaie, n a pas pu être - consciemment ou non - utilisé comme telle : une légende sans signification (ici «AREDVASRIV») n intrigue pas qui ne sait pas lire. La fréquence des trouvailles de jetons sur des sites ruraux, où la présence de personnes sachant compter est improbable (exemples : Dracy, Rougiers, etc...) incite à se poser la question. 13 Quant à l anneau sigillaire, bien plus qu un bijou, c est un objet fonctionnel : il est destiné à être imprimé dans la cire pour authentifier des actes officiels avec les armoiries de la principauté. Le métal dont il est fait, un alliage de plomb très faible en argent, montre qu il est destiné à l usage d un agent subalterne. Voilà un troisième indice de la présence à Essertines d un personnage instruit et investi d un pouvoir de contrôle, chargé de la gestion des droits seigneuriaux : perception des redevances, délivrance d actes officiels (laisser-passer, quittances, etc...) Cet officier comtal, ministérial ou sergent, devait résider dans la tour, de façon permanente ou occasionnelle, et peut être assimilé aux châtelains des grandes principautés telles que la Bourgogne ou la Savoie. Catalogue des objets monétaires Monnaies royales 14 1 - + KAROLVS : FRAN : REX deux fleurs de lis dans le champ+ TVRONV : FRANCIE croix pattée Charles VII roi de France (1422-1461) denier tournois, 1429, billon (LAFAURIE n 499 var.) 15 2 - + KAROLVS * FR [ANCOR REX] croix pattée DALP[HS] VIENENSIS dauphin à gauche Charles VIII roi de France (1483-1498) liard du Dauphiné, 1488, billon (LAFAURIE n 575)
4 16 3 - + LVDOV[ICVS REX] croix + TVRONVS CIVIS châtel tournois Louis IX roi de France (1226-1270) denier tournois, argent (LAFAURIE n 201) 17 4 - + [PHILI]PPVS REX croix pattée + TVRONVS CIVIS châtel tournois Philippe IV Le Bel roi de France (1285-1314) denier tournois, 1307, argent (LAFAURIE n 228) 18 5- L. XIIII. ROY DE FR ET DE NAV buste à droite [] écu de France couronné Louis XIV roi de France (1643-1715) liard, cuivre (GADOURY) Monnaies seigneuriales 19 6 - + GVILLEM[VS] lion [N]AMO * MON[ETA] croix cantonnée de deux trèfles Guillaume Ier comte de Namur (1337-1391 ) denier, billon (CHALON pl. Χ, n 155, XI, n 163). 20 7 - [+ PRIMA SEDES] dans le champ : L et G GA/LL/IA/RV croix dont les bras coupent la légende Archevêques de Lyon (anonyme) denier, av. 1157, billon (POEY D AVANT n 5029 ; FOURNIAL) 21 8 - + LVDOVICVS [DVX] écu de Savoie dans un quadrilobe + SABAVDIE croix cantonnée de quatre croisettes Louis II duc de Savoie (1439-1465) maille de blanchet, argent (C.N. I.t.I, pl. V,n 21) Poids monétaires 22 9 - POI[S DE L ESCVT] écu aux fleurs de lis sans nombre (revers lisse) Poids de l écu d or «à la chaise» de Philippe IV Le Bel (1285 1314) et Jean II Le Bon (1350-1364) bronze, 4,44 gr. circulaire (DIEUDONNÉ, n 5e) 23 10 - (anépigraphe) lion rampant à gauche, tenant un bâton sur fond de petits cercles (revers lisse) Poids du Lion d or de Philippe VI (1328-1350)
5 bronze doré, 4,64 gr. rectangulaire (DIEUDONNÉ n 6 var) Méreau 24 11 - (anépigraphe) dans le champ : H accosté d une fleur de lis + AREDV ASRIV croix méreau, XIV ou XVe s,. billon Médaille religieuse 25 12 - (anépigraphe) tête barbue portant un nimbe radiant, accostée d un fleur de lis (revers lisse) médaille de saint Pierre ou saint Paul (?), probablement médiévale, bronze