26 travailleurs LA SECTION Évaluation de la sécurité psychologique au travail < La meilleure des sécurités sociales, c est un véritable emploi dans des conditions adéquates.> Inspiré d une citation d Alain Madelin Lorsque la sécurité psychologique des employées est protégée, ceux-ci expriment une plus grande satisfaction à l égard de leur emploi, sont plus enclins à faire valoir leur point de vue et participent à la vie de l organisation. Un meilleur esprit d équipe s instaure. Leur moral est meilleur et ils sont moins susceptibles de développer des maladies liées au stress. On note aussi une diminution des griefs, des conflits et des risques liés à la responsabilité. Protégeons la santé mentale au travail (PSMT) est une stratégie gratuite pour les petites et les grandes entreprises qui met à votre disposition des ressources faciles à utiliser pour évaluer et atténuer 12 facteurs de risque psychosociaux (RPS) 1. Nous en avons retenu un : la protection de la sécurité psychologique. En quoi consiste la protection de la sécurité psychologique? Protégeons la santé mentale au travail (PSMT) nous donne la définition suivante : «La sécurité psychologique porte sur le risque de préjudice au bien-être mental auquel un employé peut être exposé. L amélioration de la sécurité psychologique d un milieu de travail nécessite la prise des précautions nécessaires pour écarter les préjudices ou les dangers pour la santé psychologique des employés 2.» Les employées sentent qu ils peuvent faire valoir leurs intérêts, poser des questions, demander une rétroaction, signaler des erreurs et des problèmes ou proposer de nouvelles idées sans craindre des conséquences néfastes. Le bien-être émotionnel des travailleurs et travailleuses est favorisé et l on prend toutes les mesures utiles pour réduire au minimum les risques qui pèsent sur leur santé mentale. Pourquoi accorder de l importance au facteur protection de la sécurité psychologique? Qu arrive-t-il lorsque la sécurité psychologique des employées n est pas protégée? Les employées peuvent se sentir démoralisées, menacées, désengagées et sous tension. Leurs conditions de travail peuvent leur sembler ambigües et imprévisibles. Sur le plan juridique et réglementaire, l organisation s expose aussi à des risques beaucoup plus grands qui peuvent s avérer coûteux, voire paralysants, et miner en fin de compte la confiance des actionnaires, des consommateurs et du public à l égard de l organisation. Comment peut-on améliorer la protection de la sécurité psychologique dans le milieu de travail? Commencez par effectuer l évaluation proposée par Protégeons la santé mentale au travail (voir note 3 en bas de page) au sein de votre organisation ou de l équipe de travail, puis examinez les résultats obtenus. Si la protection de la sécurité psychologique ressort comme un sujet de préoccupation, reportez-vous aux outils d action pertinents pour trouver des suggestions efficaces et une stratégie pratique en vue d améliorer cet aspect de la situation dans votre organisation. Il est également important de discuter des conclusions de l exercice avec les employées concernées pour mieux comprendre ces résultats et pour obtenir leur avis et leur aide dans le choix de mesures correctives utiles. 1/ Soutien psychologique, culture organisationnelle, clarté du leadership et des attentes, courtoisie et respect, correspondance psychologique avec le travail, croissance et perfectionnement, reconnaissance et récompenses, participation et influence, gestion de la charge de travail, engagement, équilibre et protection de la sécurité psychologique. Protégeons la santé mentale au travail. «Les 12 facteurs de risque psychosociaux», [en ligne]. [http://www.guardingmindsatwork.ca/info/risk_factors] 2/ Protégeons la santé mentale au travail. «Qu est-ce que le concept de santé et sécurité psychologique», [en ligne]. [http://www.guardingmindsatwork.ca/fre/info/safety_what] 3/ Protégeons la santé mentale au travail. «Audit en santé et sécurité psychologiques», [en ligne]. [http://www.guardingmindsatwork.ca/docs/dashboard/assessment/fre/audit% 20Organizationnel%20-%20RPS12%20Protection.pdf]
27 Ma santé mentale, j y travaille! Par Sylvie Giguère, coordonnatrice du Réseau des délégués et déléguées sociaux, FTQ Laurentides-Lanaudière En 1936, dans son film Les temps modernes, Charlie Chaplin dénonçait les risques d atteinte à la santé mentale des travailleurs/travailleuses. Sans être sociologue ni philosophe, il montrait du doigt certaines situations à risque : la cadence de production, l autonomie décisionnelle, la violence. Près de 80 ans plus tard, les absences au travail en lien avec la santé mentale, loin d avoir diminué, connaissent une augmentation dont les effets sont ressentis dans toutes les sphères économiques et bien entendu par les individus, leur famille, la communauté 1. Or, «au cours des dernières années, les résultats de nombreuses études scientifiques confirment qu il existe des liens étroits entre l organisation du travail et les problèmes de santé psychologique chez les travailleurs (et travailleuses) 2». Est-ce mon tour? De nombreux spécialistes ont identifié des indicateurs de dangerosité. Nous avons certainement avantage à les utiliser en examinant notre environnement de travail 3 : Manque de latitude décisionnelle : aucune ou peu de participation de la travailleuse/du travailleur aux décisions liées à sa tâche, malgré la connaissance et l expérience acquise; Manque de reconnaissance : disparité entre les efforts fournis et la reconnaissance obtenue de la part de l employeur/ l employeuse ou du/de la supérieure immédiate (qu il s agisse de salaire, d estime, de respect, de possibilité d avancement ou autre); Absence de soutien social : de la part du/de la supérieure ou entre les collègues, lorsque survient une difficulté; Communication insuffisante ou inadéquate : de la direction aux employées, concernant la vision et l organisation de l entreprise, les tâches à accomplir, les objectifs à atteindre, etc. Lorsque survient un changement administratif, économique ou technologique, l insécurité d emploi prend place. Les indicateurs de dangerosité cités plus haut deviennent alors des guides pour l amélioration de la situation dans le milieu de travail. La latitude décisionnelle, c est la possibilité d exercer un plus grand contrôle sur son travail et sur son environnement et, par le fait même, de diminuer le niveau d insécurité et de tension. C est la possibilité de prendre les décisions qui permettront à l employée de bien exécuter sa tâche, de participer aux décisions qui affectent ses tâches (aménagement de son poste de travail, choix des appareils et instruments, etc.). Cette latitude lui permet d appliquer son savoir-faire et sa créativité afin de répondre aux exigences de la tâche, que celles-ci soient connues ou imprévues. Le sentiment de sécurité se construit dans la perspective de pouvoir prendre des initiatives, d avoir le droit à l erreur et de pouvoir apprendre. On parle de reconnaissance au travail quand l entreprise reconnaît et souligne la contribution particulière de ses salariées, à l opposé des récompenses offertes dans un contexte de compétitivité interne qui ne tiennent pas compte des efforts soutenus et du savoir-faire dont l ensemble du groupe fait preuve. La réelle reconnaissance concerne les résultats obtenus et s accompagne de marques de considération, de respect et d une récompense qui peut se traduire sous forme monétaire, matérielle, par une promotion ou autres façons. Elle n a donc rien à voir avec la reconnaissance de l ancienneté, marquée par exemple, par la remise systématique d une montre après 25 années de services à quiconque aura fait son «temps», sans considération pour ce qui s est passé durant ces années. Le soutien social, tant par les collègues que par l employeur/ l employeuse et ses représentantes, permet d échanger, de partager ses expériences et d aller chercher aide et soutien lorsque nécessaire. La majorité des entreprises offrent des mesures telles que la formation complémentaire, un programme d aide aux employées, une banque de congés, etc. Les mesures les plus rassurantes sont celles qui sont adaptées aux réalités des employées et respectueuses de la personne. Notons, par exemple, le retrait préventif pour les travailleuses enceintes et la garantie d emploi après l accouchement. Finalement, la communication dans l entreprise se révèle une dimension tout aussi importante pour la construction de la sécurité chez les salariées. La qualité de la communication quant aux objectifs, aux rôles, aux procédés et aux changements permet à chacun de contribuer avec assurance au projet global de l organisation. Je suis mon propre détecteur Dans un contexte d économie mondialisée où le monde du travail est de plus en plus sous pression, nous ne sommes pas loin des Temps modernes que nous évoquions en début de texte. M y référant, je m autorise à prendre mon pouls émotif et mental : est-ce que je ressens des symptômes comme la fatigue, la démotivation, l irritabilité, la perte de confiance en moi, l anxiété, des troubles de sommeil, une perte d appétit ou un gain de poids? Je pense au pertinent slogan Demander de l aide, c est fort! Une aide concrète et compatissante est porteuse d espoir. Plusieurs ressources, communautaires ou autres, offrent leur appui en toute confidentialité et n attendent que notre appel. > travailleurs adultes jeunes aînés
28 Je peux aussi chercher du soutien auprès de personnes en qui j ai confiance : une collègue, une représentante syndicale, l infirmier ou l infirmière au travail, le programme d aide aux employées ou autres. Discuter avec eux des problèmes rencontrés me permettra peut-être d identifier les causes de mon malaise. Au besoin, je m absente pour un congé réparateur. Et, étape importante, je profite de ce temps d arrêt pour identifier les causes de mon état. La psychothérapie peut alors grandement aider... pour peu qu on soit sensibilisé à cette forme d intervention et qu on ait accès à des ressources dans le domaine. Des mesures sécurisantes En plus des conséquences négatives directes sur la personne elle-même (perte de salaire, impacts sur la famille), les troubles en lien avec la santé mentale occasionnent des coûts directs et indirects aux organisations, une augmentation du nombre de demandes d indemnisation présentées à la CSST et aux régimes d assurance-salaire des entreprises. Fort heureusement, les organisations ont désormais la possibilité de maintenir leur productivité par une meilleure rétention de la main-d oeuvre basée sur la valorisation et sur une saine motivation. En effet, certains centres de recherche ont conçu des outils de prévention par l évaluation des risques psychosociaux au travail. Parmi ceux-ci, l Institut national de santé publique du Québec offre une grille permettant d évaluer le risque psychosocial dans les milieux de travail et de mettre sur pied des mesures selon les résultats de l analyse. (Voir la grille dans la section Travailleurs et travailleuses, sous «Trucs - Le sentiment de sécurité au travail, ça se construit!».) Outre le signalement de la présence des indicateurs de dangerosité cités plus haut, un tel outil fournit des données de base sur des questions telles que : le contexte de travail et l emploi : les perspectives de sécurité d emploi et de promotion sont-elles satisfaisantes? le niveau d absentéisme pour cause de maladie : est-il en hausse? Un plan d action est-il mis en place? la politique de santé appliquée dans l entreprise : vise-t-on aussi bien la santé physique que psychologique? Des activités de prévention sont-elles en place? Vise-t-on l amélioration de la situation? la politique contre la violence et le harcèlement psychologique : retrouve-t-on des activités de prévention pour contrer ces phénomènes? les activités ou programmes de retour au travail : outre la gestion médico-administrative de l absence, existe-t-il un programme d intégration? la conciliation travail et vie personnelle : applique-t-on de façon constante un ensemble de mesures facilitantes pour les salariées? Une valeur ajoutée Dans leur objectif de favoriser le développement de l entreprise, l employeur ou l employeuse et ses représentantes ont le pouvoir de déterminer et de promouvoir des pratiques de gestion basées sur un environnement psychosocial du travail sain où chaque membre du personnel se sent en sécurité tant au niveau physique que psychologique, pour le plus grand bien de l ensemble de l organisation. L intervention précoce est l un des moyens privilégiés pour réduire les risques à la source. Par exemple, certains gestionnaires rechercheront un soutien externe afin d évaluer les facteurs de dangerosité et des moyens d y remédier. Certaines organisations syndicales soutiennent avec constance des activités d entraide par les pairs (p. ex. : réseau des délégués sociaux, aidants naturels, Programme des sentinelles). D autres organisations mettent sur pied des programmes de soutien au retour au travail. Elles organisent des rencontres entre les employées et les personnes qui ont été absentes. De telles mesures contribuent au sentiment sécurité des employées. Souvenons-nous que nul n est à l abri des problèmes de santé psychologique. En participant aux programmes offerts, en nous informant sur les pratiques connues et sur les recherches en cours, en collaborant avec les différents acteurs dans l entreprise (direction, médecin, syndicat), nous contribuons nous-mêmes à une réduction des risques psychosociaux dans notre propre milieu de travail. 1/ Voir le site de l Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale. La Table ronde de l économie et des entreprises sur la santé mentale a évalué l effet des troubles dépressifs sur la productivité des entreprises. Elle estime que les coûts économiques de la maladie mentale équivalent à 14 % du bénéfice net d exploitation des entreprises canadiennes. Un rapport publié par Santé Canada évalue à 14,4 milliards de dollars le coût des problèmes de santé mentale en 1998. [http://camimh.ca/] 2/ En particulier celles de la Direction de la santé publique de Québec (M. Vézina et coll.). Tiré de GRISMT et CSSS de la Vieille-Capitale (2007). La santé psychologique au travail : agir par la prévention Description sommaire. 3/ Voir questionnaire d évaluation collective du bien être au travail de Karasek. 4/ Institut national de santé publique du Québec (2009). Grille d identification des risques psychosociaux au travail, [en ligne]. [http://www.cgsst.com/stock/fra/grillerisquepsychotravail.pdf]
29 La sécurité psychologique au travail, ça s améliore! Améliorer le sentiment de sécurité dans l organisation? Oui, on peut tous agir à notre niveau! 1 LA SITUATION AU TRAVAIL MON AVIS SI DES AMÉLIORATIONS DOIVENT ÊTRE APPORTÉES... Je suis une gestionnaire ou une employée 1 Les intérêts des employées sont respectés 2 L information relative aux fonctionnements et aux changements dans l entreprise est transmise de façon adéquate 3 Une rétroaction constructive par rapport au travail est donnée 4 Des perspectives de promotion et de développement sont offertes 5 Des réseaux de soutien et des débreffages (réunion-bilan) sont en place 6 L organisation mène des activités de prévention contre la violence et le harcèlement; ou l organisation offre une protection contre les torts causés par le harcèlement, la discrimination et la violence 7 Il est possible de discuter des situations difficiles en vue de trouver des solutions 8 Les employées se sentent épaulées 9 L organisation se soucie du bien-être psychologique des employées 10 On informe les employées des ressources disponibles pouvant les aider 11 Il existe un réseau de pairs aidants 12 Il est possible de partager son expérience 13 Les employées se sentent reconnues 14 Le milieu de travail souhaite minimiser le stress inutile 15 Il est acceptable de demander de l aide Cotation de 1 à 4 (voir légende) JE l ÉQUIPE le SYNDICAT à vous de jouer Légende : 1 Tout à fait d accord 2 D accord 3 Pas d accord 4 Pas du tout d accord L ORGANISATION travailleurs adultes jeunes aînés 1/ Extrait de la conférence L intervention en entreprise : quels enseignements en tirer, de Jean Pierre Brun, titulaire de la Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail. Colloque La santé psychologique au travail : des préjugés à l intervention, 2 novembre 2007.
30 «Le sentiment de sécurité au travail, ça se construit! De nombreuses études ont démontré que certaines situations de travail ont des effets nuisibles à la santé et ont permis de produire des connaissances sur les relations entre certains phénomènes sociaux et psychologiques et leurs effets sur la santé 1». partie f a b c d e partie b c d f a e 1 truc Contexte de l organisation Description de l indicateur Cet indicateur vise à Contexte d emploi Connaître l importance de l insécurité d emploi et des changements organisationnels en cours ou prévus qui menacent l emploi. Absentéisme maladie Connaître la fréquence et la durée d absence pour maladie et leur évolution au cours des dernières années de même que l importance de symptômes ou comportements liés à une maladie et affectant la productivité (présentéisme). Politique en santé au travail Connaître l importance accordée à la prévention des problèmes de santé en général et pour la santé psychologique en particulier. Politique contre le harcèlement psychologique Activités ou programme de retour au travail Activités ou programme conciliation travail et vie personnelle 2 L Institut national de santé publique du Québec publiait en 2009 la Grille d identification des risques psychosociaux au travail. Voilà enfin un outil simple pour aider les milieux de travail à identifier les éléments ayant un impact sur la santé psychologique des travailleuses et travailleurs. Il ouvre la porte à l amélioration de l organisation du travail lorsque nécessaire. Le tableau ci-dessous présente les indicateurs psychosociaux que la grille permet d évaluer. De nombreuses fiches d évaluation sont disponibles sur le site apparaissant dans la note de bas de page. Connaître l importance accordée à la prévention de la violence et du harcèlement psychologique au travail. Connaître l importance accordée aux activités de retour au travail, spécialement lors des problématiques de santé psychologique. Connaître l importance accordée aux activités facilitant la conciliation travail et vie personnelle au-delà de ce qui est prévu par la loi. Composantes clés de l organisation Charge de travail La quantité de travail à accomplir, aux exigences mentales et émotionnelles, de même qu aux contraintes de temps. Reconnaissance au travail Différentes façons de reconnaître les efforts, tant des hommes que des femmes, qu il s agisse de rémunération, d estime, de respect, de sécurité d emploi, ou de perspective de promotion. Soutien social des supérieurs La disponibilité et la capacité des supérieurs à soutenir leurs employés. Soutien social des collègues L esprit d équipe, au degré de cohésion dans le groupe, de même que l assistance et la collaboration de la part des collègues dans l accomplissement des tâches. Latitude décisionnelle La possibilité d exercer un certain contrôle sur le travail à réaliser et la possibilité d utiliser ou développer ses habilités. Information et communication Les moyens mis en place par la direction pour informer et consulter sur le contexte de l organisation et sur la vision de la direction. 1/ Institut national de santé publique du Québec, Direction des risques biologiques, environnementaux et occupationnels (avril 2009). «Grille d identification des risques psychosociaux au travail», [en ligne]. [http://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/930_grillerisquepsychotravail.pdf]