Les bases neurales de la douleur

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Revue thématique Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2006 ;4(1):7-20 Les bases neurales de la douleur BERNARD CALVINO Laboratoire de neurobiologie, UMR ESPCI-CNRS 7637, Paris <bernard.calvino@espci.fr> Tirésàpart: B. Calvino Résumé. Les différents éléments anatomo-physiologiques qui sous-tendent la physiologie de la douleur aiguë sont présentés ainsi que les processus de contrôle central de la douleur qui sont envisagés aux différents niveaux d intégration : contrôles segmentaires spinaux, contrôles d origine supraspinale tant inhibiteurs qu excitateurs, contrôles inhibiteurs diffus induits par des stimulations nociceptives. La douleur chronique résulte de processus de sensibilisation périphérique (inflammation) et centrale (neuroplasticité), parmi lesquels plusieurs systèmes de signalisation jouent un rôle prépondérant, particulièrement le système glutamatergique (par l intermédiaire du récepteur NMDA) et celui des neurotrophines (NGF et BDNF). D un point de vue psychophysiologique, la douleur résulte de l expérience subjective d une sensation émotive déplaisante, considérée comme résultant de processus adaptatifs au sein de réseaux de neurones situés à différents niveaux du système nerveux central, dont les composantes peuvent augmenter ou diminuer en fonction des caractéristiques du stimulus, de l état du sujet et du contexte dans lequel ce stimulus est appliqué. Á ce titre, les différentes composantes de la douleur et les mécanismes psychologiques et neurophysiologiques sous-tendant la dimension affective de la douleur sont présentés. Enfin, en prenant l exemple de la douleur du membre fantôme, le rôle de systèmes physiologiques indépendants de ceux impliqués dans la physiologie de la nociception et de la douleur, est souligné pour montrer l extrême complexité de la douleur et de ses systèmes de contrôle chez l homme. Mots clés : nociception, douleur aiguë, douleur chronique, contrôles segmentaires, contrôles supra-spinaux, composante affective de la douleur, cortex Abstract. Main elements concerning the physiology of pain are described, as well as the structures of the nervous system at the origin of the central control of pain: peripheral fibres (small diameter myelinated Ad and unmyelinated C fibres); spinal ascending pathways; cerebral structures relaying nociceptive information (medial and ventro-postero-lateral thalamic relays); SI and SII cortical areas; spinal segmentary and supraspinal excitatory and inhibitory controls; diffuse noxious inhibitory controls (DNIC). Chronic pain is a result of two processes: peripheral and central sensitization, in relation with inflammation and nerve injury at peripheral level and with neuroplasticity at central level. Neurotrophins, mainly NGF and BDNF and their receptors (LNTR, TrkA and TrkB) are involved in these processes. Pain is a result of an unpleasant emotional experience: its various components, mainly the emotional one, may be increased or decreased considering the different characteristics of the stimulus and of the affective state of the patient, as well as the context in which this stimulus is applied. The role of physiological systems, unconnected with those classically involved in the physiology of nociception and pain, such as the motor cortex in phantom limb pain, are described in conclusion, to focuse on the extreme complexity of the control systems of pain in humans. Key words: nociception, acute pain, chronic pain, spinal segmentary controls, supraspinal controls, affective component of pain, cortex S elon la définition de l International association for the study of pain (IASP), société internationale qui rassemble tous les chercheurs et personnels soignants qui interviennent pour l étude et la prise en charge de la douleur, la douleur est «une sensation désagréable et une expérience émotionnelle en réponse à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle ou décrite en ces termes». La douleur est donc une expérience s articulant autour de quatre composantes fondamentales : 1) sensori-discriminative ; 2) affective et émotionnelle ; 3) cognitive ; 4) comportementale. En s intéressant à la première composante sensoridiscriminative de la douleur, Sherrington, grand neurophysiologiste anglais de la fin du XIX e siècle, avait plus particulièrement étudié la psychophysiologie des stimulations sensorielles de haute intensité, celles qui, pour reprendre son expression, étaient «susceptibles de remettre en cause l intégrité physique de l organisme», et c est ainsi qu il a créé ce terme de «nociception» qui caractérisait de telles stimulations. Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n 1, mars 2006 7

B. Calvino Ainsi, un stimulus nociceptif périphérique, stimulation de forte intensité, déclenche une cascade d événements physiologiques conduisant à l intégration des informations codant pour les différents aspects de la douleur. Certaines perturbations peuvent être à l origine du prolongement dans le temps du processus à l origine de la douleur et conduire au développement d une douleur chronique, parfois sans cause organique, qui laisse le plus souvent le thérapeute désarmé et pour laquelle l apport de la recherche n en est encore qu à ses balbutiements. La douleur perd alors sa signification de signal d alarme pour évoluer vers un véritable syndrome chronique dont les effets délétères sont le plus souvent handicapants. Les douleurs chroniques peuvent être en rapport avec deux principales causes. On distingue principalement les douleurs par excès de nociception (inflammation, sensibilisation des nocicepteurs...) et les douleurs neuropathiques (neuropathies périphériques consécutives à des lésions de nerfs sensoriels périphériques ou neuropathies centrales consécutives à des lésions de structures relais du système nerveux central). D un point de vue physiologique, la cascade d événements conduisant à l intégration des informations douloureuses met en jeu des récepteurs (nocicepteurs périphériques), des voies médullaires ascendantes, des relais dans l encéphale intégrant ces informations douloureuses (principalement au niveau thalamique) et enfin des sites de projection corticaux (cortex somesthésiques primaire et secondaire, mais aussi insulaire et cingulaire). Á la périphérie, les stimulus nociceptifs sont traduits en messages nerveux par des nocicepteurs constitués par des terminaisons nerveuses libres des fibres sensorielles primaires disséminées dans la peau, les muscles, les articulations ou les parois des viscères. Leur activation résulte soit d une stimulation directe exercée à leur niveau par des stimulus de haute intensité, soit d une stimulation indirecte par l intermédiaire de molécules libérées par l inflammation au site de lésion (NGF, bradykinine, prostaglandines, histamine, sérotonine...). Les messages nerveux codant pour une stimulation nociceptive sont véhiculés par les fibres afférentes primaires des nerfs sensitifs, fibres de petit diamètre qui peuvent être myélinisées (fibres Ad) ou non myélinisées (fibres C). Ils rejoignent ensuite la moelle épinière par l intermédiaire des racines postérieures des nerfs rachidiens ; les terminaisons axonales centrales des fibres se situent dans la substance grise, au niveau de la corne dorsale de la moelle épinière (CDME), où elles vont établir des synapses avec des neurones de relais de la nociception, les neurones nociceptifs spécifiques ou non spécifiques. Les axones de ces neurones remontent ensuite vers les noyaux de projection de l encéphale par l intermédiaire des faisceaux spino-thalamiques (FST) ou spino-réticulothalamiques (FSRT) du quadrant ventro-latéral de la substance blanche de la moelle épinière. D autres voies ascendantes ont été plus récemment décrites, en particulier les voies spino-ponto-amygdalienne et spinoponto-hypothalamique, qui constituent un support anatomophysiologique important respectivement pour les composantes affective et émotionnelle d une part, et neurovégétative, d autre part, de la douleur. Le principal noyau de projection cérébral de la nociception est commun avec celui de la sensibilité somesthésique lemniscale, le noyau ventro-postéro-latéral du thalamus (VPLT). Enfin, les neurones thalamiques se projettent vers les aires corticales spécifiques somesthésiques SI et SII. D autres aires corticales sont également impliquées dans l intégration de l information nociceptive à l origine de la douleur, en particulier le cortex cingulaire antérieur (CCA) et le cortex insulaire. La complexité de la compréhension des bases neurales de la douleur vient en grande partie de la multiplicité des voies spinales ascendantes et des nombreuses structures de projection de l encéphale qui contribuent toutes à la genèse de la douleur. Cette vision extrêmement schématique des relations entre les structures impliquées dans la physiopathologie de la douleur ne rend compte que très partiellement des relations complexes entre nociception et douleur, c est-à-dire entre physiologie et psychologie. La douleur est une sensation dont la perception peut être modulée en fonction de la situation psychologique de l individu, mais aussi en fonction de l environnement dans lequel il se situe, au sens le plus large du terme (environnement affectif, socio-culturel, ethnologique, religieux...). Cette modulation résulte de la mise en jeu de contrôles inhibiteurs exercés par les voies descendantes qui participent aux systèmes de contrôle de la douleur, issues des structures aussi bien spinales (les contrôles segmentaires spinaux) que supra-spinales (les contrôles situés dans le tronc cérébral : substance grise périaqueducale et noyau du raphé magnus) ou hétéro-segmentaires diffus (CIDN). Des contrôles issus des structures corticales ou sous-corticales interviennent également, par exemple dans le contrôle inhibiteur de la perception de la douleur par une modification des processus d attention (calcul mental, modification de la fréquence respiratoire). 8 Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n 1, mars 2006

Les bases neurales de la douleur Les mécanismes périphériques associés à la douleur aiguë Les données rassemblées dans les trois paragraphes qui suivent constituent l essentiel des notions nécessaires à la compréhension du sujet central de cet article, les bases neurales de la douleur [1]. Les informations nociceptives à l origine de la douleur par excès de nociception sont générées à la périphérie par les nocicepteurs qui sont constitués par les terminaisons nerveuses libres des fibres sensorielles primaires de fin diamètre, myélinisées (fibres Ad) ou non myélinisées (fibres C). Ces nocicepteurs ne répondent qu à des stimulations d intensité élevée, susceptible de remettre en cause l intégrité physique de l organisme. De manière schématique, on distingue trois classes de nocicepteurs en fonction de la nature du stimulus : les mécanonocicepteurs qui répondent à des pressions d intensité très élevée ; les thermonocicepteurs, qui répondent soit à des températures basses (inférieures à 10 C, thermonocicepteurs au froid) soit élevées (supérieures à 43 C, thermonocicepteurs au chaud) ; les chémonocicepteurs qui répondent à des molécules chimiques algogènes comme, par exemple, la capsaïcine, un extrait du piment. En plus de ces trois classes de nocicepteurs, on en identifie une quatrième, les nocicepteurs polymodaux, qui répondent à deux ou, le plus souvent, à trois modalités de stimulations différentes. Á la périphérie, au cours du développement d une inflammation aiguë, de nombreuses molécules sont synthétisées et libérées par les cellules des tissus périphériques, les terminaisons nerveuses et les cellules immunocompétentes activées, susceptibles d activer et/ou de sensibiliser les nocicepteurs. Ces molécules constituent la «soupe inflammatoire» où l on retrouve les kinines, les cytokines pro-inflammatoires (TNFa, IL1, IL6) mais aussi anti-inflammatoires (IL4, IL10, IL13 et IL1-ra), les prostaglandines, les neuropeptides (substance P et CGRP principalement), l histamine, les neurotrophines (nerve growth factor ou NGF, et brain derived neurotrophic factor ou BDNF), les amines biogènes (sérotonine et noradrénaline), etc. [2]. Parmi ces molécules, le NGF est synthétisé et sécrété en grande quantité dans le foyer inflammatoire par les fibroblastes et les kératinocytes, après stimulation par l interleukine-1 (IL1, la principale cytokine de l inflammation). Le NGF exerce une action directe de sensibilisation périphérique des fibres nociceptives : en se fixant sur son récepteur spécifique TrkA, localisé sur les terminaisons périphériques de ces fibres, il permet la phosphorylation des résidus tyrosine de sa partie intracellulaire, ce qui entraîne secondairement celle d autres molécules intracellulaires, comme les canaux ioniques, en les activant. De plus, le complexe NGF/TrkA est internalisé à l intérieur de la fibre nerveuse sensorielle dans des vésicules d endocytose qui sont transportées rétrogradement par le flux axonal jusqu aux corps cellulaires de ces neurones dans le ganglion de la racine dorsale (GRD) : à ce niveau le NGF va activer la synthèse de nombreux peptides comme la substance P et le CGRP, mais aussi des récepteurs pour des peptides algogènes sécrétés abondamment dans les foyers inflammatoires comme les récepteurs à la bradykinine, ou des récepteurs de type «canal ionique» sensibles à l acidose inflammatoire ou à la chaleur, comme les récepteurs vanilloïdes VR1, et les canaux sodiques. Enfin, la synthèse d une autre molécule de la famille des neurotrophines, le BDNF (cf. ci-dessous), est également activée dans le GRD par le NGF, et le BDNF est transporté et stocké dans les terminaisons centrales des fibres sensorielles dans des vésicules à cœur dense, dans la corne dorsale de la moelle épinière (CDME). Le relais spinal de la corne postérieure Une coupe transversale de moelle épinière permet de caractériser la substance blanche (ensemble de faisceaux d axones principalement myélinisés, ascendants ou descendants) et la substance grise (corps cellulaires des neurones et des cellules gliales) subdivisée en corne postérieure sensorielle et corne antérieure motrice ; à partir des travaux anatomiques de Rexed, on la divise traditionnellement en dix couches, six dans la corne postérieure et trois dans la corne antérieure, la couche X constituant la zone centrale périépendymaire. Les fibres nociceptives Ad et C entourent la couche superficielle de la corne postérieure dans laquelle elles pénètrent perpendiculairement pour se terminer dans les couches superficielles (I et II), mais se prolongent également dans les couches profondes (V, VI, VII et X) ; elles se prolongent dans la substance blanche dans 2 ou 3 segments spinaux de part et d autre de leur segment d entrée, constituant le tractus de Lissauer. Les fibres non nociceptives, myélinisées de gros diamètre (fibres Aa,b), contournent tangentiellement la couche superficielle de la corne postérieure, se divisent en deux branches dont l une ascendante constitue la voie Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n 1, mars 2006 9

B. Calvino lemniscale de la somesthésie, et l autre segmentaire se termine dans les couches intermédiaires de la corne postérieure (couches III et IV). Les études électrophysiologiques menées dans la corne postérieure de la moelle épinière ont permis d identifier trois classes de neurones recevant des afférences des fibres sensorielles primaires : 1) les neurones nociceptifs spécifiques sont principalement situés dans les couches superficielles de la corne dorsale (couche I et secondairement II), mais aussi en plus faible quantité dans les couches profondes (couche V, mais également couches VI, VII et X) ; ils ne répondent qu à des stimulations périphériques de haute intensité, de multiple origine (cutanée, articulaire et viscérale) ; ils reçoivent principalement des afférences des fibres Ad et C et leur champ récepteur périphérique est de petite taille ; 2) les neurones nociceptifs non spécifiques (également dénommés neurones à convergence multiple, ou neurones à large gamme réceptive wide dynamic range neurons, WDR - ou neurones polymodaux) sont principalement situés dans les couches profondes (couche V) mais aussi en plus faible quantité dans les couches superficielles (couches I et II) ; ils répondent à des stimulations périphériques aussi bien de faible que de haute intensité, et leur fréquence de réponse augmente proportionnellement avec l intensité du stimulus, constituant un codage de cette intensité, dans une relation croissante (linéaire ou exponentielle) entre intensité et fréquence de décharge ; un même neurone reçoit des afférences de territoires aussi bien cutanés que viscéraux, musculaires ou articulaires, ce qui permet par l intermédiaire de cette convergence d expliquer le phénomène de douleur rapportée (une lésion viscérale, cardiaque par exemple, est ressentie douloureusement dans un territoire cutané, le bras gauche) ; ils reçoivent des afférences de fibres sensorielles non nociceptives (fibres Aa,b), et nociceptives (fibres Ad, C). Leur champ récepteur périphérique est de taille variable, pouvant aller, par exemple sur un membre, de quelques phalanges au membre tout entier ; ils ont une organisation particulière, avec un centre dont la stimulation génère une activité maximale du neurone, qui va décroissant au fur et à mesure que l on se rapproche de la périphérie du champ, à intensité de stimulation constante ; 3) les neurones non nociceptifs spécifiques qui ne répondent à des stimulations périphériques que de faible intensité et n interviennent pas dans l intégration de l information nociceptive. Les structures supraspinales mises en jeu dans la douleur Les axones des neurones nociceptifs de la corne postérieure constituent les faisceaux médullaires ascendants qui projettent leur information à différents niveaux supraspinaux ; dans la mesure où la plus grande partie de ces axones décussent au niveau du segment médullaire, le trajet de ces faisceaux est controlatéral et leur cheminement est principalement localisé dans le quadrant ventrolatéral de la substance blanche de la moelle épinière. Du fait de cette organisation anatomique, les sites de projection supraspinaux sont eux aussi controlatéraux. Cependant, un nombre minoritaire de ces axones a un cheminement ascendant projetant sur des structures supraspinales ipsilatérales, dont le rôle reste à établir et dont il ne sera pas ici fait mention. Très schématiquement, on peut distinguer quatre sites supraspinaux de projection des neurones nociceptifs spécifiques ou non : 1) le principal est constitué par les noyaux du thalamus ventro-postéro-latéral, noyaux spécifiques de la sensibilité tactile et de la nociception ; ces neurones thalamiques reçoivent rapidement les informations nociceptives véhiculées par les axones des neurones spinothalamiques dont les corps cellulaires sont localisés dans les couches I, II et principalement V de la corne postérieure. La distribution de ces informations se fait de manière parfaitement structurée du fait de l organisation somatotopique de ces neurones thalamiques qui, du fait de leurs propriétés électrophysiologiques, semblent très vraisemblablement engagés dans la composante sensori-discriminative de la douleur ; 2) des sites de projection bulbaires (noyau gigantocellulaire) et mésencéphaliques (substance grise périaqueducale et noyau cunéiforme) constituent des structures relais pour l information nociceptive, véhiculée par le faisceau spino-réticulo-thalamique jusqu au thalamus médian non spécifique. On a également caractérisé des faisceaux ascendants projetant directement au niveau du thalamus médian. Ces sites relais interviennent dans la mise en jeu d une réaction d alerte et des centres cardio-respiratoires, ainsi que dans l élaboration des réactions motrices ou émotionnelles et dans les mécanismes d éveil associés aux réactions comportementales consécutives à une stimulation douloureuse ; 3) l hypothalamus reçoit des terminaisons axonales soit directes du faisceau spino-hypothalamique, soit indirectes du faisceau spino-parabrachio- 10 Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n 1, mars 2006

Les bases neurales de la douleur hypothalamique ; il intervient dans le contrôle des réactions végétatives de la douleur, mais aussi dans la libération d hormones intervenant dans le contrôle du stress ; 4) le complexe amygdalien, structure du système limbique, reçoit, après un relais dans le noyau parabrachial latéral, des informations issues des neurones nociceptifs spécifiques localisés dans la couche I de la corne postérieure, véhiculées par le faisceau spinoponto-amygdalien. Cet ensemble pourrait intervenir dans le contrôle des réactions affectives et émotionnelles de la douleur. Enfin, pour terminer cette description rapide des neurones, voies et structures impliquées dans l intégration de l information nociceptive, à l origine de l élaboration de la sensation douloureuse, il reste à envisager la dernière partie de ce cheminement. D une part, les neurones du thalamus ventro-postéro-latéral qui projettent leurs axones vers les aires somesthésiques SI et SII du cortex pariétal : les caractéristiques du message nociceptif y sont décodées permettant la genèse de la perception de la sensation douloureuse (qualité, localisation, intensité, durée). D autre part, les neurones du thalamus médian qui projettent leurs axones vers les aires corticales frontales, le cortex insulaire et le cortex cingulaire antérieur, impliquées dans les réactions émotionnelles plus élaborées à la douleur. Les mécanismes de contrôle de la douleur La vision extrêmement schématique qui vient d être présentée des relations entre les structures impliquées dans la physiologie de la douleur ne rend compte que très partiellement des relations complexes entre nociception et douleur, c est-à-dire entre physiologie et psychologie. La douleur est une sensation dont la perception peut être modulée en fonction de l environnement au sens le plus large du terme (affectif, socio-culturel, ethnologique, religieux...), mais aussi en fonction de la situation psychologique de l individu. Cette modulation résulte de la mise en jeu de contrôles inhibiteurs exercés par des structures aussi bien spinales que supraspinales. Les données rassemblées dans le paragraphe qui suit constituent l essentiel des notions nécessaires à la compréhension du contrôle central de la douleur [3]. De manière schématique, on distingue quatre catégories de tels systèmes de contrôle. Les contrôles segmentaires spinaux Ils ont été les plus étudiés et ont permis de mettre en évidence l importance du rôle de la corne postérieure de la moelle épinière dans la modulation de la transmission des messages nociceptifs. Les données établies caractérisent le fait que la corne postérieure de la moelle n est pas qu un simple relais de transmission de l information douloureuse entre les fibres sensorielles périphériques et les structures supraspinales. La mise en jeu de ces contrôles a été modélisée par Melzack et Wall [4] dans leur «théorie du portillon» (figure 1) : ce modèle repose sur l équilibre d une balance entre deux types d activités exercées sur les neurones nociceptifs non spécifiques spinaux, à l origine des faisceaux ascendants spino-thalamiques et spino-réticulaires (neurones notés T, Trigger cells dans le modèle). Les unes sont activatrices d origine segmentaire périphérique (véhiculées par les fibres nociceptives Ad et C), et les autres sont inhibitrices d origine à la fois segmentaire périphérique (véhiculées par les fibres non nociceptives Aa,b) et supraspinales (cf. ci-dessous). Ainsi la douleur n est ressentie que lorsque le neurone T est activé, lorsque la balance penche en faveur des activités excitatrices, soit par un excès de l activité des fibres nociceptives, soit par un déficit des contrôles inhibiteurs. En première approximation dans le modèle de la théorie du portillon [4], l activation des fibres de la sensibilité tactile légère Aa,b inhibe les réponses de ces neurones T à des stimulations nociceptives par des mécanismes d inhibition exercés par l intermédiaire de l activation d interneurones inhibiteurs segmentaires localisés dans la couche II (substance gélatineuse). Ces interneurones activés par les Fibres de gros diamètre Entrées Fibres de petit diamètre + SG - Contrôle central Système de contrôle du portillon - - + + T Système d'action T : première cellule de transmission du système nerveux central SG : interneurone de la substance gélatineuse Figure 1. Schéma de la théorie du portillon (gate control theory) tel que proposé par Melzack et Wall [4] en 1965. Figure 1. Gate-control theory [4]. Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n 1, mars 2006 11

B. Calvino fibres non nociceptives seraient inhibés par les fibres nociceptives. Ils exerceraient leur activité inhibitrice par l intermédiaire de jonctions pré-synaptiques sur les terminaisons des fibres afférentes primaires nociceptives et non nociceptives, en amont des synapses qu elles exercent avec les neurones T. Ainsi, pour conclure en reprenant l idée du modèle, l activation des fibres de la sensibilité tactile légère Aa,b, en augmentant l activité des interneurones inhibiteurs, fermerait le portillon et bloquerait la transmission de l information nociceptive vers les structures supraspinales (idée associée à une analgésie) ; alors que l activation des fibres nociceptives Ad et C, en inhibant l activité des interneurones inhibiteurs, ouvrirait le portillon et favoriserait la transmission de l information nociceptive vers les structures supraspinales (idée associée à la sensation de douleur). Ce mécanisme de régulation spinal est lui-même soumis à des contrôles descendants d origine supraspinale. Mais ce modèle était bien loin de rendre compte de toutes les données expérimentales, et des faits sont venus contredire partiellement certains de ses aspects, alors que d autres éléments du modèle n ont jamais pu être démontrés. D ailleurs, Wall lui-même [5], prenant en compte ces éléments, a modifié le modèle initial en mettant en jeu non plus une mais deux familles d interneurones, l une inhibitrice des neurones T activée par les fibres Aa,b et l autre activatrice des neurones T activée par les fibres Ad et C, ces deux familles étant sous le contrôle de systèmes descendants d origine supraspinale. Le modèle de la théorie du portillon a été à l origine de l utilisation thérapeutique d une technique de neurostimulation électrique périphérique (Transcutaneous electrical nerve stimulation ou TENS) : la stimulation antalgique de faible intensité et de haute fréquence est délivrée par l intermédiaire d électrodes de contact cutanées disposées au niveau segmentaire sur le territoire douloureux. Les effets analgésiques de la TENS, efficaces principalement dans les cas de douleurs neuropathiques consécutives à des lésions des nerfs sensoriels, sont manifestes après plusieurs minutes de stimulation et se prolongent au-delà de l arrêt de la stimulation, ce qui n est pas en accord total avec le modèle! Les contrôles inhibiteurs descendants issus du tronc cérébral Ils s exercent principalement à partir de deux structures à l origine de voies descendantes dans la moelle épinière, l une mésencéphalique, la substance grise périaqueducale, SGPA, et l autre bulbaire, la région bulbaire rostro-ventrale (RBRV), associant le noyau du raphé magnus (NRM) et les noyaux paragigantocellulaire et gigantocellulaire. La stimulation des neurones de ces structures est à l origine d effets analgésiques résultant de la mise en jeu de voies descendantes sérotoninergiques exerçant un contrôle inhibiteur sur les neurones nociceptifs non spécifiques médullaires, bloquant la transmission des messages nociceptifs. Les axones des neurones sérotoninergiques de la RBRV (en particulier ceux du NRM) se projettent, aux différents segments spinaux, directement dans la corne postérieure de la moelle. À partir de ces données, et du fait que la formation réticulée bulbaire et la SGPA (structures qui sont impliquées comme relais dans les voies de la nociception, cf ci-dessus) envoient des projections sur les neurones de la RBRV, la SGPA et le NRM ont été impliqués dans une boucle de rétroaction négative spino-bulbo-spinale sous-tendant un système analgésique endogène mis en jeu par des stimulations nociceptives [6] (figure 2). Par ailleurs, de nombreuses données expérimentales ont permis de proposer également la mise en jeu de systèmes inhibiteurs descendants noradrénergiques issus du locus coeruleus et du locus subcoeruleus [7]. La caractérisation, dans les couches II et V de la corne postérieure de la moelle, de récepteurs a2-noradrénergiques activés physiologiquement par la noradrénaline lorsqu elle est libérée par l activation des voies inhibitrices descendantes noradrénergiques, a permis de proposer un modèle explicatif pour les propriétés analgésiques des agonistes a2-noradrénergiques [8]. Les contrôles facilitateurs descendants Des contrôles facilitateurs descendants également issus du tronc cérébral ont été décrits, exacerbant les conséquences d une stimulation nociceptive au niveau spinal. Cette notion résulte de la mise en évidence du fait qu une stimulation de la RBRV à des intensités de stimulation élevées déclenche des effets analgésiques (cf. ci-dessus), mais que des stimulations de la même région à des intensités 4 à 10 fois plus faibles ont au contraire des effets facilitateurs pro-algiques, avec une possibilité de discrimination entre des sites strictement inhibiteurs antalgiques et d autres strictement facilitateurs pro-algiques [9, 10]. La plus grande partie des informations décrites au niveau de la RBVR à l échelon cellulaire a été apportée par le travail de l équipe de Fields réalisé chez le rat [11] qui y a caractérisé trois familles de cellules en se basant sur leurs réponses à des stimulations thermiques nociceptives de la queue : des cellules ON, dont l activité augmente juste avant que n intervienne le 12 Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n 1, mars 2006

Les bases neurales de la douleur réflexe nociceptif de retrait de la queue déclenché par la stimulation thermique nociceptive ; des cellules OFF, dont l activité tonique est interrompue juste avant que n intervienne le réflexe nociceptif de retrait de la queue déclenché dans les mêmes conditions ; et enfin des cellules neutres caractérisées par leur absence de réponse aux stimulus nociceptifs. Dans ce contexte, l activation des cellules OFF peut donc être corrélée avec le renforcement de l inhibition descendante de la réponse nociceptive spinale, alors que celle des cellules ON peut l être avec le renforcement de l activation descendante de cette réponse : les cellules ON facilitent et les cellules OFF inhibent la transmission de l information nociceptive au niveau spinal de la corne postérieure et des réponses qu elles engendrent. En conclusion, l équilibre entre les deux systèmes descendants concurrents que nous venons de décrire, l un inhibiteur descendant et l autre excitateur descendant, déterminerait in fine le degré global d excitabilité du réseau de neurones dans la corne postérieure de la moelle, degré qui à son tour modulerait la transmission de l information douloureuse vers les structures nerveuses centrales supraspinales (modulation de l activité du neurone T du modèle de la théorie du portillon, cf. première partie ci-dessus, mais dans ce cadre par l intermédiaire de contrôles d origine supra-spinale, contrôles qui figuraient d ailleurs dans le schéma initial du modèle). Voie ascendante + Substance grise péri aqueducale (SGPA) Région bulbaire rostro-ventrale (RBRV) (sérotonine) Corne dorsale - + Locus coeruleus Locus sub-coeruleus (noradrénaline) Afférences sensorielles primaires Figure 2. Boucle de rétroaction négative spinobulbospinale soustendant un système analgésique endogène mis en jeu par des stimulations nociceptives, tel que proposé par Basbaum et Fields [6]. Figure 2. Spinobilbospinal feedback underlying an endogenous analgesic system activated by nociceptive stimuli, according to [6]. Les contrôles inhibiteurs diffus induits par une stimulation nociceptive (CIDN) Ils sont également sous-tendus par une boucle de rétroaction spino-bulbo-spinale faisant intervenir en partie des mécanismes sérotoninergiques. Ils concernent exclusivement les neurones nociceptifs non spécifiques dans l ensemble de leur population, quel que soit le segment spinal considéré [12]. La caractéristique essentielle des CIDN réside dans le fait qu ils peuvent être déclenchés depuis n importe quel territoire corporel distinct du champ excitateur du neurone (stimulation hétérotopique) y compris à partir d un territoire viscéral [13], à la condition que le stimulus soit nociceptif. Plus l intensité de stimulation est forte, plus les inhibitions déclenchées pendant la stimulation sont puissantes et plus les post-effets qui les prolongent sont de longue durée, pouvant atteindre plusieurs minutes. L intensité seuil de la stimulation nociceptive hétérotopique pour le déclenchement des CIDN est du même ordre de grandeur que le seuil d activation des nocicepteurs périphériques polymodaux dont les messages sont véhiculés par les fibres nociceptives Ad et C. Les neurones nociceptifs non spécifiques répondant aussi aux stimulations non nociceptives sont activés en permanence de façon aléatoire par l ensemble des stimulus somatiques non nociceptifs apportés par l environnement. Cette activité transmise en permanence aux centres nerveux supérieurs pourrait constituer «une activité somesthésique de base» dont il serait difficile d extraire un signal signifiant. Les CIDN pourraient alors jouer le rôle d un filtre qui faciliterait l extraction d un message nociceptif du bruit de fond en inhibant cette activité somesthésique de base de l ensemble des neurones nociceptifs non spécifiques. Dans cette hypothèse, les processus liés à la douleur résulteraient plutôt d un effet de contraste entre cette activité et le silence relatif de l ensemble de tous les autres neurones nociceptifs non spécifiques excités par le stimulus initial (figure 3). Que se passe-t-il lorsque deux stimulations nociceptives sont appliquées sur deux territoires corporels distincts? L ensemble des neurones nociceptifs non spécifiques activés de façon segmentaire par la plus faible des deux stimulations va être inhibé, comme tous les autres neurones nociceptifs non spécifiques, par la stimulation hétérotopique la plus forte. Transposée en termes de sensation douloureuse, cette notion pourrait servir de support neurophysiologique aux effets réciproques entre deux stimulations nociceptives d intensités différentes : une douleur peut masquer une autre douleur, effet de balance entre les deux sensa- Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n 1, mars 2006 13

B. Calvino tions douloureuses qui est le principe même de la contre-irritation [14]. Une vieille pratique clinique, connue depuis des siècles, utilisait encore il n y a pas si longtemps les cataplasmes sinapisés composés de farine de lin et de moutarde, que l on trouvait recommandés dans le Vidal dans le traitement des rhumatismes mais aussi des syndromes douloureux tels que les névralgies ou les points de côté fréquents dans les affections pulmonaires. On peut vraisemblablement fournir la même interprétation pour certaines formes d analgésies obtenues par hyperstimulation ou par électro-acupuncture, puisque les thérapeutes qui utilisent ces techniques précisent que les effets de ces stimulations sont d autant plus efficaces qu elles sont d intensité élevée, à la limite du seuil de tolérance de la douleur du sujet. La figure 4 présente de manière très schématique les données principales qui permettent de résumer les principaux éléments concernant les voies et les systèmes de contrôle de la douleur. Informations afférentes au cerveau Les mécanismes de sensibilisation centrale associés à la douleur chronique et la neuroplasticité Lorsqu elle se prolonge dans le temps, l inflammation devient chronique et est à l origine de mécanismes de sensibilisation, tant périphérique que centrale, qui vont modifier profondément l activité de ces systèmes. La mise au point de modèles expérimentaux d inflammation chronique chez l animal a permis d aborder l étude neurobiologique de différents types de syndromes inflammatoires douloureux chroniques. Parmi ceux-ci, un modèle de type inflammatoire chronique, l arthrite chronique disséminée chez le rat par injection d adjuvant de Freund complet (AIA), a été très étudié [15, 16]. Les travaux réalisés à l aide de ce modèle de l AIA, mais aussi d autres modèles de type inflammatoire, ont contribué à acquérir chez le rat une meilleure compréhension des mécanismes par lesquels le NGF, Activité globale des neurones nociceptifs non spécifiques A B C D E Figure 3. Interprétation hypothétique de l activité globale des neurones spinaux et trigéminaux liés à la nociception [12]. A : l ensemble de cette activité pourrait ne pas être négligeable chez les sujets en action, donnant lieu à une «activité somesthésique de base» transmise vers les centres nerveux supérieurs. B : un stimulus nociceptif active les neurones nociceptifs spécifiques et non spécifiques. C : ceux-ci vont envoyer un message excitateur au cerveau. D : ce message déclenche secondairement les CIDN. E : il en résulte une réduction importante de l activité des neurones convergents non directement concernés par le stimulus initial. Figure 3. Hypothesis on the global activity of spinal and trigeminal nociceptive neurons [12]. A. Global activity of these neurons might be present during action (basal somesthesic activity transmitted to the brain). B. Nociceptive stimulus activates specific and non specific nociceptive neurons. C. These neurons send an excitatory message to the brain. D. This message then triggers DNIC. E. As a result, there is a decrease in the activity of the polymodal neurons non directly concerned by the initial stimulus. 14 Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n 1, mars 2006

Les bases neurales de la douleur en interaction avec son récepteur respectif TrkA (cf. ci-dessous), intervient comme support dans le développement de la neuroplasticité associée à la sensibilisation centrale développée au cours d une douleur chronique [17]. Cette sensibilisation centrale s exprimerait en grande partie au niveau du premier relais d intégration de l information nociceptive, là où les synapses formées par les terminaisons centrales des fibres nociceptives A-d et C des nerfs sensoriels avec les neurones nociceptifs post-synaptiques de la CDME sont considérablement activées. De très nombreux facteurs interviennent dans la mise en place progressive de cette sensibilisation centrale. En particulier, le rôle joué par le système de transmission glutamatergique a été particulièrement étudié, neurotransmetteur synthétisé et libéré à la fois par les fibres de gros diamètre (Aa,b) et de petits diamètre (Ad et C) dans les synapses qu elles forment avec les neurones nociceptifs postsynaptiques de la CDME. De nombreuses données expérimentales ont privilégié la participation de l un des récepteurs du glutamate, le récepteur NMDA dans ce processus ; le récepteur NMDA est un récepteurcanal perméable pour les cations, principalement le calcium, et ce récepteur est bloqué par l ion magnésium lorsque le potentiel membranaire du neurone est proche de son potentiel de repos. Mais lorsqu il est dépolarisé (par exemple lorsque le récepteur NK1 - co-exprimé avec le récepteur NMDA par les neurones nociceptifs - est activé par son agoniste la substance P, libérée par les fibres C à la suite de stimulations nociceptives) l ion magnésium est chassé et le récepteur NMDA est alors activé par le glutamate co-libéré avec la substance P. L utilisation de la kétamine en clinique pour le traitement des douleurs chroniques rebelles est une des applications pratiques de ce résultat la plus spectaculaire, puisque cette molécule a été utilisée parce qu elle s est avérée être un antagoniste du récepteur NMDA. On pourra lire avec intérêt la revue de Melzack [18] sur cette problématique de la neuroplasticité associée à la sensibilisation centrale développée au cours d une douleur chronique. Ce processus de neuroplasticité serait également sous le contrôle, du moins en partie, de l activité du NGF associé à ses récepteurs, LNTR et TrkA : au cours de la phase douloureuse chronique du syndrome AIA chez le rat, notre équipe a mis en évidence une augmentation importante de l immunoréactivité des récepteurs LNTR et TrkA dans les terminaisons centrales des fibres nociceptives exprimant les récepteurs LNTR et TrkA dans les couches profondes de la CDME, au voisinage de neurones post-synaptiques qui expriment le récepteur TrkA. Le nombre des neurones des couches profondes de la CDME exprimant TrkA augmente également de manière importante et nous avons montré que cette augmentation concerne spécifiquement les neurones spino-réticulaires (cf. ci-dessous) de la nociception [19, 20]. Le stockage du BDNF dans les terminaisons centrales des fibres sensorielles dans des vésicules à cœur dense, dans la CDME (cf. ci-dessus) est très important car il a permis de formuler l hypothèse selon laquelle le BDNF pourrait jouer un rôle possible de neuromodulateur dans la douleur chronique inflammatoire. Libéré par les terminaisons centrales des fibres sensorielles nociceptives, il pourrait réguler l excitabilité des neurones nociceptifs post-synaptiques de la CDME. Un ensemble de travaux réalisés par l équipe de Steve Mac Mahon, au King s College à Londres [21, 22], a permis de donner corps à cette hypothèse. De nombreux arguments y ont contribué, en particulier le fait que ces neurones post-synaptiques expriment TrkB et qu un pré-traitement par une injection périphérique de NGF augmente l activation par phosphorylation de TrkB dans ces neurones. En effet, depuis plus d une décennie maintenant, les molécules de la famille des neurotrophines, facteurs de croissance nerveux, dont font partie le NGF et le BDNF, ont acquis une grande importance dans l étude de la neuroplasticité du système nerveux central chez l adulte. Ces neurotrophines ont toutes en commun la propriété de se fixer sur un même récepteur à basse affinité (le récepteur p75, Low affinity neurotrophin receptor ou LNTR). Le rôle exact du LNTR reste encore à déterminer dans la mesure où ce récepteur ne dis- Grosses fibres Facteurs psychosociaux Nocicepteur Petites fibres Endorphines NA, 5-HT Glu SP DOULEUR -+ NN Cortex Thalamus Tronc cérébral Moelle Figure 4. Représentation schématique des données principales qui permettent de résumer les principaux éléments concernant les voies et les systèmes de contrôle de la douleur [1]. Figure 4. Principal data about the pathways and control systems of pain [1]. Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n 1, mars 2006 15

B. Calvino pose pas de système de transduction intracellulaire par phosphorylation par des activités enzymatiques de type «kinases» et où la nature de ce système de transduction et des réponses biologiques qu il est susceptible de déclencher après liaison des neurotrophines n est toujours pas identifiée. Mais les neurotrophines se fixent également spécifiquement sur des récepteurs à haute affinité ; ces récepteurs possèdent un domaine intracellulaire au sein duquel on distingue des résidus tyrosine susceptibles d être phosphorylés par une activité enzymatique tyrosine-kinase lorsque la neurotrophine se lie à son récepteur spécifique : le NGF se lie à son récepteur TrkA et le BDNF à TrkB. Ainsi, après liaison d une neurotrophine avec son récepteur à haute affinité (par exemple NGF avec TrkA), une homodimérisation du récepteur (TrkA-TrkA) intervient et le domaine tyrosine-kinase du récepteur est activé par auto-phosphorylation. Cette phosphorylation du récepteur déclenche l activation du système de transduction intra-cellulaire du signal, à l origine de la réponse biologique de la cellule, qui passe par une cascade de phosphorylations intracellulaires (cf. ci-dessous). De nombreux arguments plaident en faveur de l intervention de ces neurotrophines dans le fonctionnement du système nerveux de la nociception : la mise en évidence il y a un demi-siècle par Rita Levi- Montacini du fait que le NGF est un facteur de survie sécrété par les tissus cibles (ex : fibroblastes et kératinocytes de l enveloppe cutanée) des neurones du système nerveux périphérique, a été un argument qui a permis de montrer la dépendance des fibres périphériques sensorielles nociceptives - fibres de petit diamètre A-d et/ou C, respectivement myélinisées ou non myélinisées - et des fibres végétatives orthosympathiques vis-à-vis du NGF pour leur développement au cours de l ontogenèse du système nerveux périphérique. Cette dépendance se fait par l intermédiaire du récepteur à haute affinité du NGF, le récepteur TrkA, que seuls ces deux types de fibres nerveuses périphériques expriment spécifiquement dans l enveloppe cutanée, les articulations, les muscles et les viscères. Les terminaisons périphériques de ces fibres sensorielles constituent la population des thermorécepteurs et des nocicepteurs. Par ailleurs, les corps cellulaires des neurones associés à ces fibres, les neurones sensoriels parvocellulaires du ganglion de la racine dorsale (GRD), synthétisent des neuropeptides comme par exemple la substance P et le calcitonine gene related peptide (CGRP), qui jouent un rôle dans la transmission de l information nociceptive au niveau du relais spinal (CDME). Points clés La douleur est une sensation désagréable et une expérience émotionnelle, qui prend en compte quatre dimensions complexes : sensorielle, émotionnelle, cognitive et comportementale. La douleur aiguë peut être considérée comme un signal d alarme, utile au clinicien pour établir son diagnostic. Elle doit être traitée dès que possible car la douleur est inutile. Les voies nerveuses et les structures centrales mises en jeu dans la douleur et dans son contrôle sont multiples et variées : elles permettent de fournir un cadre théorique à la recherche en physiopharmacologie de la douleur. La douleur chronique est un véritable syndrome, douleur-maladie. Elle ne protège pas l homme, elle le diminue, R. Leriche. Une douleur chronique ne peut être appréhendée simplement comme une douleur aiguë qui persiste : des processus de neuroplasticité centrale modifient les connections synaptiques des réseaux de neurones concernés. Les modèles animaux murins pour lesquels les gènes du NGF ou de ses récepteurs (TrkA mais aussi LNTR) ont été mutés ou inactivés par transgénèse ont permis de confirmer l importance du rôle du NGF et de ses récepteurs dans la maturation et l activité des neurones sensoriels nociceptifs : ces animaux présentent une perte très importante des neurones parvocellulaires du GRD, associée à une absence de réponse comportementale aux stimulus nociceptifs [23]. Une étude publiée en 1996 [24], réalisée chez l homme, a mis en évidence, pour la première fois, une base génétique à une insensibilité congénitale à la douleur (ICD) : l approche génétique réalisée chez des patients atteints de cette pathologie a permis de caractériser une mutation identifiée sur le gène codant la protéine-récepteur TrkA. La mise en évidence de la mutation de ce gène a permis d envisager le fait qu un dérèglement du système de signalisation NGF/TrkA, en rendant impossible la liaison du NGF avec son récepteur, puisse être à l origine de cette ICD : du fait de l impossibilité de la mise en place des fibres dépendantes du NGF au cours du développement, c est-à-dire les fibres nociceptives et les fibres du système nerveux végétatif orthosympathique. Les autopsies réalisées chez des patients atteints d une ICD ont permis de mettre en évidence une absence totale, d une part, des neurones parvocellulaires du GRD et, d autre part, des 16 Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n 1, mars 2006

Les bases neurales de la douleur petites fibres dans les racines dorsales et dans le tract de Lissauer, ainsi qu une réduction de la taille du tractus spinal du nerf trigéminal. L examen au microscope de biopsies des nerfs périphériques dans les différents types d ICD a révélé pour chaque type l absence de petites fibres Ad et/ou C, accompagnée ou non d une dégénérescence des neurones parvocellulaires du GRD. L une d entre elle (ICD de type IV, maladie autosomale récessive) est caractérisée par une absence de réaction aux stimulus nociceptifs, un comportement d automutilation et un retard mental, ainsi que par une anhydrose (absence totale de sudation) du fait d une perte de l innervation sympathique des glandes exocrines sudoripares, associée à des épisodes récurrents inexpliqués de fièvre [25]. L ensemble de ces résultats suggère un rôle important pour le NGF, le BDNF et leurs récepteurs dans les mécanismes adaptatifs décrits au niveau des voies nerveuses à l aide de l étude des modèles expérimentaux de douleur chronique chez l animal. Ainsi, même si d autres facteurs tout aussi importants (cf. ci-dessus, le rôle du récepteur NMDA du glutamate) interviennent dans la neuroplasticité du système nerveux central associé à la douleur chronique, ces mécanismes seraient à l origine, du moins en partie, de la neuroplasticité sous-tendant la douleur chronique. Dans cette hypothèse, on peut concevoir que l interruption des voies de signalisation cellulaire du NGF et du BDNF constituerait un moyen approprié pour s opposer à l installation de la douleur chronique en s opposant aux mécanismes associés à la neuroplasticité. Une telle approche a été utilisée expérimentalement avec succès chez le rat pour le NGF, en utilisant une molécule chimérique de fusion dans laquelle la séquence extracellulaire d acides aminés du récepteur TrkA est couplée à une chaîne d immunoglobuline (molécule TrkA-IgG) : en séquestrant le NGF grâce à sa séquence TrkA, cette molécule s est avérée capable de neutraliser l action pro-nociceptive du NGF à la périphérie [26]. Cette observation ouvre la voie à une nouvelle approche thérapeutique ciblant les récepteurs de ces deux neurotrophines comme site d action d une pharmacologie antalgique potentielle. Les mécanismes psychologiques et neurophysiologiques sous-tendant la dimension affective de la douleur La douleur résulte de l expérience subjective d une sensation émotive déplaisante, considérée comme résultant de processus adaptatifs tant nerveux que chimiques au sein de réseaux de neurones situés à différents niveaux du système nerveux central, dont les composantes peuvent augmenter ou diminuer en fonction des caractéristiques du stimulus, de l état du sujet et du contexte dans lequel ce stimulus est appliqué. Par ailleurs, il est important de souligner la difficulté à laquelle on est confronté lorsque l on tente de caractériser précisément la douleur. Cependant, quatre composantes de la douleur sont habituellement distinguées, hiérarchisées et interactives, que l on ne peut considérer séparément tant elles se modulent réciproquement : 1) la composante sensori-discriminative : elle correspond aux mécanismes neurophysiologiques qui, schématiquement, sous-tendent les douleurs par excès de nociception ; il s agit du décodage des messages nociceptifs (intensité, durée, localisation et qualité du stimulus nociceptif) ; 2) la composante affective et émotionnelle : elle confère à la sensation douloureuse sa tonalité désagréable, pénible et insupportable et peut se prolonger vers des états émotionnels plus différenciés comme l anxiété ou la dépression, en particulier dans le cas des douleurs chroniques. Cette composante est mise en jeu par le stimulus nociceptif lui-même du fait de l activation du système limbique, mais aussi par les conditions environnementales dans lesquelles survient le stimulus (nature de la maladie à l origine de la douleur, incertitude sur son évolution, environnement social ou familial du malade) ; 3) la composante cognitive : elle correspond à l ensemble des processus modulant la perception de la douleur. Il s agit par exemple de l attention (modulation de la perception de la douleur en détournant l attention du sujet par l exercice d une tâche neutre), de l anticipation (élaboration par apprentissage d une stratégie comportementale qui autorisera une atténuation voire un évitement de la douleur), de l interprétation et de la valeur attribuées à la douleur en référence à une culture, une religion, un milieu social, de la référence à une expérience douloureuse antérieure, etc. 4) la composante comportementale : elle correspond à l ensemble des manifestations verbales et non verbales du patient douloureux, comme la plainte, le gémissement, la posture, les mimiques, qui constituent pour une large part une fonction de communication avec l entourage et un élément du diagnostic en clinique. Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n 1, mars 2006 17