Asepsie en prothèse au cabinet dentaire Maxime Helfer, chirurgien-dentiste Sandrine Del Fabbro, assistante dentaire La plupart des actes d odontologie sont bien codifiés et ne posent pas ou peu de problèmes d asepsie. En particulier les actes chirurgicaux, par l utilisation de matériel stérile, ou à usage unique (fils, kits stériles, gants chirurgicaux, etc.), présentent peu de risques de contamination. L es actes prothétiques arborent de vraies spécificités : ils nécessitent l emploi de très nombreux matériels, en conditionnement volumineux (réutilisables), des matériaux fragiles et qui ne supportent pas les traitements thermiques de stérilisation (cires, résine, plâtre). Les allers/retours avec le laboratoire sont aussi un vecteur de transmission de germes et d infections potentielles. Il convient donc de réfléchir aux moyens de réduire ces risques au minimum et organiser le travail du cabinet et de l équipe pour sécuriser les procédures prothétiques. 12 novembre - décembre 2015 I Profession Assistante Dentaire
1. Plateau prêt avec les instruments nécessaires à la réalisation de l acte (pose d un pilier implantaire et scellement d une couronne sur implant). 2. Des kits d instruments rotatifs spécifiques, standardisés et stériles simplifient les préparatifs. Préparation du plateau technique La préparation de la séance de prothèse débute comme tout acte d odontologie par le nettoyage du fauteuil, du plan de travail, la mise en place d accessoires à usage unique le plus possible : embouts de seringue air/eau jetables, plateau jetable, protège têtière, etc. Les membres de l équipe soignante doivent adopter les tenues et protections correctes pour l ensemble des thérapeutiques dentaires : blouse/tunique, pantalon, chaussures spécifiques, gants à usage unique, masque et lunettes de protection. Il est recommandé de faire réaliser au patient un bain de bouche à base de chlorhexidine au minimum pendant 1 minute 30 afin de limiter la concentration de germes buccaux avant les actes prothétiques. Compte tenu de la variété et l importance des matériels indispensables aux actes techniques de prothèse, il est nécessaire de disposer de protocoles précis, reproductibles et si possible écrits pour chaque acte thérapeutique. Ainsi l assistante peut préparer un ou plusieurs plateaux par acte (fig. 1). Il est utile pour préparer ces protocoles d imaginer chronologiquement toutes les étapes de l acte. Le but est de n avoir plus à ouvrir de tiroir, manipuler de poignée de meuble en cours de soin. Exemple pratique de la préparation d une dent pour une couronne Anesthésie Préparation de la dent à l aide d instruments diamantés adaptés et de polissoirs. Mise en place de matériel d éviction gingivale (pâte/fils). Prise d empreinte aux silicones ou aux polyéthers (malaxage manuel, pistolet, mélangeur automatique). Enregistrement d une empreinte de l antagoniste à l alginate. Enregistrement des rapports intermaxillaires avec un matériau silicone ou de la cire. Réalisation d une coiffe transitoire à l aide d un moule préfabriqué, par isomoulage (clé en silicone préalable) ou par méthode indirecte (provisoire confectionnée au laboratoire). Emploi de résine chémo- ou photopolymérisable pour rebasage. Contrôle de l occlusion, retouches avec des fraises adaptées à la résine et d une pièce à main. Scellement transitoire à l aide d un ciment adapté Élimination des excès de ciment (détartreur ultrasonique, fil dentaire). Des plateaux ou boîtes standardisés facilitent grandement la préparation du plan de travail et sont un gain de temps. Par exemple, l utilisation de kits d instruments rotatifs spécifiques aux préparations de prothèse fixée est ergonomique et limite les erreurs et les instruments usés/inadaptés (fig. 2). Profession Assistante Dentaire I novembre - décembre 2015 13
3. Un porte empreinte à usage unique évite son nettoyage et sa stérilisation. Par contre l application de l adhésif avec un pinceau est un facteur de risque de contamination croisée. 4. La plupart des adhésifs pour les élastomères sont conditionnés en liquide et non en spray! 5. L utilisation d un mélangeur automatique permet de garder les gants et assure un mélange optimal. 6. Les embouts auto mélangeurs usagés doivent être jetés et remplacés par le bouchon intitial. L emploi de doses à usage unique de type capsules prédosées ou embouts jetables auto mélangeurs limite les manipulations de gros flaconnage et réduit les risques d infection croisée. Spécificité des empreintes Les empreintes dentaires sont en elles-mêmes un condensé des difficultés d asepsie rencontrées en prothèse. Enregistrement des empreintes Dès le choix de la taille du porte empreinte (PE), il convient de favoriser des PE à usage unique en plastique plutôt que des PE métalliques stérilisables. Les PE essayés en bouche qui ne conviennent pas, doivent être décontaminés (fig. 3). L application de l adhésif doit éviter de contaminer un flacon par un éventuel pinceau. En ce sens, un adhésif en spray est plus judicieux sur le plan de l asepsie (fig. 4). Le mélange des matériaux silicones nécessite de retirer les gants et de se laver les mains pour supprimer la poudre des gants poudrés et les résidus de latex qui peuvent inhiber la polymérisation de ce type de matériaux. Mais l assistante devrait pourvoir remettre ses gants avant de revenir «en bouche» aider le praticien. L utilisation d un mélangeur automatique pour les élastomères (silicones ou polyéthers) de type Pentamix résout ce souci en permettant de conserver les gants (fig. 5). Il permet en outre de charger simplement une seringue pour matériau à visco- 14 novembre - décembre 2015 I Profession Assistante Dentaire
Asepsie en prothèse au cabinet dentaire 7. Le rinçage de toutes les empreintes doit durer au moins 15 secondes. 8. Les élastomères peuvent être immergés dans une solution de glutaraldéhyde. 9. Le bac de décontamination doit être fermé et les dates de renouvellement du produit notées explicitement. 10. Les empreintes à l alginate doivent être décontaminées par un spray. 11. L empreinte alginate est emballée dans un essuie tout imbibé de la solution puis enfermée dans un sachet hermétique. sité light (par exemple une seringue à usage unique toute simple). Les embouts usagés doivent être systématiquement éliminés et les bouchons initiaux replacés sur les cartouches (contrairement aux habitudes fréquentes dans les cabinets) (fig. 6). Décontamination des empreintes Les empreintes ainsi enregistrées doivent être décontaminées, à défaut de stérilisation possible. Un geste simple mais extrêmement efficace consiste à rincer l empreinte sous l eau froide pendant au moins 15 secondes. C est la première étape de la décontamination qui élimine plus de 90 % des germes en surface de l empreinte (fig. 7). Toutes les traces de salive et de dépôts organiques doivent avoir disparu. Le protocole de décontamination varie ensuite en fonction des matériaux utilisés Produits hydrophobes (silicones, polysulfures) Immersion dans un bac fermé avec couvercle pendant 30 minutes dans une solution d hypochlorite de sodium à 0,5 % ou de glutaraldéhyde à 2 % (fig. 8 et 9). Rinçage de l empreinte sous l eau courante froide. Conditionnement de l empreinte. Produits hydrophiles (alginate, polyéthers, pâte eugénol/oxyde de zinc) Spray d hypochlorite de sodium à 0,5 % ou immersion rapide dans cette même solution (fig. 10). Enveloppement de l empreinte par de l essuie tout imbibé de la solution ci-dessus. Mise sous sachet plastique hermétique pendant 30 minutes (fig. 11). Rinçage de l empreinte sous l eau courante froide. Conditionnement de l empreinte. Profession Assistante Dentaire I novembre - décembre 2015 15
Ce protocole de désinfection doit être facilement consultable dans le local où a lieu cette étape, idéalement affiché au mur ( fig. 12). Enfin, la fiche de liaison avec le laboratoire doit mentionner sans ambiguïté la décontamination effective des empreintes pour ne pas faire subir inutilement deux fois l opération. Les dispositifs prothétiques 12. Les protocoles sont affichés au mur dans le local technique/prothèse. 13. Les restaurations fixées doivent être décontaminées au retour du laboratoire... Les travaux du laboratoire qui arrivent au cabinet, doivent dans la mesure du possible être décontaminés. Cela débute par le déballage des travaux à la réception, le nettoyage des boîtes de transport et leur décontamination avec un spray désinfectant comme pour les surfaces de travail. Tous les sachets en plastique doivent être éliminés et non réutilisés pour le retour au laboratoire du travail ou pire pour un autre travail! La plupart des dispositifs sont thermosensibles : résine, cires notamment. Ainsi les dispositifs de prothèse amovible (PEI, cires, montages et prothèses en résine ou à infrastructure) doivent être rincés puis immergés dans des solutions d hypochlorite de sodium à 0,5 % ou de bain de bouche pendant au moins 10 minutes. L alcool doit être évité car c est un solvant des cires. Cette étape est indispensable avant et après insertion dans la cavité buccale. Attention cependant à l emploi de NaCL qui corrode les alliages métalliques (châssis métallique ou armatures de prothèse fixée). Les pièces de prothèse fixée doivent être stérilisées à froid (immersion dans l alcool) (fig. 13 et 14) ou mieux à l autoclave. En effet, les 135 C des cycles de nos stérilisateurs ne présentent pas de risque pour les céramiques ou les alliages métalliques. Il est souhaitable de stériliser les inlay-cores, les couronnes, les bridges et les pièces implantaires. Par contre, il ne faut pas passer les modèles en plâtre à l autoclave Les pièces sont conditionnées en sachets scellés comme nos instruments, puis stérilisées. 14.... par exemple dans de l alcool à 70 mais pas d hypchlorite de sodium. Conclusion Les actes de prothèse sont probablement les plus à risque de contamination croisée et d erreurs d asepsie. La multitude des matériels et des étapes sont autant de pièges à éviter. Il est nécessaire de bien codifier chaque acte à l avance de manière reproductible et de connaître les différents protocoles. L ensemble des instruments et des matériaux doit être préparés avant l arrivée du patient, les dispositifs prothétiques doivent être décontaminés systématiquement et les empreintes désinfectées. Il incombe au cabinet de mettre en œuvre les solutions de décontamination avant de transmettre quoique ce soit dans un laboratoire. 16 novembre - décembre 2015 I Profession Assistante Dentaire