L expertise psychiatrique pénale

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Transcription:

L expertise psychiatrique pénale Dr Anne BRETON Médecin pédopsychiatre Expert près la Cour d'appel de Reims Introduction : L origine de la psychiatrie se confond avec la nécessité pour les sociétés, depuis l antiquité, de déterminer celui qui est fou ou celui qui ne l est pas dans les cas d actes particulièrement odieux et répréhensibles. La psychiatrie légale plonge ses racines au plus profond du temps et de l humanité et interroge au fil des évolutions sociales sur cette part de folie que chacun voudrait expulser de soi, comme si cela était inhumain, alors même que c est probablement la partie la plus humaine de cet animal particulier qu est devenu l homme. Cette peur toujours vivace dans la population et alimentée par la propulsion sur la scène médiatique de certaines affaires criminelles ou de débordements comportementaux va souvent placer la psychiatrie légale sous les feux de l actualité. Chaque société, chaque culture envisagent l analyse des explications psychopathologiques d actes criminels d une manière qui reflète son évolution, ses tendances et son fonctionnement. Malgré une formation initiale en psychiatrie légale, une pratique en psychiatrie adulte et en pédopsychiatrie de longue date, des rencontres et des réflexions communes élaborées avec d autres experts psychiatres, il apparaît qu il existe dans le cadre de l expertise psychiatrique un certain nombre de particularités. Il serait vraisemblablement utile qu une réflexion approfondie ait lieu de façon transversale entre psychiatrie, société et justice sur les moyens de dépister les facteurs de dangerosité de récidive chez certains types de patients, sur les protocoles à envisager pour que les réponses des experts psychiatres en ce domaine puissent être plus homogènes et plus facilement partageable avec le monde judiciaire et ce afin d éviter au maximum l arbitraire des convictions personnelles. Qui est dangereux? Pourquoi? Quelle est la probabilité d un passage à l acte? De quel type? Toutes ces questions restent posées et mériteraient des temps d élaboration en commun. Il existe donc un manque d élaboration commune de nos pratiques expertales, ce qui cependant ne remet pas en cause la qualité des expertises qui peuvent être menées. Définition de l expertise pénale : L expertise peut se définir comme le recours de l institution judiciaire à l avis d un technicien, l expert psychiatre, pour éclairer une situation particulière. L expertise judiciaire psychiatrique est donc la demande d un avis technique qu adresse une juridiction judiciaire à un psychiatre pour connaître son point de vue notamment sur l état des facultés mentales d un sujet et sa responsabilité. Il s agit d une mesure d instruction ordonnée par l autorité judiciaire. Elle n est cependant pas la seule à recourir à l avis d expert psychiatre ; la sécurité sociale, les compagnies d assurance, divers administrations, voire le Conseil de l Ordre des Médecins peuvent souhaiter ou devoir recourir à une procédure d expertise psychiatrique.

Les trois principaux acteurs de l expertise psychiatrique sont le sujet, le médecin qui n intervient pas en tant que thérapeute et l instance requérante comme un magistrat instructeur ou un juge pour enfants. La triade sujet-expert-missionneur fonde le mécanisme de l expertise ; celle-ci est orientée vers la production d un rapport écrit d expertise dont la finalité est de figurer dans le dossier de l intéressé et sous certaines conditions de lui être communiqué. L instance requérante, missionneur de l expertise, pourra ne pas tout connaître de ce qui a pu se dire lors des entretiens entre le sujet et l expert : l expert est tenu au secret médical en ce qui ne concerne pas directement sa mission. Dans certains cas, il peut être difficile de taire certains aspects biographiques par exemple qui ne sont peut être pas directement en relation avec la mission mais qui ont cependant un lien avec. Le médecin peut également, par ce qui se joue dans ce moment privilégié et intense d une rencontre souvent unique, arriver à faire prendre conscience au sujet qu un engagement dans une action thérapeutique par un autre médecin peut avoir lieu. En matière pénale par exemple, l expert peut amener le sujet à prendre conscience de son aptitude ou de son inaptitude à assumer l acte commis et donc à réfléchir sur sa responsabilité face à l acte. La vision technique de l expert n est qu un avis fondé sur la constatation d un état de faits scientifiquement établi et qui, s il peut être assorti d un pronostic, ne doit jamais être une décision. L autorité requérante n est nullement tenue de suivre l avis émis par un expert. Le juge ne peut déléguer ses pouvoirs à l expert et ce dernier ne peut être chargé de porter des appréciations d ordre juridique dans le cadre de sa mission. L expert est donc un auxiliaire de justice mais ne doit en aucun cas se substituer à la justice. L'expert psychiatre : En langue latine, expertus renvoie à la notion d éprouver ; est expert celui qui a personnellement éprouvé et peut en faire part. L expert est l homme de l art, celui qui sait par sa culture, sa science, son expérience technique, son engagement personnel. Il est sollicité, par diverses autorités, pour éclairer sur la décision à prendre. Ce qui est demandé à l expert est avant tout un avis technique. C est en fonction de ses titres, de ses travaux, des services rendus à la collectivité et de la notoriété qui a pu en résulter que le technicien psychiatre est reconnu expert à la fois par ses paires et par l autorité qui le requiert. Il est indispensable de suivre un certain nombre de formations (diplôme universitaire de criminologie ou de psychiatrie légale) ainsi que d être parrainé par un expert psychiatre qui a déjà de l expérience. Il ne peut exister d expert professionnel, c est-à-dire qui ne vivrait que des recettes de ces expertises. Celles-ci ne peuvent se concevoir que comme le complément d une pratique quotidienne de la médecine. Il est en effet important que le psychiatre expert reste dans son quotidien ancré dans une pratique classique de consultant. L expert se doit de rester technicien, c est-à-dire de ne répondre qu aux questions précises qui lui sont posées sans les colorer de sa sensibilité personnelle. Les conditions requises pour une inscription sur une des listes dressées par les cours d appel sont les suivantes : - condition de moralité : ne pas avoir été l auteur de faits ayant donné lieu à des condamnations pénales pour agissement contraire à l honneur, à la probité et aux bonnes mœurs et n avoir pas été l auteur de faits de même nature ayant donné lieu à des sanctions disciplinaires ou administratives de destitution, radiation, révocation, de retrait d agrément ou d autorisation. - condition de capacité : avoir exercé suffisamment longtemps une profession ou une activité en rapport avec sa spécialité, être reconnu valablement qualifié pour les

missions proposées et n exercer aucune activité incompatible avec l indépendance professionnelle nécessaire à l exercice de la mission judiciaire. - condition d âge : ne pas avoir dépassé l âge de 70 ans - condition de résidence : pour les candidats à l inscription sur la liste d une cours d appel, il faut exercer son activité professionnelle principale dans le ressort de cette cours ou y avoir sa résidence pour celui qui n exerce plus d activité professionnelle principale. Au civil comme au pénal, le principe est l unicité de l expert désigné par la juridiction. Le juge pénal peut désigner plusieurs experts, il s agit alors de co-experts qui assurent à parité la totalité de la mission qui leur est confiée. Un rapport commun est rédigé, signé par les deux experts. S ils ont des avis différents ou des réserves à formuler sur les conclusions communes, chacun d eux indiquent son opinion ou ses réserves en les motivant. L expert peut demander l avis d un autre technicien comme un expert psychologue qui va pouvoir proposer notamment des tests de personnalité permettant d approcher mieux du trait de personnalité d un sujet. En matière pénale, l expert ainsi adjoint doit impérativement être désigné par la juridiction qui a donné mission à l expert premier nommé. Il s agit d un expert adjoint, appellation à ne pas confondre avec celle de co-expert nommé dans le cadre d une dualité de désignation. L expert adjoint établi et signe son propre rapport dans le domaine de sa spécialité, rapport qui est remis à l expert principal et annexé au rapport de celui-ci. L expert a des obligations envers les personnes qu il peut voir. En tant que médecin, l expert psychiatre reste bien entendu soumis aux obligations édictées par le code de déontologie médicale. Il agit sous sa responsabilité propre. Il doit informer clairement le sujet expertisé de l objet du sens de sa mission. Il doit se récuser s il a déjà traité le patient ; en effet, nul ne peut être à la fois psychiatre traitant et psychiatre expert pour un même malade. Enfin, il n a pas à s immiscer dans la thérapeutique du sujet examiné. L entretien psychiatrique impose un cadre particulier d examen, un colloque singulier, le temps nécessaire au bilan souhaité, un pièce calme, des entretiens ultérieurs si nécessaire. La mise en forme de la rédaction du rapport d expertise répond à une présentation plus originale et nuancée que pour d autres disciplines médicales. Il existe un décalage entre l écrit du psychiatre et l exploitation par les parties et leur conseil. Le sens de la demande d expertise : La demande d expertise psychiatrique peut émaner de diverses juridictions, juge d instruction, chambre d accusation, président de la Cour d Assises, juridiction de jugement : (tribunaux de police, tribunaux correctionnels, cour d appel), ou encore juridiction spécialisée (juge pour enfant). Le Procureur de la République ou l Officier de Police Judiciaire agissant en enquête préliminaire ou en flagrant délit peut recourir à un expert psychiatre parfois sur réquisition. L expertise psychiatrique pénale est incontournable en matière criminelle. Les affaires criminelles justifiables de la Cour d Assises entraînent systématiquement une expertise psychiatrique y compris dans le cas où la personne poursuivie n est apparemment pas atteinte de trouble mental. Les conclusions de l expert sont attendus en particulier lorsqu un crime paraît avoir des motivations psychologiques ou psychopathologiques complexes : le médecin se doit d aider à comprendre comment l acte criminel a pu s inscrire dans la trajectoire existentielle du sujet, il doit pour cela répondre le plus clairement possible aux questions

posées à l instruction et dans la suite de sa déposition à l audience où des questions pourront lui être posées par le Président, les Assesseurs, les Jurés et par l intermédiaire du Président par le Ministère Public, l Accusé, la partie civile et leur conseil. L entretien avec le sujet mis en examen : L expert doit se présenter au sujet en lui expliquant le sens et l origine de sa mission, lui préciser qu elle est dénuée de caractère thérapeutique et lui signifier que la totalité du contenu sera communiquée à l instance requérante. L examen psychiatrique du sujet mis en examen a les caractéristiques générales d une démarche médicale spécialisée et repose sur un entretien psychiatrique. Il a pour but d apporter toute explication psychopathologique sur l acte médico-légal ou sur ses conséquences si c est la victime qui est l objet de la demande d expertise. L entretien avec le sujet mis en examen varie considérablement selon les circonstances de l expertise, la personnalité de l expert, l expérience antérieure du sujet notamment si celui-ci a déjà été expertisé. Le vécu de cette expertise est très variable et dépend en grande partie de ce que l inculpé croit pouvoir obtenir du médecin, alliance, complaisance, aide, information sur le déroulement du procès, pronostic, etc L implication du psychiatre confronté à des révélations faites dans l intimité de sa relation expertale posera le problème de l appréciation personnelle des limites déontologiques de la mission. Dans tous les cas, l expert psychiatre doit avoir personnellement accompli les opérations qui leur ont été confiées. La rédaction du rapport d'expertise : L ensemble des actes techniques de l expert débouche nécessairement sur un rapport écrit d expertise. Ainsi, lorsque les opérations d expertise sont terminées, les experts rédigent un rapport qui doit contenir la description des dites opérations ainsi que leur conclusion, s ils sont d avis différent ou s ils ont des réserves à formuler sur des conclusions communes, chacun d eux indiquent son opinion ou ses réserves en les motivant. Le rapport et les scellées ou leur résidu sont déposés entre les mains du greffier de la juridiction qui a ordonné l expertise. Ce dépôt est constaté par procès verbal. Ce rapport est certifié : les experts psychiatres doivent attester qu ils ont bien accompli leur mission personnellement et certifié leur conclusion sincère et véritable. Il doit être rédigé sur papier libre car il est dispensé de la formalité de l enregistrement. Il sera remis le nombre d exemplaires demandés. Le délai fixé par le magistrat à la remise du rapport aux autorités requérantes peut être prorogé sur requête motivée de l expert par le juge. Un missionnement comportera généralement, à titre d exemple, les questions suivantes faisant l objet d un formulaire pré-imprimé : 1) dire si l examen du sujet révèle des troubles psychiques, le cas échéant les décrire et formuler un diagnostic 2) dire si l infraction commise a eu une relation avec ces éventuels troubles, en particulier si la personne était atteinte au moment des faits d un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ou d un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes en l application de l article 122-1 du nouveau Code Pénal 3) le sujet présente-t-il un état dangereux

4) le sujet est-il accessible à une sanction pénale 5) le sujet est-il curable ou réadaptable Un certain nombre d autres questions peuvent être posées à l'expert. Le psychiatre en position d expert est interrogé assez souvent sur la notion de nécessité d injonction de soins dans le cadre d un suivi socio-judiciaire. Il est toujours assez compliqué de répondre à cette question puisque cette injonction de soins peut être demandée afin de soutenir un engagement psychothérapeutique lorsque le sujet en est demandeur, mais il est parfois intéressant même si le sujet n est pas demandeur de demander une injonction de soins afin de tenter de mettre en place un soin contraignant mais qui peut déboucher vers un engagement psychothérapeutique dans un second temps. Ainsi, un rapport d expertise psychiatrique pénale se présente comme un compte-rendu structuré, les circonstances d examen sont d abord rappelées puis les chefs de poursuite puis la biographie du sujet, les antécédents médicaux chirurgicaux ou psychiatriques, l examen psychiatrique puis vient la discussion criminologique (compréhension de la dynamique de l acte médico-légal, évolution depuis l incarcération, place d un traitement éventuel) et enfin les conclusions qui ne sont autres que des réponses motivées aux questions posées par la juridiction. Il est important d éviter un jargon psychiatrique où si nous l employons d essayer de l expliquer du mieux possible. Les différents types d expertise au pénal : Les expertises de mineurs victimes et la notion de crédibilité : il peut s agir de donner un avis sur la personnalité d un mineur victime, en particulier, il est important d évaluer ses tendances masochistes ou mythomanes éventuelles d où parfois le recours possible à une expertise de crédibilité. Le bilan portera également sur la qualité affective relationnelle de l entourage de mineur ainsi parfois se trouve posée la compétence éducative des parents. Il appartient également au psychiatre d évaluer un éventuel préjudice subi par un enfant et le magistrat peut interroger l expert sur le pronostic en particulier sur le caractère traumatique récurrent possible d un choc affectif ou de violence physique subi par le mineur. Dans le cadre de l expertise de crédibilité, il s agit d apprécier le témoignage du mineur. Il est important d un point de vue psychiatrique de s en tenir au fait qu un mineur présente ou ne présente pas de pathologie psychiatrique favorisant les tendances à la mythomanie ou la fabulation. Les expertises de mineurs délinquants : les experts psychiatres sont incités à détailler leur rapport afin d expliquer au mieux les circonstances qui ont amené un adolescent à un passage à l acte délinquenciel. Les juridictions de mineurs, notamment les juges pour enfants, sont à l écoute des aspects psychologiques et psychopathologiques des actes délictuels commis. En effet, il est important de pouvoir s entourer de renseignements afin non seulement d avoir un éclairage sur la personnalité du mineur mais également sur le sens à donner au passage à l acte. Les expertises pénales prospectives et rétrospectives et la notion de dangerosité : La notion d irresponsabilité pénale au sens de l article 122-1 du Code Pénal repose sur l abolition de la responsabilité et du contrôle des actes. Il peut s agir assez souvent d un moment de décompensation psychotique chez un patient déjà connu tel que dans des pathologies psychiatriques graves comme la schizophrénie ou il existe une perte de contact entre réalité et vécu hallucinatoire; il peut s agir d un acte médico-légal qui signe une entrée dans une pathologie psychiatrique de type psychotique non encore avérée et prise en charge ;

il peut également s agir d un moment de décompensation psychiatrique aigü chez un sujet à la personnalité fragile et pris dans une relation déstructurante à un tiers. C est surtout le concept de dangerosité qui est important à évaluer. En effet, la dangerosité peut s inscrire soit dans le cadre de passages à l acte révélateurs d une pathologie psychiatrique mais elle peut aussi s inscrire dans ce que l on peut appeler «la folie ordinaire». Enfin, un certain nombre d actes ne s inscrivent pas dans une dangerosité psychiatrique. Il est donc important que tous les comportements dangereux ne soient pas psychiatrisés. L évaluation de la dangerosité est en effet essentielle dans une perspective de sécurité publique fondée sur la prévention de la récidive. Cependant, il est très compliqué de prévoir un passage à l acte même dans le cas de récidives. Une expertise prospective est souvent celle d une personne qui a été condamnée pour une infraction sexuelle et pour laquelle il est envisagé une pré-libération conditionnelle ou une sortie temporaire de prison dans le cadre de permissions de sortir. L évaluation de la dangerosité et le risque de récidive reste donc toujours très difficile à prévoir. L expertise psychiatrique pénale est donc un acte technique qui s inscrit avant tout dans une démarche médicale spécialisée dont le contenu implique un examen clinique. Celuici va aboutir à un diagnostic puis à une analyse rétrospective de l état mental au moment de l action et enfin l évaluation du rapport entre l état mental et les faits. L expertise psychiatrique va donc mettre en jeu une analyse rétrospective non seulement de l état mental mais également de la relation entre l état mental et les faits. La question habituellement posée du discernement d une personne au moment de la réalisation de l acte démontre la valeur essentiellement rétrospective de l expertise pénale. L interrogation porte sur la réalisation d un acte qui appartient au passé. L expertise psychiatrique pénale classique est centrée sur l état mental du sujet au moment des faits. Conclusion : L expertise psychiatrique pénale est un art difficile. Il est important que l expert psychiatre soit ancré dans une réalité de consultation pratique même s il est amené à voir en expertise des sujets qui relèveraient d une prise en charge psychiatrique mais qui n y arriveront qu après un parcours carcéral. La monstruosité des actes médico-légaux sont parfois si difficilement pensables qu ils ont tendance à être envoyés hors du champ humain donc dans la folie. Or, beaucoup d actes médico-légaux ont lieu non pas chez des patients psychiatriques mais chez des personnes ordinaires qui semblaient jusque là bien insérées socialement et affectivement et qui, au décours d un événement de vie traumatique (licenciement, divorce, deuil), vont présenter un effondrement psychique et un passage à l acte qui peut être gravissime et rester incompréhensible, faisant parfois lui-même dans l après coup traumatisme psychique pour le sujet. Enfin, l expertise psychiatrique s inscrit dans une rencontre duelle et c est dans la relation qui se mettra en place à ce moment-là entre un psychiatre et un sujet que va se jouer la clinique de l expertise. C est aussi pour cette raison que cet examen n est pas reproductible, et que parfois les appréciations cliniques des experts divergent. Reims, le 18 septembre 2009