Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 décembre 2016 et le 17 mars 2017, M. Ioseb L., représenté par Me Tercero, demande au tribunal :

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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE TOULOUSE N 1605754 M. Ioseb L. M. Hervé Bourdarie Rapporteur M. Jean-Christophe Truilhé Rapporteur public RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Tribunal administratif de Toulouse (1 ère chambre) Audience du 13 juin 2017 Lecture du 27 juin 2017 335-01 C+ Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 décembre 2016 et le 17 mars 2017, M. Ioseb L., représenté par Me Tercero, demande au tribunal : 1 ) d annuler l arrêté du 19 octobre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d un titre de séjour, l a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé comme pays de renvoi le pays dont il a la nationalité ou tout pays où il est légalement admissible ; 2 ) d enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, à titre subsidiaire, lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l autorisant à travailler dans le délai d un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 3 ) de mettre à la charge de l Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l article L. 761-1 du code de justice administrative et de l alinéa 2 de l article 37 de la loi n 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l aide juridique, à verser à son conseil sous réserve qu elle renonce à percevoir la part contributive de l Etat. M. L. soutient que : - l ensemble des décisions attaquées est insuffisamment motivé et entaché d un défaut d examen sérieux de sa situation personnelle ; outre que l avis du conseiller santé près le directeur général des étrangers en France et les éléments sur lesquels il repose ne sont pas

N 1605754 2 produits par le préfet, il est possible de s interroger sur la compétence de cette autorité pour rendre de tels avis et, in fine, écarter celui rendu par le médecin de l'agence régionale de santé ; En ce qui concerne le refus de délivrance d un titre de séjour : - le préfet a méconnu les dispositions du 11 de l article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il s est écarté de l avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé en se bornant à préciser que les soins nécessités par son état de santé existeraient en Géorgie et qu il n établirait pas son impossibilité d y accéder ; - le préfet a commis un détournement de procédure en sollicitant l avis d un fonctionnaire du ministère de l intérieur, le 20 juin 2016, pour obtenir des éléments afin de contrer l avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé le 29 octobre 2015 ; il est manifeste qu eu égard au délai écoulé, le préfet aurait dû demander à l intéressé d actualiser son dossier et saisir à nouveau le médecin de l'agence régionale de santé, seule autorité habilitée à délivrer des avis sur le fondement de l article L. 313-11 11 ; - le préfet a communiqué au conseiller santé près le directeur général des étrangers en France des résultats d analyses médicales effectuées en 2013 ; or, la transmission des informations à caractère médical remises sous pli fermé à l attention du médecin de l'agence régionale de santé, en l absence du consentement de l intéressé, constitue une violation du secret médical et de la protection des données à caractère personnel tel que protégé par l article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et une méconnaissance de l article L. 1110-4 du code de la santé publique ; en outre, il n est démontré ni que le fonctionnaire de la direction générale des étrangers en France serait médecin, ni qu il ait été destinataire du dossier médical complet ; en raison de la violation du secret médical, il y a lieu, à tout le moins, d écarter des débats l avis rendu par ce prétendu médecin-conseil ; En ce qui concerne l obligation de quitter le territoire français : - elle est dépourvue de base légale ; - elle a été adoptée au terme d une procédure viciée car le préfet ne s est pas interrogé sur sa capacité à voyager sans risque ; - le préfet a méconnu les dispositions du 10 de l article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il justifie des conséquences d une exceptionnelle gravité sur son état de santé d une absence de soins ; pour le même motif, cette décision est entachée d une erreur manifeste d'appréciation et d une violation des stipulations de l article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu aucun des moyens soulevés n est fondé. Par ordonnance du 21 mars 2017, la clôture de l instruction a été fixée au 18 avril 2017 à 12 heures. M. L. a été admis au bénéfice de l aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2016. Vu les autres pièces du dossier.

N 1605754 3 Vu : - le code de l entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile ; - la loi n 91-647 du 10 juillet 1991 ; - l arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ; - le code de justice administrative. En application de l article R. 732-1-1 du code de justice administrative, la présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa demande, de prononcer des conclusions à l audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. M. L.. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Hervé Bourdarie, conseiller, - et les observations de Me Bouix, avocate, substituant Me Tercero, représentant 1. Considérant que M. L., ressortissant géorgien né le 21 décembre 1975 à Tbilissi (ex-urss), déclare être entré en France le 14 janvier 2011 ; que, le 14 juin 2011, il a sollicité la délivrance d un titre de séjour en raison de son état de santé qui lui a été refusé par le préfet de l Ariège le 30 novembre 2011 et qu il a fait l objet, à cette occasion, d une obligation de quitter le territoire français ; qu à la suite de sa demande du 13 octobre 2015, présentée au même titre que la précédente, le préfet de la Haute-Garonne a pris une décision de refus de titre de séjour, assortie d une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays pour lequel il établit être légalement admissible ; que M. L. demande l annulation de l arrêté du 19 octobre 2016 portant ces décisions ; Sur les conclusions en annulation : En ce qui concerne le refus de délivrance de titre de séjour : 2. Considérant qu aux termes de l article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable à l espèce : «Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / ( ) 11 A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'etat.» ; qu aux termes de l article R. 313-22 du même code dans sa version applicable : «Pour l'application du 11 de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu

N 1605754 4 de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / L'étranger mentionné au 11 de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement.» ; qu aux termes de l article 3 de l arrêté du 9 novembre 2011 : «Au vu des informations médicales qui lui sont communiquées par l'intéressé ou, à la demande de celui-ci, par tout autre médecin, et au vu de tout examen qu'il jugera utile de prescrire, le médecin agréé ou le médecin praticien hospitalier mentionné à l'article 1er établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution. Il transmet ce rapport médical, sous pli confidentiel, au médecin de l'agence régionale de santé dont relève la résidence de l'intéressé, désigné à cet effet par le directeur général de cette agence. / ( )» ; 3. Considérant, d une part, que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l abstention d une des parties à produire les éléments qu elle est seule en mesure d apporter et qui ne sauraient être réclamés qu à elle-même, d apprécier si l état de santé d un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d une exceptionnelle gravité, sous réserve de l absence d un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l existence ou l absence d un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d apprécier l état de santé de l étranger et, le cas échéant, l existence ou l absence d un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d apprécier si l état de santé d un étranger justifie la délivrance d un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; 4. Considérant, d autre part, qu en vertu du principe selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n est de nature à entacher d illégalité la décision prise que s il ressort des pièces du dossier qu il a été susceptible d exercer, en l espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu il a privé les intéressés d une garantie ; que l application de ce principe n est pas exclue en cas d omission d une procédure obligatoire, à condition qu une telle omission n ait pas pour effet d affecter la compétence de l auteur de l acte ; 5. Considérant que, par un avis du 29 octobre 2015, le médecin de l'agence régionale de santé de Midi-Pyrénées a estimé que l état de santé de M. L. nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d une exceptionnelle gravité et qu il

N 1605754 5 n existe pas de traitement approprié à son état dans son pays d origine ; que, pour s écarter dudit avis, le préfet de la Haute-Garonne a saisi le conseiller santé près le directeur général des étrangers en France ; qu il ressort explicitement du courriel du 20 juin 2016 rédigé par ce dernier à l intention de Mme Sophie Pauzat, chef du service de l immigration et de l intégration à la préfecture de la Haute-Garonne, qu il s est notamment fondé sur le résultat d analyses médicales daté du 15 juillet 2013 qu elle lui avait transmis ; qu il n est pas contesté que ce document, contenant des données à caractère personnel protégées par la loi, a été communiqué au conseiller santé sans recueillir préalablement le consentement de M. L. alors que celui-ci n avait pas renoncé au bénéfice des règles du secret médical ; que, ce faisant, l autorité administrative a sollicité un avis pour apprécier l état de santé du requérant sans respecter les règles du secret médical et a vicié la procédure d édiction de la décision querellée ; qu un tel vice a eu pour conséquence directe l édiction d une décision défavorable alors qu en vertu du principe rappelé au point 3, M. L. pouvait se prévaloir de l avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé ; que, dans ces conditions, le préfet a commis une irrégularité de nature à entacher sa décision de refus de délivrance de titre de séjour ; 6. Considérant qu il résulte de ce qui précède, sans qu il soit besoin d examiner les autres moyens de la requête, que la décision de refus de titre de séjour en date du 19 octobre 2016 prise par le préfet de la Haute-Garonne à l encontre de M. L. doit être annulée ; En ce qui concerne l obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours : 7. Considérant qu il résulte de ce qui précède que M. L., qui a établi l illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, est fondé à l invoquer, par voie d exception, à l appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ; que, dépourvue de base légale, cette dernière doit être annulée ; Sur les conclusions aux fins d injonction sous astreinte : 8. Considérant qu aux termes de l article L. 911-1 du code de justice administrative : «Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution.» ; qu aux termes de l article L. 911-2 de ce code : «Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé.» et qu aux termes de l article L. 911-3 du même code : «Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d une astreinte qu elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d effet.» ; 9. Considérant que l'exécution du présent jugement implique seulement que la demande de M. L. soit réexaminée ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Haute- Garonne de procéder à ce réexamen dans un délai d un mois suivant la notification du présent jugement ; qu il n y a pas lieu, en l état, d assortir cette injonction d une astreinte ;

N 1605754 6 Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative et de l article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 : 10. Considérant que M. L. a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu il y a lieu, dans les circonstances de l espèce, et sous réserve que Me Tercero, avocate de M. L., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l État, de mettre à la charge du préfet de la Haute- Garonne le versement à Me Tercero de la somme de 1 500 euros ; D E C I D E :

N 1605754 7 annulé. Article 1 er : L arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 19 octobre 2016 est Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de M. L. dans un délai d un mois sur le fondement de l article L. 911-2 du code de justice administrative. Article 3 : L Etat versera à Me Tercero la somme de 1 500 euros au titre de l article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Tercero renonce à percevoir la part contributive de l Etat à la mission d aide juridictionnelle. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. L. est rejeté. Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. Ioseb L., au préfet de la Haute-Garonne et à Me Tercero. (Copie en sera adressée au ministre de l intérieur.) Délibéré après l'audience du 13 juin 2017, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente, Mme Schaeffer, premier conseiller, M. Bourdarie, conseiller. Lu en audience publique le 27 juin 2017. Le rapporteur, La présidente, Hervé BOURDARIE Armelle GESLAN-DEMARET Le greffier, Guy DUESO La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement. Pour expédition conforme : Le greffier en chef,