Le Cœur Immaculé de Marie

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Transcription:

Le Cœur Immaculé de Marie Conférence donnée le 13 juin 2015 en l'église de Mantry en la Fête du Cœur Immaculé de Marie Observation : le style parlé de cette conférence a volontairement été conservé. Chers amis, Pour ce temps spirituel, il m'a été demandé deux choses : la première est d'assurer une conférence autour du mystère des apparitions de Fatima, avec en particulier ce souhait de Jésus qui veut faire vivre en nous la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, l'une des demandes faites par Marie aux enfants au moment des apparitions de Fatima. Puis, à l'issue de cette conférence, nous célèbrerons ensemble la messe du Cœur Immaculé de Marie. Comme vous le savez, les apparitions de Fatima ont eu lieu en 1917 au Portugal, elles se situent dans un ensemble d'apparitions mariales importantes qui ont eu lieu depuis deux siècles, en Europe en particulier. Ces apparitions mariales sont importantes pour notre foi catholique, même si, pour un catholique, la Révélation, c'est-à-dire ce que Dieu a eu à nous dire dans la première et la Nouvelle Alliance par son Fils Jésus, est "close" au moment de la mort du dernier Apôtre. C'est-à-dire qu'avec la mort du dernier Apôtre tout ce que Jésus avait à nous dire sur le salut nous a été dit. Mais ce n'est pas parce que Jésus nous a tout dit, à travers Lui puis les Apôtres, qu'il n'a pas besoin, par l'envoi de sa Mère et la mission qu'il lui donne, de venir nous rappeler un certain nombre de points importants, et même de nous éclairer sur certains aspects de la foi pour préparer l'eglise à vivre les moments de l'histoire qu'elle est appelée à aborder. 1917 : les apparitions de Fatima se situent, rappelons-le tout de même, au milieu de la première Guerre mondiale, cette première déflagration mondiale qui allait totalement déséquilibrer les nations et dont on voit encore les effets aujourd'hui, dans les conflits dans lesquels nous sommes. Après l'avoir dit il y a quelques mois à des visiteurs, le Pape François l'a redit à Sarajevo il y a quelques jours : "nous sommes entrés dans la troisième guerre mondiale" ; il ne s'agit évidemment pas de faire de cette formule un système de pensée, mais le Pape veut nous dire par là qu'il y a aujourd'hui au plan mondial une déstabilisation importante que chacune et chacun d'entre nous peut mesurer. Donc Jésus a demandé à Fatima, en 1917, au cœur de la première guerre mondiale, d'établir dans le monde le culte, la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Or, ne nous cachons pas la vérité, très souvent aujourd'hui, même dans l'eglise catholique, lorsque l'on parle de dévotion au Cœur Immaculé de Marie, les gens vous regardent d'un air un peu étrange. Et j'ai noté pour ma part au moins quatre motifs expliquant parfois cette réticence vis-à-vis de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. 1

- Certains s'inquiètent tout d'abord parfois du fait que cette dévotion au Cœur Immaculé de Marie pourrait avoir un sens politique, avec une volonté de récupération. Il est vrai qu'il y a pu y avoir parfois, dans l'histoire récente, dans certains groupes, même internes à l'eglise, la volonté de faire des annonces de Fatima, du troisième mystère de Fatima, un élément idéologique. Pour cette raison Joseph Ratzinger, qui n'était pas encore le pape Benoît XVI, avait été obligé de donner des explications sur ce troisième secret de Fatima. Certains par moments ont pu présenter tout ce qui tournait autour du Cœur Immaculé de Marie et de Fatima avec une note "millénariste", avec une note d'inquiétude de fin des temps. - On aborde parfois la question de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, et particulièrement la consécration au Cœur Immaculé de Marie, avec une attitude qui ne relève pas d'abord de la foi, mais plutôt d'une manière un peu "magique". Cela peut nous arriver à nous aussi : on a l'impression que le fait d'être consacré, de porter la bonne médaille, d'avoir la bonne statue, d'avoir la bonne image chez soi nous protègerait de manière quasiment magique de tout ce qui pourrait arriver. Ce serait bien évidemment une façon un peu naïve de voir les choses. - Il peut arriver aussi que cette dévotion au Cœur Immaculé de Marie semble une manière de faire trop extérieure ou trop subjective. On peut se demander en effet si ces pratiques spirituelles, de manière générale, ne sont pas parfois un obstacle empêchant que l'homme aille au fond de son cœur, se convertisse et vive une foi authentique. - Enfin, - je l'ai encore vu récemment dans le cadre de ma responsabilité nationale dans le domaine de l'œcuménisme -, certains questionnent ces pratiques mariales dans le cadre du dialogue entre les différentes confessions chrétiennes. Il est vrai que nos frères protestants s'interrogent et nous interrogent parfois sur notre manière de vivre notre rapport spirituel à Marie, même s'ils en sont parfois moins éloignés aussi que l'on peut l'imaginer. Il me semble donc important, pour parler de ce souhait du Christ d'établir cette dévotion au Cœur Immaculé de Marie, d'exposer d'abord ce que celle-ci signifie au niveau biblique et dans l'histoire de l'eglise, de rappeler ensuite dans un second temps ce que le Cœur de Marie a signifié et comment on a progressé dans sa compréhension dans la vie de l'eglise et, enfin, de façon plus concrète pour nous, d'expliquer le sens d'une consécration au Cœur Immaculé de Marie, ce que cela veut dire finalement, ce que nous demande Jésus quand Il nous demande cela. I. Les sources bibliques et les sources de la foi Comme vous le savez, pour nous catholiques la Révélation, c'est-à-dire ce que Dieu a à nous dire, ne vient pas seulement par la Parole de Dieu, mais aussi par ce que l'eglise catholique appelle "la Tradition". La Tradition, ce n'est pas "les traditions" que l'on peut avoir dans tel village de célébrer telle messe à telle période de l'année ou de vénérer une statue de la Vierge à telle date. Ce sont là les "petites" traditions. Mais la Tradition, pour le Concile Vatican II, c'est la vie de l Eglise ; c est tout simplement la manière dont l'eglise vit à travers les siècles, la manière dont l'eglise réfléchit sa foi et par laquelle aussi elle nous dit ce qu'est notre foi. Dans la Tradition, par exemple, il y a les grands Conciles, il y a les "Pères de l'eglise", les tout premiers théologiens qui ont réfléchi la foi. Un catholique n'appuie pas seulement ce qu'il croit sur l'ecriture, il l'appuie aussi sur la Tradition la manière dont on a réfléchi la foi et sur un troisième élément qui fait de lui un catholique, le Magistère, c'est-à-dire l'enseignement du Pape et des évêques. 2

Le cœur de Jésus Or lorsque l'on aborde la question du Cœur Immaculé de Marie, il faut rappeler que dans la Bible le cœur a une place importante. En effet, à travers la Bible hébraïque, le cœur n'est pas un simple organe qui permet au sang d'arriver dans les membres et de faire vivre la personne, il est comme le "résumé" de la personne : dans le cœur se trouve toute la personne, dans le cœur se trouve le plus essentiel, le centre, le lieu de la conscience du sujet. C'est le lieu où l'on pense, c'est aussi le lieu où l'on décide ce que l'on va faire. Le cœur, selon Jésus, est un "trésor" ; pensez à la parole de Jésus : "Là où est ton cœur, là est ton trésor" (Mt 6,21). Le cœur est donc quelque chose de fondamental, et, vous le savez bien, quand deux amoureux s'aiment, ils dessinent des cœurs sur des arbres ; quand un enfant dessine un cœur à sa maman pour la fête des mères, ce n'est évidemment pas l'organe qu'il veut représenter, mais le symbole de l'amour qu'il lui porte. Un symbole de l'amour qui est aussi le symbole de la réflexion et de la décision. Pour cette raison Dieu, dans l'ancien Testament d'abord mais aussi ensuite dans le Nouveau Testament plus particulièrement à travers Jésus, va se révéler à travers le cœur. Et là, avant de parler du cœur de Marie, nous avons quatre choses importantes à dire d'abord à propos du cœur de Jésus, ce cœur de Jésus que nous pouvons contempler, dont nous pouvons méditer la révélation dans le Nouveau Testament. Un cœur humain Premièrement, il y a bien des traditions spirituelles respectables dans le monde - le bouddhisme, l'hindouisme, et, plus proches de nous, de notre tradition, le judaïsme et l'islam -, mais il n'y a qu'une seule religion, une seule manière de vivre la foi où Dieu a eu l'audace, l'originalité, d'entrer dans le monde et de se faire homme ; l'originalité fondamentale de notre foi chrétienne est ce que nous appelons "l'incarnation". Or Dieu, en se faisant l'un de nous, en prenant une humanité semblable à la nôtre, va avoir un cœur. C'est là un fait tout à fait nouveau : Dieu va avoir un cœur comme le nôtre - l'organe -, mais un cœur qui va avoir aussi une dimension profondément humaine comme le nôtre, qui va lui permettre d'aimer, de réfléchir humainement et de décider humainement. Jésus est Fils de Dieu, Il est Incarnation du Verbe de Dieu, mais Il va prendre une humanité semblable à la nôtre, sauf le péché, et d'ailleurs le Concile Vatican II, dans le texte Gaudium et Spes (n 22), dira qu'en se faisant homme Jésus s'est d'une certaine manière uni à toute l'humanité et qu'il a aimé avec un cœur d'homme ; ce passage est d'ailleurs dû à saint Jean-Paul II qui, étant à l'époque professeur d'anthropologie chrétienne, était intervenu au Concile pour bien mentionner cette spécificité de Dieu qui avait aimé avec un cœur d'homme. Ce qui donne à Dieu une "expérience" absolument unique de ce que nous sommes. Le fait aussi que Jésus ait un cœur, qu'il ait donc eu une intelligence et une volonté humaines, est aussi une des conditions de notre salut. Puisque le premier homme avait péché librement, il fallait que celui qui vienne nous sauver rachète le péché d'un homme par la fidélité et l'obéissance d'un homme. Il fallait donc que Jésus ait un cœur d'homme pour pouvoir dire "oui" là où le premier homme avait dit "non". C'est la porte du salut qui s'est ouverte par le cœur de Jésus. Un cœur doux et humble Ce cœur de Jésus, important, original parmi toutes les religions, va se révéler "doux et humble". Jésus n'a pas simplement un cœur, Il a un cœur doux et humble qui va révéler ce que doit vraiment être un cœur. Nous disons parfois que Jésus s'est fait homme comme nous. J'aime bien inverser la proposition, en disant que nous avons à devenir hommes comme Jésus l'est. Il est, lui, le véritable modèle de 3

l'humanité. Et à travers ce cœur de Jésus, doux et humble, nous apprenons la manière dont nous sommes appelés à vivre, nous-mêmes, dans l'humilité et dans la douceur, qui sont une force dans la vie spirituelle. Jésus a donc eu un cœur, un cœur doux et humble, et Il est le seul à pouvoir dire que son cœur est humble tout en restant véritablement humble en le disant. Car quand nous commençons à dire que nous sommes humbles, il nous vient des vapeurs et nous perdons immédiatement le bénéfice de ce que nous sommes en train de découvrir. La deuxième personne qui a été véritablement humble est Marie ; elle le dit d'ailleurs dans le Magnificat : "Il s'est penché sur son humble servante" Je me souviens de ce que disait l'un de mes professeurs à l'université Grégorienne à Rome : "Marie est tellement humble qu'elle n'a pas pu dire qu'elle était humble". Je m'étais permis de lui rétorquer que Jésus, lui, était humble car il était le Fils de Dieu, et que Marie, comme elle n'avait pas de péché, était la seule capable de le dire aussi. Il nous révèle la miséricorde et la compassion de son Père. Ce cœur de Jésus, ce cœur d'homme avec lequel Il nous a aimés et avec lequel Il va nous sauver, ce cœur qui est humble et doux, va nous révéler fondamentalement l'amour et la miséricorde du Père. C'est là un point important, qui a amené le pape François à décider récemment, comme vous le savez, d'une "Année de la Miséricorde". En nous révélant son cœur, Jésus nous révèle aussi le cœur de son Père. "Le Père et moi, nous sommes Un" (Jn 10, 30). Le cœur du Père qui est un cœur miséricordieux Jésus nous révèlera ainsi le visage miséricordieux du Père avec les paraboles de la Miséricorde, en particulier celle du "Fils prodigue", que l'on peut aussi appeler la parabole du "Père prodigieux", dans laquelle le Père plein de miséricorde accueillera son Fils en lui ouvrant tout grand ses bras à son retour d'une vie dissolue Ce cœur va être pleinement révélé à la Croix. L'évangile de saint Matthieu, en particulier, nous dit qu'à la mort de Jésus, le voile du Temple de Jérusalem - c'est-à-dire le lieu où Dieu demeure, habite -, va se déchirer. Comme pour nous dire que Dieu, qui était inaccessible parce que derrière un voile, va désormais être accessible à l'homme. Et au moment même où Jésus est en train de mourir sur la Croix, le voile se déchire, et saint Jean nous dit, dans son évangile, qu'un centurion, pour vérifier si Jésus était mort, va planter une lance dans son côté ; au moment, donc, où le voile du Temple se déchire pour nous dire que Dieu est accessible, le côté de Jésus est déchiré par la lance, et de lui vont jaillir de l'eau et du sang. Cela signifie au moins deux choses : premièrement, le côté ouvert de Jésus est bien évidemment le signe que désormais la relation entre l'humanité et la divinité, la relation entre les enfants de Dieu et leur Père, est à nouveau possible par et dans le Christ. Le cœur de Jésus est le chemin par lequel nous avons accès au Père. Autrefois, dans un premier jardin, celui d'eden, Adam avait rompu la communion avec Dieu ; dans le jardin de Gethsémani, en disant son "oui" au Père, Jésus a rouvert le jardin, Dieu peut à nouveau avoir le dialogue avec ses enfants. Non seulement ce cœur de Jésus est un chemin de la terre vers le Ciel, mais il y a un deuxième mouvement, celui du Père vers nous, par ce jaillissement du sang et de l'eau dont l'auteur du quatrième évangile témoigne avec force. Et ce don de l'eau et du sang signifie bien sûr la vie et le don de l'esprit qui est fait à l'humanité tout entière. D'ailleurs il est très intéressant de remarquer que saint Jean, au moment de la mort de Jésus, ne nous dit jamais que Jésus meurt : il nous dit simplement que Jésus "rendit l'esprit" (Jn 19, 30). Et dès le XIIème-XIIIème siècle, lorsqu'on représentera Jésus en train de mourir sur la Croix, on le montrera inclinant la tête et souriant comme pour nous dire de ne pas nous inquiéter, d'une certaine 4

manière, car Il a vaincu la mort, Il l'a traversée, Il est déjà dans cette gloire que le Père Lui a promise et Il nous transmet déjà ce qu'il avait promis de nous transmettre, c'est-à-dire l'esprit : ce sont déjà les arrhes de la Pentecôte qui commencent. II. Le cœur de Marie Or ce cœur de Jésus est intimement lié au cœur de Marie. Pourquoi? Nous le savons par le Concile d'ephèse, et c'est un point important de la doctrine catholique : Marie a donné son humanité à Jésus. Je dis d'ailleurs parfois que Marie et Jésus devaient avoir des traits semblables, comme une mère et son enfant, ou au moins des traits similaires. Or le cœur de Marie, comme le cœur de Jésus, est ce lieu d'intériorité, ce résumé de la personne, ce lieu aussi où Marie avait sa liberté, sa capacité de réflexion et de volonté. Et comme il a fallu le cœur de Jésus pour nous sauver, pour dire "oui" au Père à Gethsémani "Père, non pas ma volonté, mais la tienne" (Lc 22, 42) -, il y a, répondant, le cœur de Marie, ce cœur de Marie qui va être le premier dans l'ordre de l'histoire à dire "oui" puisque, au moment de l'annonciation (Lc 1), Marie dans son cœur va dire "oui" à l'ange qui lui annonce qu'elle va devenir la mère du Sauveur. Dans son cœur, d'ailleurs, saint Luc nous dira que Marie "gardait toutes choses", tous les événements qu'elle va alors vivre à partir de ce "oui" où elle se livre au Père et à l'action de l'esprit Saint en elle ; Marie va garder toutes choses en elle, Jésus va être le don fait au monde à travers Marie, et c'est saint Jean Eudes, un des grands apôtres des Cœurs de Jésus et de Marie, qui dira même, dans une formule assez audacieuse, que "Jésus est le cœur de Marie", disant par là que ce qu'il y a au plus profond et au plus intime de Marie, c'est Jésus. Nous pouvons dire cinq petites choses importantes pour nous à propos de ce cœur de Marie : Un cœur immaculé Le cœur de Marie est un cœur immaculé : par avance, en raison du salut qu'il va nous obtenir, Jésus va faire en sorte que sa mère, celle qui va Lui donner naissance, soit préservée des conséquences du péché originel. D'une certaine manière, - c'est le Cardinal Bérulle qui contemplera ce mystère -, c'est comme si Dieu avait voulu que son Fils vienne dans un monde marqué par le péché, par la lutte entre le bien et le mal, mais que Jésus puisse être accueilli dans un lieu où il n'y ait pas de péché, qui ne soit pas marqué par le mal. Le cœur de Marie est comme le berceau de l'amour, le berceau du bien, de la beauté, de la bonté. Ce cœur de Marie, épargné par le péché originel, est un dogme qui va mettre du temps à être formulé, mais qui sera établi par le pape Pie IX en 1854 ; et cette appellation d'"immaculée Conception" trouvera un écho dans les apparitions de Lourdes. Un cœur profondément spirituel et contemplatif Comme le dit saint Luc à deux reprises, Marie "gardait tous ces événements dans son cœur" (Lc 2, 19 ; 51). Tout ce qu'elle voyait vivre, tout ce qu'elle voyait opérer par son Fils, elle le gardait en elle, et l'expression biblique que nous traduisons en français par "garder", qui peut avoir un sens un peu statique, signifie littéralement, en grec, "passer et repasser". C'est exactement le sens de la méditation, meditare en vieux latin, qui, issu du langage militaire, signifie "lancer une flèche dans une cible" pour les soldats romains. Ce qui signifie que Marie cherchait le sens du mystère, qu'elle pointait sans cesse le cœur du mystère dans sa réflexion. 5

Un cœur qui sera transpercé C'est une annonce qui sera faite dès la présentation de Jésus au Temple, où se trouvent Syméon et Anne, dans leur vieillesse, et où Marie est déjà mystérieusement, dès le début du mystère de Jésus dans le monde, associée au mystère qu'il va vivre au Calvaire, c'est-à-dire à sa Passion et à sa mort. Un cœur où travaille l'esprit de Dieu Le cœur de Marie est un cœur tellement immaculé - et là nous ne sommes plus tant dans la Bible que dans la Tradition, dans la méditation qui va s'opérer -, parce que c'est un cœur totalement disponible à la grâce de Dieu, que c'est un cœur où travaille de manière toute particulière l'esprit de Dieu. Ce qui fera dire à saint Louis Marie Grignion de Montfort et surtout à saint Maximilien Kolbe (mort comme vous le savez sans doute à Auschwitz), que Marie est d'une certaine manière comme "l'épouse de l'esprit Saint". Elle est tellement docile à l'action de l'esprit qu'elle "épouse" l'esprit, et, par ces épousailles, comme elle a été féconde de son Fils au début de l'incarnation, elle devient mystérieusement féconde jusqu'à son retour d'un autre mystère, celui de ceux qui sont devant moi, c'est-à-dire les baptisés : Marie met au monde et continue à mettre au monde des enfants à travers l'eglise. Le développement de la réflexion autour de Marie Nous qui sommes parfois en dialogue avec des personnes peu sensibles à la théologie mariale, il nous faut nous rappeler que le fondement de notre foi catholique, qui nous fait adhérer au mystère du cœur immaculé de Marie, s'enracine dans le Christ et dans l'eglise. Marie Mère de l'eglise, Mère de la Tête et du Corps En effet, si nous croyons bien sûr que Jésus est venu dans le monde, envoyé par le Père, Il est aussi, comme le dira en particulier l'apôtre saint Paul dans la première Lettre aux Corinthiens, la tête d'un Corps que nous, les baptisés, constituons. Nous sommes les membres de ce Corps, et toute personne qui reçoit le baptême devient enfant de Dieu, membre de ce Corps, agrégée à ce Corps que vous manifestez visiblement cet après-midi. Le Corps doit être visible, le Corps de l'eglise n'est pas un corps invisible. Or nous croyons, et c'est le Concile d'ephèse qui va nous le dire, au premier millénaire, que Marie est la Mère de Dieu. Elle est en fait celle qui a mis au monde Jésus, le Fils de Dieu, elle Lui a donné son humanité ; Marie est la Mère de Dieu car elle a mis au monde la personne de Jésus. C'est d'ailleurs ce qui résonne à travers le cantique du Magnificat, dans lequel Marie dit "Désormais tous les âges me diront bienheureuse" On sait bien qu'à travers les âges et à travers les siècles on dira de Marie qu'elle est bienheureuse, et elle l'est parce qu'elle est la Mère de Dieu, la Mère du Sauveur. Or, comme le dira saint Louis-Marie Grignion de Montfort, une mère, quand elle enfante, n'enfante pas un bout de son enfant : elle enfante tout son enfant. Et si Marie a enfanté Jésus qui est la tête de l'eglise, c'est donc qu'elle va aussi enfanter le corps de l'eglise, ses membres. Sinon, l'enfant est monstrueux, dit Grignion de Montfort. Marie va donc mettre Jésus au monde, charnellement, et comme elle met au monde la Tête de l'eglise, elle va aussi mettre au monde les membres, spirituellement : elle nous enfante chacune et chacun d'entre nous. Cela sera confirmé par le titre que le pape Paul VI, lors de la messe du 8 décembre 1965 à la fin du Concile Vatican II, donnera, à la surprise générale, à Marie : Marie "Mère de l'eglise". Marie est Mère de Dieu, mais elle est aussi Mère de l'eglise. 6

Un modèle de vie spirituelle Nous savons ensuite que, dans l'eglise d'orient, la réflexion autour de Marie va surtout se développer autour de la maternité spirituelle de Marie. En effet, durant les premiers siècles de l'eglise, Marie va être présentée surtout comme un modèle de mère spirituelle. Elle est la femme vigilante, la femme qui écoute la Parole de Dieu, elle est celle qui accueille la Parole elle-même, elle est celle, bien évidemment, qui la met en pratique par une vie cohérente. Et c'est surtout dans l'eglise d'orient que l'on va en particulier commencer à être attentif au chapitre 19 de saint Jean où Jésus, du haut de la Croix, confiera Marie à son disciple bien-aimé et le disciple bien-aimé à Marie. Et, vous le savez bien, "le disciple bien-aimé prit alors Marie chez lui" (Jn 19, 27). Cette formule va peu à peu faire florès en particulier dans l'eglise d'orient où l'on va comprendre que Marie a un rôle de maternité spirituelle. Elle est comme "maitresse des novices" de la vie spirituelle des baptisés, et nous avons donc tous, comme saint Jean, comme le disciple bien-aimé, à prendre Marie chez nous pour y vivre, afin qu'elle nous initie à la vie spirituelle. Un rôle par rapport au Mystère de la Croix et à l'eglise En Occident, à partir du XIème-XIIème siècle, le rôle de Marie va se développer, apparaître de manière de plus en plus profonde, par rapport au Mystère de la Croix et à l'eglise. En effet, on sait que Marie a donné naissance à Jésus charnellement, qu'elle est la Mère du Christ, la Mère de Dieu. Mais, réfléchissant et méditant sur les mystères de la foi, des théologiens, des spirituels, des mystiques vont comprendre de plus en plus que, si Marie donne naissance à Jésus à la Nativité, elle participe aussi à une nouvelle naissance de Jésus au pied de la Croix. Marie, à la Croix, dont on dit qu'elle était debout ("Stabat Mater") apparaît comme celle qui, véritablement, coopère au salut. Elle coopère au salut en donnant son Fils au Père à la Croix. Et se développe alors l'idée de l'intercession de Marie. Marie n'intervient pas seulement au début de l'histoire du salut en disant "oui", en donnant la vie à Jésus, elle n'est pas simplement un modèle spirituel que nous pourrions prendre, elle continue d'agir et de coopérer à l'œuvre du salut - qui nous vient bien évidemment du Christ -, mais elle a une place originale et unique dans ce processus en donnant son Fils. Et comme elle intervient en donnant son Fils au Père, elle continue de donner l'eglise au Père, elle continue d'intervenir dans l'eglise, et ce jusqu'au retour de Jésus, à la fin des temps. Marie apparaît donc comme ayant un rôle tout à fait particulier, maternel, un rôle d'accompagnement de l'eglise, en particulier en ces temps qui, comme le dit la liturgie, sont "les derniers" et où nous attendons le retour du Christ. Ce matin, alors que j'ordonnais un jeune Père spiritain, j'ai eu à lire la grande prière d'ordination, splendide, qui disait : "Sois avec nous, Dieu notre Père, sois avec nous ". Elle décrivait les prêtres de l'ancienne Alliance, de l'ancien Testament, puis poursuivait : "Et dans ces temps qui sont les derniers " C'est-à-dire "dans ces temps dans lesquels nous sommes", "tu as voulu que ton Fils institue des prêtres" III. Le sens de la consécration au Cœur Immaculé de Marie Nous sommes appelés à vivre une dévotion à ce Cœur de Marie, ce cœur qui est le "résumé" de Marie, le lieu où elle agit, où elle décide, où elle aime et réfléchit. Nous sommes invités à nous consacrer à ce Cœur. Le terme de dévotion, qui a beaucoup vieilli, est un terme qui a été souvent utilisé par exemple par saint François de Sales, qui a écrit un "Traité de la vie dévote". Etre dévoué, c'est être voué, être donné. C'est l'idée d'une donation de soi. 7

Nous sommes donc appelés à vivre une consécration dans laquelle nous allons nous donner. A entrer dans cette dévotion au Cœur Immaculé de Marie, comme nous le demande Jésus à Fatima. Or vivre une consécration, cela a quatre sens. Comme Marie, accueillir en soi l'action de Dieu Se consacrer à Marie, être un dévot à Marie, ce n'est pas d'abord entrer dans des pratiques extérieures. C'est une attitude spirituelle fondamentale dans laquelle nous entrons. Et cette attitude commence dans le fait d'accueillir, comme Marie l'a fait à l'annonciation, la présence et l'action de Dieu en soi. A l'annonciation, Marie a eu une disponibilité intérieure totale. Elle n'a pas eu d'a priori, elle n'a pas mis de conditions pour que l'esprit agisse en elle. Et tous les auteurs spirituels le disent, l'un des points essentiels pour que l'esprit Saint nous conduise, c'est ne mettre aucune résistance à l'action de cet Esprit par nos idées, par notre volonté propre. Il s'agit donc de suivre d'abord Marie en cette consécration dans une pleine disponibilité à l'action de l'esprit en nous. C'est saint Louis-Marie Grignion de Montfort, l'un des grands théologiens mariaux de l'histoire (que le saint pape Jean-Paul II aurait voulu faire Docteur de l'eglise), qui dit très bien qu'être dévot à Marie ne signifie pas avoir d'abord des pratiques extérieures, et qui parle même, de manière assez nette, de ceux qui "lient les mains de Dieu" en mettant leurs conditions pour vivre la consécration et la dévotion à Marie. La première attitude de la consécration est donc de ne pas lier les mains de Dieu. Ne pas prier : "Mon Père qui es aux cieux, que mon nom soit sanctifié, que mon règne arrive " Il s'agit donc d'opérer un renversement intérieur, d'entrer dans une confiance complète, une remise de soi-même sans se reprendre. Entrer dans une attitude de culte spirituel : se donner et tout donner Vous savez que le fond de la vie chrétienne est de vivre l'appel à la sainteté, et donc de s'offrir sans cesse à Dieu dans ce que saint Paul appelle "le culte spirituel" (Rm 12, 1-2) nous avons à nous offrir en hosties vivantes -, et qui culmine en particulier le dimanche lorsque nous célébrons l'eucharistie. Or Marie s'est sans cesse offerte à Dieu ; elle s'est offerte à l'annonciation "Que tout me soit fait selon ta Parole" (Lc 1, 38) -, elle s'est offerte au Temple de Jérusalem, où elle a donné Jésus au Père, et elle s'est offerte, elle a offert Jésus jusqu'à l'autel de la Croix. Marie est celle qui, non seulement ne met pas de conditions à Dieu, mais qui surtout ne garde rien pour elle-même. Et donc, dans la ligne des auteurs spirituels comme Grignion de Montfort ou Maximilien Kolbe, la consécration spirituelle à Marie est un appel à tout donner à Marie, à ne plus jamais calculer ce que nous faisons. Comme on peut se dire parfois pour les indulgences (qui existent toujours), on pourrait se dire : j'ai fait cela pour Marie, j'ai prié tant de chapelets, j'ai fait telle bonne action Or la dévotion à Marie consiste à tout lui donner, sans jamais calculer ce que nous lui donnons. Vous savez que le roi David a été châtié par Dieu parce qu'il avait compté ses troupes. Il nous arrive parfois de compter nos attitudes spirituelles, nous mettons la main sur ce que nous voulons donner. Le culte spirituel véritable, c'est se donner sans compter. S'unir à Dieu en faisant sa volonté Marie est celle qui, tout au long de sa vie, a été unie à son Fils d'abord, mais aussi à l'esprit Saint elle le sera en particulier jusqu'à la Pentecôte, puisque nous savons qu'au Cénacle elle était présente avec les apôtres et quelques femmes. Marie a parfaitement compris que le cœur de l'union à Dieu est ce que les spirituels à travers les siècles, en particulier sainte Thérèse d'avila, saint Ignace de Loyola ou saint François de Sales, appellent "l'union de volonté". Le cœur de la vie spirituelle est l'union de volonté. Si vous regardez la grande attitude spirituelle de Jésus, c'est de faire la volonté de son Père. Jésus ne travaille jamais pour lui-même, Jésus ne fait 8

jamais rien pour lui-même,iil est toujours relatif à un autre, son Père, à qui Il fait référence. "Le Père et moi nous sommes un, parce que je fais toujours sa volonté". Et donc Marie, qui est le premier disciple de Jésus, est celle qui va entrer dans ce mouvement d'union, qui passe par cette union de volonté concrète au long du temps telle qu'elle a voulu la vivre et nous donne comme modèle, en particulier au moment des noces de Cana. "Faites tout ce qu'il vous dira" (Jn 2, 5) Elle nous invite ainsi à entrer dans la volonté de Jésus, comme Jésus est entré dans la volonté de son Père. Le grand œuvre de notre vie intérieure, de notre dévotion, c'est de toujours chercher la volonté de Dieu, de la discerner, pour ensuite y adhérer. Avoir un cœur apostolique, un cœur qui témoigne Une consécration, une dévotion mariale qui nous replierait sur nous-mêmes ne serait pas une véritable dévotion mariale. La dévotion mariale est toute liée au Christ, elle est une imitation de Jésus, elle est toute d'eglise, c'est-à-dire que, comme le disait sainte Thérèse d'avila, elle nous fait fils et filles de l'eglise pour produire du fruit. En conclusion : Cette consécration à Marie à laquelle nous sommes appelés les uns et les autres est finalement, d'une certaine manière, l'accomplissement de notre baptême. Nous savons qu'à Fatima, la Vierge Marie a dit que Jésus souhaitait que nous puissions nous consacrer au Cœur Immaculé de Marie parce que ce cœur est tout à la fois un chemin et un refuge. Marie est un chemin Elle est un chemin, parce qu'elle est la première à être disciple de Jésus et que, si nous nous mettons dans ses pas, elle nous entraîne vers le but de la vie chrétienne, qui est l'union à Dieu, ce que l'on appelle tout simplement "la vie mystique". La vie mystique, c'est fait pour tout le monde, c'est fait en principe pour tous les baptisés. Ce n'est pas faire des choses extraordinaires, avoir des apparitions ou des stigmates (qui sont des phénomènes extraordinaires de la vie mystique), mais c'est une qualité d'union à Dieu. Selon les auteurs spirituels, la vie mystique est une expérience passive (c'est-à-dire que nous ne pouvons pas faire par nousmêmes, que nous ne pouvons pas reproduire) et directe de Dieu. Et dans cette expérience passive et directe de Dieu, Marie nous aide. Plus nous nous mettons dans ses pas, plus nous nous donnons à elle, plus nous la prenons comme celle qui va nous conduire à Jésus, plus elle nous fait entrer dans cette passivité qui est une docilité à l'esprit, et plus elle nous donne de goûter cette expérience d'union à Dieu et de conduite par l'esprit. C'est simple : soit nous goûtons cette union ici et maintenant sur terre, soit nous la goûterons dans la vie éternelle en passant en particulier par ce que notre foi appelle une "purgation". Pourquoi nous faut-il être "purgés" d'une certaine manière? Tout simplement parce que, tant que nous résistons à la charité, tant qu'il y a des résistances en nous, Dieu ne peut pas nous accueillir en Lui. Il a besoin de nous libérer de nous-mêmes, et nous avons besoin d'être libérés de nous-mêmes, pour pouvoir être entièrement pris par la charité et par l'amour de Dieu. Marie est un refuge Marie est donc un chemin, mais elle est aussi un refuge. Les grands auteurs spirituels nous disent que Marie, d'une certaine manière, travaille d'une façon différente avec nous que sur un chemin spirituel habituel. Nous pouvons bien sûr aller vers Jésus sans Marie, c'est évident. Mais pensez à ce qu'avait raconté, dans les Fioretti de saint François d'assise, un frère mineur : dans une vision, il avait vu François d'assise et des frères mineurs montant vers les cieux sur une échelle, qui 9

gravissaient quelques marches, retombaient, reprenaient la marche, retombaient Puis, avisant une seconde échelle où les frères montaient facilement il découvrait que ce n'étaient en fait pas les frères qui montaient, mais l'échelle ; et en haut de cette échelle il y avait Marie. Et dans la tradition franciscaine, on dit que Marie a un rôle particulier et que ceux qui se livrent à elle sont travaillés d'une manière différente. Ils ne passeront pas forcément par les grandes ascèses de jeûne, de pénitence pourquoi pas, si le Seigneur nous y invite? -, mais ils passeront par le grand jeûne, la grande ascèse, qui consiste à ne plus avoir de volonté personnelle, mais à adhérer à la volonté de Marie pour se laisser conduire par elle. C'est la raison pour laquelle certains auteurs spirituels disent que, autant dans la vie spirituelle on est parfois travaillé comme une statue, buriné, dénudé, autant avec Marie cela ne se passe pas de la même manière. Au lieu d'être buriné, parfois avec des souffrances, des conversions, avec Marie il s'agit surtout de se jeter en elle comme dans un moule où elle nous transforme. D'où le fait que les grands saints mariaux de l'histoire, saint Bernard de Clairvaux, saint Louis-Marie Grignion de Montfort ou saint François de Sales par exemple, sont passés dans la vie spirituelle, par le mystère de la vie mystique, sans connaître de purification difficile et impossible. Voici ce que dit Louis-Marie Grignion de Montfort à ce sujet, quand il parle de la dévotion à Marie : "Cette dévotion est un chemin pour arriver à l'union avec Notre Seigneur. La dévotion à Marie est un chemin aisé. C'est un chemin que Jésus fit en venant à nous et où il n'y a aucun obstacle pour arriver à Lui. On peut à la vérité arriver à Lui par d'autres chemins. Mais ce sera par beaucoup plus de croix, de morts étranges et avec beaucoup de difficultés que nous vaincrons difficilement. Il faudra passer par des nuits obscures (Grignion de Montfort cite ici saint Jean de la Croix, qu'il a lu mais qu'il n'a absolument pas compris ; même si saint Jean de la Croix est très marial, ce n'est pas exactement le même chemin), il faudra passer par des combats, par des agonies étranges, sur des montagnes escarpées, sur des épines piquantes et des déserts assoiffés. Mais par le chemin de Marie, on passe plus doucement et plus tranquillement." Marie, chemin et refuge, chemin tranquille, chemin paisible Je vous invite à vivre ce beau chemin qui nous conduit à Jésus pour nous unir à lui et ainsi le rencontrer un jour dans le Royaume des Cieux. +Vincent Jordy Evêque de Saint-Claude 10