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TECHNIQUE DE RÉHABILITATION DES CHAUSSÉES AÉROPORTUAIRES POUR ÉVITER LA REMONTÉE DES FISSURES ÉTUDE DE CAS AÉROPORTS INTERNATIONAUX DE MONTRÉAL DORVAL ET MIRABEL (CANADA) E. Elhindy et D. Richer Aéroports de Montréal, 700, Leigh Capreol, Dorval (Québec) H4Y 1G7 Sommaire En raison des écarts de température importants qui sévissent dans notre région, favorisant à l extrême le retrait thermique des matériaux constituant nos chaussées aéroportuaires, la performance des techniques telles que l utilisation de systèmes séparateurs minces par exemple avant resurfaçage semble plutôt limitée. Dans cette perspective, Aéroports de Montréal (ADM) s est intéressée aux techniques de traitement des chaussées telles que la fragmentation des dalles de béton existantes ou la combinaison pulvérisation/recyclage/stabilisation de la vieille chaussée avant resurfaçage qui offre des performances plus intéressantes et plus durables jusqu à maintenant. 1. Introduction Depuis 1992, la société Aéroports de Montréal (ADM) s est vue confiée par le gouvernement canadien la responsabilité de la gestion, de l exploitation, de l entretien et du développement des infrastructures aéroportuaires de Dorval (YUL) et de Mirabel (YMX). De façon à bien gérer ses 3,9 millions de mètre carré de chaussées aéroportuaires où transitent plus de 8,8 M (2002) de passagers par année avec 200 départs quotidiens réguliers, ADM s est dotée d un système informatisé de gestion des revêtements aéroportuaires (SGRA) qui lui permet d évaluer en tout temps leur état, de prédire leur performance et finalement d analyser différents scénarios de réfection et de réhabilitation [1]. Parmi les paramètres importants du SGRA figurent l évaluation des indices de condition de surface (ICS) à partir de la norme ASTM-D5340 et des valeurs PCN (Pavement Classification Number) et DVR (Durée de Vie Résiduelle) obtenus à partir d essais de chargement sur la chaussée (ASTM D4694-87) en utilisant un déflectomètre lourd (Dynatest 8081, HFWD).

Considérant l état des chaussées et les perspectives de développement de ses installations, ADM a programmé depuis 1993 plus de 225 millions $CAN d investissement jusqu en 2020 en termes de reconstruction et de réhabilitation de ses chaussées afin de maintenir la qualité de surface de celles-ci et leur portance à des hauts niveaux de standard. Les revêtements aéroportuaires sont des systèmes structuraux complexes en soi et leur performance dépend de plusieurs variables dont le trafic, les matériaux en place, les matériaux de réhabilitation, les conditions de surface et environnementales, et autres. Par conséquent, seulement une analyse rigoureuse des variables en question permet de comprendre le comportement de la chaussée existante pour enfin choisir une technique efficace de réhabilitation. Aux Aéroports de Montréal, il existe trois types de structure de chaussée, soit la chaussée rigide, la chaussée composite et la chaussée flexible. Les détériorations les plus sévères observées sur la chaussée rigide sont des fissures longitudinales/diagonales/transversales, des épaufrures de joints et du faïençage. Les détériorations les plus sévères observées sur une chaussée composite sont les fissures reflétées alors que la chaussée flexible montre le plus souvent des fissures longitudinales/transversales, des fissures en bloc et des peaux d alligator. À Dorval en particulier dont les origines remontent aux années 40 et qui furent suivis de nombreux travaux d expansion et de réhabilitation, cette hétérogénéité des structures est souvent présente dans un seul secteur; aussi, lors de leur réhabilitation, il faut tenir compte de ces différents types de structures afin de remédier à l ensemble des détériorations observées, et ce, de façon durable. 2. Problématique de la remontée de fissures Les fissures reflétées sont des points de rupture de la chaussée généralement causés par le comportement des couches sous-jacentes soumises à des sollicitations indirectes par le trafic, la variation des températures, les déformations irréversibles des matériaux ou les défauts structuraux des couches inférieures. Par exemple, lorsque le revêtement bitumineux des couches inférieures présente des fissures ou des discontinuités, celles-ci sont alors soumises à des mouvements horizontaux et verticaux se produisant à des vitesses, amplitudes et fréquences variables. Ces mouvements sont à l origine du phénomène de décollement de l interface ou de la remontée des fissures de la couche inférieure à la surface de la chaussée. Les caractéristiques des mouvements d une fissure sont largement reliées au type de structure, à la nature de la fissure ainsi qu à son orientation et son emplacement sur la chaussée. Les mouvements des bords d une fissure se traduisent ainsi par des efforts de tension, de cisaillement ou de déchirement, selon la nature de la sollicitation. Deux facteurs principaux interviennent donc dans la remontée des fissures [2] : le trafic selon que la roue est au droit de la fissure ou non; les variations de température.

Selon les caractéristiques de l interface entre la couche de base et la couche de roulement, la fissure peut ou non se développer le long de cette interface. Le climat canadien, caractérisé par des gradients thermiques journaliers et/ou annuels importants, facilite la fissuration de la couche et influence le phénomène d ouverture et fermeture de la fissure, provoquant la remontée de cette dernière à travers la couche de roulement. Ladite remontée est évidemment accentuée par le trafic. 3. Techniques usuelles pour contrôler et/ou limiter la remontée des fissures Les techniques généralement répandues actuellement pour contrôler la remontée des fissures sont regroupées en deux groupes, à savoir : premier groupe : les techniques qui permettent de limiter et de contrôler la propagation des fissures existantes sur la surface du nouveau revêtement telles que : le traitement des fissures existantes avant resurfaçage; l initiation des fissures avant ou après le resurfaçage; l utilisation de systèmes séparateurs minces entre la chaussée existante et la nouvelle couche de revêtement (exemple : bitume sablonneux, géotextile bitumineux, treillis, géogrille, etc.); la modification dans la rhéologie des matériaux de resurfaçage (polymère, fibre, poudre de caoutchouc, etc.). deuxième groupe : les techniques de traitement de la chaussée existante avant resurfaçage telles que : la fragmentation des dalles de béton de ciment (Rubblizing); le concassage des dalles de béton de ciment (Crack and Seat); la pulvérisation et/ou le recyclage des chaussées flexibles et rigides avec stabilisation au bitume ou bitume/liant hydraulique. Toutes ces techniques plus usuelles dans les projets routiers offrent des performances très variables selon la nature même de la chaussée en place, de son état, des sollicitations impliquées et de son environnement physique. À Dorval par exemple, la performance des produits du premier groupe semble plutôt limitée à deux ou trois ans avant l apparition de fissures reflétées, confirmant a priori la règle un an de retard par 25 mm de resurfaçage de béton bitumineux. La performance des techniques de traitement du deuxième groupe susmentionné semble plus prometteuse.

Quoi qu il en soit, ADM après avoir étudié chacune d elle a eu recours à quelques-unes de ces techniques de réhabilitation de ses chaussées à l aéroport international de Dorval (YUL), en l occurrence, l utilisation d une base stabilisée au ciment et au bitume, l utilisation d une membrane antifissures, la fragmentation des dalles de béton de ciment existantes (Rubblizing) ou simplement la réparation locale des surfaces mises à jour avant de la resurfacer. Les paragraphes suivants visent principalement à présenter sommairement les différentes techniques retenues et discuter de leur performance à ce jour. 4. Resurfaçage des chaussées existantes La mise en place d une nouvelle couche de pavage bitumineux sur une vieille chaussée a été et est chose courante tant pour Transports Canada que ADM. Les budgets restreints et la rapidité d exécution d une telle pratique ont justifié cette option tout en sachant que sa durée de vie pouvait être plutôt limitée (10 à 15 ans selon l épaisseur de resurfaçage), particulièrement dans notre contexte nord-américain où les écarts de température entre les saisons sont importants (-30 C hiver à 30 C été). Si on analyse les résultats de cette option depuis les vingt (20) dernières années à Dorval, on constate que même pour un resurfaçage de 76 à 100 mm sur une vieille chaussée de béton bitumineux ou de béton de ciment, la remontée de fissures sur une nouvelle couche de béton bitumineuse collée avec un bitume d accrochage (RM20) est quasiment totale après quatre (4) ans, sans membrane ou traitement préalable majeur quelconque des fissures. La mise en place d une membrane anti-fissures de type asphaltique sur une voie en béton de ciment (dalle 300 mm de 6 m x 6 m) a eu pour conséquence de retarder quelque peu la remontée des joints (1 à 2 ans) mais à quel prix versus le résultat obtenu. Les résultats obtenus lors de la réhabilitation de la piste 10-28 (2 134 m x 60 m) en 2000 constituée d une vieille chaussée flexible semblent plus prometteurs dans la mesure où les fissures majeures ont été scarifiées sur une largeur et une profondeur de 76 mm et remplies par un mélange fin de béton bitumineux avant la mise en place d une nouvelle couche de béton bitumineux (150 à 200 mm). De fait, ce traitement sélectif et ponctuel semble retarder la remontée des fissures si l on en juge par un pourcentage beaucoup plus faible des fissures reflétées en surface depuis le début mais nous craignons de rester sur notre appétit. L autre problématique qui suit rapidement est le traitement requis et souhaitable des fissures reflétées. Or, la mise en place de produit de scellement à chaud sur les chaussées flexibles par exemple est très vulnérable à nos équipements de déneigement (charrue et balai d acier mécanique), augmentant les risques de FOD (Foreign Object Damage).

En somme, force est d admettre que dans notre contexte nord-américain où les quatre (4) saisons sont omniprésentes, favorisant excessivement les retraits thermiques, les résultats obtenus des techniques du premier groupe mentionné au préalable à Dorval sont plutôt mitigés et le ratio qualité/prix est discutable. Dans cette perspective, nous avons expérimenté les techniques du deuxième groupe. 5. L utilisation d une base stabilisée avec émulsion de bitume et ciment [3] La réhabilitation de la piste 06L-24R (3 353 m x 62 m) en 1998 et 1999 à Dorval s inscrivait dans notre programme continu de la gestion de nos chaussées aéroportuaires, celle-ci datant des années 40. Prolongée à deux reprises et réhabilitées plusieurs fois, il en résulta une structure de chaussée composite et non homogène longitudinalement. De fait, 1 200 m de la piste 24R était constitué de 100 mm de béton bitumineux sur dalles de béton (6 m X 6 m x 300 mm) reposant sur des fondations granulaires (macadam 0-40 mm); l autre 2 153 m de la piste 06L étant constitué d une succession de couche de béton bitumineux allant jusqu à 400 m d épaisseur reposant sur la même fondation granulaire. Les indices de condition de surface (ICS) étaient inférieurs à notre standard (70), ce qui se traduisait dans les faits par la présence de fissures de toutes sortes et autres défauts favorisant le risque de FOD, entre autres. Plusieurs options furent mises de l avant pour réhabiliter la piste, à partir d un simple resurfaçage en béton bitumineux allant jusqu à sa reconstitution complète en béton de ciment. Considérant les critères usuels mis de l avant par ADM (échéancier serré, meilleur ratio coût/durée de vie, entretien, environnement, trafic) et la remontée rapide anticipée des fissures d un simple resurfaçage sur une vieille chaussée, l option retenue fut d excaver les pavages existants jusqu à la fondation granulaire, de les recycler après concassage et tamisage et de fabriquer une base stabilisée avec ces granulats (75 % béton de ciment, 25 % béton bitumineux) à laquelle nous avons incorporé environ 2,8-3 % de bitume résiduel d ajout (émulsion CCS-1) et 1,2-1,5 % de ciment dans une usine Midland sur le chantier. Cette base stabilisée fut remise en place sur une épaisseur de 200 mm et compactée avec des équipements de compaction conventionnels avant la pose de deux nouvelles couches de béton bitumineux (PG 58-28), totalisant 125 mm d épaisseur. Notons qu une partie de la couche de surface a été recouverte avec un bitume polymère (PG 58-34) pour fins de comparaison avec le bitume usuel utilisé à notre aéroport. Le pourcentage de bitume pour la couche de base a été fixé à 4,8 % comparativement à 5,6 % pour la couche de surface. Cinq ans après ces travaux, aucune fissure n est apparue sur la piste si ce n est que certains joints de construction donnant l apparence au printemps d une fissure longitudinale microscopique par endroits pour disparaître en apparence le reste du temps. Si on compare l option d un simple resurfaçage d une durée de vie envisagée alors de 12-15 ans environ à l option retenue d une durée de vie estimée de 20-25 ans et que l on met en perspective un écart budgétaire de 22 % seulement en sus pour l option retenue, les résultats obtenus à date sont beaucoup plus que satisfaisants.

6. La fragmentation des dalles de béton de ciment (rubblizing) Cette technique utilisée avec succès jusqu à maintenant [4, 5] sur certains projets québécois et américains pour réhabiliter des vieilles structures rigides nous a incité à faire de même sur une voie de circulation secondaire (Alpha 3) de Dorval. Essentiellement, cette technique vise à fragmenter la dalle de béton pour obtenir des pièces de moins de 150 mm imbriquées entre elles. L équipement utilisé à Dorval (RMI, Resonant Breaker) consistait à briser la dalle à l aide d un puissant marteau résonant à haute fréquence et basse amplitude. La structure réhabilitée (environ 12 500 m²) en 2001 était composée de dalles en béton (6 m x 6 m) ayant 300 mm d épaisseur reposant sur une fondation granulaire 400 mm (type macadam), le tout reposant sur un terrain naturel argileux ayant un CBR de l ordre de 7 à 10. La structure est bien drainée à l aide de drain perforé et des pentes transversales de 1,5 %. Lors des travaux, nous avons pu observer les faits suivants : il était très difficile d excaver les matériaux fragmentés, les éléments étant très bien imbriqués les uns aux autres; les matériaux obtenus étaient assez fins en surface (20 mm) pour devenir grossier dans la partie inférieure (150 mm); les matériaux étaient plus grossiers au pourtour des dalles et à proximité des joints où l énergie se dissipe; au périmètre extérieur, les blocs pouvaient atteindre et même excéder 250 mm alors qu ils étaient de 200 mm aux joints entre les dalles après une première passe; deux analyses granulométriques ont été réalisées sur des échantillons prélevés. Dans chacun des cas, le pourcentage passant le tamis 5 mm était de l ordre de 20 % tandis que de 30 à 40 % était de dimension supérieure à 40 mm; quatre essais CBR in situ ont été réalisés. Les essais ont été réalisés en appliquant une charge de 4,86 tonnes sur une plaque de 450 mm de diamètre, correspondant à une pression de 300 kpa. La moyenne des résultats du module résilient «E» était de 286 MPa, donc comparable et même supérieure à celle d un matériau granulaire 40-0 mm bien compacté. La dalle fragmentée fut recouverte d une couche de béton bitumineux (PG 58-34) de 100 mm d épaisseur. À ce jour et après deux ans d utilisation, la structure se comporte très bien sans l apparition d aucune fissure.

7. Conclusions Les écarts de température importants (60 C) de notre région favorisent de façon exagérée le retrait thermique de nos matériaux, expliquant probablement le succès mitigé à utiliser les techniques du premier groupe mentionné préalablement tels les séparateurs minces et autres. C est pourquoi, afin d éviter la remontée de fissures de nos vieilles chaussées flexibles ou rigides, il est préférable d éliminer le problème à la source. Jusqu à maintenant, l utilisation en 1998 d une base stabilisée au liant hydraulique et à l émulsion fabriquée à même les granulats des chaussées recyclées (piste 06L-24R) ou la fragmentation des dalles de béton d une voie de circulation (Rubblizing) semble prometteuse, nous incitant à favoriser jusqu à maintenant cette deuxième technique dans le cadre de la réhabilitation prochaine de la piste 06R-24L en 2004. Il va s en dire que la performance des concepts retenus à date est une préoccupation chez ADM dans la mesure où les chaussées (2,3 M de m²) de son aéroport international de Mirabel (YMX) construites en 1975 sont toutes en béton de ciment (dalles 400 mm x 6 m x 6 m) et que l on doit envisager d ici 10-15 ans de les réhabiliter. 8. Références bibliographiques 1. «La gestion des revêtements aéroportuaires aux aéroports internationaux de Montréal, Dorval et Mirabel», Chevalier, F., Elhindy, E., Richer, D., 32e conférence de l Association québécoise des transports et des routes (AQTR), Trois-Rivières, Québec (Canada), 1991. 2. «Techniques anti-remontées des fissures», Services techniques des bases aériennes (STBA), France, avril 1999. 3. «L utilisation d une base stabilisée avec émulsion de bitume et ciment dans le cadre du projet de réhabilitation de la piste 06G/24D et des baies d attente», Richer, D, Chevalier, F, Poulin, G., Laforte, M-A., conférence de l Association québécoise des transports et des routes (AQTR), Trois-Rivières et conférence annuelle du Centre d expertises et de recherches en infrastructures urbaines (CERIU) à Montréal, Québec (Canada) 1999. 4. «Rubblizing Concepts Heavy Load Concrete Airfield Pavements», Boyer, R., Buncher, M., ASCE, 2001. 5. «Autoroute 40 Félix Leclerc, Québec (Canada) : 1997-2002 - Bilan à la fin du contrat de performance de 5 ans», Pierre Dorchies, 38 e congrès AQTR, 2003.