EFFET D UNE SUPPLEMENTATION DE L ALIMENT EN TALC (STEALIM ) SUR LES PERFORMANCES DU POULET DE CHAIR. Mallet Serge 1, Delord Patrick 2, Juin Hervé 3, Lessire Michel 1 1 INRA Station de Recherches Avicoles, 37380 NOUZILLY France, 2 Luzenac Europe, 31036 TOULOUSE, France 3 INRA Station expérimentale du Magneraud,17700 SURGERES France Effet d une supplémentation de l aliment en talc (Stealim ) sur les performances du poulet de chair. Cinq expérimentations ont été réalisées pour étudier les effets du talc de Luzenac incorporé à 1 ou 2% dans l alimentation de poulets de chair en croissance. Dans les quatre premières, le talc a remplacé une quantité équivalente de cellulose raffinée pour ne pas modifier les caractéristiques nutritionnelles de l aliment. Son effet a été comparé à celui d un antibiotique facteur de croissance : l avilamycine, incorporé à 5ppm. Dans la dernière expérimentation, le talc a été incorporé à 1% en dilution dans l aliment et comparé à l aliment de base. Les poulets (36 à 48 animaux par lot) étaient élevés au sol pendant la période de démarrage (J0 à J3-J13 suivant les expérimentations) puis transférés en cages individuelles pour le reste de l élevage (période croissance, J4-14 à J20-28). Dans les essais 1 à 4, les deux additifs : talc et avilamycine, ont montré un effet bénéfique sur les performances des poulets, gain de poids (G.P.) et indice de consommation (I.C.) surtout dans les essais où les performances des animaux témoins étaient les moins bonnes. En regroupant tous les essais, l avilamycine a amélioré significativement les performances (G.P. et I.C.) par rapport au témoin non supplémenté. Le talc a eu un effet bénéfique, parfois significatif, mais toujours inférieur à celui de l avilamycine. Aucun effet dose n a été observé pour le talc (1 et 2%). Dans l essai 5, Les animaux ont consommé plus d aliment pour compenser la dilution de l aliment par le talc et, malgré cette dilution, les performances des poulets (G.P. et I.C.) n ont pas été dégradées. En conclusion, le talc semble donc pouvoir être incorporé à 1% dans l aliment sans dégrader les performances des animaux. Dans deux essais sur 5 il a même amélioré significativement le gain de poids ou l indice de consommation des poulets. Effect on broiler performance of a diet supplemented with talc (Stealim ). Five experiments were performed to study the effects of the addition of 1 or 2% of Luzenac talc in the diet of broiler chickens. In experiments 1 to 4, talc replaced the same amount of cellulose in order to maintain the same characteristics in the diets. Its effect was compared to that of an antibiotic growth factor: avilamycine at a 5 ppm concentration. In experiment 5, talc was incorporated at a rate of 1% by dilution in the diet and compared to the diet. The birds ( batches of 36 to 48 per treatment) were raised on floor pens during the starter period (D0 to D3-13 according to the experiment) and then transferred to individual cages up to the end of the experiment (growing period D4-14 to D20-28). In experiments 1 to 4, both additives - talc and avilamycin - improved bird performance, weight gain (WG) and feed conversion ratio (FCR) especially when poor performances were observed for the unsupplemented control group. If the four experiments are computed together, avilamycin significantly improved WG and FCR compared to the unsupplemented control group. Talc also improved bird performance, always at a lower level than avilamycin, but significantly in some of the experiments. No dose effect was observed with talc (1 and 2%). In experiment 5, The birds consumed more feed to compensate for diet dilution by the talc and, despite this diet dilution, Luzenac talc did not significantly affect bird performance. To conclude, it seems possible for talc to be incorporated in the diet at a 1% rate without affecting bird performance. Moreover, in two of the five experiments, significant improvement was observed in the weight gain or feed conversion ratio of the chickens. 254
INTRODUCTION La suppression progressive dans l alimentation des volailles de facteurs de croissance comme les antibiotiques, suspectés de pouvoir induire des résistances dans des souches bactériennes humaines, a motivé la recherche de nouvelles alternatives mais aussi un regain d intérêt pour des substances déjà connues mais pas encore largement utilisées chez les volailles, surtout pour leurs propriétés zootechniques. Le talc est un minéral appartenant à la classe des phyllosilicates au même titre que des argiles comme la bentonite, la kaolinite ou la sépiolite, bien connues comme additifs alimentaires pour leurs propriétés technologiques qui diffèrent d un type de produit à l autre (Wolter et al., 1990). Commercialisé en France sous le nom de Stealim, le talc a reçu l agrément européen sous le N E560. Il est utilisé depuis plus de 25 ans comme additif technologique dans l alimentation animale pour ses propriétés lubrifiantes, anti-mottantes ou comme excipient dans les prémix. Grâce à ses propriétés hydrophobes, il enrobe les aliments et forme une barrière naturelle qui aide au maintien de la teneur en eau des produits. Les avantages des argiles comme additifs zootechniques en alimentation animale sont bien connus (Duval, 1993 ; Ouhida et al., 2000 ; Wolter et al., 1990) et une amélioration du gain de poids et de l indice de consommation a été parfois observée chez les volailles. Cependant, les effets observés sont très variables et dépendent du type de produit utilisé et des conditions expérimentales. En ce qui concerne l utilisation du talc, des essais ont été réalisés mais très peu ont fait l objet de publications. Chez le porc, Bourdillon (1975) a montré que 3% de talc n affectaient pas les performances des animaux. Chez des lapins prédisposés par leur alimentation à l entérite mucoïde, Tournut (1978) observe un effet positif du talc sur la flore intestinale (diminution du nombre de coliformes et des oxydo-réducteurs) avec pour conséquence une augmentation significative du gain de poids. Lebas et al. (1994) observent chez la même espèce que 2% de talc dans l aliment n affectent pas les performances malgré la dilution de l aliment par l additif. Comme peu de données étaient disponibles concernant les effets du talc chez les volailles, nous avons étudié dans cinq expérimentations les effets de deux doses de talc de Luzenac incorporé dans l aliment de poulets de chair en comparaison avec un additif antibiotique. 1. MATERIELS ET METHODES 1.1. Animaux et dispositif expérimental Cinq expérimentations ont été réalisées sur une période de 3 ans dans deux stations expérimentales françaises et suivant différents protocoles expérimentaux (Tableau 1). Pour les expérimentations 1 à 4, des poussins mâles de 1 jour (Ross PM3) ont été pesés à leur arrivée (J0) et répartis au hasard dans des parquets (3 m 2 ) sur des copeaux de bois (un parquet par traitement expérimental). Les animaux ont été élevés ensemble pendant la période de démarrage (J0 à J10-13) pour homogénéiser la contamination bactérienne de leur tractus digestif. A la fin de la période de démarrage, les animaux ont été pesés et répartis en cages individuelles pour la période de croissance (J11-14 à J20-28). Les oiseaux de poids extrêmes (inférieur et supérieur) ont été éliminés afin de maintenir dans chaque groupe expérimental (36 ou 48 poulets suivant l expérimentation) le même poids moyen qu à la fin de la période de démarrage. Pour l expérimentation 5, la procédure était similaire mais les animaux n étaient élevés ensemble (en cage par groupes de 4) que de J0 à J3 et répartis en cages individuelle à J4. Tableau 1 - Protocoles des cinq expérimentations réalisées dans les deux localités. Exp. Localisation Groupes expérimentaux Périodes d élevage N 1 Témoin Avila. Talc 1% Talc 2% Démarrage Croissance 1 SRA 36 + + + + J0-J11 J12-J20 2 SRA 36 + + + + J0-J11 J12-J25 3 Magneraud 48 + + + - J0-J10 J11-J24 4 Magneraud 48 + + + - J0-J13 J14-J28 5 SRA 48 + - + - J0-J3 J4-J23 1 Nombre de poulets par lot. 255
1.2. Aliments expérimentaux Les poulets ont été nourris à l aide d un aliment composé principalement de maïs, blé et soja et dont les caractéristiques (Tableau 2), étaient similaires dans les différentes expérimentations. Dans les expérimentations 1 à 4, deux aliments (démarrage et croissance) ont été utilisés au cours de l élevage alors que pour l exp. 5, le même aliment a été utilisé pour les deux périodes. Tableau 2 Caractéristiques calculées moyennes (EM : Energie Métabolisable, MAT : Matières Azotées Totales, AAS : Acides Aminés Soufrés) des différents aliments expérimentaux. Exp. 1-4 Démarrage Croissance Exp. 5 EM (Kcal/kg) 3075 3140 3050 MAT (g/kg) 218 208 210 Lysine (g/kg) 12 11 11 A.A.S. (g/kg) 8,6 8,3 8,2 Dans les expérimentations 1 et 2, les animaux ont reçu l aliment standard et deux aliments contenant respectivement 1% et 2% de talc de Luzenac. Ces 3 aliments étaient comparés à un aliment contenant 5 ppm d avilamycine (Maxus G200). Dans les expérimentations 3 et 4, seule la dose de 1% de talc a été utilisée. Le talc était substitué à la même quantité de cellulose raffinée (non assimilable par les oiseaux) afin de maintenir dans tous les groupes expérimentaux les mêmes caractéristiques sans aucune dilution due à l addition de talc. Dans l expérimentation 5, seule la dose de 1% de talc a été comparée à l aliment standard mais dans ce cas, le talc était ajouté directement à l aliment de base induisant ainsi une dilution de 1% de ses caractéristiques nutritionnelles par rapport au lot témoin. Tous les aliments étaient granulés ( 2.5 mm). 1.3. Critères étudiés Les poulets ont été pesés individuellement à J0 et à la fin de chaque période d élevage pour calculer les gains de poids (G.P.). Les aliments étaient pesés à J0 et à la fin de chaque période expérimentale. L indice de consommation (I.C.) a été calculé pour chaque animal pendant la période de croissance, quand les animaux étaient répartis en cages individuelles (consommation d aliment/g.p.). 1.4. Statistiques Les données ont été analysées à l aide du logiciel Statview 5. Les différences significatives entre les groupes expérimentaux ont été déterminées par analyse de variance et les moyennes comparées par le test de Fisher (p 0.05). Les quatre premières expérimentations, qui présentaient des protocoles expérimentaux similaires, ont été analysées ensemble et le numéro d expérimentation a été utilisé comme seconde variable indépendante pour tenir compte des différences entre expérimentations (lieu, aliment, durée de la période d élevage) et pour déterminer les interactions éventuelles entre ces différents paramètres. 2. RESULTATS 2.1. Animaux témoins Des différences de performances significatives ont pu être mises en évidence entre les différentes expérimentations (exp. 1 à exp. 4). Les courbes de croissance (Figure 1) montrent les performances les plus faibles pour l expérimentation 1 avec des augmentations de 7%, 14% et 23% respectivement pour les expérimentations 2, 3 et 4. Des résultats similaires ont été observés avec les indices de consommation, ce qui représente un écart maximum de l ordre de 20%. Poids vif (g) Figure 1 Comparaison des performances de croissance (poids moyen ± écart type) entre les expérimentations 1 à 4. 1800 1600 1400 1200 1000 800 600 400 200 0 Exp.1 Exp.2 Exp.3 Exp.4 0 5 10 15 20 25 30 Age (jours) De telles différences sont importantes car elles peuvent induire des réponses différentes au niveau des additifs qui sont connus pour avoir un effet plus marqué quand les animaux sont en moins bonnes conditions (Thomke et Elwinger, 1998a). Elles peuvent être expliquées par des différences dans la durée des périodes d élevage, ou dans les conditions d élevage des animaux. 2.2. Effet de l avilamycine Le poids vif (P.V.) et l indice de consommation (I.C.) sont significativement améliorés par l antibiotique, excepté dans l essai 4 (Tableau 3). La réponse moyenne en comparaison avec le 256
témoin non supplémenté est de +4% pour le P.V. et de -2% pour l I.C.. Une interaction significative est observée entre les facteurs «expérimentation» et «aliment» pour les paramètres étudiés avec, pour les 4 expérimentations, un écart entre les expérimentations de -0.6% (exp.4) à +12.3% (exp.1) pour le G.P. et de -0.7% (exp.4) à -4.8% (exp.2) pour l I.C.. Des écarts similaires dans la réponse des animaux aux antibiotiques facteurs de croissance avaient été observées dans leur revue par Thomke et Elwinger (1998a). Ils avaient également noté que les facteurs de croissance étaient plus efficaces sur des animaux en moins bonne santé et que les niveaux de réponse étaient moins élevés dans les systèmes de production à haut niveau hygiénique. Ceci est vérifié dans les présentes expérimentations avec l effet le plus faible observé dans l essai 4 présentant les meilleures performances et le plus fort observé dans l essai 1 qui présente les performances les plus faibles. 2.3. Effet du talc L incorporation de 1% ou 2% de talc est comparée dans les expérimentations 1 et 2 (Tableau 3). Aucune différence n est observée entre les deux doses pour le P.V. ou l I.C.. Dans les expérimentations 1 à 4, le talc montre des effets bénéfiques sur les performances des animaux (P.V. ou I.C.). Ces effets sont toujours inférieurs à ceux de l avilamycine, avec des performances intermédiaires par rapport au témoin non supplémenté. Comme avec l avilamycine, les interactions entre les facteurs «expérimentation» et «aliment» sont significatives pour les paramètres étudiés et traduisaient le fait que les expérimentations 1 et 2, qui présentent les performances les plus faibles, montrent des effets significatifs de l additif alors que dans les essais 3 et 4 qui présentent les performances les plus fortes, le talc ne montre aucun effet. L écart entre les 4 expérimentations est de -0.7% (exp.3) à +7.3% (exp.1) pour le P.V. et 0% (exp. 3 et 4) à -3.6% (exp.1) pour l I.C.. En analysant ensemble les 4 expérimentations, l effet moyen du talc est de +0.5% (non significatif par rapport au témoin) pour le P.V. et de -1.3% (significatif par rapport au témoin et similaire à l avilamycine) pour l I.C.. Dans l expérimentation 5, l utilisation du talc en dilution dans l aliment n a pas dégradé de façon significative les performances des poulets. Les animaux ont consommé plus d aliment pour compenser la dilution de celui-ci par le talc. CONCLUSION Les présentes expérimentations pmontrent que les effets du talc sont comparables à ce qui a pu être observé avec d autres additifs. Les effets obtenus sont généralement inférieurs à ceux des antibiotiques, souvent inconstants et rarement significatifs même avec des additifs bien connus comme les probiotiques (Thomke et Elwinger, 1998b ; Simon et al, 2001). Avec les argiles, des effets bénéfiques ont parfois été observés (Duval, 1993 ; Wolter et al., 1990) parfois jusqu à 5% sur le G.P. et l I.C. (Ouhida et al., 2000) mais peu de publications font état de résultats significatifs. Concernant le talc, aucun résultat ne semble avoir été publié pour les volailles et les études réalisées chez d autres espèces ont montré, soit une amélioration du gain de poids (Tournut, 1978), soit une absence de dégradation des performances des animaux (Bourdillon, 1974 ; Lebas et al., 1994 ). On peut donc conclure que dans les présentes expérimentations, le talc utilisé à la dose de 1% a eu un effet globalement positif sur les performances des animaux. L amélioration reste inférieure à celle de l avilamycine mais est néanmoins significative pour le gain de poids ou l indice de consommation dans deux expérimentations sur 5. Quand, comme dans l expérimentation 5 le talc vient diluer l aliment, aucune dégradation des performances n est observée. Cependant, ces résultats, obtenus sur des animaux élevés en cages individuelles devront être confirmés par des essais réalisés au sol dans des conditions plus proches des élevages. REMERCIEMENTS Nous remercions toute l équipe des stations expérimentales de l INRA de Nouzilly (Station de Recherches Avicoles ) et du Magneraud pour leur aide dans la réalisation de ces expérimentations. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Bourdillon J.C., 1975. Thèse vétérinaire, Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, France, N 126, pp78. Duval J., 1993. McGill University, http://www.eap.mcgill.ca/agrobio/ab370-03.htm. Lebas F., Delord P., 1994. Rev. Aliment. Anim., 479, 54-58. Ouhida I., Perez J.F., Gasa J., Puchal F., 2000. Br. Poult. Sci. 41, 617-624. Simon O., Jadamus A., Vahjen W., 2001. J. Anim. Feed Sci. 10, 51-67. Thomke S., Elwinger K., 1998a. Ann. Zootech. 47, 85-97. Thomke S., Elwinger K., 1998b Ann. Zootech. 47, 245-271. Tournut J., 1978.Rapport experimental, Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, France, pp8. Wolter R., Dunoyer C., Henry N., Seegmuller S., 1990. Rec. Méd. Vét. 166, 21-27. 257
Tableau 3 Poids vif en fin de période d élevage et indice de consommation estimé en cage pendant l alimentation croissance (moyenne ± écart type) obtenus dans les 5 expérimentations réalisées. Témoin Avilamycine Talc Non supplémenté 5ppm 1% 2% Poids vif (g) Exp. 1 (J20) 657 ± 87 b 733 ± 50 a 705 ± 55 a 707 ± 72 a Exp. 2 (J25) 1057 ± 71 ab 1095 ± 81 a 1063 ± 85 ab 1041 ± 66 b Exp. 3 (J24) 1063 ± 82 b 1128 ± 77 a 1056 ± 66 b Exp. 4 (J28) 1476 ± 101 1467 ± 113 1476 ± 101 Moyenne 1-4 1096 ± 302 b 1136 ± 273 a 1101 ± 286 b Exp. 5 (J23) 791 ± 77 797 ± 80 Indice de consommation Exp. 1 (J12-J20) 1.73 ± 0.16 1.67 ± 0.07 1.67 ± 0.18 1.68 ± 0.22 Exp. 2 (J12-J25) 1.65 ± 0.06 c 1.57 ± 0.06 a 1.61 ± 0.07 b 1.61 ± 0.06 b Exp. 3 (J11-J24) 1.38 ± 0.05 b 1.36 ± 0.05 a 1.38 ± 0.04 b Exp. 4 (J14-J28) 1.50 ± 0.06 1.49 ± 0.06 1.50 ± 0.07 Moyenne 1-4 1.54 ± 0.16 b 1.51 ± 0.13 a 1.52 ± 0.15 a Exp. 5 (J4-J23) 1.49 ± 0.06 1.50 ± 0.09 a,b,c : Dans une ligne, les moyennes suivies de lettres identiques ne diffèrent pas statistiquement (p<0.05). 258