29 AVRIL 2015 P.15.0002.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N P.15.0002.F 1. PR. J.-J. 2. P. N. prévenus, demandeurs en cassation, ayant pour conseils Maîtres Emmanuel Carlier, avocat au barreau du Brabant wallon, Pauline Knaepen, avocat au barreau de Bruxelles, et Pierre Joassart, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Watermael- Boitsfort, boulevard du Souverain, 36, où il est fait élection de domicile, les pourvois contre LE COLLEGE COMMUNAL DE LA COMMUNE DE COURT- SAINT- ETIENNE, partie intervenue volontairement, défendeur en cassation.
29 AVRIL 2015 P.15.0002.F/2 I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 2 décembre 2014 par la cour d appel de Bruxelles, chambre correctionnelle. Les demandeurs invoquent cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme. Le conseiller Gustave Steffens a fait rapport L avocat général Raymond Loop a conclu. II. LA DÉCISION DE LA COUR A. En tant que les pourvois sont dirigés contre les dispositions qui statuent sur la culpabilité et sur la peine : Sur le premier moyen : Les demandeurs reprochent aux juges d appel d avoir écarté la note déposée le jour de l audience consacrée à l examen de la cause et d avoir considéré, ensuite de cet écartement, que l action publique n était pas prescrite. Le juge peut écarter des débats, comme étant constitutives d un abus de procédure, des conclusions tardives qui empêchent la bonne administration de la justice, lèsent fautivement les droits de l autre partie et portent atteinte au droit à un procès équitable. L arrêt relève que la cause a fait l objet de plusieurs remises, que la dernière d entre elles a été consentie il y a près de cinq mois pour plaidoiries, que les parties savaient que la cause serait examinée au fond en priorité, que les demandeurs ont attendu le jour de l audience consacrée à cet examen pour déposer des conclusions dont la communication tardive a surpris leurs adversaires, et que cette attitude méconnaît le principe du débat contradictoire et loyal.
29 AVRIL 2015 P.15.0002.F/3 Par ces considérations, les juges d appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision. Pour le surplus, en relevant que le 10 février 2005, les demandeurs continuaient à ériger de nouveaux murs non autorisés, qu à cette date, les travaux litigieux étaient toujours maintenus et que la prescription avait été valablement interrompue le 8 janvier 2010, les juges d appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision de dire l action publique non prescrite. Le moyen ne peut être accueilli. Sur le troisième moyen : Les demandeurs reprochent à l arrêt de ne pas expliquer pourquoi la poursuite dont ils font l objet n est pas discriminatoire alors que leurs voisins, qui ont également effectué des travaux en infraction au permis de lotir, n ont pas été inquiétés. La recevabilité de l action publique intentée à charge d une personne ayant commis une infraction déterminée n est pas subordonnée à la condition que d autres personnes, qui auraient commis une infraction similaire dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, soient poursuivies comme la première. L arrêt considère notamment qu il appartient au ministère public de juger de l opportunité des poursuites. Par cette considération les juges d appel ont répondu aux conclusions des demandeurs et légalement justifié leur décision. Le moyen ne peut être accueilli.
29 AVRIL 2015 P.15.0002.F/4 Sur le quatrième moyen : Les demandeurs reprochent à l arrêt de considérer que le délai raisonnable n est pas dépassé alors qu ils font l objet d une accusation en matière d urbanisme depuis février 2004, de sorte que la procédure dépasse dix ans pour deux degrés de juridiction. Si le juge du fond constate souverainement les faits d où il déduit que le délai raisonnable dans lequel la cause doit être examinée est ou n est pas dépassé, la Cour contrôle cependant si, de ses constatations, il a pu légalement déduire cette décision. L arrêt attaqué ne se borne pas à énoncer que, «prise dans son ensemble, la procédure n a pas subi de retard anormal». En effet, la cour d appel a relevé les éléments suivants, propres à démontrer que les demandeurs ont mis obstacle au bon déroulement de la procédure : - après avoir fait opposition à un jugement par défaut en février 2009, ils n ont déposé leurs conclusions de synthèse qu en octobre 2011 ; - le jugement sur opposition n a pu être rendu en décembre 2012 qu après plusieurs remises sollicitées par eux ; - leurs conclusions d appel n ont été déposées qu en mars 2014 alors que la cause avait été introduite en appel depuis octobre 2013 ; - une note d audience, contenant des conclusions additionnelles d appel, a encore été déposée le 4 novembre 2014, en méconnaissance de la loyauté des débats. Par ces considérations, les juges d appel ont pu légalement décider que le délai raisonnable n était pas dépassé. Le moyen ne peut être accueilli.
29 AVRIL 2015 P.15.0002.F/5 Le contrôle d office Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi. B. En tant que les pourvois sont dirigés contre la décision rendue sur la mesure de réparation sollicitée par le défendeur : Sur le deuxième moyen : Quant à la première branche : Le moyen invoque la violation de l article 4 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, en ce que les juges d'appel ont décidé que les intérêts défendus par la commune ne sont pas, dans l'exercice de l'action en réparation, des intérêts civils au sens de cette disposition et, en ce que, pour ce motif, ils ont examiné cette demande alors qu une procédure est pendante entre les mêmes parties devant le tribunal civil. Contrairement aux dommages-intérêts, la mesure de remise en état ne vise pas l'indemnisation d'un dommage causé à des intérêts privés, mais tend à rendre non avenues, dans l'intérêt général, les conséquences de l'infraction. Par ailleurs, la maxime Electa una via, dont le moyen accuse également la violation, n est pas un principe général du droit. Soutenant le contraire, le moyen manque en droit. Quant à la seconde branche : La décision du juge pénal ordonnant au prévenu, à la demande de la commune, de procéder à la remise en état des lieux ou de cesser l usage contraire, ne constitue pas une peine au sens du droit belge mais une mesure de nature civile, même si elle ressortit à l action publique. L article 211bis du
29 AVRIL 2015 P.15.0002.F/6 Code d instruction criminelle n est pas applicable à la décision qui confirme la peine et ajoute une mesure de rétablissement. La remise en état ne constituant pas une deuxième condamnation pénale pour le même fait, le juge qui prononce une telle mesure ne saurait méconnaître le principe général non bis in idem. Le moyen manque en droit. Sur le cinquième moyen : Les demandeurs reprochent à l arrêt de ne pas répondre à leurs conclusions faisant valoir que la remise en état des lieux sollicitée par le défendeur était disproportionnée, obscure, techniquement impossible et contraire à sa propre argumentation. L arrêt relève, dans le cadre du contrôle de proportionnalité imposé par le décret, que la mesure sollicitée respecte la loi de même que la règlementation urbanistique et qu elle est techniquement possible. Il considère qu aucune autre mesure ne pourrait réparer plus adéquatement et raisonnablement l atteinte qu il sanctionne. Il rappelle que les demandeurs s opposent à la commune depuis 2004 malgré les avertissements de cette dernière et qu ils ont délibérément couru le risque de subir la remise en état litigieuse. Si la commune a régularisé la situation de certains voisins, ce qui conduit les demandeurs à conclure que celle-ci adopte des comportements contradictoires, l arrêt rappelle également que la situation des voisins n est pas comparable et qu à cet égard, la position de la Commission d avis sur les recours ne peut lier la cour d appel.
29 AVRIL 2015 P.15.0002.F/7 Par ces considérations, les juges d appel ont répondu aux conclusions des demandeurs et régulièrement motivé leur décision. Le moyen manque en fait. Le contrôle d office Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi PAR CES MOTIFS, LA COUR Rejette les pourvois ; Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi. Lesdits frais taxés à la somme de cent quarante euros trente et un centimes dus. Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, premier président, Frédéric Close, président de section, Benoît Dejemeppe, Gustave Steffens et Françoise Roggen, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-neuf avril deux mille quinze par le chevalier Jean de Codt, premier président, en présence de Raymond Loop, avocat général, avec l assistance de Tatiana Fenaux, greffier. T. Fenaux F. Roggen G. Steffens B. Dejemeppe F. Close J. de Codt