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Nations Unies AT T/DEC/597 Tribunal administratif Distr. LIMITÉE 29 juin 1993 FRANÇAIS ORIGINAL : ANGLAIS TRIBUNAL ADMINISTRATIF Jugement No 597 Affaire No 593 : COLAYCO Contre : Le Secrétaire général de l'organisation des Nations Unies LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Composé comme suit : M. Jerome Ackerman, président; M. Luis de Posadas Montero, vice-président; M. Hubert Thierry; Attendu qu'à la demande d'emma J. Colayco, fonctionnaire de l'organisation des Nations Unies, le Président du Tribunal a, avec l'accord du défendeur, prorogé au 31 mars 1991 le délai pour l'introduction d'une requête devant le Tribunal; Attendu que, le 28 mars 1991, la requérante a introduit une requête dans laquelle elle priait le Tribunal : "1. D'annuler la recommandation du Comité de recours en matière de classement des emplois d'agent des services généraux à New York (le 'Comité de recours') en date du 1er mars 1990, concernant le recours de la requérante et de juger erronée la décision du Sous-Secrétaire général à la gestion des ressources humaines en date du 4 juin 1990; 2. D'ordonner que le poste de la requérante soit classé P-2 avec effet rétroactif au 1er janvier 1985 conformément à l'annexe I, partie IV, section B, paragraphe 14 de la circulaire ST/IC/86/27 du 28 avril 1986 (...) et de dire et juger que le représentant du Secrétaire général n'a pas classé les fonctions de la requérante conformément à la nature des attributions et responsabilités du poste;

- 2-3. D'ordonner au défendeur de traiter le cas de la requérante de la même façon que les cas où, à la suite de l'opération de classement initial, les postes ont été reclassés et les agents des services généraux les occupant promus en conséquence à la catégorie des administrateurs conformément à la circulaire ST/IC/86/27 (...); 4. De dire et juger que la procédure du Comité de recours a violé les dispositions fondamentales du Statut et du Règlement du personnel énoncées au chapitre XI à l'intention des commissions paritaires de recours; 5. De dire et juger que l'administration a induit le département organique en erreur en s'abstenant de lui indiquer qu'il avait la possibilité de classer le poste dans la catégorie des administrateurs comme la direction du département en avait manifestement l'intention ainsi qu'il est indiqué au paragraphe 6 ci-dessous; 6. D'accepter les lettres de la haute direction (..., ancien Secrétaire général adjoint aux questions politiques spéciales, à la coopération régionale, à la décolonisation et à la tutelle (...) et..., Directeur adjoint, Division de la décolonisation et de la tutelle (...); de l'ancien superviseur de la requérante (..., fonctionnaire du contrôle de la rédaction, Département des services de conférence (...)); et de l'actuel superviseur de la requérante (..., Chef du Groupe de la rédaction, Département des questions politiques spéciales, de la coopération régionale, de la décolonisation et de la tutelle (...)) comme certificats attestant que la direction avait l'intention de faire classer ce poste dans la catégorie des administrateurs; 7. De dire et juger que la procédure de vérification énoncée dans la circulaire ST/AI/301 (...) n'a pas été appliquée à la requérante; 8. De dire et juger que la violation des procédures administratives énoncées à l'article 101 de la Charte des Nations Unies, à l'article 1.4 du Statut du personnel (Conduite des fonctionnaires), à l'article 2.1 du Statut du personnel (Classement des postes et du personnel), dans la résolution 41/209 de l'assemblée générale, partie IX, et dans les circulaires ST/IC/86/27 (...), ST/IC/81/21 (...), ST/IC/82/66 (...) et ST/AI/301 (...); l'inobservation des garanties d'une procédure régulière; la violation du principe de la bonne foi dans les relations avec le personnel; et un retard excessif de plusieurs années ont causé à la requérante un préjudice matériel, financier, professionnel et moral dont le défendeur est tenu de l'indemniser; 9. D'accorder une indemnité d'un montant exemplaire pour préjudice moral, y compris des dommages-intérêts d'au moins 25 000 dollars à titre de sanction; d'allouer une indemnité supplémentaire de 12 000 dollars pour pertes de traitement et d'indemnités effectivement subies; d'ordonner le paiement du montant approprié au

- 3 - titre des prestations de pension qui auraient été dues si la requérante avait été promue lorsqu'elle aurait dû l'être; 10. Conformément à la demande de la requérante, de tenir une procédure orale et d'entendre les témoins suivants en vertu des articles 15 et 16 du Règlement du Tribunal administratif des Nations Unies :..." Attendu que le défendeur a produit sa réplique le 10 janvier 1992; Attendu que la requérante a déposé des observations écrites le 26 mars 1992; Attendu que la requérante a présenté des exposés et pièces supplémentaires les 30 juin, 24 septembre et 19 octobre 1992; Attendu que, le 29 octobre 1992, le Tribunal a prié le défendeur de fournir à la requérante "l'analyse du Service de la rémunération et du classement des emplois mentionnée dans chaque affaire comme étant l'un des éléments que le Comité de recours a examinés lorsqu'il a fait ses recommandations sur le classement des postes" et posé une autre question au défendeur; Attendu que, le même jour, le Tribunal a posé des questions à la requérante et lui a demandé "de faire savoir au Tribunal si elle souhaite que soit examiné tout autre renseignement... portant exclusivement sur l'analyse susmentionnée et sur la nature des fonctions et responsabilités du poste telles qu'énoncées dans les définitions d'emploi sur lesquelles cette analyse a porté"; Attendu que, le 3 novembre 1992, le défendeur a soumis au Tribunal la documentation demandée et que, le 9 novembre 1992, la requérante a présenté ses observations à ce sujet ainsi que ses réponses aux questions posées par le Tribunal; Attendu que, le 20 novembre 1992, la Secrétaire du Tribunal a informé les parties que le Tribunal avait décidé de surseoir à l'examen de l'affaire jusqu'à sa session de printemps de 1993; Attendu que la requérante a présenté une pièce supplémentaire le 4 mai 1993;

- 4 - Attendu que les faits de la cause sont les suivants : Emma Colayco est entrée au service de l'organisation des Nations Unies le 12 décembre 1966, avec un engagement de durée déterminée de trois mois à la classe G-3, échelon I, comme commis sténographe au Département de la tutelle et des territoires non autonomes. Le 12 mars 1967, elle a reçu un engagement de stage et, le 1er décembre 1968, un engagement permanent. La requérante a été promue à la classe G-4 comme secrétaire, à compter du 1er avril 1971. A compter du 12 avril 1976, elle a été réaffectée comme commis d'édition au Groupe de la rédaction des services de secrétariat, dans le même département. La requérante a été promue à la classe G-5 comme commis principal d'édition le 1er avril 1977 et à la classe G-6 comme assistante d'édition le 1er janvier 1985. Du 16 janvier 1991 au 5 juin 1992, la requérante a reçu une indemnité de fonctions à la classe P-2. En juillet 1982, la Commission de la fonction publique internationale avait approuvé la mise en place d'une structure à sept classes (pour remplacer l'ancienne structure à cinq classes) pour la catégorie des services généraux à New York et promulgué des normes de classement des emplois pour les sept classes. En conséquence, tous les postes d'agent des services généraux à New York ont été classés conformément aux procédures exposées dans l'instruction administrative ST/AI/301 du 10 mars 1983. Conformément à l'instruction administrative, une définition de l'emploi occupé par la requérante a été établie aux fins d'un classement initial et soumise au Service du classement des emplois le 30 décembre 1983. Le 13 juin 1984, le Sous-Secrétaire général aux services du personnel a annoncé aux fonctionnaires, dans la circulaire ST/IC/84/45, la création du Groupe chargé d'examiner les résultats du classement, qui devait "examiner les résultats généraux du classement des emplois d'agent des services généraux et des catégories apparentées qui est actuellement en cours à New York". Le poste de la requérante a été classé G-6. Le 28 avril 1986, par la circulaire ST/IC/86/27, le Sous-Secrétaire général aux services du personnel a informé les fonctionnaires "des mesures prises en ce qui concerne le classement des postes des catégories des services généraux... au Siège de l'onu et de...

- 5 - celles qui vont être prises, pour ce qui est notamment de l'application des résultats du classement et de la procédure de recours prévue". Le Comité de recours a été créé avec effet au 16 mai 1986 pour examiner les recours dirigés contre les résultats de l'opération de classement. Dans un mémorandum du 16 juin 1986, la requérante a contesté le classement initial de son poste, déclarant : "Comme les fonctions afférentes à mon poste n'ont pas été décrites exactement dans la définition d'emploi précédemment soumise, je joins... une définition d'emploi révisée qui reflète plus exactement les attributions et responsabilités du poste." Le Sous-Secrétaire général à la gestion des ressources humaines 1 a présenté le cas de la requérante au Comité de recours pour avis conformément à la circulaire ST/IC/86/27, annexe II, paragraphe 10 c). Cependant, la procédure énoncée au paragraphe 10 b) de la circulaire, qui exige que la Section du classement des emplois examine le cas, n'a pas été suivie. Le Comité de recours a examiné le cas et confirmé que le poste devait être classé G-6. Le Sous-Secrétaire général à la gestion des ressources humaines a approuvé cette recommandation le 21 janvier 1987. La requérante a contesté la décision de classement dans un mémorandum du 15 mai 1987 adressé au Sous-Secrétaire général à la gestion des ressources humaines. Elle demandait que les fonctions afférentes au poste soient comparées à celles d'un éditeur adjoint de 1re classe (P-2) du même département. Elle déclarait que l'examen des deux définitions d'emploi ferait apparaître que les fonctions accomplies étaient les mêmes. Elle joignait copie d'un mémorandum adressé au Sous-Secrétaire général à la gestion des ressources humaines dans lequel le fonctionnaire chargé de l'administration, Département des affaires politiques, de la tutelle et de la décolonisation, demandait que la définition d'emploi soit examinée en vue 1 Nouvelle appellations du Bureau des services du personnel.

- 6 - d'un reclassement du poste à la classe P-2. Comme le recours initial n'avait pas été examiné conformément à la procédure prescrite au paragraphe 10 b) de l'annexe II de la circulaire ST/IC/86/27, le cas a été soumis de nouveau au Comité de recours après que la procédure requise eut été suivie. Le Comité de recours a examiné le recours à sa 4e séance, le 1er mars 1990, et a fait la recommandation suivante : "Après avoir examiné la définition d'emploi révisée présentée dans le cadre du recours initial, les renseignements fournis par la requérante dans ses mémorandums de recours et dans les pièces qui y sont jointes, les renseignements fournis par le fonctionnaire chargé de l'administration, Département des affaires politiques, de la tutelle et de la décolonisation, dans son mémorandum du 14 mai 1987, et l'analyse faite par le Service de la rémunération et du classement des emplois, qui confirmait la décision de classement initial, le Comité a conclu que les fonctions que comportait le poste correspondaient à celles de la classe GS-6 décrites dans les normes de classement des emplois d'agent des services généraux. En conséquence, le Comité recommande que le poste soit maintenu à la classe GS-6 des emplois apparentés à l'édition." Dans un mémorandum du 4 juin 1990, le Sous-Secrétaire général à la gestion des ressources humaines a informé la requérante qu'il avait approuvé la recommandation du Comité de recours. Le 10 août 1990, la requérante a demandé au Secrétaire général de consentir à ce qu'elle soumette directement au Tribunal, en vertu de l'article 7.1 du statut du Tribunal, une requête contestant la décision de classer son poste à la classe G-6. Le 27 septembre 1990, le Secrétaire général a accédé à la demande de la requérante, déclarant : "Etant donné les circonstances de la présente affaire, le Secrétaire général est d'avis que la soumission du différend au Comité de recours en matière de classement des emplois d'agent des services généraux à New York remplit la condition énoncée à l'article 7, paragraphe 1, du Statut du Tribunal administratif selon laquelle un différend doit être soumis à 'l'organisme paritaire de recours'. A titre subsidiaire, le Secrétaire général consentirait à ce que la requête de Mme Colayco soit soumise directement au Tribunal administratif."

- 7 - plus haut. Le 28 mars 1991, la requérante a introduit devant le Tribunal la requête mentionnée Attendu que les principaux arguments de la requérante sont les suivants : 1. Le défendeur a commis une erreur en classant G-6 et non P-2 le poste de la requérante. 2. La procédure du Comité de recours a violé les droits que le Statut et le Règlement du personnel confèrent à la requérante. 3. Le défendeur a "induit en erreur" le département organique de la requérante (Département des questions politiques spéciales, de la coopération régionale, de la décolonisation et de la tutelle) quant à la possibilité de classer le poste de la requérante dans la catégorie des administrateurs. 4. Le poste que la requérante occupait n'a pas fait l'objet d'une vérification aux fins de classement. 5. Le défendeur a violé par son comportement l'article 101 de la Charte, certains articles du Statut du personnel et la résolution 41/210 de l'assemblée générale, paragraphe IX. 6. Le défendeur n'a pas agi de bonne foi à l'égard de la requérante et l'opération de classement des emplois des services généraux a été retardée indûment. Attendu que les principaux arguments du défendeur sont les suivants : 1. Le défendeur a pris régulièrement sa décision discrétionnaire sur le classement du poste de la requérante après un examen indépendant fait par un organe de recours spécialisé.

- 8-2. Conformément à sa jurisprudence, "le Tribunal ne peut substituer son jugement à celui du Secrétaire général en matière de classement des emplois". 3. La requérante n'a pas été privée de son droit d'être entendue dans des conditions équitables ni d'aucune autre garantie d'une procédure régulière. 4. La décision de classer le poste de la requérante à tel ou tel niveau ne relève pas du département de la requérante mais du Sous-Secrétaire général à la gestion des ressources humaines. 5. En décidant de classer G-6 le poste de la requérante, le défendeur a valablement exercé son pouvoir discrétionnaire. Le Tribunal, ayant délibéré du 7 au 29 juin 1993, rend le jugement suivant : I. La requérante conteste la décision du 4 juin 1990 par laquelle le défendeur a adopté une recommandation du Comité de recours en matière de classement des emplois d'agent des services généraux à New York (le "Comité de recours") datée du 1er mars 1990, examinée et approuvée le 18 mai 1990. Par cette décision, le défendeur rejetait le recours de la requérante en matière de classement et constatait que son poste avait été régulièrement classé G-6. La requérante prétend que son poste devrait être classé P-2, avec effet au 1er janvier 1985. Le reclassement dans la catégorie des administrateurs devrait s'effectuer conformément à la circulaire ST/IC/86/27. La requérante demande aussi au Tribunal de dire et juger que la procédure du Comité de recours a violé les dispositions du Statut et du Règlement du personnel régissant les commissions paritaires de recours, que l'administration a induit en erreur le département de la requérante quant à la possibilité de classer le poste de la requérante dans la catégorie des administrateurs, que la procédure de vérification aux fins de classement décrite dans l'instruction administrative ST/AI/301 n'a pas été appliquée à la requérante et que de prétendues irrégularités, y compris le retard, lui ont causé un préjudice et lui donnent droit à indemnisation.

- 9 - II. Le Tribunal considère qu'une procédure orale n'est pas nécessaire en l'espèce et il rejette la conclusion présentée à cet effet. III. Les questions qui se posent en l'espèce sont analogues à celles que le Tribunal a examinées dans le jugement No 541, Ibarria (1991). Dans Ibarria, le Tribunal a rappelé sa jurisprudence du jugement No 396, Waldegrave (1987), au paragraphe XV duquel il a dit : "Il n'appartient pas au Tribunal de substituer son jugement à celui du Secrétaire général pour les questions concernant le classement des emplois. Cela serait le cas même si le Tribunal avait les compétences voulues dans ce domaine, ce qu'il n'a pas. Pour la plupart, les arguments avancés par la requérante visent à obtenir du Tribunal qu'il détermine comment il aurait lui-même classé le poste en question, ce qui n'est pas le rôle du Tribunal. Il appartient en revanche au Tribunal de déterminer si, en toutes circonstances, le défendeur est resté dans les limites raisonnables de son pouvoir discrétionnaire...." Les mêmes principes régissent la présente affaire. Les arguments de la requérante visent pour une bonne part à persuader le Tribunal que les fonctions de la requérante sont telles que son poste devrait être classé dans la catégorie des administrateurs. Or, comme il est indiqué plus haut, le Tribunal n'a pas à évaluer les éléments de la définition d'emploi de la requérante. IV. Pour les raisons énoncées au paragraphe III ci-dessus, le Tribunal ne se prononce pas sur le bien-fondé de l'argument de fond de la requérante selon lequel son poste devrait être classé dans la catégorie des administrateurs. C'est au défendeur qu'il appartient d'en décider dans l'exercice raisonnable de son pouvoir discrétionnaire, en se fondant le cas échéant sur l'analyse et l'avis du Comité de recours. En donnant son avis, le Comité de recours doit bien

- 10 - entendu s'assurer qu'il a pris en considération et examiné équitablement les vues de la requérante et de fonctionnaires bien informés de son département, encore qu'il ne soit pas lié par ces vues. Le classement régulier d'un poste devrait être conforme aux normes applicables de la Commission de la fonction publique internationale et reposer sur une évaluation raisonnable des fonctions réelles telles qu'énoncées dans la définition d'emploi correspondant à ce poste. V. Comme dans l'affaire Ibarria, le Tribunal se préoccupe de questions telles que l'inobservation des garanties d'une procédure régulière, lorsque le fonctionnaire n'a la possibilité ni de voir ni de commenter la documentation envoyée au Comité de recours par le service chargé du classement. En l'espèce, cette préoccupation est d'autant plus pertinente que, dans une lettre du 16 juin 1987, le Chef du Groupe d'examen des mesures administratives a donné à la requérante l'assurance que, lorsque son cas serait présenté au Comité de recours, elle aurait "la possibilité de soumettre tout document qui pourrait être pertinent". Il n'apparaît pas que cet engagement ait été complètement tenu. VI. Il ne semble pas que la requérante ait reçu communication d'un important mémorandum du 20 juillet 1989 que le Chef adjoint du Service de la rémunération et du classement des emplois a adressé au Comité de recours et sur lequel celui-ci s'est fondé dans sa recommandation au défendeur. La requérante n'a pas eu la possibilité de présenter au sujet de ce mémorandum les pièces qu'elle aurait jugées pertinentes. Le Tribunal a ordonné que le mémorandum soit communiqué à la requérante et celle-ci a présenté à son sujet un mémorandum daté du 9 novembre 1992. La requérante a aussi cherché précédemment à soumettre à l'examen du Comité de recours un mémorandum du 30 avril 1990 émanant du Directeur adjoint de la Division de la décolonisation et de la tutelle, Département des questions politiques spéciales, de la coopération régionale, de la décolonisation et de la tutelle.

- 11 - Elle a été avisée que cette communication avait été reçue trop tard pour être examinée par le Comité de recours alors pourtant que celui-ci n'a examiné et approuvé sa recommandation du 1er mars 1990 relative au recours de la requérante que le 18 mai 1990. VII. Il semble que le mémorandum de la requérante en date du 9 novembre 1992 contienne des renseignements pouvant être pertinents dont le Comité de recours n'a pas été précédemment saisi. Il en est de même des autres documents que la requérante croit pertinents pour que son poste soit classé comme il doit l'être. Le Tribunal estime en conséquence que la présente affaire doit être renvoyée au défendeur. Celui-ci devrait faire examiner par le Comité de recours la documentation pertinente que la requérante a soumise au Tribunal dans son mémorandum du 30 juin 1992, dans son mémorandum et dans celui du spécialiste des questions politiques (hors classe), Département des questions politiques spéciales, de la coopération régionale, de la décolonisation et de la tutelle, datés du 19 octobre 1992 et avec son mémorandum du 9 novembre 1992 adressé au Tribunal. Le Comité de recours devrait aussi tenir compte du mémorandum susmentionné du 30 avril 1990 dans la mesure où il est pertinent. Il devrait en outre prendre en considération les renseignements pertinents figurant dans la requête datée du 28 mars 1991 que la requérante a soumise au Tribunal et dans les observations écrites de la requérante sur la réplique du défendeur. VIII. Il est bien entendu loisible au Comité de recours de rechercher auprès du Service de la rémunération et du classement des emplois ou de l'administration les autres analyses, renseignements et avis qu'il jugera pertinents. L'Administration a certainement le droit de présenter ses vues. La requérante devrait bien entendu avoir la possibilité de présenter des observations à leur sujet. Le Tribunal déclare à nouveau que le Comité de recours n'est pas tenu par le jugement du Tribunal d'accepter ou de rejeter l'un quelconque des arguments de fond avancés par la requérante. Le Comité de recours devrait exposer clairement les motifs de ses conclusions et recommandations.

- 12 - IX. La requérante soutient qu'une indemnité de fonctions reçue par elle à une classe de la catégorie des administrateurs corrobore son argument selon lequel son poste est un poste d'administrateur et devrait être classé comme tel. Le défendeur a soumis au Tribunal un mémorandum du 1er novembre 1992 émanant du Chef du Service de l'administration du personnel et du contrôle de l'application des décisions administratives, ainsi que certaines pièces qui y étaient jointes; selon son mémorandum, il s'agissait de deux postes différents. Quoi qu'il en soit, l'argument de la requérante touchant l'indemnité de fonctions soulève une question de fait, à savoir si la définition de son emploi G-6 et le travail qu'elle accomplissait conformément à cette définition étaient identiques au poste de la catégorie des administrateurs pour lequel elle a reçu l'indemnité de fonctions. C'est une question qu'il appartient au Comité de recours d'examiner et de régler sur la base des renseignements qu'il pourra souhaiter recevoir de l'administration et des observations que la requérante pourra souhaiter présenter à leur sujet. X. Le Tribunal note qu'un des arguments de la requérante a trait à une vérification aux fins du classement des emplois. Comme le Tribunal l'a dit dans l'affaire Ibarria, le Service du classement des emplois a le pouvoir discrétionnaire de décider s'il procédera à une vérification dans un cas particulier. S'il souhaite le faire, il le peut. Mais s'il décide de ne pas procéder à une vérification parce qu'il ne la juge pas nécessaire, cette décision ne donnera pas à la requérante matière à réclamation. XI. Le Tribunal note qu'il est saisi du présent recours sur la base de la réponse du défendeur à une demande de soumission directe présentée par la requérante; cette réponse figure dans une communication en date du 27 septembre 1990 adressée au Tribunal. Dans

- 13 - cette communication, le défendeur émet l'opinion qu'en ce qui concerne la compétence du Tribunal, le Comité de recours est sur le même pied que la Commission paritaire de recours. Cette question précise n'a pas été tranchée précédemment, et n'a pas à l'être en l'espèce étant donné qu'il est aussi dit dans la même communication qu'"à titre subsidiaire, le Secrétaire général consentirait à ce que la requête de [la requérante] soit soumise directement au Tribunal administratif". Il y a, comme la requérante l'a signalé, d'importantes différences entre le Comité de recours et la Commission paritaire de recours. Dans le jugement Ibarria, le Tribunal s'est dit préoccupé par la procédure du Comité de recours mais il a estimé qu'avec la modification discutée au paragraphe VIII de ce jugement, cette procédure répondait aux exigences minimales de régularité. Le Tribunal croit que, si le défendeur souhaite maintenir un organe spécialisé tel que le Comité de recours qui, dans les avis qu'il lui donne, semble s'inspirer beaucoup des vues du Service de la rémunération et du classement des emplois, il y aurait lieu que, dans ce qui est essentiellement une procédure contradictoire, le Comité de recours suive de plus près la procédure de la Commission paritaire de recours, ce qui assurerait un degré comparable de transparence et d'observation des garanties d'une procédure régulière. De l'avis du Tribunal, cela devrait non seulement conduire à des décisions mieux informées mais aussi permettre d'éviter ou de réduire les retards et la nécessité d'un renvoi pour faute de procédure. XII. A l'exception du retard dû à la nécessité de renvoyer l'affaire, le Tribunal ne voit, à ce stade, aucune raison d'accorder une indemnité comme la requérante le demande dans ses conclusions. XIII. Par ces motifs, le Tribunal : a) Renvoie l'affaire comme il est dit plus haut; b) Alloue à la requérante une indemnité d'un montant égal à trois mois de son traitement de base net actuel en raison du retard dû à la nécessité de renvoyer l'affaire; c) Rejette toutes autres conclusions.

- 14 - (Signatures) Jerome ACKERMAN Président Luis de POSADAS MONTERO Vice-président Hubert THIERRY Membre Genève, le 29 juin 1993 R. Maria VICIEN-MILBURN Secrétaire