PAC, Volatilité des prix et Sécurité Alimentaire dans les pays du Sud



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Transcription:

PAC, Volatilité des prix et Sécurité Alimentaire dans les pays du Sud Françoise Gérard, CIRAD, SFER, 7 mai 2010

La libéralisation des échanges et la réforme de la PAC : une solution contre l insécurité alimentaire? Au début des années 90, la libéralisation des échanges est présentée comme une solution pour la lutte contre la pauvreté et l insécurité alimentaire. La PAC est désignée comme largement responsable de la persistance du sous-développement : la politique de soutien des prix intérieurs a des impacts négatifs sur le niveau des prix internationaux, comme sur leur stabilité (Tyers et Andersen, 1992). Particulièrement néfaste aux plus pauvres. Pourtant, une analyse attentive des résultats de la libéralisation des échanges agricoles montre que (i) l essentiel des gains va aux pays développés, (ii) les gains des pays en développement vont aux pays émergents (Hertel et Martin 2000). Les améliorations des modèles et bases de données vont de plus amener à réévaluer des gains déjà maigres à la baisse (Ackerman, 2005). Les impacts seront a priori faibles ou même négatifs pour de nombreux PMA car (i) ils sont importateurs de denrées alimentaires dont les prix augmentent, (ii) même pour les vendeurs nets la hausse des prix obtenus est finalement faible, (iii) ces pays sont peu compétitifs par rapport aux grands exportateurs mondiaux.

La sécurité alimentaire au Sud : le faible impact des politiques sur le commerce extérieur Consensus au sein des experts sur l absence d effets positifs significatifs de la libéralisation des échanges (voir par ex Bouet et al. 2005, Fosu et Modd, 2008). Confirmé par les études détaillées par ex Diarra (2009) étudie la filière laitière au Sénégal et montre que même des taxes très importantes aux importations sont inefficaces pour promouvoir la production locale. Seule la subvention de centres de collecte permet un tel résultat. Sanfo (2010) met de même en évidence le rôle clé de l accès au capital dans les possibilités d accroissement des revenus des agriculteurs burkinabé. Le même type de résultat : impact marginal des politiques basées sur le commerce extérieur à côté des simulations supposant un accroissement du capital au Mali (travail en cours). C est la croissance du capital par tête plus que des modifications des taxes sur le commerce extérieur qui joue un rôle majeur dans la lutte contre l insécurité alimentaire. Comment promouvoir une telle évolution?

Une illustration : la dévaluation invisible La dévaluation de 1994 s est traduite par un doublement du prix des importations, celles-ci ont fortement baissé mais on ne note pas de croissance de la production

La PAC et l instabilité des prix mondiaux La PAC a été largement critiquée pour son impact déstabilisant sur les prix mondiaux, rejetant ses déséquilibres internes sur les marchés extérieurs mais le raisonnement n est valable que pour des chocs exogènes non corrélés entre eux (climatiques par ex). La flambée des prix de 2006-2008 a rappelé l instabilité caractéristique de ces marchés même lorsqu il n y a pas d interventions publiques. Les principales causes : climat, prix du pétrole, $, biocarburants, croissance de la demande dans les pays émergents, spéculation. Le rôle majeur des anticipations dans la formation des prix explique une part de la volatilité : Décalage entre décision de production et mise sur le marché (délais de production) Rigidité de la demande (forte variation de prix pour de petites modifications de l offre) Difficultés de stockage et de transport créent des barrières naturelles qui amplifient le phénomène de rigidité à CT de l offre. Conforme à la théorie : en présence d imperfection de l information on assiste à des phénomènes de déviations cumulatives, des «bulles» (écart entre valeurs observées et fondamentaux). Le marché est dit «fiévreux» Boussard et al. 2008 montrent le rôle de la dérégulation européenne, amplifiant la flambée des prix.

La sécurité alimentaire au Sud : plaider pour des politiques rurales ambitieuses L instabilité des prix a des effets dévastateurs sur les paysans des PMA : elle décourage l investissement et plus généralement les échanges. Elle maintient les populations dans un équilibre de pauvreté (Dorward et al. 2004, Timmer 2000). Le secteur agricole a pourtant un rôle majeur à jouer du fait des gains importants de productivité du travail, de la dispersion géographique de la production agricole dont l essor suppose celui des infrastructures de transport. Les gains de productivité doivent permettre la diminution des prix des produits alimentaires, élément clé dans la lutte contre la pauvreté urbaine. Si l instabilité des prix internationaux semble difficile à éviter, pourquoi ne pas permettre l instauration de prix planchers, à un niveau régional, afin de garantir une rentabilité minimum des investissements dans l agriculture? Offrir un environnement favorable à l investissement par des biens publics, faciliter l accès au capital, faciliter la concertation entre acteurs dans la définition et la mise en place des politiques.

La sécurité alimentaire au Sud : quel mode de redistribution internationale? On distingue 4 types de flux, formes potentielles de redistribution internationale (Bourguignon 2005). Aide officielle au développement : en forte baisse. Flux commerciaux de biens et services : peu favorables aux PMA. Investissements directs : relativement faibles, problème du partage des fruits (production, VA). Migrations : objet de politiques restrictives. L Europe ne devrait-elle pas plaider au niveau international pour plus de redistribution vers les PMA afin de permettre le financement de l investissement nécessaire en zone rurale pour l amélioration de la sécurité alimentaire? Réfléchir sur les conditions institutionnelles de mise en place de mesures facilitant l accès au capital des ménages ruraux.