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Transcription:

22 MAI 2003 C.01.0490.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N C.01.0490.F D. G., demanderesse en cassation, représentée par Maître François T Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l Athénée, 9, où il est fait élection de domicile, contre D. D. J.-M., défendeur en cassation, représenté par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l Empereur, 3, où il est fait élection de domicile.

22 MAI 2003 C.01.0490.F/2 I. La décision attaquée Le pourvoi en cassation est dirigé contre l arrêt rendu le 26 juin 2001 par la cour d appel de Mons. II. La procédure devant la Cour Le conseiller Christian Storck a fait rapport. L avocat général Xavier De Riemaecker a conclu. III. Le moyen de cassation La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants : Dispositions légales violées - article 748, spécialement 2, du Code judiciaire ; - principe général du droit relatif au respect des droits de la défense. Décisions et motifs critiqués L arrêt, par confirmation du jugement entrepris, prononce le divorce entre les parties, à la demande du défendeur, pour cause de séparation de fait de plus de cinq ans, par application de l article 232, alinéa 1 er, du Code civil, et réserve à statuer sur la demande du défendeur que le divorce ainsi prononcé le soit aux torts de la demanderesse, par application de l article 306 du Code civil, la séparation de fait étant, selon le défendeur, imputable aux fautes et manquements de la demanderesse, autorisant le défendeur à apporter la preuve de certains faits qu il invoquait à cet égard, et, saisi de la demande reconventionnelle formée par la demanderesse durant l instance d appel que le

22 MAI 2003 C.01.0490.F/3 divorce soit prononcé aux torts du défendeur par application des articles 229 et 231 du Code civil, fondée sur l adultère ou, à tout le moins, sur les injures graves envers la demanderesse dont le défendeur était l auteur, dit cette demande recevable mais non fondée. La demande reconventionnelle de la demanderesse était contenue dans les dernières conclusions que la demanderesse a été autorisée à déposer devant la cour d appel par l ordonnance de mise en état du 16 octobre 2000, le défendeur ayant été autorisé, par la même ordonnance, à déposer ultérieurement ses dernières conclusions. Le défendeur ayant communiqué des pièces nouvelles, en même temps que ses dernières conclusions, la demanderesse, par requête déposée aux greffe de la cour d appel le 13 mars 2001, a demandé, par application de l article 748, 2, du Code judiciaire, à être autorisée à déposer de nouvelles conclusions pour s expliquer sur les dernières conclusions du défendeur, contenant, selon elle, des moyens nouveaux, et sur les pièces nouvelles communiquées par le défendeur en même temps que ces conclusions, sauf à la cour d appel d écarter des débats ces conclusions et ces pièces. Par ordonnance du 27 mars 2001, rendue par un conseiller de la deuxième chambre de la cour d appel, cette demande a été jugée non fondée aux motifs «qu en l espèce, la (demanderesse) ne répond pas aux exigences de l article 748, 2, du Code judiciaire, sa requête n indiquant pas quelle pièce ou quel fait nouveau est découvert et quelle serait l incidence de sa découverte sur l instruction du litige». L arrêt refuse d autoriser la demanderesse, qui avait réitéré sa demande devant la cour d appel, à déposer des conclusions nouvelles pour s expliquer sur les moyens nouveaux que contenaient, selon elle, les dernières conclusions du défendeur et les pièces nouvelles communiquées par le défendeur en même temps que ces conclusions ou d écarter des débats ces conclusions ou, à tout le moins, ces pièces, par les motifs «Que la (demanderesse) a déposé, dans le délai imparti, des conclusions de synthèse par lesquelles elle formule une demande nouvelle

22 MAI 2003 C.01.0490.F/4 tendant à entendre prononcer le divorce aux torts (du défendeur) sur la base des articles 229 et 231 du Code civil ; Que (le défendeur) a répondu à cette demande dans des conclusions déposées dans le délai fixé par l ordonnance précitée ; Qu il a communiqué, avec ses conclusions de synthèse, des pièces auxquelles (la demanderesse) souhaite répondre ; Que la demande nouvelle de (la demanderesse) a engendré la réponse (du défendeur) qui produit des pièces à l appui de sa défense ; Que la demanderesse savait qu elle ne disposerait pas d un autre délai pour conclure et devait s attendre à ce qu il soit répondu à sa demande nouvelle, formulée in extremis, par des arguments et des pièces justificatives ; Qu il n est pas possible de déterminer les pièces dites nouvelles qui ont été communiquées avec les conclusions de synthèse (du défendeur), dans la mesure où les conclusions et conclusions additionnelles de ce dernier ne contiennent pas d inventaire et que (la demanderesse) elle-même n en dresse pas la liste ; Que, partant, il n y a pas lieu d accorder à (la demanderesse) un nouveau délai pour conclure en réponse aux arguments et pièces (du défendeur) relatifs à la demande nouvelle en divorce de (la demanderesse) ; Que, cependant, il y a lieu d écarter des débats deux pièces illisibles, non numérotées, dont l une est rédigée en néerlandais et l autre relative à un contrat de location (Europcar)». Griefs Une partie à un litige est en droit de faire valoir tous moyens à l appui de sa demande ou de sa défense et, en conséquence, ne peut se voir refuser le droit de s expliquer en conclusions sur tout moyen invoqué en conclusions par la partie adverse et sur toute pièce versée aux débats par celle-ci.

22 MAI 2003 C.01.0490.F/5 Aux termes de l article 748, 2, du Code judiciaire, si, durant le délai précédant la date fixée pour les plaidoiries, une pièce ou un fait nouveau et pertinent justifiant de nouvelles conclusions est découvert par une partie qui a conclu, celle-ci peut, au plus tard trente jours avant l audience fixée pour les plaidoiries, demander à bénéficier d un nouveau délai pour conclure. L ordonnance rendue sur cette demande n est, aux termes du même article, susceptible d aucun recours. Il se déduit de l absence de recours contre cette ordonnance qu il incombe au juge saisi du litige de se prononcer sur la légalité de celle-ci et, en cas d illégalité, d en tirer toute conséquence et, le cas échéant, d autoriser la partie requérante, à l audience ou sur réouverture des débats et dans le respect des droits de la défense de l autre partie, à déposer des conclusions nouvelles. Par sa requête du 12 mars 2001, déposée dans le délai prévu à l article 748, 2, du Code judiciaire pour «demander à bénéficier d un nouveau délai pour conclure», la demanderesse a justifié sa demande par la communication, par le défendeur, a) de conclusions qui «contiennent des moyens nouveaux», b) d un «inventaire modifié» et c) de «pièces nouvelles», au demeurant peu lisibles. Le défendeur, dans la note qu il a déposée au greffe en réponse à cette requête, s il a dénié que ses dernières conclusions contenaient des moyens nouveaux, a en revanche reconnu avoir communiqué des pièces nouvelles en même temps que ces conclusions. L ordonnance du 27 mars 2001 n a donc pu débouter la demanderesse de sa demande au motif que la requête déposée «n indique pas quelle pièce ou quel fait nouveau est découvert et quelle serait l incidence de sa découverte sur l instruction du litige». Il se déduit en effet des termes de la requête de la demanderesse, résumés ci-dessus, que celle-ci visait les dernières conclusions du défendeur et les pièces nouvelles que le défendeur avait communiquées en même temps que ces conclusions, ce que le défendeur reconnaissait, et que l incidence de cette communication «sur l instruction du litige» est, précisément, que cette

22 MAI 2003 C.01.0490.F/6 instruction est faussée dès lors que les droits de la défense de la demanderesse se trouvent compromis. L arrêt attaqué n a pu débouter la demanderesse de sa demande notamment au motif «qu il n est pas possible de déterminer les pièces dites nouvelles qui ont été communiquées avec les conclusions de synthèse [du défendeur], dans la mesure où les conclusions et conclusions additionnelles de ce dernier ne contiennent pas d inventaire et où [la demanderesse] elle-même n en dresse pas la liste». D une part, l irrégularité commise par le défendeur - qui n a pas joint à ses conclusions l inventaire des pièces communiquées - ne peut conduire à la méconnaissance des droits de la défense de la demanderesse, d autre part, la demanderesse avait, par les termes de sa requête résumés ci-dessus, réitérée par des conclusions nouvelles prises à cette fin devant la cour d appel et dans lesquelles la demanderesse expliquait que le défendeur avait communiqué en même temps que ses dernières conclusions «deux pages d inventaire et vingthuit pages de pièces nouvelles», certaines étant «indéchiffrables» ou «illisibles», l une étant rédigée en langue néerlandaise et l autre, intitulée «contrat de location», n étant pas numérotée, indiqué précisément les pièces visées. L article 748, 2, du Code judiciaire, n exigeait pas, à tout le moins dans les circonstances de la cause, pour que la demanderesse fût autorisée à déposer des conclusions nouvelles dans le délai qui lui serait imparti, qu elle énonçât, précisément, les moyens nouveaux invoqués, selon elle, par le défendeur dans ses dernières conclusions, énumérât les pièces nouvelles communiquées par celui-ci et relevât in concreto et immédiatement, pour chacun de ces moyens et de ces pièces, son incidence possible sur le jugement de la cause, ce que les conclusions que la demanderesse demandait à être autorisée à déposer avaient précisément pour objet d expliquer. Même si la demanderesse a formé in extremis - c est-à-dire dans les dernières conclusions qu elle avait été autorisée à déposer - une demande reconventionnelle et, en conséquence, «savait qu elle ne disposerait pas d un autre délai pour conclure et devait s attendre à ce qu il soit répondu à sa

22 MAI 2003 C.01.0490.F/7 demande nouvelle formulée in extremis par des arguments et des pièces justificatives», aucune disposition légale ne fait défense à une partie de former une demande reconventionnelle dans ses dernières conclusions et, en tout état de cause, dès lors qu il dit cette demande reconventionnelle recevable, écartant ainsi tout grief de tardiveté, l arrêt ne pouvait statuer sur celle-ci que dans le respect des droits de la défense de la demanderesse. L article 748, 2, du Code judiciaire n est que l application, à un cas particulier, du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense ; même si les conditions d application de cet article ne sont pas réunies, le juge ne peut, même en l absence de toute disposition légale applicable, méconnaître ce principe général du droit. Il s ensuit que l arrêt, qui dénie à la demanderesse, dans les circonstances de la cause rappelées ci-dessus, le droit de déposer de nouvelles conclusions et n écarte pas des débats les pièces communiquées par le défendeur en même temps que ses dernières conclusions, à l exception de deux d entre elles, ne justifie pas légalement sa décision. IV. La décision de la Cour Attendu qu il ressort de l arrêt et des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que, dans le dernier délai qui, en application de l article 747, 2, du Code judiciaire, avait été imparti à chacun d eux pour conclure devant la cour d appel, la demanderesse a déposé des conclusions contenant une demande nouvelle en divorce aux torts du défendeur et celui-ci a ensuite déposé des conclusions et communiqué des pièces, que la requête de la demanderesse tendant, sur la base de l article 748, 2, du même code, à obtenir un nouveau délai pour conclure a été rejetée par une ordonnance antérieure à la date fixée pour les plaidoiries et que la demanderesse a alors déposé des conclusions, auxquelles l arrêt ne fait pas droit, demandant que fussent écartées des pièces nouvelles qu aurait communiquées le défendeur ainsi que les conclusions qu il fondait sur ces pièces ou qu elle-même fût autorisée à prendre d ultimes conclusions ;

22 MAI 2003 C.01.0490.F/8 Attendu que, d une part, de la circonstance que l ordonnance visée à l article 748, 2, précité n est, aux termes de la deuxième phrase du cinquième alinéa de cet article, susceptible d aucun recours, il ne se déduit pas qu il incomberait au juge devant qui, lors des plaidoiries, une partie invoque son droit de défense pour obtenir un nouveau règlement de la procédure, de se prononcer sur la légalité de cette ordonnance ; Que, dans la mesure où, soutenant le contraire, il critique ladite ordonnance et fait grief à l arrêt de ne pas en constater l irrégularité, le moyen manque en droit ; Attendu que, d autre part, le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense n exclut pas que la loi puisse légitimement fixer un moment où les parties seront contraintes de mettre un terme à leurs écritures ; Attendu que, examinant, comme l y invitaient les conclusions de la demanderesse «sur le règlement de la procédure», si ce principe commandait en l espèce qu il fût fait droit à l une de ses demandes sur cet objet, l arrêt considère «que la demande nouvelle de [la demanderesse] a engendré la réponse [du défendeur] qui [a] produit des pièces à l appui de sa défense» et «que [la demanderesse] savait qu elle ne disposerait pas d un autre délai pour conclure et devait s attendre à ce qu il soit répondu à sa demande nouvelle, formulée in extremis, par des arguments et des pièces justificatives» ; Qu il suit de ces considérations qu aux yeux de la cour d appel, le défendeur n a, en déposant dans le délai qui lui était fixé ses dernières conclusions et en communiquant des pièces à l appui de celles-ci, fait qu user de son droit de défense, tandis que la demanderesse n a pu, dans le cadre de la procédure telle qu elle a été réglée, être surprise par ce dépôt et cette communication, et que son droit de défense n est pas méconnu ; Que l arrêt justifie ainsi légalement sa décision de ne pas faire droit aux demandes de la demanderesse relatives au règlement de la procédure ; Attendu que, pour le surplus, les autres considérations de l arrêt que critique le moyen sont, dès lors, surabondantes ; Que, dans cette mesure, le moyen, pour autant qu il est recevable, ne peut être accueilli ;

22 MAI 2003 C.01.0490.F/9 PAR CES MOTIFS, LA COUR Rejette le pourvoi ; Condamne la demanderesse aux dépens. Les dépens taxés à la somme de sept cent cinquante-trois euros septante-quatre centimes envers la partie demanderesse et à la somme de deux cent vingt-neuf euros dix-sept centimes envers la partie défenderesse. Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient conseiller Philippe Echement, faisant fonction de président, les conseillers Christian Storck, Frédéric Close, Didier Batselé et Christine Matray, et prononcé en audience publique du vingt-deux mai deux mille trois par le conseiller Philippe Echement, faisant fonction de président, en présence de l avocat général Xavier De Riemaecker, avec l assistance du greffier Marie- Jeanne Massart.