La borréliose de Lyme



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Transcription:

: Version : Date : La borréliose de Lyme DOSSIER Sommaire : 1. L agent causal 2. Le vecteur 3. Les hôtes et les réservoirs 4. La relation tique-hôte 5. La borréliose de Lyme 5.1. La borréliose de Lyme n est pas une maladie nouvelle 5.2. Signes cliniques Stade 1 Stade 2 Stade 3 5.3. Risque pour la femme enceinte 5.4. Evolution de la maladie 6. Diagnostic biologique de la borréliose de Lyme 6.1. Les tests de dépistage biologique 6.2. Utilité et inutilité des tests sérologiques 7. Prévention 7.1. Prévention primaire Le recours aux répulsifs L adéquation des vêtements L inspection systématique de la peau après exposition L enlèvement des tiques 7.2. Prévention secondaire 8. Traitement 9. La borréliose, maladie professionnelle 10. Sources Dr Jean-Louis GIOT, Conseiller en prévention Médecin du travail CELLULE SCIENTIFIQUE Commission scientifique Page 1 sur 13 6 septembre 2011

1. L agent causal La borréliose ou maladie de Lyme est une maladie infectieuse transmise par les tiques. L agent causal est une bactérie appartenant à la famille des spirochètes (bactéries spiralées), et plus précisément au groupe Borrelia burgdorferi qui comprend plusieurs dizaines d espèces. C est aux Etats-Unis que furent décrits les premiers cas de maladie occasionnés par Borrelia et la bactérie en cause fut dénommée à l époque Borrelia burgdorferi ; elle y représente le seul Borrelia pathogène. En Europe occidentale par contre, on découvrit ultérieurement la même bactérie pathogène mais aussi d autres espèces proches, dont deux pour lesquelles un pouvoir pathogène a été reconnu. La bactérie découverte aux Etats-Unis conserva dès lors son nom de Borrelia burgdorferi, mais affecté de l abréviation s.s. pour «sensu stricto», c est-à-dire que la dénomination est, prise au sens strict, tandis que le groupe bactérien reçut l appellation de Borrelia burgdorferi s.l. (pour «sensu lato», signifiant «pris au sens large»). Les espèces de Borrelia burgdorferi s.l. pourvues d un pouvoir pathogène avéré en Belgique sont: Borrelia afzelii (55%), Borrelia garinii (21%), Borrelia burgdorferi s.s. (2%). Deux autres espèces ont été reconnues en Belgique, Borrelia valaisiana (14%) et Borrelia spielmanii (2%), mais leur caractère pathogène reste à établir. Une co-infection existe dans 8 % des cas (KESTEMANN et al., 2010). Comme on le verra plus loin, les manifestations cliniques peuvent varier en fonction de l espèce en cause. 2. Le vecteur Le vecteur principal de Borrelia burgdorferi s.l. en Europe occidentale est la tique Ixodes ricinus, un acarien 1 se nourrissant du sang de reptiles, oiseaux et mammifères. La tique héberge les bactéries dans son intestin. Lorsqu elle prélève du sang sur un hôte, des bactéries peuvent passer de l intestin vers les glandes salivaires de l acarien dont la salive est alors susceptible de contaminer l hôte. Dans une étude belge récente (Kesteman et al., 2010), 12% des tiques examinées étaient infectées par Borrelia burgdorferi s.l. 1 Les tiques ne font pas partie de la Classe des Insectes. Elles appartiennent à l Ordre des Acariens, qui fait partie de la Classe des Arachnides. Page 2 sur 13

La tique évolue selon un cycle bisannuel. A partir de l œuf, elle passe par trois stades de développement, le premier étant celui de larve qui va successivement se développer en nymphe puis en adulte, le passage à ce dernier stade incluant la différenciation sexuelle (seul le stade adulte est donc sexué). Le franchissement de chaque stade de développement nécessite un unique repas de sang (mais la tique peut survivre plusieurs années sans se nourrir). C est lors de ces repas que la tique nymphe ou adulte peut s infecter. Il existe cependant une possibilité, beaucoup plus faible, de transmission directe de l infection de la femelle à la larve par voie trans-ovarienne. Au stade adulte, seule la tique femelle effectue un repas sanguin, opération nécessaire pour assurer le développement de sa progéniture. La tique mâle ne jouant qu un rôle de fécondateur, elle ne se nourrit pas et dès lors, ne mord pas. 3. Les hôtes et les réservoirs Les tiques sont susceptibles de parasiter quelques centaines d espèces d animaux mais quelques dizaines d entre elles seulement peuvent constituer un réservoir pour les Borrelia. Ce sont : les petits mammifères, rongeurs (campagnols, écureuils ) et insectivores (hérissons ), qui peuvent être parasités par les larves et les nymphes ; les bovins, ovins et cervidés, tout particulièrement les chevreuils, qui attirent les nymphes et les adultes ; certains oiseaux, qui peuvent être parasités par les larves et nymphes et favoriser ainsi le transport de celles-ci sur de longues distances. L homme est un hôte accidentel qui peut être infecté par la tique à n importe quel stade du développement de celle-ci. 4. La relation tique-hôte Les tiques ont des périodes d activités variables selon le stade : du printemps au début de l été pour les nymphes, au printemps et en automne pour les adultes. Le risque maximal de morsure se situe donc d avril à octobre, mais les tiques peuvent manifester une activité en dehors de cette période si les conditions écologiques leur sont favorables (température supérieure à 6, taux d humidité élevé, ). La majorité des morsures est imputable aux nymphes, les tiques adultes mordant plutôt en automne. Page 3 sur 13

Les tiques vivent sur le sol et sur la végétation, là où le taux d humidité est élevé. Elles nécessitent donc un environnement à litière épaisse et comportant une certaine densité de végétation (forêt feuillue à sous-étage bien développé, massifs de fougères ). Après éclosion des œufs, les larves vivant sur la végétation basse vont repérer un petit mammifère ou un oiseau. Les tiques sont aveugles mais disposent d un organe de détection situé sur leur première paire de pattes (l organe de Haller). Cette structure est sensible aux mouvements de l air, aux modifications de la température et du taux d humidité occasionnées par la proximité d un animal ainsi qu à certains stimuli chimiques comme la teneur en acide lactique et en CO2 émis dans l air ou aux phéromones et métabolites émis par les animaux. Cette attractivité peut être perturbée au moyen de répulsifs (voir plus loin). La tique se fixe sur l hôte, et recherche une région riche en vaisseaux sanguins. Elle y dilacère ensuite la peau au moyen de ses chélicères 2 (fig. 2), créant ainsi une plaie, et y enfonce son hypostome, véritable harpon barbelé cylindrique, afin de s ancrer solidement pour le prélèvement de sang. L opération s avère indolore car, outre ses propriétés anticoagulantes, la salive injectée par l animal lors de sa fixation sur l hôte a des propriétés anesthésiantes. Mais cette salive peut être contaminée par des agents infectieux 3 et c est son injection dans la plaie lors du repas qui va entraîner le cas échéant l infection de l hôte. Une fois le repas terminé, la larve gorgée de sang se laisse tomber sur le sol et va entamer sa métamorphose en nymphe. Le même scénario se reproduit pour le passage de la nymphe à l adulte, mais avec déjà la possibilité pour la nymphe de se nourrir sur un hôte plus grand (chevreuil par exemple) en fréquentant une végétation plus haute. Enfin, la femelle adulte prend son repas dans l attente d être fécondée ; elle peut accroître son volume de façon spectaculaire, pouvant multiplier jusqu à plus de 200 fois son poids de départ. Elle pondra entre 500 et 3500 œufs avant de mourir. Lors du repas, le risque de transmission des Borrelia à l hôte existe dès la première heure mais est maximal entre la 48 ème et la 72 ème heure. Il est évalué à environ 10% des morsures. 2 Première paire d appendices chez les arachnides, pouvant servir à attraper les proies, se nourrir etc. 3 La borréliose de Lyme ne constitue qu une des maladies susceptibles d être transmises par les tiques. Celles-ci peuvent transmettre à l homme des virus (Méningo-encéphalite à tiques d Europe centrale), des bactéries autres que Borrelia (Anaplasmose, Fièvre Q ) et des protozoaires (babésiose), Page 4 sur 13

Figure 1 - Tique : vue générale Source : Cliché Martin Ph. FUNDP. Figure 2 - Tique: hypostome (en position centrale) et chélicères Source : Cliché Martin Ph. FUNDP. Page 5 sur 13

5. La borréliose de Lyme 5.1. La borréliose de Lyme n est pas une maladie nouvelle C est depuis le début du 20 ème siècle que des relations entre les morsures de tiques et certains éléments cliniques ou microbiologiques ont été découvertes : en 1913 déjà, un lien est établi entre la survenue de taches rouges sur la peau (érythème chronique migrant) et les morsures de tiques ; en 1922 est décrite une «méningo-polyradiculonévrite» transmise par tiques ; en 1948 on découvre la présence de bactéries spiralées (spirochètes) dans les plaques d érythème chronique migrant. Mais c est dans les années septante que les concepts concernant cette infection bactérienne propagée par les tiques vont se structurer. De 1975 à 1977 survient en effet dans le comté de LYME (Connecticut USA) une «épidémie» d atteinte des articulations chez des sujets jeunes (arthrite juvénile) associées à des lésions de la peau. En 1982, Burgdorfer 4 isole la bactérie Borrelia à partir de tiques infectées et en 1984, Borrelia peut être isolé chez des patients atteints de ce que l on appelle désormais la «maladie de Lyme». Figure 3 B. Burgdorferi : incidence par arrondissement (N/10 5 hab., 2009) Source : Institut Scientifique de Santé Publique (ISSP) 4 D où le nom de Borrelia burgdorferi. Page 6 sur 13

Figure 4 B. Burgdorferi : évolution du nombre de diagnostics par semaine (N 2009, M 1991-2008) Source : Institut Scientifique de Santé Publique (ISSP) 5.2. Signes cliniques La borréliose comprend classiquement trois stades cliniques qui, en pratique, ne sont pas toujours présents. Stade 1 Quelques jours à plusieurs semaines après l inoculation des bactéries survient une éruption autour du site d injection sous forme d une plaque rosée à rougeâtre, ayant tendance à s étendre tout en palissant au centre. Il s agit de l érythème chronique migrant (ECM) observable dans environ 75 % des cas d infection. Ces manifestations cutanées s accompagnent de signes généraux, sous forme d un état pseudo-grippal avec fatigue, maux de tête, raideur dans la nuque, mal à la gorge, douleurs musculaires et articulaires, éventuellement un peu de fièvre, Stade 2 Le deuxième stade signe une dissémination de la bactérie à distance du site d inoculation ; il survient après quelques semaines (mais parfois de façon beaucoup plus précoce). Il peut comprendre une extension des signes cutanés (ECM multiples) mais surtout la survenue de : troubles neurologiques - méningoradiculite, c est-à-dire atteinte de certains nerfs crâniens (paralysie faciale) ou périphériques ; - plus rarement une méningite (infection des méninges), une encéphalite (atteinte du cerveau), une myélite (atteinte de la moelle épinière) ; troubles articulaires - arthrite isolée: épanchement souvent peu douloureux d une grosse articulation (surtout le genou) ; Page 7 sur 13

troubles cardiaques (rares) - troubles du rythme cardiaque, atteintes du péricarde ou du myocarde, se manifestant par un essouflement anormal, des malaises, des syncopes. Plus rarement, d autres maladies peuvent être rencontrées : lymphocytome borrélien (tuméfaction sur la peau), troubles oculaires, Stade 3 Le stade 3 résulte d une infection persistante et survient après quelques. mois voire quelques années. Il peut comprendre : des atteintes neurologiques : encéphalo-myélite de type pseudo-sclérose en plaques ; des atteintes de la peau : atrophie des extrémités des doigts (acrodermatite chronique atrophiante) ; des atteintes articulaires chroniques : arthrites des grosses articulations semblables à celles décrites au stade 2. La symptomatologie peut varier selon l espèce de Borrelia, certaines formes cliniques survenant préférentiellement lors de l infection par une espèce bien déterminée : B. burgdorferi s.s. arthrites ; B. garinii lésions neurologiques ; B. afzelii atteintes atrophiantes de la peau ; B. spielmanii atteintes de la peau. 5.3. Risque pour la femme enceinte On considère actuellement que le risque pour le foetus est extrêmement faible en cas d infection de la femme enceinte. Il faut néanmoins faire remarquer que l infection de la future mère nécessitera un traitement antibiotique en vue d éviter le passage vers un stade plus grave et que certains de ces traitements sont particulièrement contre-indiqués en cas de grossesse ; ceci incite donc malgré tout à recommander une attitude prudente dans l exposition au risque d une femme enceinte, telle une préposée ou une opératrice forestière par exemple, d autant plus que ces activités exposent les salariées à d autres risques professionnels. 5.4. Evolution de la maladie Une guérison spontanée de l infection est possible. Toute infection avérée doit néanmoins être impérativement traitée. Page 8 sur 13

Cependant, le temps de guérison d une borréliose de Lyme peut s avérer parfois assez long. On relève dans certains cas la persistance de symptômes divers après la phase aiguë et ce malgré un traitement adéquat. Ceci a amené certains auteurs à envisager l existence d une forme chronique de la borréliose, idée actuellement fort controversée. 6. Diagnostic biologique de la borréliose de Lyme 6.1. Les tests de dépistage biologique L infection par Borrelia induit la production par l organisme d immunoglobulines (Ig), les anticorps. Ceux-ci peuvent être dosés dans le sang (sérologie). Deux types d Ig apparaissent de façon séquentielle: d abord des immunoglobumines M (IgM), puis des immunoglobulines G (IgG). Ces tests ne permettent de déceler que les anticorps contre Borrelia burgdorferi s.l. ; ils ne permettent pas de déterminer l espèce en cause. Une sérologie positive signe uniquement un contact présent ou passé avec la bactérie mais pas nécessairement l existence de la maladie. En cas de résultat positif lors du dosage d anticorps de routine, une confirmation doit être réalisée au moyens de tests complémentaires (PCR, Western Blot ). En cas de traitement précoce, si les Borrelia sont éradiquées rapidement, il n y a pas d apparition d anticorps. Les dosages d anticorps peuvent également être pratiqués sur le liquide céphalo-rachidien prélevé par ponction lombaire. Ce type d examen s impose dans certaines manifestations de type neurologique. 6.2. Utilité et inutilité des tests sérologiques Les tests sérologiques ne trouvent leur justification que s ils sont prescrits sur base de l existence de manifestations cliniques car, pris isolément, les résultats n en sont pas toujours facilement interprétables. C est ce qui explique que le dépistage systématique par test sanguin en milieu professionnel, largement réalisé il y a quelques années encore, ait été abandonné car controversé et déconseillé pour les raisons suivantes : le manque de spécificité/sensibilité, particulièrement des tests précoces (IgM) ; le sentiment de fausse sécurité que peut apporter au travailleur une réalisation systématique du test et ce, aux dépens de mesures préventives plus proactives (voir plus loin) ; un rapport coût / bénéfice défavorable, la notion de coût incluant ici le coût sanitaire, c'est-à-dire les conséquences sur la santé de la prescription injustifiée d antibiotiques uniquement sur base de sérologies positives. Page 9 sur 13

Le dosage d anticorps s avère inutile également en cas de survenue d un érythème chronique migrant (la lésion cutanée justifiant alors à elle seule l instauration immédiate d un traitement) ainsi qu après morsure de tique sans manifestation clinique. 7. Prévention 7.1. Prévention primaire La prévention primaire vise la réduction du risque d infection par Borrelia. Elle implique : - le recours aux répulsifs ; - le port de vêtements adaptés ; - l inspection systématique de la peau pour la recherche de tiques fixées ; - l enlèvement précoce des tiques fixées à la peau. Le recours aux répulsifs Ces substances ont été étudiées dans la prévention des piqûres de moustiques. Leur efficacité en ce qui concerne les tiques est beaucoup moins bien connue. Ils ne peuvent donc constituer l unique garantie en matière de prévention. Les répulsifs ne peuvent être utilisés qu au-dessus de l âge de 30 mois, en raison de leur toxicité, neurologique entre autres. Trois substances sont retenues actuellement 5 : le diéthyltoluamide (DEET) 6, répulsif de synthèse, employé chez l adulte en solution de 30-50% ; ce produit ne peut cependant être utilisé à cette concentration qu au dessus de l âge de 12 ans; de 30 mois à 12 ans, la concentration recommandée est de 20 à 35 % ; le citriodol, extrait de l eucalyptus citronné en solution de 30-50 % (peut être utilisé de 30 mois à 12 ans, sauf en cas d antécédents de convulsions) ; l éthyl-butyl-acétylaminopropionate, ou IR 3535, répulsif de synthèse (peut être utilisé de 30 mois à 12 ans), en solution de 20-35 % ; il est le seul produit toléré chez la femme enceinte. Ces produits assurent une protection pendant environ 4 heures, cette durée diminuant en cas de sudation importante. 5 Ces produits sont commercialisés sous différents noms. Il convient donc de prendre l avis d un pharmacien en cas de doute sur le choix d un répulsif. 6 Eviter le contact avec certaines substances synthétiques : verres et montures de lunettes, verres de montres Page 10 sur 13

L adéquation des vêtements Ils doivent couvrir au maximum les parties découvertes, y compris la tête en cas de végétation haute (chapeau) et être serrés aux extrémités. Des vêtements clairs favorisent le repérage des tiques avant qu elles n entrent en contact avec la peau. L inspection systématique de la peau après exposition La recherche de tiques fixées à la peau doit être quotidienne, de préférence après un bain ou une douche chaude. On sera particulièrement attentif aux plis (aines, aisselles, ceinture, ), sans oublier le cuir chevelu. L enlèvement des tiques En cas de découverte d une tique, elle sera enlevée avec une pince à tiques (rotation antihoraire) ou à la rigueur au moyen d une simple pince à épiler à bout aplati (de façon à pouvoir enlever l animal sans l abîmer). Il est formellement déconseillé d endormir la tique (éther, essence, alcool, antiseptique, ), ces substances pouvant induire une régurgitation par la tique dans la plaie occasionnée par la morsure et donc accroître la contamination bactérienne. Si la tête reste accrochée au point de morsure, elle sera enlevée au moyen d une pince à échardes. La plaie sera ensuite désinfectée avec un antiseptique, de préférence l iso-betadine. Existe-t-il une vaccination efficace contre la borréliose? Aucun vaccin efficace n est actuellement disponible en Europe occidentale même si la vaccination contre les Borrelia pathogènes constitue actuellement un sujet de recherche. Des vaccins ont bien été développés contre la borréliose de Lyme, entre autres le Lyme-Rix, utilisé aux USA, mais aussi de façon limitée par certains médecins belges. Ce vaccin n est cependant actif que contre Borrelia burgdorferi au sens strict, seule espèce pathogène rencontrée aux USA et s avère donc sans utilité contre les autres espèces présentes dans nos régions. Le succès de ce vaccin s avéra par ailleurs mitigé vu la nécessité de rappels très fréquents et coûteux. 7.2. Prévention secondaire La prévention secondaire consiste en un dépistage le plus précoce possible des premiers signes de la borréliose. Page 11 sur 13

Cette démarche se fonde sur une information des travailleurs quant à «l histoire naturelle» de la maladie, de façon à ce qu il puisse lui-même avoir l attention attirée par certains signes, qui seront le plus souvent des manifestations cliniques de la phase primaire : un état pseudo-grippal : fatigue parfois intense, mal de tête, raideur dans la nuque, mal de gorge, douleurs musculaires et articulaires, parfois un peu de fièvre, surtout si ces symptômes surviennent durant une période où les infections banales des voies respiratoires supérieures sont peu fréquentes (en été, par exemple) ; l apparition d une plaque d érythème chronique migrant, plus ou moins circulaire, centrée éventuellement sur un point de morsure (celui-ci peut en effet ne plus être visible à ce moment), s étendant en périphérie et pâlissant au centre. Plus rarement, on peut être confronté à des signes d apparition plus tardive : plaques multiples d érythème chronique migrant, douleurs dans une grosse articulation, troubles neurologiques sensitifs ou moteurs, 8. Traitement Le traitement est inutile en prévention après une simple morsure de tique. Il ne doit être débuté que sur base de signes cliniques (le plus souvent un érythème chronique migrant) ainsi qu en cas de diagnostic biologique confirmé, et non sur base d une sérologie positive isolée. Le traitement consiste en la prise d antibiotiques : doxycycline, pénicillines, céphalosporines. 9. La borréliose, maladie professionnelle La liste belge des maladies professionnelles comprend toute une série de maladies ou de groupes de maladies en rapport avec une liste d agents causaux. Le travailleur atteint d une de ces affections, s il a été exposé à ces facteurs de risque lors de son travail, peut introduire un dossier médical de demande en réparation. Le lien de cause à effet ne doit pas être démontré par l intéressé. La réalité de l exposition au risque peut cependant être vérifiée par le Fonds des Maladies Professionnelles (FMP). En ce qui concerne la borréliose de Lyme, cette maladie peut être reprise sur la liste sous la rubrique «maladies infectieuses ou parasitaires transmises à l homme par des animaux ou des débris d animaux» (1.403.01). La constitution de ce dossier requiert donc une collaboration étroite entre le médecin généraliste et/ou le médecin spécialiste et le médecin du travail. Les modalités de prise en charge des demandes en réparation : Les modalités de traitement de la demande en réparation diffèrent selon le type d entreprise auquel appartient le travailleur. Page 12 sur 13

Dans le secteur privé, c est le FMP qui est compétent et indemnise le travailleur si la demande est reconnue. Le FMP traite directement avec le salarié. Dans le cas d un employeur public cotisant à l ONSS-APL, (administrations provinciales et locales), c est le FMP qui est compétent et indemnise le travailleur si la demande en réparation est prise en compte, mais la décision est communiquée via l employeur. Dans le secteur public non cotisant à l ONSS-APL (administrations fédérales et régionales par exemple), le FMP n est pas compétent mais joue un rôle d expert à la demande du service public ; c est l employeur qui détient la décision finale et indemnise le cas échéant, recourant alors le plus souvent à un système de contre-assurance pour assurer l intervention financière. Les documents à utiliser pour l introduction de la demande varient selon le secteur : dans le secteur privé, il convient d utiliser respectivement les formulaires 501 F et 503 F ; dans le secteur public APL, ce sont les formulaires 601 F et 603 F ; dans les autres services publics, la demande doit s effectuer via les formulaires MP 1 (document administratif) et MP 2 (certificat médical). 10. Sources BROUQUI P. et al. Guidelines for the diagnosis of tick-borne bacterial disease in Europe. Clin Microbiol Infect, Décembre 2004, vol. 10, n 12, p. 1108-1132. KESTEMAN T. et al. Prevalence and genetic heterogenicity of Borrelia burgdorferi sensu lato in Ixodes ticks in belgium. Acta Clinica Belgica, septembre-octobre 2010, vol.65, n 5, p. 319-322. SOCIÉTÉ DE PATHOLOGIE INFECTIEUSE DE LANGUE FRANÇAISE et al. Borréliose de Lyme : démarches diagnostiques, thérapeutiques et préventives. 16 ème conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse. Paris : Société de Pathologie Infectieuse de langue Française, 2006. UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN et al. Climate change. Impact on ticks and tickborne diseases. What strategy for Lyme borreliosis and Tick-borne encephalitis? International Conference. Brussels : UCL Public Health School, 6 february 2009. WORMSER G. P. et al. The clinical assessment, treatment and prevention of Lyme disease, human granulotic anaplasmosis, and babesiosis : clinical practice guidelines by the Infectious Disease Society of America. Clinical Infectious Diseases, 2006, vol. 43, n 9, p. 1089-1134. Page 13 sur 13 SPMT - Siège social Quai Orban, 32-34 à 4020 Liège T 04/ 344 62 64 F 04/ 344 62 61 cellule-scientifique@spmt.be www.spmt.be