Trois mois, trois mois déjà. Trois longs mois de peine, de souffrance, de nuits sans sommeil. Pourquoi maintenant et non hier ou jamais? Ecrire, quelle idée! Ecrire pourquoi, pour qui? Ecrire la souffrance, Ecrire la peine, Ecrire leurs départs, Ecrire à jamais. Ecrire mais comment? Ecrire tu ne sais pas Ecrire tu en crèves Ecrire. Ecrire une histoire, 3
Ecrire cette histoire, Ecrire mon histoire, Pourquoi écrire? Pour toi, pour moi, pour eux. Qui t a poussé à écrire? La peine, la vie, la souffrance, l espérance? Deux femmes, deux L. deux ailes, délicatement, irrésistiblement, sans le savoir. L une pour ne pas sombrer, l autre pour se relever. ECRIS 4
Noir Toujours le soir, pourquoi? La vie comme un soleil, il se couche, elle s endort. Non! Le soleil revient, toujours. La vie elle ailleurs, nulle part, à côté de nous, qui sait? La vie banale, calme, rassurante. Tout vit, les arbres qui renaissent, le chat qui réclame une caresse, les êtres chers qui paressent. Et puis un coup de téléphone. Deux jours tu entends dans un semi brouillard. La plongée vers l enfer. 5
La peur qui s insinue, des appels partout. «Non, aucune nouvelle». Les mains, les jambes, le corps tremblent, les mots s enfuient. Et la peur qui monte, qui monte. La voiture, seul, la vie est restée à la maison. La route qu on avale, les lumières qui défilent mais que l on ne voit pas, que l on ne voit plus. Mille questions, mille pensées qui s enchaînent et une seule, qui s engouffre, que l on chasse mais qui s insinue. C est fini! Pourquoi? Flashback. Cinq ans déjà. La même histoire, le même coup de téléphone. Mais là, la tristesse et la délivrance, confondues, entravées. C est horrible, peut-être. Seul ceux qui l ont connue peuvent juger. La vie qui s effiloche, qui s en va à petits bouts. Une présence absente, une absence 6
présente. Un corps qui ne pense plus, une pensée dans un corps qui ne bouge plus. On ne saura jamais. Et puis une dernière lueur, une dernière parole dans un corps déjà absent. «Pars, profite, amuse-toi». Un dernier mot, une dernière pensée. Pourquoi maintenant, pourquoi si net alors qu avant. C est la vie qui dit adieu mais on le comprendra plus tard, trop tard quand plus aucun retour ne sera possible. Tout s enchaîne, sur la route, le passé, le présent, le futur. Mais existe-t-il encore? L arrivée, aile déjà là, tout aussi fébrile, tout aussi apeurée. La montée des marches. Oh! Pas celle de Cannes, plutôt celle vers l enfer. 7
La clé dans la porte, difficilement. Lumière. Si douce, si apaisante mais ce soir si effrayante. Le corps qui tremble, les mots qui se bloquent et un mot, murmuré, sorti de ton ventre, sorti de tout ton être, non. Les pieds avancent, seuls. La tête est vide. Comprendre, sans n avoir rien vu. L esprit est ailleurs. Il sait. Vision apaisante, vision effrayante. Ce corps, par terre, mon père. Les images qui arrivent, refluent, s entrechoquent. Quelque chose se brise, à jamais. Désormais seul, jusqu à la fin. Noir un soir. Dernières caresses, derniers mots enfantins, derniers baisers, moi qui ne t en faisait pas. Etait ce nécessaire? 8
Les larmes, enfin, qui sortent, qui coulent, qui ne s arrêtent plus. Un animal blessé, meurtri qui tourne et qui tourne. Des coups d œil furtifs, c est un rêve, même pas. Des sensations qui émergent, des sensations qui submergent. Ce lieu qui m a vu grandir, rêver, pleurer, souffrir, aimer Ce lieu encore empreint de leur présence. Ce lieu rempli de bibelots, de photos, une ode à la vie. Ce lieu où chaque objet représente un souvenir. Ce lieu devient une souffrance. Fuir, courir et hurler jusqu à l épuisement. 9
Que faire? Incapable de bouger, de penser. Merci aile. Des coups de fil. Le viol, involontaire, rassurant, bienveillant, prévenant des pompiers. «C est trop tard, il n y a plus rien à faire». Je le savais, depuis longtemps. Noir un soir. L irréparable constaté. «C est 67 euros». La vie intolérable. Des lumières qui clignotent. Le départ à jamais. Tous deux seuls, dans cet endroit. Le néant. Bienheureux ceux qui croient. Le retour, irréel. Des routes qui se perdent, des routes qui me perdent. J avance, embué par les larmes, je ne sais comment. 10