TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LYON N 1304961 Mme Martine B... Mme de Lacoste Lareymondie Rapporteur M. Laval Rapporteur public RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le tribunal administratif de Lyon (8ème chambre) Audience du 13 janvier 2016 Lecture du 27 janvier 2016 36-02-02 36-07-04 C + -JL Vu la procédure suivante : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 juillet 2013, 13 décembre 2013 et 4 septembre 2014, Mme Martine B..., représenté par Me Salles, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures : 1 ) de condamner la commune de Fareins à lui verser la somme de 18 865,51 euros au titre du préjudice financier, et 4 965 euros au titre du préjudice moral, en réparation des préjudices résultant du renouvellement illégal de sa mise en disponibilité d office du 29 décembre 2011 au 26 novembre 2012 ; 2 ) de mettre à la charge de la commune de Fareins la somme de 3 000 euros au titre de l article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision du 11 janvier 2012 par laquelle le maire de Fareins a prolongé sa mise en disponibilité d office au-delà du 29 décembre 2011 est entachée d illégalité, du fait d un défaut de motivation, et d un vice de procédure du fait de l absence de saisine préalable du comité médical départemental ; - en ne la réintégrant pas dès le 29 décembre 2011, la commune de Fareins a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, dès lors qu elle avait acquis un droit à être réintégrée suite à l avis favorable du comité médical départemental du 20 décembre 2011 ; en outre, en procédant à sa réintégration juridique, la commune a admis le principe de la
N 1304961 2 réintégration sans en tirer les conséquences en termes de responsabilité et de réparation du préjudice ; - elle subit un préjudice financier résultant de l absence de versement de l intégralité de son traitement pendant la période contestée et de la pression financière due en remboursement d un emprunt souscrit en 2010 ; - elle subit également un préjudice moral du fait de l absence d exercice d une activité professionnelle pendant plus de dix mois. Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 octobre 2013, 27 juin 2014 et 30 janvier 2015, la commune de Fareins conclut au rejet de la requête et à ce qu il soit mis à la charge de Mme B...la somme de 3 000 euros au titre de l article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête est irrecevable ; - elle n a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ; - les préjudices allégués sont sans lien avec la prolongation de la disponibilité d office de Mme B... 2015. Par ordonnance du 15 juillet 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 7 septembre Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le décret n 86-68 du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration ; - le décret n 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ; - le décret n 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l audience. Ont été entendus au cours de l audience publique : - le rapport de Mme de Lacoste Lareymondie, conseiller, - les conclusions de M. Laval, rapporteur public, - et les observations de Me Grisel, représentant Mme B...et Me Da Costa représentant la commune de Fareins.
N 1304961 3 1. Considérant que Mme Martine B..., titulaire du grade d attaché territorial depuis le 1 er juillet 2008, exerce ses fonctions au sein de la commune de Fareins en qualité de secrétaire générale ; qu à compter de la fin du mois d avril 2009, elle a bénéficié de six mois d arrêt de travail en raison d un syndrome dépressif ; qu elle a repris ses fonctions à temps partiel thérapeutique avant d être de nouveau placée en congé de maladie pour une durée d un an entre le 29 mars 2010 et le 28 mars 2011 ; qu elle a par la suite été placée en disponibilité d office, renouvelée plusieurs fois jusqu au 28 décembre 2011 ; que le 6 décembre 2011, Mme B...a demandé sa réintégration à compter du 2 janvier 2012 ; que saisi par la commune de Fareins, le comité médical départemental a émis un avis favorable à la réintégration de l intéressée le 20 décembre 2011 ; que le 29 décembre 2011, la commune de Fareins a saisi le comité médical supérieur ; que par arrêté du 11 janvier 2012, il a renouvelé la mise en disponibilité d office de Mme B...à compter du 29 décembre 2011, dans l attente de l avis du comité médical supérieur ; que ce dernier a rendu un avis favorable à la réintégration de Mme B... le 9 novembre 2012 ; que par un premier arrêté du 27 novembre 2012, Mme B... a été réintégrée dans son emploi ; que par un recours gracieux du 14 mars 2013, Mme B... a sollicité une réintégration rétroactive à compter du 29 décembre 2011, et sollicité la réparation de son préjudice résultant de la privation de sa rémunération ; que par un second arrêté du 1 er juillet 2013, la commune de Fareins a procédé à la réintégration de Mme B... à compter du 29 décembre 2011 en lui rétablissant ses droits à l avancement et à la retraite ; que cependant, la commune a refusé de faire droit à sa demande de réparation du préjudice qu elle aurait subi ; que par la présente requête, Mme B...conclue à ce que la commune de Fareins soit condamnée à lui verser la somme de 18 865,51 euros au titre du préjudice financier et 4 965 euros au titre du préjudice moral, en raison de l illégalité de son maintien en disponibilité d office pour la période du 29 décembre 2012 au 25 novembre 2012 ; Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la commune de Fareins : 2. Considérant que la commune de Fareins oppose une fin de non-recevoir tirée du défaut de liaison du contentieux ; que toutefois, il résulte de l instruction que le recours gracieux formé par Mme B... le 14 mars 2013, qui fait état d un «préjudice réel et certain du fait de (son) maintien en position de disponibilité d office pendant près d un an» s analyse comme une demande de réparation du préjudice résultant de l illégalité de son maintien en disponibilité d office au-delà du 29 décembre 2011 ; qu en outre, la commune de Fareins a elle-même lié le contentieux en refusant expressément, par courrier du 21 mai 2013, d indemniser l intéressée ; que la circonstance qu il ne soit fait état, dans la réponse de la commune de Fareins, que du seul préjudice financier ne fait pas obstacle à la recevabilité des conclusions présentées devant le tribunal de céans et tendant également à l indemnisation du préjudice moral, dès lors qu un tel préjudice, qui résulte du même fait générateur, ne repose pas sur une cause juridique distincte ; que par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Fareins doit être écartée ; En ce qui concerne la responsabilité : 3. Considérant, d une part, qu aux termes de l article 17 du décret du 30 juillet 1987 : «Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir./ Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé,
N 1304961 4 reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. ( )» ; que l article 26 du décret du 13 janvier 1986 dispose : «Sauf dans le cas où la période de mise en disponibilité n'excède pas trois mois, le fonctionnaire mis en disponibilité sur sa demande fait connaître à son administration d'origine sa décision de solliciter le renouvellement de la disponibilité ou de réintégrer son cadre d'emplois d'origine trois mois au moins avant l'expiration de la disponibilité. / La réintégration est subordonnée à la vérification par un médecin agréé et, éventuellement, par le comité médical compétent, de l'aptitude physique du fonctionnaire à l'exercice des fonctions afférentes à son grade.» ; 4. Considérant, d autre part, qu aux termes du premier alinéa de l article 9 du décret du 14 mars 1986 : «Le comité médical supérieur, saisi par l'autorité administrative compétente, soit de son initiative, soit à la demande du fonctionnaire, peut être consulté sur les cas dans lesquels l'avis donné en premier ressort par le comité médical compétent est contesté» ; 5. Considérant qu il résulte de la combinaison de ces dispositions que la réintégration d un fonctionnaire territorial dans son administration à l issue d une disponibilité prononcée d office à l expiration des droits statutaires à congés de maladie est un droit pour ce fonctionnaire dès lors qu il est déclaré apte à l exercice de ses fonctions ; qu en outre, lorsqu un agent public a, avant le terme de sa mise en disponibilité d office, formé une demande de réintégration et obtenu un avis favorable du comité médical départemental, cet agent est, en cas d inaction de l administration ou de saisine du comité médical supérieur au-delà du dernier jour de la période de mise en disponibilité d office, réputé être réintégré dès le lendemain du dernier jour de cette période ; 6. Considérant que Mme B... a demandé le 6 décembre 2011 à être réintégrée dans ses fonctions, soit avant la fin de la période de mise en disponibilité d office prévue le 28 décembre 2011 ; que le comité médical départemental a rendu un avis favorable à sa réintégration le 20 décembre 2011 ; qu en l espèce, la saisine du comité médical supérieur par la commune, intervenue postérieurement au 28 décembre 2011, ne pouvait priver d effet l avis favorable rendu par le comité médical départemental ; que dès lors, Mme B... doit être regardée comme ayant disposé d un droit à être réintégrée dès le 29 décembre 2011 ; qu ainsi, alors même que le maire de Fareins devait, pour statuer à titre définitif sur les demandes de MmeB..., attendre d avoir recueilli l avis du comité médical supérieur, il lui appartenait, pour satisfaire à l obligation de placer un fonctionnaire soumis à son autorité dans une position statutaire régulière, de prendre, à titre provisoire, une décision plaçant Mme B...dans l une des positions prévues par son statut ; que Mme B... justifiant, comme il a été dit, d un droit à être réintégrée dans son emploi dès le 29 décembre 2011, le maire de Fareins ne pouvait légalement maintenir l intéressée en disponibilité d office à compter de cette date ; qu en procédant ainsi, le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Fareins ; En ce qui concerne le préjudice : 7. Considérant, en premier lieu, qu il résulte de l instruction que Mme B... demande à être indemnisée du préjudice financier résultant de l illégalité de la décision du 11 janvier 2012 prolongeant sa mise en disponibilité dans l attente de l avis du comité médical supérieur intervenu le 9 novembre 2012 ; qu à ce titre Mme B... demande à être indemnisée du préjudice résultant de la perte de son traitement et de la pression financière résultant du remboursement d un prêt qu elle a souscrit en 2010 ;
N 1304961 5 8. Considérant que le préjudice lié à la perte du traitement est directement imputable à la faute de la commune de Fareins privant Mme B... de son droit à être réintégrée dès le 29 décembre 2011 ; qu en revanche, la requérante n établit ni la réalité de la pression financière subie du fait du remboursement d un prêt, ni le lien entre cet éventuel préjudice et l illégalité de la décision du 11 janvier 2012 ; 9. Considérant que pour évaluer le préjudice résultant de la perte du traitement de la requérante, il doit être tenu compte des montants nets effectivement dus à l intéressée ; que, par ailleurs, doivent être déduites les primes et indemnités liées à l exercice effectif des fonctions ; qu ainsi, la commune de Fareins doit être condamnée à verser à Mme B... la somme de 11 620 euros ; 10. Considérant, en second lieu, que Mme B... demande à être indemnisée du préjudice moral résultant de la privation d activité professionnelle pendant une période de onze mois ; qu il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant la commune de Fareins à lui verser la somme de 1 000 euros ; Sur les conclusions tendant à l application de l article L. 761-1 du code de justice administrative : 11. Considérant qu il y a lieu, dans les circonstances de l espèce, de mettre à la charge de la commune de Fareins la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens ; 12. Considérant, toutefois, que les dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu il soit mis à la charge de Mme B..., qui n est pas la partie perdante, la somme que la commune de Fareins réclame au titre des mêmes frais ; D E C I D E : Article 1 er : La commune de Fareins est condamnée à verser à Mme B... la somme de 12 620 euros. Article 2 : La commune de Fareins versera à Mme B...l a somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Fareins sur le fondement des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme Martine B... et à la commune de Fareins. Copie en sera adressée au préfet de l Ain. Délibéré après l'audience du 13 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
N 1304961 6 M. Delespierre, président, Mme Monteiro, premier conseiller, Mme de Lacoste Lareymondie, conseiller, Lu en audience publique le 27 janvier 2016. Le rapporteur, Le président, E. DE LACOSTE LAREYMONDIE N. DELESPIERRE Le greffier, Y MESNARD La République mande et ordonne au préfet de l Ain en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, Un greffier,