La contestation de la filiation
Repères Titre : le titre, en matière de filiation, s entend de l acte de naissance ou de la reconnaissance de paternité ou de maternité Contestation de la filiation : procédure visant à anéantir une paternité ou une maternité légalement établie, en démontrant qu elle ne correspond pas à la vérité, c est-à-dire que le père légal ou quela mère légale n a pas mis l enfant au monde Possession d état conforme au titre : la possession d état conforme est celle qui s exerce à l égard des personnes désignées comme parents par l acte de naissance ou la (les) reconnaissance(s) Possession d état non conforme au titre : la possession d état non conforme est celle qui s exerce à l égard d autres personnes que celles désignées comme parents par l acte de naissance ou la (les) reconnaissance(s)
Explications Contester la filiation maternelle, ou paternelle, ou les deux filiations à la fois, consiste à prétendre que le lien de filiation ne correspond pas à la réalité, qu il est faux. Il s agit de prouver que tel enfant n est pas l enfant de telle femme ou tel homme (ou les deux) auquel il est lié par un lien de filiation. Deux actions peuvent être jointes, l une tendant à l annulation de la filiation légalement établie et l autre aux fins d établissement d une autre filiation. Jusqu à l ordonnance de 2005, la contestation de la filiation légitime était peu ouverte, alors que la filiation naturelle était très largement attaquable. La contestation de la filiation légitime était strictement réglementée et n était pas toujours possible: Tout d abord parce que la filiation qui s inscrit dans le cadre du mariage est crédible, la présomption de paternité trouvant son fondement dans le devoir de fidélité des époux qui rend vraisemblable le fait que le mari soit le père des enfants de sa femme, Ensuite, car il est opportun de protéger la tranquillité des familles et d assurer la stabilité de la famille fondée sur le mariage, source de stabilité sociale; C est pourquoi la filiation légitime était très solide. Mais elle n était pas pour autant intouchable
Pour que la contestation de la filiation aboutisse, il faut, tout d abord, que l action en contestation soit recevable (section I). Il faut ensuite, qu elle soit bien fondée (section II), ce qui permettra à la contestation de produire ses effets (section III) Section I : la recevabilité de l action en contestation de la filiation Ilfaut commencer par dire un mot de certains cas particuliers, avant de donner les règles générales. Contestation par le ministère public. La filiation légalement établie peut être contestée par le ministère public si des indices tirés des actes eux-mêmes la rendent invraisemblable ou en cas de fraude à la loi ( article 336 du code civil) La filiation est invraisemblable, par exemple, quant l écart d âge est insuffisant d une reconnaissance et l enfant reconnu. entre l auteur Il y a fraude à la loi, par exemple, lorsqu une reconnaissance est effectuée pour contourner les règles relatives à l adoption ou les règles interdisant la maternité de substitution. Par exemple, un couple s entend avec une mère porteuse pour que celle-ci conçoive un enfant par insémination artificielle avec les gamètes du mari. Lors de la naissance, l enfant est déclaré sans indication de la mère, et reconnu par l homme et la femme du couple accueillant l enfant. La reconnaissance de la femme est une fraude à la loi.
Plus généralement, constitue une reconnaissance frauduleuse toute reconnaissance souscrite par son auteur en vue de se procurer un avantage particulier et dont la finalité est étrangère à l intérêt de l enfant et à son éducation. Il en par exemple ainsi en cas de reconnaissances multiples d enfants afin de permettre l acquisition d un titrede séjour ou lanationalité française. En revanche, dès lors que l auteur de la reconnaissance s engage par cet acte à assumer les conséquences du lien de filiation ainsi établi, la reconnaissance mensongère, dite de complaisance, ne porte pas atteinte à l ordre public et ne peut être contester par le ministère public. Il n y a en effet aucun intérêt à empêcher de telles reconnaissances, notamment lorsqu un homme décide de reconnaître l enfant de la femme qu il épouse, bien qu il sache que cet enfant n est pas le sien. Le rôle du ministère public est d intervenir lorsque l ordre public est en cause. L action du ministère public est ouverte dans les délais de contestation de la filiation, à savoir, en général, 10 ans. Cependant, lorsque la possession d état conforme au titre a durée 5 ans depuis la naissance ou la reconnaissance, la filiation n est plus contestable sauf par le ministère public* (article 333 al.2 du code civil) * La loi ne précise pas si l action du ministère public est limitée dans le temps
Filiation établie par un jugement. La filiation établie par l effet d un jugement ne peut être contestée que par la mise en œuvre de voies de recours contre la décision de justice, à savoir la procédure d appel, le pourvoi en cassation et la tierce opposition. Filiation d un enfant issu d une procréation médicalement assistée. La filiation d un enfant issu d une technique de procréation médicalement assistée avec tiers donneur est absolument incontestable. Le consentement donné par les époux à une procréation médicalement assistée nécessitant l intervention d un tiers donneur interdit toute action aux fins d établissement mais aussi de contestation de la filiation. Il est ainsi interdit à l enfant d exercer une action en recherche de paternité ou maternité à l encontre des donneurs. Il est, réciproquement, interdit de contester sa filiation qui découle duconsentement donné à laprocréation médicalement assistée. Endehors deces cas particuliers, on distingue 3 hypothèses : ou bien l enfant à une possession d état conforme à son titre, est la contestation desa filiation est encadrée par laloi (I), ou bien l enfant a un titre mais ne bénéficie pas d une possession conforme à ce titre (II), ou bien l enfant n a pas de titre mais une possession d état (III). Si l enfant n a ni titre ni possession d état, il n y a pas de filiation à contester, car aucune filiation ne serait établie dans cette hypothèse.
1. L enfant a un titre et une possession d état conforme à ce titre Un titre. Le titre s entend de l acte de naissance ou de la reconnaissance. La filiation maternelle découle de l acte de naissance lorsque celui-ci indique le nom de la mère. La filiation paternelle découle de l acte de naissance lorsque la mère de l enfant est mariée et que la présomption de paternité joue. La filiation maternelle comme paternelle peut résulter d une reconnaissance, dès lors que la filiation n a pas déjà été établie par les indications contenues dans l acte de naissance. En revanche, l acte de notoriété ne peut être considéré ici comme un titre, une action spécifique étant réservée à la contestation de la possession d état constatée par un acte de notoriété ( article 335 du code civil) Titre = acte de naissance. Lorsque l officier de l état civil dresse l acte de naissance, il se contente d indiquer ce que le déclarant lui affirme. La véracité de ce qui est déclaré n est pas contrôlée par l officier d état civil et n a pas de valeur authentique. C est pourquoi ce titre ne vaut que jusqu à preuve du contraire, dès lors que la contestation est admise.
Titre = reconnaissance. La reconnaissance est un acte authentique, par lequel une personne affirme qu elle est le père ou la mère d un enfant qu elle désigne. Ici encore, l authenticité ne concerne que ce que l officier public qui a reçu la reconnaissance a constaté par lui-même, à savoir que tel homme ou telle femme a reconnu être le père ou la mère de tel enfant. Quant à savoir, si cet homme ou cette femme est effectivement le père ou la mère de l enfant désigné, l officier public n en sait rien. Ce qui est affirmé dans l acte de reconnaissance peut donc être contesté, dans le cadre de l action en contestation delafiliation Possession d état conforme. La possession d état est conforme au titre lorsqu elle existe entre l enfant et la personne désignée dans le titre comme père ou mère. Dans ce cas, lorsqu elle vient conforter un titre, la possession d état n a pas a être constatée dans un acte de notoriété ou un jugement. La preuve de la possession d état peut être apportée par tout moyen. La filiation établie par un titre (acte de naissance ou reconnaissance) corroboré par une possession d état conforme est solide: elle a toutes les chances de correspondre à la réalité biologique et quand bien même ce ne serait pas le cas, la loi entend protéger cette situation puisqu elle est stable. Par exemple, un homme décide deconsidérer comme le sien un enfant de sa femme qu il sait ne pas être le sien.
Action attitrée. C est pourquoi, lorsque la possession d état est conforme au titre, l action en contestation de la filiation est une action attitrée, c est-à-dire qu elle ne peut être exercée que par les personnes désignées par la loi, à savoir, l enfant, l un de ses père et mère ou celui qui se prétend le parent véritable (article 333 du code civil). L action est transmise aux héritiers quipeuvent poursuivre l action déjà engagée. Délai pour agir. lorsque la possession d état est conforme au titre, l action en contestation de la filiation se prescrit par 5 ans à compter du jour où la possession d état a cessé ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté. Comme l indiquent les termes de la loi, il s agit d une prescription. Elle est donc suspendue pendant la minorité de l enfant, qui pourra agir dans un délai de 5 ans après sa majorité. Possession d état de 5 ans. Après l écoulement d un certain temps, on considère qu il ne faut plus remettre en cause la situation de l enfant qui bénéficie d une possession d état conforme au titre. Lorsque la possession d état conforme au titre a duré au moins 5 ans depuis la naissance, ou la reconnaissance, nul ne peut plus contester la filiation, à l exception du ministère public.
Ce délai de 5 ans est un délai préfix, c est-à-dire qu il n est susceptible d interruption ou de suspension. Il n est donc pas suspendu à l égard de l enfant pendant sa minorité. Les délais pour contester la filiation établie par un titre conforté par une possession d état conforme sont donc courts. Cela présente l avantage de stabiliser la situation de l enfant et de le mettre à l abri des contestations tardives. L inconvénient est que ces solutions peuvent rendre incontestables des filiations qui ne correspondent pas à la vérité biologique.
2. L enfant a un titre mais pas la possession d état L hypothèse est prévue à l article 334 du code civil. L enfant à un titre, c est-à-dire un acte de naissance indiquant sa filiation à l égard d une femme (et du mari de celle-ci si la femme est mariée et que la présomption de paternité n a pas été écartée) ou une reconnaissance faite par un homme, une femme ou les deux. Mais les indications contenues dans l acte de naissance ne sont pas corroborées par la possession d état, car tel homme ou telle femme désigné comme le père ou la mère, ne traite pas l enfant comme le sien et n est pas considéré comme son parent. Dans un tel cas, l action en contestation peut être engagée par toute personne qui y a un intérêt dans le délai prévu à l article 321,délai de 10 ans.
Action non attitrée. L action est ouverte à tout intéressé, par exemple les grands-parents, ou les autres enfants de celui dont la paternité ou maternité est contestée. Délai. Lorsque le titre n est pas corroboré par la possession d état, la filiation peut être contestée dans le délai prévu à l article 321,délai de 10 ans depuis que l enfant a été privé de l état qui lui est contesté, autrement dit depuis la naissance. En l absence de possession d état pour consolider le titre, la contestation de la filiation est donc largement ouverte. La préférence donnée à la vérité biologique n est cependant pas absolue car la contestation est enfermée dans ce délai de 10 ans. A l issue de ce délai la filiation, même non corroboré par une possession d état conforme, est inattaquable, quand bien même elle serait biologiquement fausse.
3. L enfant n a pas de titre mais bénéficie de la possession d état L enfant n a pas de titre, c est-à-dire que la filiation ne découle pas de son acte de naissance et qu il n a pas été reconnu. En revanche, il bénéficie d une possession d état, c est-à-dire qu il a été élevé comme le sien par un homme, une femme ou les deux, se prétendant ses parents. Dans ce cas, la possession d état, dès lors qu elle est constatée, ne fait foi de la filiation qu elle constate que jusqu à preuve contraire, que tout intéressé est recevable à rapporter. Possession d état non constatée. La possession d état non constatée ne suffit plus à établir la filiation. Par conséquent, aucune filiation n est établie, il n y a rien à contester et aucune action n est recevable.
Possession d état constatée par un acte de notoriété. L hypothèse est prévue à l article 335 du code civil, selon lequel «la filiation établie par la possession d état constatée par un acte de notoriété peut être contestée par toute personne qui y a un intérêt en rapportant la preuve contraire, dans le délai de 10 ans à compter de la délivrance de l acte. Titulaire de l action. L action est ouverte a tout intéressé justifiant d un intérêt légitime. En pratique, elle est le plus souvent exercée par les cohéritiers d un enfant qui se prévaut d un acte de notoriété pour revendiquer ses droits dans lasuccession deson père. Délai. Le délai de 10 ans pour contester la possession d état commence à courir à compter de ladélivrance de l acte de notoriété Possession d état constatée par un jugement. Le jugement a l autorité de la chose jugée, mais il peut être attaqué par l exercice des voies de recours et, notamment, par la voie de la tierce opposition, le jugement étant rendu dans une action ouverte à tout intéressé ( article 324 du C. civ) Par ailleurs, c est l existence de la possession d état constatée par le jugement qui a autorité de la chose jugée, mais il est possible d attaquer la filiation que cette possession d état fait présumer pendant un délai de 10 ans à compter du jugement.
Section II : le bien-fondé de la contestation de la filiation Une fois l action recevable, encore faut-il qu elle soit bien fondée, c est-à-dire que le demandeur apporte la preuve de ce qu il allègue, la fausseté de la filiation établie. Preuve à rapporter. Selon l article 332 du code civil, la maternité peut être contestée en rapportant la preuve que la mère n a pas accouché de l enfant et la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l auteur de la reconnaissance n est pas le père. On voit que, les termes employés ne sont pas les mêmes selon que la contestation porte sur la maternité ou la paternité, ce qui signifie que l objet de la preuve n est pas le même. Contestation de la filiation maternelle. La maternité peut être contestée en rapportant la preuve que la femme n est pas la mère, c est-à-dire qu elle n a pas accouché de l enfant. La preuve à rapporter n est donc pas que la femme en question n est pas la mère biologique, mais qu elle n est pas celle qui a accouché., ce qui peut être le cas s il y a eu un don d ovocyte ou un accueil d embryon. En droit la mère est la femme qui a accouché, qu elle soit ou non la mère biologique de l enfant.
Contestation de la filiation paternelle. La paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l auteur de la reconnaissance n est pas le père. Il faut prouver que l homme en question n est pas le père, c est-à-dire n est pas le père biologique, ce qui pourra être prouvé par tout moyen, notamment par le recours à l expertise biologique. Filiation établie par possession d état constatée dans un acte de notoriété. La preuve à rapporter est soit la preuve de l inexactitude de la filiation en cause, comme il vient d être dit, soit lapreuve que lapossession d état constatée par l acte de notoriété n existe pas en réalité
Section III : les effets de la contestation de la filiation Effet déclaratif. Le jugement qui accueille la contestation de la paternité ou de la maternité est déclaratif. Cela signifie qu il ne fait que déclarer ce qui a toujours existé, que tel homme n a jamais été le père de l enfant, que telle femme n a jamais accouché de l enfant. Par conséquent, les actes passés en qualité de père par l homme dont la paternité est anéantie se trouvent privés de cause. L homme peut obtenir remboursement de ce qu il a investi pour l entretien de l enfant, remboursement qui peut être demandé tant à la mère qu au véritable père dont la paternité est éventuellement établie ensuite. Droit de visite. La contestation d une filiation, qu elle soit ou non en conflit avec une autre filiation prétendue, peut aboutir à écarter la prétention de la partie qui élevait en fait l enfant mineur. La loi prévoit dans ce cas que les tribunaux peuvent, compte tenu de l intérêt de l enfant, fixer les modalités des relations de celui-ci avec la personne qui l élevait, par exemple accorder à celle-ci un droit de visite (article 337 du code civil) Effets de la contestation de la maternité d une femme mariée. Si la contestation de la maternité d une femme mariée aboutit, la paternité du mari qui découlait de la maternité de sa femme par le jeu de la présomption de paternité est elle aussi anéantie, par ricochet. En revanche, si la paternité résulte d une reconnaissance ou d une constatation de la possession d état à l égard du père, elle ne tombe pas en cas de contestation de la maternité car elle ne découle pas de la maternité.