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Transcription:

Apport de l observation satellitaire pour la prévision du temps 27 Prévision Jean-François Mahfouf 1, Jean-Marc Moisselin 2, Frédéric Autonès 2, Jérôme Vidot 3 1 Groupe de modélisation pour l assimilation et la prévision, Centre national de recherches météorologiques, Météo-France, Toulouse 2 Prévision immédiate, Direction des opérations pour la prévision, Météo-France, Toulouse 3 Centre de météorologie spatiale, Direction des opérations pour la prévision, Météo-France, Lannion jean-francois.mahfouf@meteo.fr Résumé Cet article illustre divers apports des observations satellitaires à la prévision du temps. Les techniques permettant d extraire, à partir des mesures des instruments embarqués, des informations quantitatives sur les principaux paramètres météorologiques (température, contenu en vapeur d eau, composantes du vent) sont succinctement décrites. Les progrès réalisés depuis une vingtaine d années pour utiliser de manière plus efficace les observations satellitaires en vue d initialiser les modèles de prévision numérique du temps sont ensuite présentés. Plusieurs produits développés pour l aide à la prévision immédiate (jusqu à 6 heures d échéance) sont introduits en mettant l accent sur l outil RDT (Rapid Developing Thunderstorm) qui permet d identifier les phases de croissance des cellules convectives pouvant donner naissance à des orages violents. Les premières images de notre planète fournies par des instruments météorologiques embarqués sur des satellites en orbite autour de la Terre et lancés à partir de 1959 ont radicalement changé notre vision de l atmosphère en apportant une connaissance jusqu alors ignorée de la structure à grande échelle des systèmes nuageux. Il faudra toutefois attendre la fin des années 1970 pour que l Europe se dote du satellite en orbite géostationnaire (dit GEO pour Geostationary Earth Orbit) Meteosat dont les premières images ont fourni de manière opérationnelle une aide qualitative à la prévision du temps. Historiquement, les satellites GEO embarquent des radiomètres «imageurs» passifs 1 qui explorent les zones du spectre électromagnétique où l absorption du rayonnement par les gaz atmosphériques est faible (fenêtres atmosphériques) dans les domaines du visible à l infrarouge, donnant ainsi accès à des informations sur la surface (océans, continents, glace de mer) et sur les nuages. À la même époque, les États-Unis, en plus des satellites GEO, positionnent une troisième génération de satellites en orbite basse (dits LEO, pour Low Earth Orbit) nommés Television and Infra-Red Observation Satellite-New (Tiros-N) et situés vers 800 km d altitude passant par les pôles pour conduire à une couverture de l ensemble du globe en environ 12 heures. En plus d «imageurs», des radiomètres de type «sondeurs» ont été embarqués pour fournir une information sur la verticale de la concentration des gaz absorbants de l atmosphère ainsi que de la température. Les zones du spectre électromagnétique choisies sont alors précisément au voisinage de raies d absorption de gaz dont on cherche la concentration (comme la vapeur d eau) ou de gaz dont la concentration est connue et assez homogène (comme le dioxyde de carbone) pour déduire une information sur la température. Le sondage de l atmosphère est effectué en choisissant un ensemble de fréquences au voisinage d une raie d absorption. Les fréquences les plus proches du centre de la raie fournissent une information sur les couches les plus élevées de l atmosphère, car le rayonnement émis par les couches plus basses est absorbé par les molécules du gaz en question. En s éloignant du centre de la raie, l atmosphère devient plus transparente, donnant accès à des informations sur les couches plus basses. Dès le milieu des années 1970, une utilisation quantitative des mesures des instruments embarqués sur satellites est effectuée pour la prévision numérique du temps. Dans un premier temps, il s agit des vents issus du déplacement des nuages sur des images successives produites par les satellites GEO (nommés Satob, pour satellite observations), puis de profils inversés de 1. Instrument mesurant un rayonnement électromagnétique émis par une source naturelle dans une gamme de fréquence (ou longueur d onde) particulière.

28 La Météorologie - n 97 - mai 2017 Abstract The role of satellite observations on weather prediction The paper describes various applications of satellite observations for weather prediction. Techniques allowing the extraction of quantitative information on the main meteorological quantities (temperature, water vapour, wind components) from the measurements of onboard instruments are briefly presented. Progress achieved over the last twenty years in order to use more efficiently satellite observations for the initialization of numerical weather prediction models is summarized. Finally, several products developed for nowcasting applications (up to 6 hour forecast range) are introduced with an emphasis on the «RDT» (Rapid Developing Thunderstorm) that allows to identify the growing phase of convective cells that could lead to severe thunderstorms. température et de vapeur d eau à partir des sondeurs infrarouge et micro-ondes sur les satellites LEO (nommés Satem, pour satellite temperature and moisture). En effet, ces données permettent de compléter très utilement le réseau d observations conventionnelles en apportant des informations dans les régions océaniques ou très faiblement peuplées. Ce n est toutefois qu à partir des années 1990 que l utilisation des données satellitaires aura un impact systématiquement positif sur la qualité des modèles de prévision numérique du temps, pour des raisons que nous expliquerons plus loin. La prévision numérique du temps Les observations pour la prévision globale La qualité des prévisions issues des modèles numériques dépend de plusieurs facteurs, et en particulier de la qualité de leur état initial, pour les variables météorologiques fondamentales que sont la pression, la température, le contenu en vapeur d eau, ainsi que les composantes du vent. Cet état, nommé «analyse», est fourni à fréquence régulière par un algorithme numérique appelé «système d assimilation de données». Cet algorithme combine de manière optimale, une prévision à courte échéance (nommée «ébauche») du modèle numérique (entre 1 et 6 heures) avec des observations disponibles sur l état de l atmosphère au cours d une fenêtre temporelle (comprise entre 1 et 6 heures). Le critère d optimalité de l analyse a une base statistique. En effet, l analyse correspond à un état de l atmosphère avec une erreur minimale connaissant les erreurs des informations disponibles : la prévision à courte échéance et les observations. D autres sources d information peuvent être prises en compte (notamment pour la spécification des corrélations d erreurs de l ébauche) comme les équilibres atmosphériques, reliant de manière diagnostique des variables météorologiques, valables pour certaines échelles spatiales et certaines régions du globe (comme les équilibres géostrophique ou hydrostatique). La f igure 1 présente une série temporelle du nombre d observations assimilées dans le modèle global Arpege de Météo-France sur la période 2002-2016 en fonction de leur origine. L augmentation d un facteur 30 environ est due essentiellement à une utilisation accrue des données de télédétection spatiale. On peut constater l arrivée de nouveaux instruments, comme l interféromètre atmosphérique de sondage infrarouge (Iasi) en juin 2008 ou le Cross-track Infrared Sounder (Cris) en juillet 2013. L augmentation des observations satellitaires provient aussi d une utilisation à plus haute densité horizontale (comme ce fut le cas pour Iasi en avril 2010) ou d un accroissement du nombre de canaux assimilés (comme ce fut le cas pour Iasi en avril 2015). En excluant les données satellitaires, l augmentation serait dix fois plus faible, avec comme principale origine les mesures de vent et de température fournies par les avions commerciaux. Les autres systèmes d observations in situ dites «conventionnelles» (radiosondages, stations de surface, bouées ) sont restés en nombre à peu près constant sur la période. Figure 1. Évolution du nombre d observations assimilées (chaque type correspondant à une couleur) dans le modèle global Arpege de Météo-France sur la période 2002-2016. Les observations satellitaires les plus importantes sont les luminances des sondeurs infrarouge hyperspectraux Iasi (vert bronze), Cris (vert clair) et Airs (rose), les luminances de l instrument Atovs composé des sondeurs infrarouge Hirs, et micro-ondes Amsu-A et Amsu-B (bleu foncé). Les données in situ (dites conventionnelles) sont dominées par les mesures effectuées par les avions commerciaux (vert foncé), viennent ensuite les données des radiosondages Temp (mauve). Les progrès en assimilation de données La très forte augmentation notée sur la période a commencé à la suite de l utilisation par Météo-France en 2000 d un nouveau système d assimilation de données fondé sur une méthode

29 variationnelle quadridimensionnelle (4D-Var) qui a permis d exploiter les données satellitaires de manière beaucoup plus optimale que par le passé. Signalons qu une augmentation très significative des moyens de calcul a été nécessaire pour permettre cette transition. Il a été ainsi possible d utiliser des observations reliées non linéairement aux variables à analyser. Prenons l exemple des luminances énergétiques spectrales des sondeurs atmosphériques 2. Ces quantités, plus directement reliées à la mesure instrumentale, peuvent en effet être assimilées par le 4D-Var, car répondant à la condition nécessaire et suffisante de pouvoir être simulées grâce aux variables du modèle (prof ils de température et d humidité) et à un modèle de transfert radiatif simulant la réponse spectrale de l instrument 3. Cette approche permet de s affranchir de l utilisation des prof ils Satem inversés dans les centres de traitement des agences spatiales, dont la qualité n était pas maîtrisée par les centres de prévision du temps. Il est important de noter que les méthodes d analyse ne sont optimales que lorsque certaines hypothèses sont vérifiées, comme l absence de biais ou la spécification correcte des erreurs d observations. Comme l inversion d un ensemble de luminances dans une bande de fréquence est un problème sous-déterminé pour restituer un profil atmosphérique, une information a priori (comme une base de données de radiosondages) est nécessaire. En ne disposant que des profils Satem, la spécification des erreurs associées à ces produits inversés restait assez arbitraire, expliquant pourquoi les premiers essais d assimilation des profils de température et d humidité déduits des sondeurs satellitaires ont été assez mitigés (Pailleux, 1996). Un autre apport de l assimilation 4D-Var a été de permettre d utiliser des données dites «asynoptiques» à l heure de leur mesure (au pas de temps du modèle près). Avant l arrivée des satellites LEO, les observations atmosphériques étaient principalement effectuées aux heures synoptiques (0, 6, 12, 18 h UTC) et donc les analyses étaient réalisées à ces heures particulières où les observations étaient les plus nombreuses. Effectuer des analyses aux heures synoptiques conduisait donc, pour les mesures des satellites LEO, à un décalage temporel entre l heure de la mesure et celle de l analyse. Dans une assimilation 4D-Var, une trajectoire du modèle est considérée sur une fenêtre temporelle (de 6 h à Météo-France et 12 h au Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT)) permettant à la fois de comparer la luminance mesurée à celle simulée au même instant et d utiliser pleinement la cohérence temporelle de toutes les observations pour trouver une trajectoire s ajustant au mieux à cet ensemble, compte tenu d une contrainte supplémentaire donnée par la qualité de l ébauche (Rabier et al., 2000). Les progrès en modélisation du transfert radiatif En plus de l assimilation 4D-Var, des modèles de transfert radiatif à la fois rapides et précis ont été développés, comme le modèle Radiative Transfer for Tovs 4 (RTTOV) initialement proposé par Eyre (1991) et dont les évolutions sont aujourd hui effectuées dans le cadre du projet Numerical Weather Prediction Satellite Application Facility (NWP SAF) de l European organisation for the exploitation of meteorological satellites (Eumetsat). Ces modèles s appuient sur une formulation des transmittances gazeuses par des régressions linéaires multiples étalonnées avec des modèles beaucoup plus détaillés (dits «raie par raie»), mais trop coûteux pour une mise en œuvre opérationnelle. Ils permettent de simuler très rapidement les millions de profils nécessaires pour produire une analyse avec une précision inférieure au bruit radiométrique des instruments considérés. De plus, pour une utilisation dans une assimilation variationnelle, les versions linéarisées du modèle de transfert radiatif sont requises pour calculer rapidement le gradient de la fonction à minimiser (Rabier et al., 2000). Un important travail est réalisé depuis une quinzaine d années pour améliorer la précision des modèles de transfert radiatif rapides. Ce travail concerne tout d abord l enrichissement et l amélioration des bases de données spectroscopiques caractérisant les raies d absorption des gaz atmosphériques dans les gammes de fréquences intéressant l observation de la Terre, même s il reste encore des incertitudes pour certaines bandes spectrales (Brogniez et al., 2016). Il passe ensuite par une modélisation rapide du rayonnement en présence de nuages permettant, dans certains centres de prévision numérique, d assimiler les luminances micro-ondes en ciel clair et en ciel nuageux. Des développements sont encore nécessaires dans le domaine infrarouge à la fois en termes de modélisation du transfert radiatif et d assimilation. Il nécessite également une connaissance plus précise des propriétés des surfaces au travers de modèles plus élaborés ou d atlas issus de produits géophysiques inversés. Les contrôles de qualité et la spécification des erreurs La simulation numérique de l équivalent modèle des observations a permis d avancer plus rapidement dans plusieurs domaines particulièrement critiques pour obtenir des analyses et des prévisions de qualité. La spécification des erreurs est rendue plus facile, car elle n inclut que les erreurs instrumentales, de représentativité (taille d un pixel contre taille de la maille d un modèle) et de modélisation du transfert radiatif. La spécification des erreurs a priori (ébauche) fait l objet d une thématique à part entière, en vue d une meilleure assimilation de toutes les observations (dont on a vu qu elles étaient dominées par la télédétection spatiale). Le contrôle de qualité est également facilité, surtout quand on sait qu une mauvaise observation peut dégrader plus facilement une analyse que de nombreuses bonnes observations ne peuvent conduire à l améliorer. Ainsi, un écart trop important entre la donnée et son équivalent modèle peut, par exemple, révéler une contamination du pixel considéré par des nuages et donc permettre son rejet avant assimilation, lorsqu on s intéresse aux régions en ciel clair. La comparaison systématique entre luminance observée et modélisée permet aussi de mettre en évidence des biais instrumentaux et de modélisation que l on est capable depuis une dizaine d années de corriger pendant l assimilation grâce à une procédure 2. Avant l exploitation des observations satellitaires en assimilation pour la prévision numérique, les données utilisées étaient reliées linéairement aux variables vent, température et humidité que l on cherchait à initialiser (radiosondages, vents Satob, données de surface, données d avions). C est ce qui explique l utilisation de méthodes statistiques de type «interpolation optimale», proposée en 1964 par Gandin, jusque dans les années 1990. 3. De façon plus générique, on appelle opérateur d observation la fonction qui permet de projeter l état du modèle dans l espace des observations. 4. Tiros operational vertical sounder.

30 La Météorologie - n 97 - mai 2017 adaptative. En utilisant des prédicteurs pertinents (comme des informations sur la masse d air ou l angle de visée) et en s appuyant au sein du système d assimilation sur des données beaucoup moins affectées par les biais, on effectue une correction de biais variationnelle qui évolue pour chaque instrument à chaque analyse. Elle permet notamment de corriger la dérive graduelle d un instrument. Ces comparaisons systématiques et effectuées de manière continue, appelées monitoring, permettent dorénavant aux agences spatiales de vérifier l étalonnage de leurs instruments (notamment juste après le lancement pendant la phase d étalonnage et de validation ou calval) et de corriger éventuellement certains défauts dans le passage des données de niveau L0 (comptes numériques issus de l instrument) au niveau L1 (luminances physiques étalonnées et géolocalisées). Les données Satem sont appelées données de niveau L2, car elles correspondent à des paramètres géophysiques (température, vapeur d eau) géolocalisés sur l orbite du satellite. Les données de niveau L1 des sondeurs et imageurs dans l infrarouge et les micro-ondes sont aujourd hui utilisées dans la plupart des systèmes d assimilation des grands centres de prévision numérique. Les luminances dans les domaines infrarouge et micro-ondes Ainsi, l assimilation variationnelle de données et le développement de modèles de transfert radiatif rapides et précis ont permis d utiliser de plus en plus de luminances spectrales des sondeurs et imageurs infrarouge et micro-ondes pour déf inir les états initiaux des modèles de prévision numérique du temps. Les luminances des instruments infrarouge Highresolution Infrared Radiation Sounder (Hirs) avec un ensemble de 19 canaux principalement dans les bandes d absorption du CO 2 à 15 et 4,7 µm et de la vapeur d eau à 6,7 µm, et micro-ondes Microwave Sounding Unit (MSU) avec quatre canaux dans la raie d absorption de l oxygène vers 55 GHz, ont été les premières à être assimilées en prévision numérique (Thépaut et Moll, 1990). À partir de 1997, l instrument MSU a été remplacé par des sondeurs micro-ondes avancés de type Advanced MSU-A (AMSU-A) (bande d absorption de l oxygène à 55 GHz) et Advanced MSU-B (AMSU-B) (bande d absorption de la vapeur d eau à 183 GHz) présentant de meilleures caractéristiques instrumentales (plus de canaux, pixels plus petits). De même, à partir de 2002, les sondeurs hyperspectraux infrarouges ayant entre 1 500 et 8 000 canaux entre 4 et 15 µm comme Iasi et Cris ont fortement réduit la contribution des sondeurs Hirs dans les systèmes d assimilation. Pour les sondeurs hyperspectraux, l augmentation de plusieurs ordres de grandeurs du nombre de données potentiellement assimilables a nécessité d aborder de nouvelles questions, comme le choix des canaux les plus informatifs et l automatisation de la correction de biais. On peut noter sur la figure 1 l arrivée progressive de ces instruments (Atmospheric Infrared Sounder (Airs) en 2006, Iasi en 2008, Cris en 2013), ainsi qu une utilisation accrue du nombre de canaux (en 2012 et 2015) et de pixels sur la fauchée du satellite (en 2010). C est ainsi qu à présent les scores de prévision des modèles numériques sont tout à fait comparables entre l hémisphère Nord et l hémisphère Sud, malgré la forte disparité du réseau d observations, puisque l hémisphère Sud ne repose pratiquement que sur les observations spatiales, les observations conventionnelles (surface, radiosondages, avions) étant majoritairement présentes dans l hémisphère Nord. Les observations issues de la radio-occultation L expérience qui vient d être décrite pour les luminances a été mise à profit pour l assimilation d un nouveau type de données provenant des satellites de géolocalisation (notées «GPS sat» sur la figure 1). La technique de radiooccultation permet de mesurer la propagation d un signal entre un satellite émetteur (en orbite moyenne vers 20 000 km) et un satellite LEO. La réfraction dans l atmosphère du signal électromagnétique dans le domaine des micro-ondes (fréquence au voisinage de 1,2 GHz) peut être mesurée grâce à une connaissance précise des positions des satellites et des temps d émission/ réception (grâce à des horloges atomiques). Cette perturbation induite par l atmosphère permet de restituer des informations sur la température et la vapeur d eau de l atmosphère entre 5 et 50 km. La géométrie des deux instruments conduit la radiooccultation à faire un sondage aux limbes de l atmosphère (Thépaut et Mahfouf, 2003) avec une meilleure résolution verticale que les sondeurs au nadir dont il a été question jusqu à présent. L assimilation des angles de courbure au point d impact (au lieu de profils de réfractivité ou de température qui sont des produits de niveau L2), traduisant le retard du signal reçu par rapport à sa propagation dans le vide, permet d obtenir une mesure très précise et non biaisée, ne nécessitant pas d information a priori autre que l ébauche du modèle. Les observations de vents Des expériences précédentes, il apparaît que l utilisation de données de niveau L1 est préférable à celle de données de niveau L2. Toutefois, nous avons vu qu elle nécessite un opérateur d observation suffisamment précis et rapide. Les données de vents produites par la télédétection spatiale sont soit issues de l imagerie (données Satob) à bord de satellites GEO ou LEO (dans les zones polaires où la revisite temporelle est suffisamment élevée pour établir des corrélations temporelles entre les structures identifiées lors de deux passages successifs), soit issues de la rétrodiffusion sur la mer d un signal radar (instrument de type «diffusiomètre» ou «Scatt» pour scatterometer ; voir figure 1). Dans les deux cas, ce sont des données de niveau L2 qui sont assimilées opérationnellement. Cela est dû à la complexité du processus conduisant à la production du vent, soit à partir de la reconnaissance de structures cohérentes sur ses images successives pour les «vents Satob» ou à partir de coefficients de rétrodiffusion de surface dans plusieurs directions pour les «vents Scatt». Aux moyennes latitudes, la validité de l équilibre géostrophique aux échelles synoptiques permet d extraire du profil de température atmosphérique issu des luminances une information sur le champ de vent. Cependant, c est moins le cas aux plus petites échelles et aussi dans les régions tropicales. Cette spécif icité des données de vents, malgré leur nombre beaucoup plus faible que les données de luminances (visible sur la figure 1 en comparant les données Satob et Scatt aux données Tovs, Cris, Iasi et Airs), conduit à des impacts très significatifs en terme de qualité des prévisions. C est ce que montre la figure 2, qui traduit la contribution des différents systèmes d observation à la réduction d une

31 différences d échelle qui peuvent être non négligeables lorsqu on s intéresse à des canaux sensibles à la vapeur d eau (Duffourg et al., 2010), mais elles ne sont pas encore utilisées de manière opérationnelle. Figure 2. Impact des systèmes d observation à la réduction d une erreur de prévision globale à 24 h partant de l échéance 0 h UTC pour le modèle global Arpege (moyenne sur trois mois : décembre 2014, janvier et février 2015). Les données les plus importantes sont les radiosondages (Radiosonde), les luminances des sondeurs micro-ondes de température Amsu-A (AMSUA) et infrarouge Iasi (IASI), les données de température et vent des avions commerciaux (Aircraft), ainsi que les vents dérivés de l imagerie des satellites GEO américains (Goes Wind). erreur de prévision à 24 heures avec le modèle global Arpege. Il s agit d une erreur quadratique moyenne par rapport à une analyse de référence pour les paramètres température, vent horizontal et pression de surface, exprimée sous forme d une norme énergie (Marquet et Mahfouf, 2015). Elle a été calculée sur une période de 3 mois pour le réseau de 0 h UTC, expliquant le fort impact des radiosondages disponibles à cette heure. Toutefois, ces impacts positifs des données de vent résultent d un travail extrêmement minutieux de contrôles de qualité des données et de spécifications des erreurs d observations, particulier à chaque instrument, beaucoup plus délicat pour les produits de niveau L2. En effet, on peut constater sur la figure 2 que les vents issus des satellites LEO (Modis 5 Wind et AVHRR 6 Wind) ont un impact négatif contrairement à ceux issus des GEO (Goes 7, GMS 8, Meteosat 9 Wind) et des diffusiomètres (Ascat 10 Wind). Les observations pour la prévision numérique à aire limitée Si on s intéresse à la prévision numérique à aire limitée, aux moyennes latitudes dans des régions bien couvertes par les données radar, de géolocalisation (Global Navigation Satellite System (GNSS)) au sol, des données d avions et de surface, les données de télédétection spatiale ont un poids beaucoup plus faible en nombre et en impact (environ 15 % dans le modèle Arome-France (Bouttier, 2007) pour une journée sans pluie). La situation est au contraire très différente lorsque les domaines sont situés dans des régions pauvres en observations conventionnelles, comme les océans tropicaux. Les modèles à aire limitée évoluent vers des systèmes d assimilation à cyclage rapide (1 h avec le modèle Arome-France), privilégiant ainsi les données issues des satellites GEO aux dépens des satellites LEO (malgré leur nombre important). Le cyclage rapide des assimilations oblige parfois à disposer des données plus rapidement, conduisant pour certaines applications opérationnelles (comme Arome «prévision immédiate») à ne pas bénéficier de certaines observations arrivant trop tard dans les bases de données. Une difficulté qui se pose aussi pour ces modèles est leur maille de plus en plus fine (de l ordre du kilomètre aujourd hui), alors que les pixels satellitaires restent compris entre 5 et 25 km (pour les gammes de fréquences allant de l infrarouge aux micro-ondes), nécessitant des procédures d agrégation/désagrégation au sein de l opérateur d observation. Des études ont été réalisées pour évaluer l intérêt et l impact de ces La prévision immédiate En prévision immédiate (de 0 à 6 heures d échéance), les satellites GEO présentent l avantage d une large couverture géographique jusqu aux moyennes et hautes latitudes de chaque hémisphère, d une haute cadence de mesure (par exemple, le balayage rapide 5 minutes de Meteosat seconde génération (MSG)) et d une résolution horizontale permettant d accéder à la méso-échelle (résolution en infrarouge de 4-5 km de MSG sur l Europe et de 1 km en visible haute résolution). MSG a fait entrer les satellites dans la panoplie des outils de prévision immédiate à Météo-France, et un des Satellite Application Facility d Eumetsat en porte le nom (SAFNWC, pour SAF Nowcasting). Le SAFNWC comporte plusieurs catégories de produits : nuages, précipitations, vents, systèmes météorologiques, convection et air clair pour les satellites GEO et nuages et précipitations pour les satellites LEO. Le SAFNWC livre tous les 2 ou 3 ans une nouvelle version de logiciels permettant aux utilisateurs de générer des produits de prévision immédiate. Météo-France élabore les produits nuages et convection des satellites géostationnaires. Prenons comme exemple le produit Rapidly Developing Thunderstorm (RDT) du SAFNWC. Le RDT détecte, suit, caractérise les cellules convectives et en prévoit le déplacement. La détection des tours nuageuses utilise la température de brillance 11 à 10,8 µm. Le suivi permet, en examinant deux 5. Imageur visible/proche infrarouge à haute résolution sur deux satellites LEO américains. 6. Imageur visible/proche infrarouge à haute résolution sur plusieurs satellites LEO américains et européens. 7. Famille de satellites GEO opérés par les États-Unis. 8. Famille de satellites GEO opérés par le Japon. 9. Famille de satellites GEO opérés par Eumetsat. 10. Diffusiomètres sur les satellites LEO opérés par Eumetsat. 11. Température d un corps noir ayant la même luminance que celle mesurée.

32 La Météorologie - n 97 - mai 2017 images successives, d identifier les nuages qui naissent, ont disparu ou se sont déplacés. Pour distinguer les tours convectives des autres nuages, un algorithme statistique est mis en œuvre, mettant à contribution différents canaux ou différences entre canaux, ainsi que leurs tendances. Ces dernières peuvent être calculées grâce au suivi antérieur. Le processus utilise également d autres produits du SAFNWC (produits nuage et vent), des données de modèles (via le calcul d indice d instabilité) et des données foudre (précieuses pour amender la partie discrimination des cellules convectives de l algorithme). L algorithme est configuré pour gérer différentes combinaisons de canaux et différentes données d entrée. Au final, le RDT donne les contours des zones convectives observées et prévues, ainsi que des attributs caractérisant les cellules convectives : taux de refroidissement, activité électrique, présence ou non de sommets de nuages protubérants (overshooting tops), extension verticale du nuage, etc. Le RDT est utilisé par les prévisionnistes en complément des données radar ou en remplacement pour les zones mal couvertes (montagnes) ou non couvertes (océans). Le RDT a été utilisé aussi dans le projet européen High Altitude Ice Crystals (HAIC) sur l étude des cristaux de glace à haute altitude afin de : 1) cibler les zones convectives lors des campagnes de mesures ; pour cela, le RDT a été utilisé par les équipes opérationnelles au sol et par les pilotes des avions de recherche grâce à l interface embarquée «Planet» développée par la société toulousaine Atmosphère ; 2) évaluer son potentiel en tant qu outil de signalement des zones de forte concentration en cristaux (Gounou et al., 2015). Au cours de HAIC, le RDT a atteint le niveau 5 de l échelle Technology Readiness Level (TRL) qui permet de mesurer le niveau de maturité d une technologie. Les performances du RDT pour l identification des zones à forte teneur en cristaux de glace ont justif ié l introduction d un attribut supplémentaire, à savoir le contenu intégré en glace. Cet attribut, qui s appuie sur la microphysique nuageuse développée par le Centre de météorologie spatiale (CMS) de Météo-France, renforce le potentiel et l intérêt du produit RDT pour le monde de l aéronautique. La production du RDT par Météo- France est aujourd hui quasi globale sur les disques des satellites GEO (Meteosat, GMS, Goes), permettant ainsi de satisfaire les usagers ayant des besoins globaux, en particulier l aviation. La f igure 3 illustre la couverture du RDT utilisant de manière continue plusieurs satellites aux résolutions spatiales et temporelles variées. Selon les fréquences et les délais de mise à disposition des différents satellites, on utilise dans le compositage des analyses ou des prévisions à courte échéance (données «prévues pour maintenant») pour synchroniser les informations. En complément du RDT, une application plus récente a été développée pour identifier la convection à un stade le plus précoce possible. Il s agit de l application Convection Initiation (CI). Son objectif est de distinguer, parmi les nombreuses cellules faiblement développées, celles qui ont le meilleur potentiel pour grossir et devenir de réelles cellules orageuses. Conclusions La prévision du temps a bénéficié depuis plus de 20 ans de manière extrêmement importante de l observation satellitaire à la fois en prévision immédiate avec le développement de produits spécifiques pour des besoins variés, rendu possible par une augmentation des résolutions spectrale, spatiale et temporelle des instruments, ainsi qu en prévision numérique, où l information contenue dans les mesures a pu être utilisée de manière plus optimale grâce à l assimilation variationnelle de données. Figure 3. Cellules RDT du 5 septembre 2016. En haut extrait d une mosaïque des cellules convectives analysées avec les satellites Goes-E, Meteosat-10 (MSG-3) et Meteosat-7. En bas à gauche, zoom sur l Afrique de l Ouest avec contours (couleurs selon le stade de développement du nuage), trajectoire passée (jaune) et déplacement (flèche) des cellules. La cellule la plus au nord-est décrite avec un certain nombre d attributs. À droite, la légende est appliquée sur cette visualisation. Les évolutions attendues en prévision numérique au niveau global vont concerner l arrivée d instruments actifs (qui émettent un signal et exploitent sa composante rétrodiffusée par le milieu sondé) comme le lidar vent de la mission de l Agence spatiale européenne Atmospheric Dynamics Mission (ADM)- Aeolus qui fournira durant trois ans un ensemble inégalé de profils de vents notamment pour enrichir les régions tropicales. Pour les modèles à aire limitée dans la zone du disque de Meteosat troisième génération (MTG), un apport très important est attendu de l instrument hyperspectral infrarouge Infra-Red Sounder (IRS) qui, avec ses 1 700 canaux, devrait apporter une nouvelle vision de l atmosphère avec des pixels de 5 km toutes les 30 minutes. Les volumes très importants engendrés par la forte résolution spectrale et temporelle de cet instrument vont imposer une compression d information qui pourrait s effectuer sous forme de composantes principales pour la transmission et le stockage des données, et

33 éventuellement l assimilation. Il est intéressant de noter que plusieurs études semblent indiquer que l assimilation de produits de niveaux L2, délaissée dans les années 1990, pourrait s avérer efficace pour compresser l information si les erreurs associées et l opérateur d observation sont correctement spécifiés (Migliorini, 2012). L utilisation accrue des données satellitaires en prévision numérique passe aussi par un meilleur couplage de l atmosphère avec les autres composantes du système Terre au sein de la modélisation et de l assimilation : les surfaces continentales (déjà présentes dans la modélisation) et la glace de mer pour assimiler les canaux des instruments sensibles à la basse atmosphère au-dessus de ces zones, les états de la mer (vagues, température de surface) pour mieux assimiler les données issues des diffusiomètres, la composition atmosphérique (aérosols, gaz traces) pour assimiler les luminances dans de nouvelles bandes spectrales (pouvant aller jusqu au spectre solaire). Un travail important est en cours, à Météo-France et dans d autres centres de prévision numérique, pour faire évoluer les systèmes d assimilation en utilisant des approches ensemblistes qui devraient permettre à la fois de mieux caractériser les erreurs de prévision et de modèle, et d initialiser de nouvelles variables météorologiques auxquelles les luminances sont sensibles : l eau des sols, les nuages, les précipitations, les aérosols, l ozone, etc. Concernant la prévision immédiate, de nouveaux développements sont planifiés dans le SAFNWC. En effet, il entrera prochainement dans sa troisième phase d activités opérationnelles et de développements (2017-2022). Les récents satellites GEO japonais Himawari-8 et américain Goes-R vont permettre d anticiper l arrivée de MTG. Le passage du radiomètre Spinning Enhanced Visible and InfraRed Imager (Seviri) de MSG au Flexible Combined Imager (FCI) de MTG permettra de gagner en résolution spectrale, horizontale et temporelle. L arrivée du détecteur d éclairs Lightning Imager (LI) va permettre d apporter une information nouvelle, qui, pour les produits «convection» en particulier, sera utilisée dans les phases de réglages, de traitements en temps réel et de vérification. Enfin, les méthodes de fusion de données sont appelées à se généraliser en prévision immédiate (approches combinées entre satellite, radar et prévision numérique de méso-échelle). Les données satellitaires seront donc fortement mises à contribution dans ces approches innovantes. Bibliographie Bouttier F., 2007. Arome, avenir de la prévision régionale. La Météorologie, 58, 12-20. doi: 10.4267/2042/18203 Brogniez H., English S., Mahfouf J.-F., Behrendt A., Berg W., Boukabara S., Buehler S.A., Chambon P., Gambacorta A., Geer A., Ingram W., Kursinski E.R., Matricardi M., Odintsova T.A., Payne V.H., Thorne P.W., Tretyakov, M.Y., Wang J., 2016. A review of sources of systematic errors and uncertainties in observations and simulations at 183 GHz. Atmos. Meas. Tech., 9, 2207-2221. doi: 10.5194/amt-9-2207-2016 Duffourg F., Ducrocq V., Fourrié N., Jaubert G., Guidard V., 2010. Simulation of satellite infra-red radiances for convective-scale data assimilation over the Mediterranean. J. Geophys. Res. Atmos., 115, D15107. doi: 10.1029/2009JD012936 Gounou A., Moisselin J.-M., Autonès F., Brenguier J.-L., Levaillant D., Defer E., Turner S., Parol F., Dezitter F., Grandin A., 2015. The RDT product: a nowcasting tool to detect and track intense convection during HAIC/HIWC Darwin field campaign. SAE 2015 International Conference on Icing of Aircraft, Engines, and Structures, Prague, Czech Republic, 22-25 June 2015. Marquet P., Mahfouf J.-F., 2015. À moist available enthalpy norm: definition and comparison with existing energy norms. WMO CAS/JSC WGNE Blue Book, J. Côté, ed. Disponible à l adresse (consulté le 5 janvier 2017) : http://www.wcrp-climate.org/wgne/bluebook/2015/chapters/bb_15_s4.pdf Migliorini S., 2012. On the equivalence between radiance and retrieval assimilation. Mon. Weather Rev., 140, 258-265. doi:10.1175/mwr-d-10-05047.1 Pailleux J, 1996. Impact des mesures satellitales sur la prévision numérique. La Météorologie, 15, 5-18. doi: 10.4267/2042/46992 Rabier F., Mahfouf J.-F., Klinker E., 2000. Une nouvelle technique d assimilation des données d observation au CEPMMT : l assimilation variationnelle quadridimensionnelle. La Météorologie, 30, 87-101. doi: 10.4267/2042/36125 Thépaut J.-N., Moll P., 1990. Variational inversion of simulated TOVS radiances using the adjoint technique. Q. J. R. Meteorol. Soc., 116, 1425-1448. doi: 10.1002/qj.49711649609 Thépaut J.-N., Mahfouf J.-F., 2003. Les nouvelles mesures satellitaires et leur potentiel pour la prévision numérique du temps. La Météorologie, 40, 86-91. doi: 10.4267/2042/36270