FICHE LA COUR PENALE INTERNATIONALE

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1. Fondement juridique et siège FICHE 5.5.4 LA COUR PENALE INTERNATIONALE Le 17 juillet 1998, plusieurs Etats adoptent à Rome la Convention portant sur la création de la Cour pénale internationale. 1 Siégeant à La Haye, aux Pays-Bas, la Cour pénale internationale (ci-après CPI ou Cour) est la première institution internationale permanente ayant compétence pour poursuivre les individus responsables des crimes les plus graves à l'égard de la communauté internationale. Elle est une organisation internationale indépendante du système des Nations unies, mais son Statut reconnaît certaines prérogatives au Conseil de sécurité. Cette convention : N engage que les Etats qui l ont ratifiée (115 Etats en mai 2011) 2 : la Cour n est compétente que pour les crimes commis sur le territoire des Etats parties au Statut de Rome et ceux perpétrés par les ressortissants de ces Etats (art.12). Exceptionnellement, le Conseil de sécurité des Nations unies peut également soumettre au Procureur de la CPI, une situation dans laquelle de tels crimes ont été commis sur un territoire non partie au Statut de la Cour s il estime qu il y a menace contre la paix ou rupture de la paix (art. 13, b), en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations unies). 3 Implique une obligation de coopération et d assistance en matière judiciaire pour tous les Etats parties (art. 86 et 102). Implique une obligation de financement pour tous les Etats parties (art. 113 et 118). Demande l application du droit international traités, principes et règles du droit international - et, à défaut, les principes généraux du droit dégagés par la Cour à partir des lois nationales des Etats sous la juridiction desquels tomberait normalement le crime (art.21). Prévoit le principe de complémentarité de la CPI aux juridictions nationales (art. 1 er ). Ratification par la Belgique : 28 juin 2000 Entrée en vigueur du Statut : 1er juillet 2002. 2. Compétences Le Statut de la CPI lui octroie les compétences suivantes : Compétence ratione materiae (matérielle) : les crimes de guerre, les crimes de génocide, les crimes contre l humanité et les crimes d agression (art. 5 à 8). En ce qui concerne ces derniers, le Statut prévoyait que la Cour n exercerait sa compétence à l'égard du crime d'agression que lorsqu une disposition aurait été adoptée définissant ce crime et fixant les conditions de l'exercice de la compétence de la Cour à son égard (art. 5.2). Depuis, la Conférence de Révision du Statut de Rome qui s est tenue à Kampala en juin 2010 a adopté une résolution définissant le crime d agression et fixant les conditions de compétence de la Cour à leur égard. Compétence ratione personae (personnelle): personnes physiques, ressortissants des Etats parties ayant commis des crimes entrant dans la compétence de la CPI ou ressortissants d Etats non parties mais ayant commis des crimes sur le territoire d un Etat partie (art. 12.2). La CPI est compétente pour engager la responsabilité pénale individuelle de toute personne, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle ; en particulier la qualité officielle de 1 http://www.cicr.org/applic/ihl/dih.nsf/treaty.xsp?action=opendocument&documentid=ecb0900a58344967412566950057e1b0 2 Voir l état des ratifications du Statut de la CPI sur le site Internet du CICR (consulté le 15 mai 2011): http://www.cicr.org/applic/ihl/dih.nsf/states.xsp?xp_viewstates=xpages_normstatesparties&xp_treatyselected=585. Des «grands» Etats, les Etats-Unis d Amérique, la Chine, l Inde et la Russie n avaient pas signé ou ratifié la Convention de Rome à cette date. 3 Exemple : Le Conseil de sécurité a déféré la situation du Darfour (Soudan) au Procureur de la CPI par l adoption de la résolution 1593 (2005) du 31 mars 2005. 1

chef d État ou de gouvernement n autorise pas l immunité et n exonère pas de la responsabilité pénale (art.27). Les chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques sont également pénalement responsables des crimes commis par leurs subordonnés (art. 28). Enfin, la CPI n est pas compétente à l égard des personnes âgées de moins de 18 ans au moment des faits (art.26). En ce qui concerne le crime d agression, seules les personnes effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l action politique ou militaire d un Etat sont susceptibles de poursuite de ce chef. Compétences ratione temporis et ratione loci (temporelle et géographique): crimes commis après l entrée en vigueur du Statut (art. 11), soit le 1 er juillet 2002, sur le territoire des Etats parties ou sur le territoire d un Etat tiers par des ressortissants d Etats parties (art. 12). Cependant, un Etat qui n est pas partie au Statut peut, par déclaration, consentir à ce que la Cour exerce sa compétence (art. 12, paragraphe 3). De plus, le Conseil de sécurité agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des NU peut déférer une situation au Procureur pour enquête (art. 13). 3. Compétences concurrentes et primauté de juridiction La compétence de la CPI est fondée sur le principe de complémentarité de la Cour aux juridictions nationales (art. 1 er ). L obligation de répression des crimes incombe donc prioritairement aux Etats parties. En vertu du principe de complémentarité, la compétence de la CPI s exerce uniquement quand un Etat est véritablement dans l incapacité d engager des poursuites contre des criminels présumés relevant de sa compétence ou n a pas la volonté de le faire. (art. 17.1) Cependant, un Etat peut inverser la règle de la complémentarité en prévoyant la faculté pour son gouvernement de porter à la connaissance de la CPI des faits dont ses autorités judiciaires sont saisies et en organisant, en cas d ouverture de poursuites par la CPI, le dessaisissement de la juridiction nationale saisie. La Belgique a effectivement adopté une telle option. 4. Composition et fonction (art. 34 à 52) La Cour comprend principalement quatre organes: la Présidence, les Chambres, le Bureau du Procureur et le Greffe. La Présidence se compose de trois juges élus par les autres juges. Elle est chargée de la bonne administration de la Cour, à l exception du Bureau du Procureur et des autres fonctions qui lui sont conférées par le Statut (art. 38). Les Chambres (préliminaire, première instance et appel) comptent dix-huit juges (art. 36). Le Bureau du Procureur est chargé de recevoir les communications et tout renseignement dûment étayé concernant les crimes relevant de la compétence de la Cour, de les examiner et de conduire des enquêtes et des poursuites devant la Cour. Il est dirigé par le Procureur élu par les États Parties. Le Procureur est secondé par deux procureurs adjoints chargés des enquêtes et des poursuites. (art. 42). Le Greffe est responsable des aspects non judiciaires de l'administration et du service de la Cour. Le Greffier est le responsable principal de l'administration de la Cour. Il exerce ses fonctions sous l'autorité du Président de la Cour. Il est élu par les juges pour un mandat de cinq ans. (art. 43). La Cour compte également d'autres organes, tels que le Bureau du Conseil public pour les victimes et le Bureau du Conseil public pour la défense. Ces bureaux relèvent du Greffe sur le plan administratif mais fonctionnent de manière totalement indépendante. L'Assemblée des États Parties a également établi un fonds au profit des victimes de crimes relevant de la compétence de la Cour et de leurs familles. 5. Procédure pénale Les lignes directrices du déroulement des procédures sont définies par le Statut. Le Règlement de procédure et de preuve adopté le 9 septembre 2002 par l Assemblée des Etats parties au Statut en est l instrument d application (art. 51). 2

La CPI est compétente pour engager la responsabilité pénale individuelle (art. 25) - et non des personnes morales de quiconque a commis ou tenté de commettre un des crimes visés. Cette responsabilité est également engagée par : - le fait d ordonner, de solliciter ou d encourager la (tentative de) commission du crime, - l aide ou toute forme d assistance à la (tentative de) commission du crime, - la contribution d une quelconque manière à la (tentative de) commission du crime par un groupe de personnes agissant de concert, - dans le cas du crime de génocide, l incitation directe et publique. La qualité officielle de chef d Etat ou de membre d un gouvernement ou d un parlement, de représentant élu ou d agent d un Etat n est ni une cause d exonération de responsabilité, ni un motif de réduction de peine (art. 27). Le supérieur hiérarchique (chef militaire ou supérieur civil) est pénalement responsable des crimes commis par son subordonné s il savait ou aurait dû savoir que le subordonné s apprêtait à commettre ce crime ou l avait commis sans que le supérieur n ait pris les mesures raisonnables et nécessaires pour empêcher ledit crime ou en punir l auteur (art. 28). Pour être pénalement responsable, il faut que l auteur du crime ait agi avec intention et en connaissance de cause élément psychologique (art. 30). Le Statut de Rome reconnaît différents motifs d exonération de la responsabilité pénale (art. 31 à 33) : légitime défense, ordre hiérarchique et ordre de la loi s il n est manifestement pas illégal, déficience mentale, intoxication involontaire, état de contrainte. Par contre, l erreur de fait ou de droit n est cause d exonération que si elle fait disparaître l élément psychologique du crime. Dans le cas du crime de génocide et des crimes contre l humanité, l ordre est toujours considéré comme manifestement illégal ; La procédure confère à l accusé un droit au procès équitable respectant les droits de la défense. L accusé bénéficie de plus des droits suivants : droit à la présomption d innocence, à être jugé dans les meilleurs délais, de contre-interroger les témoins à charge et de faire appel. (art. 64.2) Des mesures sont également prévues pour l assistance et la protection des victimes et des témoins (art. 64.2). La procédure peut être résumée comme suit: Mode de saisine : La CPI peut intenter des poursuites à l'égard d'un crime pour lequel elle a compétence à l'initiative (art. 13 à 15): soit d un État partie, soit du Conseil de sécurité des NU agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des NU, soit du Procureur avec autorisation de la Chambre préliminaire. Il appartient au Procureur de juger de l opportunité des poursuites sur base notamment de la recevabilité de l affaire et de la gravité du crime (art. 53 et 56) Examen de la recevabilité. En vertu du principe de complémentarité, une affaire est jugée irrecevable par la CPI lorsque (art. 17): elle a donné lieu à une enquête, une poursuite ou un jugement dans un Etat déterminé pour autant que ces poursuites offrent certaines garanties en termes d effectivité et de qualité de justice (l Etat a la volonté et la capacité de mener à bien des poursuites, la procédure n a pas été engagée dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale, elle n a pas subi de retard injustifié et est menée de manière indépendante et impartiale) ; voir également la règle «non bis in idem» (art. 20) ; l affaire n est pas jugée suffisamment grave. Le CS peut demander à la CPI de surseoir à enquêter ou à poursuivre pendant 12 mois, renouvelables, s il estime que les actions de la CPI porteraient atteinte à la paix et à la sécurité internationale (Résolution adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte des NU). Il s agit ici d une entorse au principe de séparation des pouvoirs. Le mandat d arrêt ou la citation à comparaître est délivré par la Chambre préliminaire (art.58). C est celle-ci également qui confirme ou non l acte d accusation (art. 61). Le procès ne peut avoir lieu qu en présence de l accusé (art. 63.1). Il est public, oral et contradictoire (art. 64). Le huis clos peut cependant être prononcé pour certaines audiences en 3

vue de protéger les victimes, les témoins ou l accusé (art. 68.2) ou des renseignements confidentiels ou sensibles (art. 64.7). Le Procureur ou le condamné peut interjeter appel pour vice de procédure, erreur de droit ou erreur de fait. Le condamné peut également invoquer tout motif de nature à compromettre l équité ou la régularité de la procédure ou de la décision (art. 81). Les deux parties peuvent interjeter appel de la décision de peine au motif d une disproportion entre celle-ci et le crime (art. 81). La peine et son exécution Les peines sont l emprisonnement à perpétuité ou à temps jusqu à 30 ans au plus en fonction de la gravité du crime et de la situation personnelle du condamné. La Cour peut ajouter une amende et/ou la confiscation des profits tirés, directement ou indirectement, du crime (art. 76 à 78). Les peines d emprisonnement prononcées par la CPI sont accomplies dans un Etat désigné par celleci sur la liste des Etats qui lui ont fait savoir qu'ils étaient disposés à recevoir des personnes condamnées (art. 103). Coopération et entraide judiciaire (art. 86 et 87) Comme la CPI ne dispose pas, en règle, de pouvoir de police et d enquête propre sur le territoire des différents Etats, les Etats parties au Statut sont engagés à coopérer pleinement avec la CPI dans les enquêtes et les poursuites quelle mène pour les crimes relevant de sa compétence. En ce qui concerne les Etats qui ne sont pas partie au Statut, ceux-ci n ont aucun engagement juridique vis-àvis de la CPI, sauf à accepter de conclure un accord spécial. Dans le cas particulier des situations déférées à la CPI par le Conseil de sécurité des NU en vertu d une résolution fondée sur le Chapitre VII de la Charte des NU par contre, tous les Etats membres des NU ont l obligation de coopérer. En Belgique cette obligation de coopération a été traduite dans la loi du 29 mars 2004 concernant la coopération avec la CPI et les TPI. Par cette loi, la Belgique confirme son engagement de coopération avec ces tribunaux conformément aux engagements pris dans le cadre des conventions internationales y relatives. Le Ministre de la Justice est l autorité compétente pour recevoir les demandes de ces tribunaux et transmettre à ceux-ci les demandes provenant des autorités judiciaires belges. Celle loi a été activée notamment dans le cadre de l affaire Bemba 4. 6. Place de la victime Les victimes n ont pas le droit de se constituer partie civile, mais d autres droits leurs sont reconnus par le Statut : droit de se faire entendre (art. 68) droit de soumettre des observations et d exprimer leurs vues et préoccupations droit de demander une réparation des dommages qu elles ont subies : «La Cour établit des principes applicables aux formes de réparation, telles que la restitution, l'indemnisation ou la réhabilitation, à accorder aux victimes ou à leurs ayants droit.» (art. 75) Fonds au profit des victimes 5 L Assemblée des États parties au Statut de Rome a élu le Conseil de direction du Fonds au profit des victimes et adopté un règlement portant création de son Secrétariat. Ces fondements posés en 2006, le Fonds est devenu opérationnel au début de 2007. Le Fonds au profit des victimes («le Fonds») a pour mission de défendre et d aider les victimes les plus vulnérables touchées par les crimes de génocide, les crimes contre l humanité et les crimes de guerre. Bien qu il ne soit pas possible d effacer complètement les préjudices causés par ces crimes, 4 Sur base d un mandat d arrêt émis le 23 mai 2008 par la Chambre préliminaire III de la CPI et une demande d arrestation provisoire adressée à la Belgique, JP Bemba, suspecté de crimes de guerre et de crimes contre l humanité commis par ses hommes en République centrafricaine, a été arrêté par les autorités belges le 24 mai 2008. La légalité du mandat délivré par la CPI a été confirmée par la Chambre du Conseil de Bruxelles le 28 mai. Le 10 juin, la CPI a délivré un nouveau mandat élargissant les chefs d accusation, et a demandé l arrestation et la remise du suspect à la CPI. Différents recours réclamant sa remise en liberté ont été examinés par la Chambre des mises en accusation et la Cour de Cassation. Ce n est qu à l issue de ceux-ci, le 3 juillet 2008, que JP Bemba a été transféré et remis au quartier pénitentiaire de la CPI à La Haye. Le procès a finalement été ouvert le 22 novembre 2010. 5 Sources : http://www.icc-cpi.int/vtf.html&l=fr 4

on peut aider les survivants à recouvrer leur dignité, à reconstruire leur famille et leur communauté, et à retrouver leur place en tant que membre à part entière de leur société. En donnant aux victimes la possibilité de se faire entendre et les outils dont elles ont besoin, le Fonds leur offre un nouvel espoir pour l avenir. Organisme apolitique à vocation universelle, le Fonds défend la cause des victimes, mobilise des personnes et des ressources, et finance ou met en œuvre des projets innovants. Il fournit une assistance et des connaissances spécialisées aux victimes les plus vulnérables de crimes de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l humanité dans les communautés les plus délaissées. En raison du caractère unique de chaque situation, le Fonds conçoit ses activités en partenariat avec les victimes elles-mêmes. Il ne fait pas la charité : il procure aux victimes les outils qui leur permettront de se prendre en charge. Il se concentre sur la prise de responsabilité et l esprit d initiative au niveau local, ce qui permet aux victimes d être des partenaires à part entière dans la reconstruction de leur vie. Bien qu issus tous deux du Statut du Rome, la CPI et le Fonds au profit des victimes (art. 79) sont des institutions indépendantes l une de l autre. Le Fonds n intervient que dans les situations relevant de la compétence de la CPI. Il peut agir à différentes étapes des procédures engagées devant la Cour: 1. À l issue d un procès : la Cour peut ordonner des réparations à titre individuel ou collectif, et demander leur mise en œuvre par le Fonds. Ces réparations peuvent être accordées sur la base de demandes déposées directement par des victimes ou à l initiative de la Cour. 2. Au cours d un procès : les procédures relatives aux crimes relevant de la compétence de la Cour sont par définition complexes et longues compte tenu de l ampleur et de la nature des crimes, des localisations respectives des victimes, des témoins et des accusés, et des questions de droit soulevées. Dans les cas où les victimes des crimes dont la Cour est saisie ont des besoins urgents, le Fonds peut offrir une assistance immédiate telle que la prise en charge de frais médicaux. Dans ces cas urgents, le Fonds informe la Cour des activités qu il prévoit, afin de lui donner la possibilité de prendre les mesures appropriées. 3. Avant les poursuites ou en l absence de poursuites : le Fonds peut également aider d autres victimes de crimes relevant de la compétence de la Cour, même si aucun procès n est en cours ou n est prévu, à condition que son Conseil de direction décide qu il existe une nécessité impérieuse de le faire. 7. Affaires devant la CPI 6 Au 15 mai 2011 le Bureau du Procureur menait des enquêtes dans le cadre de six situations. - Trois Etats parties au Statut de Rome l Ouganda, la République démocratique du Congo (RDC) et la République centrafricaine (RCA) ont eux-mêmes déféré à la Cour des situations concernant des faits s étant déroulés sur leur territoire. - Deux situations dans des Etats non parties au Statue ont été déférées à la Cour par le Conseil de sécurité des NU : celle au Darfour-Soudan depuis le 1 er juillet 2002 (résolution 1593 du 31 mars 2005) et celle en Libye à partir du 15 février 2011 (résolution 1970 du 26 février 2011) - Enfin, en mars 2010 le Procureur a été autorisé à ouvrir une enquête dans le cadre de la situation au Kenya pour les crimes contre l humanité commis entre le 1er juin 2005 et le 26 novembre 2009. De plus, les situations en Afghanistan, Colombie, Côte d Ivoire, Géorgie, Guinée et Palestine faisaient l objet d une analyse préliminaire. 6 http://www.icc-cpi.int/fr_menus/icc/situations%20and%20cases/pages/situations%20and%20cases.aspx (consulté le 15.05.2011) 5