Une hiérarchie de modèles de complexité croissante pour simuler les climats passés et futurs

Documents pareils
Pourquoi étudier l aérosol atmosphérique?

Rôle des nuages dans l'anomalie de température de l'hiver 2007 en Europe

La modélisation, un outil pour reconstituer (et prédire) climat et végétation

Réunion de lancement du projet LEFE DEPHY2

Le projet DRIAS : premières études et documents

Évolution du climat et désertification

CONCOURS EXTERNE DE RECRUTEMENT DE PROFESSEURS CERTIFIÉS ET CONCOURS D ACCÈS À DES LISTES D APTITUDE (CAFEP)

LSCE Laboratoire des sciences du climat et de l environnement

Questions fréquentes. Citations des présentes questions : Lors de la citation d un groupe de questions, donner la référence suivante :

Changement Climatique (1/2) : Qu est-ce que c est?

Modèle de Climat de Titan

L inégale répartition de l énergie solaire est à l origine des courants atmosphériques

Le Soleil. Structure, données astronomiques, insolation.

La fonte des glaces fait-elle monter le niveau de la mer?

Contrôle de la convection profonde par les processus sous-nuageux dans LMDZ5B

The Tropical Warm Pool-International Cloud Experiment TWP-ICE

Développement et Evaluation PHYsiques des modèles atmosphériques

Synthèse SYNTHESE DIRECTION GENERALE DE L ENERGIE ET DU CLIMAT. Service du climat et de l efficacité énergétique

CHANGEMENTS CLIMATIQUES 2013

Global Monitoring Emergency Services

La Terre mise en scène


Animation du Plan Bois Energie sur les Pyr. Animation du. Animation, Information. Conseils et accompagnement des projets.

Changements climatiques 2001: Rapport de synthèse

Projet SENTINELLE Appel àprojets «CO 2»Déc. 2007

Monitoring de surface de sites de stockage de CO 2 SENTINELLE. (Pilote CO2 de TOTAL Lacq-Rousse, France) Réf. : ANR-07-PCO2-007

Principes généraux de la modélisation de la dispersion atmosphérique

Modélisation couplée des processus de surface et souterrains pour prédire la distribution spatiale de l'évapotranspiration.

Bilan GES réglementaire d Eovi Mutuelle en France. Olivier Laguitton

Synthèse des travaux réalisés par la DMN dans le cadre du projet ACCMA

PRODIGUER un noeud français de distribution de données GIEC/IPCC

Population responses to environmental forcing : approaches to model and monitor habitat characteristics

Le réchauffement climatique, c'est quoi?

Etudes des nuages et de la convection autour des dépressions intenses des moyennes latitudes

Climat : vers le point de rupture?

CHAPITRE 6 : LE RENFORCEMENT DU MODELE PAR SON EFFICACITE PREDICTIVE

Questionnaire Lycée SALLE DES EAUX DU MONDE

Que sont les sources d énergie renouvelable?

FAITS SAILLANTS : 1. CONDITIONS CLIMATIQUES ET ENVIRONNEMENTALES EN AFRIQUE

Science et technologie : Le truc de Newton

C3. Produire de l électricité

la climatisation automobile

Cours Météo, Club Alpin Suisse, Section de Neuchâtel

L échelle du ph est logarithmique, c està-dire

DROUHIN Bernard. Le chauffe-eau solaire

Les outils de simulation. Myriam HUMBERT CETE Ouest

Les calottes polaires Isostasie Champ de température

La diversité des climats

Nouvelle réglementation

I. Introduction: L énergie consommée par les appareils de nos foyers est sous forme d énergie électrique, facilement transportable.

Efficacité énergétique des logements à haute performance énergétique, HPE : Application au site de Béchar

Modélisation et Simulation

PROJET ACCLIMATE ETUDE SIM-CLIM THEME 3 Etude bilan des possibilités d une simulation climatique régionale

Performances énergétiques de capteurs solaires hybrides PV-T pour la production d eau chaude sanitaire.

Compte rendu des utilisations du calculateur TITAN au LACy

IV.1 Descente d échelle dynamique IV.2 Descente d échelle statistique... 14

Cerea. Centre d enseignement et de recherche en environnement atmosphérique

Monitoring THPE. Soutien au projet. Présentation du projet

CENTRALES HYDRAULIQUES

Maison Modèle BIG BOX Altersmith

La gestion du risque chez AXA

Système d énergie solaire et de gain énergétique

Influence du changement. agronomiques de la vigne

Savoir lire une carte, se situer et s orienter en randonnée

Étude d un système solaire thermique : Effet de l orientation des panneaux solaires

Présentation des projets de recherche BLOWOUT et METANE. Journée technique du Cedre. Brest 14 novembre 2013

Retour d expérience, portage de code Promes dans le cadre de l appel à projets CAPS-GENCI

DESCRIPTION DES DOCUMENTS TECHNIQUES REQUIS

possibilités et limites des logiciels existants

Paysage de nuages. Objectif. Matériel. Vue d ensemble. Résultats didactiques. Durée. Niveau

Les glaciations du Protérozoïque

Changements Climatiques 2007

GLEIZE ENERGIE SERVICE

Module HVAC - fonctionnalités

La Recherche du Point Optimum de Fonctionnement d un Générateur Photovoltaïque en Utilisant les Réseaux NEURO-FLOUS

1 Problème 1 : L avion solaire autonome (durée 1h)

LA STERN REVIEW : l économie du changement climatique

Rayonnements dans l univers

4 ème PHYSIQUE-CHIMIE TRIMESTRE 1. Sylvie LAMY Agrégée de Mathématiques Diplômée de l École Polytechnique. PROGRAMME 2008 (v2.4)

SIMULATION NUMERIQUE DU FLUX D AIR EN BLOC OPÉRATOIRE

Grille de planification Expédition météo. Spécialiste de la cartographie Graffiti de ce que l équipe sait de la météorologie (10 minutes).

Ressources en eau. Résumé du deuxième Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau

Chapitre 6 : les groupements d'étoiles et l'espace interstellaire

août La météo Congrès provincial de l AEFNB Journée de perfectionnement professionnel

Celestia. 1. Introduction à Celestia (2/7) 1. Introduction à Celestia (1/7) Université du Temps Libre - 08 avril 2008

La vie des étoiles. La vie des étoiles. Mardi 7 août

Un nouveau modèle régional à Ouranos : défis et opportunités

Épreuve collaborative

Rapport. sur l incident survenu le 18 mars 2007 en croisière entre Lyon et Montpellier à l ATR immatriculé F-GVZY exploité par Airlinair

Où sont les Hommes sur la Terre

Des molécules hydrophobes dans l eau

1. L'été le plus chaud que la France ait connu ces cinquante dernières années.

Transition énergétique Les enjeux pour les entreprises

Monitoring des classes de neige des calottes polaires par Envisat

METEOROLOGIE CAEA 1990

XXVII e Colloque de l Association Internationale de Climatologie 2-5 juillet 2014 Dijon (France)

Le confort toute l année

Le Groupe d experts intergouvernemental sur l évolution du climat (GIEC) Pourquoi le GIEC a été créé. Introduction

Régionalisation des régimes de perturbations et implications pour l aménagement dans un contexte de changement climatique

Réussir son installation domotique et multimédia

Transcription:

Une hiérarchie de modèles de complexité croissante pour simuler les climats passés et futurs Myriam Khodri Institut de Recherche pour le Développement (IRD)

Que veut-on modéliser? Les atmosphères des planètes du système solaire se composent de divers gaz, de particules, et de liquide. Les atmosphères sont également dynamiques permettant la redistribution de chaleur et d autres forme d énergie. Ici, nuages de cirrus dérivant à travers le ciel bleu au-dessus des montagnes San Miguel (Colorado). Peut-on modéliser les caractéristiques fondamentales de l atmosphère?

Que veut-on modéliser? Climat à la surface terrestre traditionnellement défini par les cycles saisonniers de la température et des précipitations, éventuellement des vents Simulation du bilan radiatif qui va déterminer Température, Humidité, Précipitation, Pression atmosphérique et vents Ces variables dépendent de beaucoup de facteurs, par exemple: Le type de surface (via l albédo) La circulation atmosphérique (transport d air plus ou moins chaud et/ou humide)

Le système climatique (1) Atmosphère, océan, végétation cryosphère (glaciers, banquise) Pyramide des modèles de climat Complexité des interactions GCM 2-D Statistical Dynamical EBM 1 D RC D après Henderson-Sellers and McGuffie 1990) D après Hanse et al, 1990)

Le système climatique (2) Interaction entre forçage solaire, bilan radiatif et le système interne 1 Comment le calcul du bilan radiatif détermine le bilan énergétique de la Terre 2 Comment la dynamique et les mouvements d énergie dans l atmosphère sont représentés 3 Comment les procéssus de surface sont représentés 4 La résolution dans l espace et le temps Pyramide des modèles de climat Complexité des interactions GCM 2-D Statistical Dynamical EBM 1 D RC D après Henderson-Sellers and McGuffie 1990)

Le système climatique (3) Une variable telle que la température à la surface terrestre dépend de l état de chacune des composantes du système climatique Ces rétroactions à l intérieur du système climatique sont très importantes Idéalement, un modèle de climat devrait inclure une représentation de chacune des composantes du système climatique

Approche générale Modèle: ensemble d hypothèses, de processus, dont on pense qu ils sont nécessaires pour une représentation satisfaisante du climat pour la question que l on se pose Une question, un modèle ou plusieurs modèles

Plusieurs types de modèles Modèles de circulation générale (pour l atmosphère et l océan) Les plus détaillés dans la description de ces composantes, et donc les plus coûteux en temps de calcul au maximum 1000 ans de simulation Modèles de complexité intermédiaire Une représentation simplifiée des composantes rapides (atmosphère, océan aussi, parfois) pour pouvoir représenter d autres composantes (végétation, calottes glaciaires) et l évolution du système climatique sur de longues périodes de temps Modèles simples: peu de variables prises en compte, mise en évidence de certains mécanismes

Modèles de circulation générale Discrétisation des équations de la mécanique des fluides pour l atmosphère et l océan Simulation explicite des processus de transport d énergie et d humidité/ de sel Dans chaque cellule Résolutions des équations fondamentales:` - Conservation de l énergie - Conservation du moment - Conservation de la masse - Conservation de l eau - Lois des gaz rares Paramétrisation: -Basées sur des données empiriques ou des hypothèses physiques simplifiées

Modèles de circulation générale Il y a cinq équations physiques fondamentales utilisées pour décrire l évolution de l atmosphère

Les échelles de temps en jeu Atmosphère: heures, jours Océan: de surface: jours, mois profond: jusqu à plusieurs milliers d années Végétation: mois (e.g. cycle saisonnier de la végétation) jusqu à plusieurs centaines d années (par exemple pour qu une forêt grandisse) Cryosphère: banquise: jours, mois Calottes glaciaires: jusqu à plusieurs milliers d années

Conditions aux limites i.e. des conditions fixes qui décrivent des paramètres qui affectent le climat, mais qui ne sont pas modifiées en retour par les calculs du modèle climatique Pour l atmosphère: Conditions à la surface Distribution continent / océan Type de surface continentale (végétation, calottes glaciaires, lacs) Relief Teneur en gaz à effet de serre Paramètres orbitaux

Conditions initiales i.e. la description de lʼétat initial du modèle Pour l atmosphère en chaque point: Température pression vents Humidité Pour l océan en chaque point: Température Salinité

Forçage climatique i.e. perturbation de lʼétat dʼéquilibre du système Exemples Augmentation de la teneur en gaz à effet de serre pour le climat future (2x CO2) Aérosols volcaniques (goutte d acide sulfurique injectée dans l atmosphère) Paramètres orbitaux et leur impact sur l insolation Présence de calotte de glace (Dernier Maximum Glaciaire, il y a 21 000 ans)

Rétroactions climatiques Feedbacks Rétroactions dominantes: Vapeur d eau, nuages, albédo de la glace

Rétroactions climatiques Solaire incident (πr 2). S S = 1370 W/m 2 «constante solaire» R rayon de la Terre Une partie α du rayonnement indicent est réfléchie α est lʼalbédo Infrarouge émis (loi de Stefan- Bolzmann, intégration de la loi de Planck sur toutes les longueurs dʼonde) 4πR 2 σt 4 R (S o /4)(1 - α) - OLR S o = insolation α= albédo planétaire R Budget Radiatif OLR= Infrarouge émis au sommet

Rétroactions du système climatique A l équilibre R = 0 Perturbation ΔQ= forçage radiatif ΔR = ΔQ + λδts λ Paramètre de feedback Les plus importants: 1. la vapeur dʼeau 2. lʼalbédo de la glace 3. les nuages

Rétroactions du système climatique Si la température augmente en réponse à 2xCO2 + de vapeur dʼeau dans lʼatmosphère : augmentation de lʼeffet de serre lié à ce gaz de glace de mer aux pôles : diminution de lʼalbédo, diminution de lʼénergie réfléchie vers lʼespace + de nuages (?) rétroaction positive ou négative (via albédo et effet de serre) Quel bilan?

Rétroactions du système climatique albédo Albédo planétaire vs albédo surface Feedback de l albédo surface sur Ts 50% Albédo planétaire expliqué par albédo surface Bony et al, 2006

Rétroactions du système climatique les nuages Bony et al, 2006

Bilan. Bony et al, 2006 IPCC Fourth assessment report, 2007, http://www.ipcc.ch/

Prévisions climatiques IPCC Fourth assessment report, 2007, http://www.ipcc.ch/

Répartition géographique des changements climatiques IPCC Fourth assessment report, 2007, http://www.ipcc.ch/

Exemple du Dernier Maximum Glaciaire (il y a 21000 ans) Conditions du projet PMIP Forçage climatique: Calottes Peltier ICE4G SST/banquise CLIMAP Gaz a effet de serre: CO 2: 185 ppm (280 ppm) CH 4 350 ppb (760 ppb ) N 2 0: 200 ppb (270 ppb) Figure provided by M. Kageyama (LSCE)

Dernier Maximum Glaciaire Résultats des modèles du projet PMIP(1995): Températures annuelles (LGM-CTRL), moyenne de tous les modèles Figure provided by M. Kageyama (LSCE)

Dispersion des résultats des modèles Les modèles n utilisent pas les mêmes paramétrisations, leurs résultats sont différents Ici, exemple de l altitude maximale atteinte par l isotherme 0 C Kageyama et al, 2005

Modèles couplés océan- atmosphère Exemple du modèle de l IPSL Atmosphère: LMDZ Océan: OPA

Conditions initiales Peu importantes pour l atmosphère, qui s ajuste vite (<1an) Très importantes pour l océan, dont la circulation profonde peut mettre plusieurs (dizaines, centaines d ) années à s ajuster MAIS On n a plus besoin de cartes globales de SST et banquise Les évolutions de l océan et de l atmosphère sont calculées de manière cohérente

Coûts de calcul Modèle de l IPSL, basse résolution, sur le super ordinateur du CEA (NEC-SX8) Coût lié majoritairement au modèle d atmosphère: ~30 min de calcul pour un mois de simulation Pour un simulation de plusieurs centaines d années, il faut plusieurs mois de calcul

Modélisation du climat du DMG avec des modèles couplés AO Annual mean temperature Annual mean precipitation Larger cooling at high latitudes, Larger cooling on land Mainly drier Figures provided by M. Kageyama (LSCE)

Réponse du cycle hydrologique en Amérique du Sud Comparaison Modèle-Données NCAR IPSL HadCM3 DMG les données: + humide + sec Hiatus/+s ec DJF Precipitation (mm/day)

Approche générale Modèle: ensemble d hypothèses, de processus, dont on pense qu ils sont nécessaires pour une représentation satisfaisante du climat pour la question que l on se pose Une question, un modèle

Confrontation modèlesdonnées Analyse des processus à l origine des changements de climat Par exemple: rôle de chaque composante du système climatique La comparaison modèles-reconstructions paléoclimatiques constitue un test important pour les modèles

Utilité des modèles de complexité intermédiaire Tests sur de nombreux scénarios Possibilité d effectuer des simulations longues (10000 ans ou plus) Garder les hypothèses à la base de la construction du modèle à l esprit: Par exemple, pour CLIMBER: les changements de circulation océanique ne peuvent être que des changements de circulation méridienne dans un ou plusieurs bassins

Modèle climat-calottes de l hémisphère nord downscaling Mean annual temperature Summer temperature Annual precipitation Climber (climate) Gremlins (ice-sheet) aggregation Surface type: ice-free, ocean or land-ice Altitude Fresh water flux to the ocean

Exemple de la dernière entrée en glaciation (il y a 115000 ans) Début de la simulation: 126000 ans On impose CO2 et insolation Total HN Amérique du Nord Groenland Fennoscandie Kageyama et al, 2004 time (ky BP)

Rôle des calottes glaciaires Albédo, altitude, flux d eau douce vers l océan Calotte Nord Américaine, simulation de base sans la rétroaction des calottes Kageyama et al, 2004

Rôle de la végétation Albédo de la végétation, albédo de la neige Greenland Fennoscandia Kageyama et al, 2004

Climat des prochains siècle La réponse du système climatique à la fonte du Groenland CLIMBER-2 CO2 Concentration Greenland Ice Sheet Model LGGE (Ritz et al. 1997) Petoukhov et al., 2000 Year s CLIMBER-ISM : Evaluation des flux d eau douce et l évolution de la calotte du Groenland

Changement de température au dessus du Groenland

Domaine de stabilité du système Océan-Atmosphère-Calotte Years 2000-2150 I Years 2150-2500 II Ice Volume (m 3 ) Back to 380 ppm III Years 2500-5000 III with maintained 4 x CO2 THC (Sv)

3000 Additional freshwater flux to the Ocean : 0.05 Sv 2000 2150 Back to 380 ppm with maintained 4 x CO2

Fin!