Suite du CM sur l inné/l acquis V/ ETUDES SUR L ADOPTION Une autre façon d'essayer de dissocier conditions génétiques et conditions d'environnement concerne les études sur l'adoption. Un enfant adopté partage un patrimoine génétique avec ses géniteurs dont il ne partage pas l'environnement, et il partage un environnement avec une famille adoptive dont il n'hérite aucun gène. Les comparaisons vont alors porter sur un trait particulier (le Q.I. par ex. ou la réussite scolaire ou autre): - entre les enfants adoptés et leurs apparentés biologiques, - entre les enfants adoptés et leurs apparentés adoptifs, - entre les enfants adoptés et des sujets du même groupe social que leur famille biologique, - et enfin entre les enfants adoptés et des sujets du même groupe social que la famille adoptive. Ce type de comparaisons nourrit les débats sur (a) la malléabilité des comportements (influence du milieu éducatif) compte tenu des déterminants génétiques, (b) l'héritabilité de l'intelligence et (c) les rapports entre classe sociale et intelligence. Les données mettent en évidence l'effet du milieu. Le changement de milieu se fait généralement dans un sens favorable, les enfants de milieu défavorisé étant adoptés par des familles de milieu relativement élevé. On constate que le Q.I. des enfants adoptés est en moyenne supérieur au QI des enfants issus du même milieu (défavorisé), ou supérieur aux QI des parents biologiques. Cependant, on trouve des corrélations entre les parents bio et leurs enfants, même s'ils ont été adoptés, ce qui peut être interprété comme une influence des facteurs héréditaires: l'amélioration des conditions de vie est
profitable à tous, mais les enfants issus des parents les plus intelligents gardent un avantage sur les autres. L'interprétation des données de ce type doit tenir compte de plusieurs éléments qui incitent à la prudence lors des interprétations (voir toujours les conditions expérimentale, et la nature de l échantillon): (1) quand on interprète en faveur de l'hérédité, il ne faut pas omettre que les enfants ont quand même partagé le milieu de leurs parents biologiques lors de la vie prénatale, lors des circonstances de la naissance, lors des premières semaines voire mois de leur existence, plus séjour en institution possible. Parle-t-on alors seulement d'hérédité si ces variables entrent en jeu? Regarder de près l âge de l abandon et l âge de l adoption. (2) Il faut prendre le QI de la mère au moment où elle confie son enfant, ce qui est rarement le cas dans les études. Et même si on dispose de ce QI, on peut supposer qu'elle souffre de perturbations qui peuvent avoir une influence sur ses performances cognitives. (3) Les tests utilisés pour évaluer l'intelligence de l'enfant sont-ils les mêmes d une mesure à l autre? Les uns peuvent calculer l'âge mental, les autres un QI. Idem entre l évaluation des enfants et celle des adultes, est-ce comparable? (4) Ce n'est peut-être pas le changement de milieu (défavorisé vers favorisé) qui intervient mais l'investissement de la famille adoptive qui provoque l'augmentation des performances. (5) On ne sait rien du père biologique. En outre, le MSE du milieu adoptif est bien mieux défini que celui de la mère biologique. De plus l âge des parents adoptifs et biologiques sont différents: 25-30 ans pour les biologiques et 34-35 ans pour les adoptifs. (6) Enfin, se pose le problème de la généralisation de tels résultats, les résultats obtenus sur des échantillons d enfants adoptés ne sont probablement pas représentatifs de la population générale.
Les découvertes de la biologie du siècle dernier (la théorie de l'évolution et les travaux de Mendel) et celles de la génétique contemporaine nous amène à introduire la notion d'interaction qui met en évidence les interactions entre l'équipement génétique et l'environnement dans la construction des comportements. VI/ INTERACTION MILIEU-HEREDITE Le fait de se demander si un comportement est inné ou acquis présuppose qu'il y ait indépendance des facteurs biologiques et des facteurs environnementaux. Les différents résultats issus des études sur les animaux, celles du domaine de la biologie, et celles de la psychologie conduisent à penser que c'est la relation entre l'équipement génétique et les conditions du milieu qui est au coeur de la construction comportementale. Cette relation serait complexe et interactive. L interaction est une notion méthodologique et statistique qui exprime qu un facteur ne joue pas le même rôle lorsqu un autre facteur intervient. Dans l étude des effets de l hérédité et du milieu, la prise en compte d un seul facteur est une absurdité, c est l interaction entre deux facteurs qui contribue au développement. Ceci renvoie à la relation entre génotype et phénotype: qu est ce qui dans les gènes va s exprimer selon les conditions de vie? Un exemple issu des études de biologie qui montre que l'expression d'un gène peut être sous l'influence du milieu : on connaît le substrat (support) génétique qui détermine le nombre de facettes des yeux de la mouche Drosophile. Des animaux ayant la même constitution génétique n'auront pas le même nombre de facettes sur leurs yeux selon la température dans laquelle ils sont élevés. Un exemple issu de l expérimentation animale qui apporte la preuve empirique de cette interaction. Cooper & Tuber (1958) ont élevé des souches de
rats brillants et cancres dans des environnements standard, appauvris et enrichis, 8 générations. Il s agit d une épreuve de labyrinthe et on observe le taux d erreurs en fonction de l hérédité (souche) et du milieu. Appauvri Standard Enrichi Brillants 169 117 111 Cancres 169 164 119 Taux d erreurs en fonction de la souche et du milieu Commentaires: * En milieu standard, les brillants présentent de bonnes performances par rapport aux cancres: nettement moins d erreurs. * On obtient le même nombre d erreurs pour les deux souches en milieu appauvri, mais la différence est bien plus grande pour les brillantes que pour les cancres. Détérioration des performances des sujets brillants. * En milieu enrichi, les 2 souches sont également performantes. Une telle expérience démontre de façon élégante l interaction hérédité-milieu. La souche des brillants est moins vulnérable que la souche cancre quand il y a un milieu banal, mais si les restrictions sont importantes, alors la souche des brillants ne construit pas les comportements complexes dont elle est capable. Réciproquement, dans le milieu enrichi, la souche cancre devient capable de tels comportements. Une illustration de ce qu est une interaction de ces deux facteurs en psychologie humaine. Etude de SCARR-SALAPATEK (Sandra, 1971): la ressemblance intra-paire entre jumeaux DZ est plus faible dans les milieux peu aisés que dans les milieux favorisés. Donc les DZ se ressemblent plus quand ils sont élevés dans un milieu favorisé que dans un milieu défavorisé. Tout se passe comme si
les conditions de milieu les moins favorables ne permettaient pas la pleine expression des génotypes. Dans un milieu défavorisé, certains jumeaux développent leurs potentialités génotypiques et d autres ne les développent pas. Alors que dans un milieu favorisé, les 2 jumeaux ont la possibilité de développer ces potentialités, ainsi il y a moins de différences entre eux. En conclusion Une conception trop simpliste est à rejeter: il ne s agit pas d une addition simple qui se traduirait par un individu, muni d un capital génétique, auquel viendrait s ajouter un ensemble d expériences. Si on veut essayer d expliquer le développement, il ne s agit pas de concevoir l individu comme un être passif, un sac à remplir de stimulations. Il faut prendre en considération la notion d expérience. En effet, quelque que soit la situation envisagée, on peut comprendre que l expérience que vit un sujet est très variable selon son âge par exemple. Regarder le journal télévisé fournit une expérience différente au bébé d un an, à l enfant de 10 ans et à un adulte. La signification de cet évènement se particularise en fonction de ce que l individu est à un moment donné de son développement. Et ce qu il est à ce moment là est la résultante de caractéristiques d ordres biologiques, d expériences antérieures et de leurs interactions. Ainsi, le schéma adopté le plus fréquemment situe le développement dans un cadre explicatif interactionniste, dans lequel les facteurs biologiques et environnementaux jouent et interagissent. La psychologie du dvl contribue alors à faire évoluer la question en montrant que l'activité propre de l'organisme constitue un facteur déterminant dans l'élaboration de conduites nouvelles.