Les Cent Jours à Marseille



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Les Cent Jours à Marseille (Journal de Madame Pellizzone) Les Mémoires tenus en forme de Journal par un observateur qui sait voir et qui sait raconter n'abondent pas. II ln'est pas rare aussi que ceux qui les détiennent ignorent l 'intérêt qu'ils présentent ou, le connaissant, n'acceptent pas de les communiquer. Le Journal dont nons tp-ublions un extrait nous avait été signalé, il y a plusieurs années par M. Villard, directeur des services d 'Archives du département. Son propriétaire, descendant de la rédactrice, M. Edouard Bassompierre, l'avait alors mis à notre disposition avec une extrême générosité. Madame Edouard Bassompierre ~ bien v.,ulu nous témoigner aujourd'hui la m ême bienveillance. Grâce à son autorisation 1 nous avons pu faire au manuscrit de larges eroprunts. Et s'il n 'a pas paru possible actuellement de publier intégralement ces «Souvenirs» qui s'étendent sur quinze cahiers el, remplissent près de mille pages, on a voulu du moins, en donnant un extrait des cinquième et sixième cahiers, faire connaître la Y aleur documentaire de l'œuvre et, en rendaf\t hommage aux propriétaires du mitnuscrit, tenter de leur donner des imitateurs. L'auteur du Journal, Jeanne Julie MouHnneu! est née à Marseille le 24 décembre 1768 et y est décédée le 23 août 1837. EUe était fille d'etienne Mouli nneuf, peintre de la Ville, m embre et secrétaire perpétuel de l 'A,cadémie de peinture et de sculpture de Marseille. Mariée en 1783, à moins de quinze ans, à Vincent Joseph de PeUizzone, elle a, sauf quelques années à partir de 1793, passé toute sa vie à,marseille et demeuré près d'un demi-siècle sur le Cours. Sa maison paternelle occupait. l'angle d u Cours et de la rue Tapis vert, celle

LES CENT 10URS (JOURNAL PELLIZZONE) 151 où elle a vécu à partir de 1806, l 'angle du Cours et de la Canebière (1). C'est au deuxième étage de cette maison qu'elle a, de 1811 à 1835 rédigé son journal. Des trois fen êtres de son salon qui donnait sur les deux avenues à la table ou l'attendaient son cahier et sa plume, il n'y avait qu'un pas. C'étaient des impressions toutes fralches, des choses vues à l'instant qui venaient sous sa main s'inscrire sur ses pages. Et pouvait on trouver plus merveilleux observ,atoire que ceue maison élevée au croisement des rues les p lus "!"lssantes» de la ville? En face d 'elle, la place St-Louis, débouché de la route de Toulon et la rue de NœLUes qui m enait aux Allées ; à ses pieds, le Cours, aboutissement de la rout.e d 'Aix et la Canebière qui descendait au port. Ainsi, sans sortir de chez elle, Madame Pellizzone, établie au cœur de la ville, assistait ~ u x faits de la vie quotidienn e comme aux évenèm ents exceptionnels. Les marchés du matin, les foires annuelles se tenaient sous ses fenêtres; les courriers, les cortèges, les processions défilai ent à sa porte. Rien ne lui échappait des émotions, des manifestations populaires. Il n'était,pas jusqu 'au pilori et à la guillotine dont on ne lui infligeât le spectacle, aux lieux mêmes où l'on élevait des reposoirs et où se dressait naguère l'autel de -la Patrie. Tout cela s'enregistre dans son Journal, chaud, précis, pris sur le vif, avec une ricbesse de détails qui attest'e.j 'acuité de sa vision, la précision d e sa mémoire, l 'adresse de sa plume: " Je n 'écris que ce que j'ai VU", assure-t-elle. Témoignage donc de premjère valeur, et non point fi gé, sec ou pâle; m ais vivant, abondant, coloré. Et parce que, fixé aussitôt, il est tout proche encore dans sa rédaction de l 'impression première, il demeure d irect, exempt de ces déformatiools que la réflexion, l'oubli, le souci de l'arrangement littéraire introduisent dans les souvenirs trop,longtemps conservés. D'ailleurs, Mm. Pellizzone qui passe beaucoup de temps à sa fenêtre ne s'enferme pas dans son appartement. Comme elle est libre, depuis qu'elle a dû se séparer d'un époux infidèle et, de nature, fort curieuse et avide de s'instruire, elle court les expositions d'œuvre! (1) On trouvera des précisions sur cette maison (actuellement 4.3 la Canebière), et une élude d'ensemble Sur MD18 Pcllizzone el sur son jour:nal dan s 1:1 Revue municipale Marseille, no 36, 3e série, p. 16 et suivantes.

152 d'art et les ventes publiques, assiste assidûment aux concerts et aui représentations du théatre ; elle ne manque ni les prédications, ni les bals, figure dans les réceptions, dans les galas et obtient des billets d'entrée pour les solennités. Comment retient-elle si bien, jusqu'au moindre détail, ce qu'elle a vu ~ Prend elle des notes? Et ce qu'elle appene des" Souvenirs li ne se nommeraient i1s pas mieux des " reportages li? Aussi bien elle ne se borne pas à regarder, ehe écoute: les nou velles qui courent, les fables 'nées des imaginations marseillaises, les racontars débités par les langues bien pendues, tout ce qui ex prime les états de l'opinion publique, les enthousiasmes, les désespoirs, les ~ccia mations, les colères, les silences s'enregistrent à côté des images dans ce " documentaire» où revivent vingt cinq années de la vie de notre cité. Pour raconter ce qu'clle a bien vu, bien retenu, M- PeIliz zone ne manque pas de moyens. Sa plume est alerte, fa cile, sa ré daction d'un seul jet, sams recherche et sa'l1s rature. L'écriture est régulière, jamais hâtive, ni négligée, ni heurtée, même dans les passages où la passion s'exprime. Et elle demeure remarquablement la m ême à travers les vingt cinq années de la composition.. Ces pages bien pleines où les lignes se pressent, ne laissant ni marge, ni biamcs et où ne paraissent ni reprise, ni rajout, ni 'surcharge donnent l'impression d 'une tàche bien faite assumée par une assiduité sans défaillance. Et cette continuité, cet équilibre inspirent confiance. L'auteur qui déclarait, en ouvrant le premier cahier de ses Sou venirs qu'elle n'écrivait que pour elle même, s'est souciée pour tant de l'impression que son travail pourrait faire SUr les lecteul'1! qu'elle souhaitait secrètement de trouver. Elle les a adjurés à plu sieurs reprises de croire à sa sincérité : " Je puis atrester, écrit elie "dans son deuxième cahier, par tout ce qu'il y a de plus sacré qu '00 ( ne trouvera rien dans ces souvenirs qui ne soit exactement la vé "rité. Je n 'aurais nul intérêt à la déguiser puisque je n 'écris que cc pour moi-même n. Le souci de fournir une source valable aux his Ioriens de l'avenir lui fait écrire en 1814 : «Si jamais on fait men "tion de cette scène dans quelque ouvrage qui doive servir de "matériaux à l'histoire, je suis sûre qu'on la dénaturera... J'atteste "en faveur de la vérité et de la postérité, comme témoin oculaire, "que la chose s'est passée de la manière que je viens de l'écrire...,,(4' c"hier). Et ailleurs encore (5' cahier) : "Si jam;ris quelqu'un

LES CENT JOURS (JOURNAL PELLIZZONB) 153 " lit ce que je viens d'écrire, il croira qu'il y a de l 'exagération. ce «pendant, je puis attester que iout est à la leure et que je n'écris " rien que ce que j'ai vu ou dolllt je suis sûre. Ce qui est douteux, "je m 'abstiens d 'en parler... Dans la mesure où l'on peut vérifier par d'autres sources les renleignements qu'elle donne, sa sincérité et la véracité de son dire sont hors de doute. On ne peut lui demander une impartialité à laquelle elle n2 prétendait pas. Les événements de 1814 font apparaltre en elle une ferveur royaliste que les cahiers rédigés avant cette date ne montraient pas encore. Dès lors et jusqu'à son dernier jour, elle demeure passionnément attachée aux' Bourbons. Ils sont pour elle les seuls détenteurs d 'une autorité légitime et les seuls propres à rendre à la France, après vingt ci.nq années d 'aventures et de souffrances, la paix, a"ordre et la prospérité. Quand ils re\prennent la couronne elle attend d 'eux un gouverne ment réparateur et juste, la punition des coupables, la récompense des fidélités, la destruction de l'œuvre révolutionnaire. Et elle croit que le retour des lis ramènera infailliblemen t le bonheur. De là sa colère contre le retour de Napoléon en 1815. De là.aussi ses déceptions en présence des concessions consenties par le Roi, des hommes maintenus, des institutions oonservées et ses protestations contre les faiblesses de la,politique royale, les maladresses, les ingratitudes d 'un gouvernement illlfidèle au passé. En 1814, en 1815, Marseille tout entière a,pensé et senti de même. Et le Journal de Madame Pellizzone est l'e'lpression fidèle des enthousiasmes et des illusion.s de ce temps. Dans l 'enseanble des Souvenirs, la période relative aux Cent Jours a paru la plus,propre à être puhliée parce qu'elle présente, à peu près jour 'par jour, un récit continu des événements. On a laissé de côté cependant le récit des premières semaines et commencé la publication au 10 avril. Le débarquement de N3Jpüléon, l'émotion des premiers jours, les tergiversations de Masséna, l'expédition des Marseillais sur Sisteron destinée à barrer à l'" usurpateur.. la route de Grenoble; puis la venue à Marseille du duc d'angoulême, la levée de ;l'armée du Midi et la campagne des A~pes et du Rhône!jer minée var ljl. capitulation de la Palud sont généralement connus. Et le tableau que donne -le Journal du retentissement à Marseille de ces événements, 'quoiqu'intéressant par bien des détails,,n 'apporte pas. d'élément hien nouvejl.u.

lm FELIX-L. TAVERNIER Le texte!publié commence au moment où Marseille doit accepter la défaite de ses soldats et de ses espérances, s'incliner devant l'empire rétabli et subir - la dernière des villes de France - le rétablissement des trois couleurs. Avec l'arrivée des premières troupes impériales, Marseille qui demeure ardemment royaliste va subir le sort d'une ville occupée. Pour elle les régiments à l'aigl'e, les offici ers, les administrateurs qui commandent au nom de l'empereur, c'est l'ennemi. La ville leur oppose soit une résistance passive, soit une hostilité déclarée. Dœ ce moment, entre le soldat et la viiie occu,pée, mais non soumise, c'est une lutte de tous les jours. Défilés de troupes, iparades, musiques provocantes, déploiements de cavalerie, :pavoisements commandés, serments exigés, d'un côté; et de l'autre, insolences, huées, fleurs et cocardes blanches, refus, injures. Puis rixes,,défis, duels, coups de sabre et co ups de pistolet, meurtres. Pour finir, la ville bloquée, mise en état de siège, la garde désarmée, les canons en bataille, les bivouacs dans la ville, les garnisaires dans les maisons; et, pour la célébration du Champ de Mai, la soldatesque déchalnée. L'ampleur et la gravité de ces événements, leur caractère op,pressif et dramatique n'apparaissaient guère dans les 'pièces d'archives. Et l'on n 'en trouvait le récit ni dans les bulletins de la police locale, remarquablement discrets, ni d'a/ns la correspondance des autorités qui, si elle insiste sur les difficultés de la situation, n'en peint pas l'aspect extérieur. Riche de nouveautés sur ce point, le Journal de Mm. Pellizzone ne va guère au d elà des événements de la rue. Il reste mue\. sur l'accueil fait à l 'Acte additionnel, sur le plébiscite et sur les élections à la Chambre impériale. Aussi bien CilS faits n 'ont soulevé à Marseille aucum intérêt et l'indifférence s'y est exprimée par de. abstentions qui comptent parmi les rplus complètes des villes françaises. Là encore, dans leurs lacunes comme dans leurs ri ches précisions, les souvenirs de Mm. Pellizzone constituent un témoignage (rès représentatif et d'une grande valeur documentaire. FELIX L. -TAVERNIER.

LES CENT JOURS (JOURNAL PELLIZZONE) 155 Journal de Madame Pelliuone... Le lundi 10 avril, les mauvaises nouvelles se confirment. Le duc d'angoulême s'est encorebauu et a été vaincu; les uns disent t~~~n~~té ~a~~ch~s~~~i~du~ess:~:r~~sëau~:! ae:u~o~s S':~:n~~a~~~:~ deux feux puisqu'il vient du côté d'aix et que nous avons Masséna et sa troupe du côté de Toulon (1)... Toutes mes prédictions se réalisent. Mals ce qui est inconcevable, c'est que Buonaparte, généralement détesté, réussit en tout et que les Bourbons chéris et respec- ~,:~t~sc~~mp~~~i:~~t;~:;lae~o~~: v~f~~~é a~ep!~~~e l esst ~~~;ri~é! par ce petit nombre de scélér</.ts. La garde urbaine a été réunie extraordinairement sur les Allées et là on leur a lu un ordre du jour qui les prévient d'être en per Dlanence sous les armes et de se soumettre avec calme et confiance aux ordres qui leur seront donnés (2). On présume qu'on va leur enjoindre au premier moment d'arborer la cocarde de Napoléon o~s q~~o~::sl~~ ~~s~i~:rs;i~u~elai~~e!'~~s~\~~a~.~ ô~u~~~t 1~~:;O~~ f. consternation qui règne dans la ville. Le peuple est enragé. La garde est harassee et désespérée. Cependant les officiers de la troupe de ligne arrivent de Toulon et crient: Vive l'empereur. Le peuple veut les massacrer et la garde urbaine les défend. Mardi 11 avril, le détachement de la garde urbaine parti le 3 est renlré à deux heures après midi avec leur artillerie. Les Comparen~eesn~~.~ n~~~~f;:,~tr~~~:rn:é~aià~~~~ cf.:~~~n~~!rt~::r df.u~~~itfo~ (t) Les troupes ralliées à l'empereur marchent sur Marseille par Aix après ~Fs~~i:Clà~~:~~~ r ;,~~~!:r:!~slf~~.:llrt~~~~~:~:\i:~7~reat:~~1~:~~i::~~~c1~ ï:e~i~c:e Pd 3 e r l!:b!~j~~ ~~~lal~e~~reéc~~~3d~ i!t c:~~:r~o;aï~. Marseillais comm", (2) Dans la nu~l du 10 au 11 avril la moitié de la garde urbaine bivouaqup. dans les rues. ABREVIATIONS: A. N. : Archives nationales. A. D.: Archives du département des Bouches-du-Rhône. A. M.: Archives communales de Marseille.

166 l'blix-l. TA'f'BRNIBB. Iricolore qui flotte à Toulon depuis hier (3). Il faut donc que nous ayons l'humiliation de nous rendre sans y être contraints par la force, ô mon Dieu!!! Dans la nuit du 11 au 12, la garde urbaine assemblée pour le maintien de l'ordre a reçu l'ordre de quitter l'uniforme et de continuer son service en habit bourgeois. Cette mesure, soi disant dictée par la prudence, a fait le plus mauvais efiet en dégoûtant tout le monde de faire son service. Aussi en a-t-on senti le ridicule et l'ordre du jour du 12 a dicté de reprendre l'uniforme... Mais le ~avillon tricolore flotte sur les édifices publics; la cocarde triclr d~~~ed:ff~~"ntl:ri~~~l'~~~ ~r~~g~~~~e~~n~e ri~;':î-:p~~o!~~e L~~e~~ï! ~~tu~~~~t~~~t~!~~~~e~~~tdfe I~~t~~~t d~c1:~~~~r~~r~e~e af~~?e:i 1~u~ lime qui, dans 25 jours à peine, a repris son e'ln'tire et qui a lié reçu partout aux acclamations du peuple dont i est adoré. C'est lui qui vient faire régner la paix et le bonheur en France. Tel est il peu ~rès l'esprit d'un placard que l'on vient d'étaler aujourd'hui 12 avril 1815, de sorte que nous n'avons pas fait l'anniversaire complet, puisque c'est le 14 avril 1814 que le retour des Bourbons nous fut annoncé et, ce jour-là, il y avait en effet de l'enthousiasme et des acclamations. La journée du 13 avril a été fort orageuse. Le peuple, dans une srande fermentation, circulait en troupe dans les rues et, la multitude s'étant portée à l'hôtel de ville, a forcé la garde et arraché le drapeau tricolore. Après ce coup de main on a tombé sur le petit nombre de ceux qui avaient la cocarde de même; et la garde urbaine a eu toutes les peines du nlonde à les soustraire à la fureur fe~pf.i:::;;~s I:e~r ~':,t ato~bé d~~~u~n! ;~uu~~ dc:i:h;is~;ve~ ::~~~~~i~~i assommés si on les eût laissé faire. Tout cela se fait aux cris réité~ ré de : Vive le roi et beaucoup d'hommes ont repris la cocarde blanche... Les gens tranquilles sont fâchés de ce tumulte parce qu'on en fera un prétexte pour faire venir de la troupe ici, quoique Masséna ait promis de n'en point envoyer pourvu que la ville se soumette de bonne grâce... Ledit Masséna a écrit au Conseil munidpal sur ce point en déclarant qu'il est lieutenant de l'empereur dans la 8' division militaire (chose qu'il devait savoir depuis longtemps) et faisant beaucoup de compliments à la garde urbaine sur sa bonne conduite et sa prudence. Les compliments de sa part ont paru un outrage à la plupart de nos braves urbains et la plus grande partie a quitté le service. Cependant ils ont tort; ce n'est l'us le moment de lâcher le pied. (3) Masséna c commandant ail Dom de l'empereur des 8" et 23 divisions.. ~~~epl:e l(~ô.vr~i: ~). l~u\ln a~~if.ri{i::~~~nlequ~réf~ltued~: B~t:~~~~~â~_e;~ô~: d'arborer imméodiatement les couleurs nationales ct menace de marcher aye-= de la troupe sur MArseille (ibid.). Le 12, il prescrit de dresser au nom dl'! l'empereur tous les actes administratifs et judiciaires.

LES CENT IOuRS (IOURNAL PELLIZZONE) 167 Cette lettre de Masséna a été lue à son de trompe et on y a répondu par des Vive le roi. Le tapa~e a été si grand que les magasins ont été fermés tout le jour et que, d'un instant à l'autre, on voyait courir des attroupements formidables de tout côté. Le meilleur moyen qu'on a trouvé pour les contenir a été de faire monter la cavalerie urbaine à cheval et de courir sus, ce qui a produit un hon effet. L'après-midi a été plus calme. Vers le soir, on a mis un EJlt~a~d!t~r~é~~l~~~su;::,cl~ d;e~~i~a~:f:e c~l:. P;~~J'v~u~~~~s~!~i nous runadouer. Cependant M. Miollis (4) qui commande ici au nom de Masséna, dre~;o;~r e~e~ni~~~;e:oi~~ ~~ ~~~ts;:tq~~~s~u:aft~~ll~ Sé~t:,ll:~: les têtes sont si chaudes... Cependant, il ne s'est l'oint fait de mal si ce n'est un officier insolent qui, ayant été assailli par le peuple à qui il voulait faire crier V've le roi et ayant tiré son épée pour,e défendre, en courant est tombé et s'est blessé lui-même. Le soir du même jour, 13 avril, le détachement des gardes urbains CJMi était encore en campagne et qui s'est battu est rentré f: c~~:;de ~l~n~h~~r I~n d~:;:~u bg~c,n~n v~u!~ies~\np~i~\e~u/!~~~ arriver fort tard, afin que, de nuit, on ne pût distinguer la couleur des uns ni des autres. Mais le peuple a suppléé à cela: la bour- ~~~~sa ettl ~~u~~n~~ài~ ~~t~i~i:n~,::~ed:ec~~j:lîe:t~ï~~!e~u~ff~ d éclairer leur entrée qui s'est faite aux cris cent fois répétés de V ive le roi, à bas le tyran. Mais, au lieu de suivre leur route tout ~';,!~nl~u~u b~~~~s~~~~~~!:~t 1~.r1Re~~aJdPj~ T;!t[(5) :tcd~~à: chacun s'est dispersé pour se rendre chez soi. Le 14 au matin on s'attendait à une nouvelle explosion d'efferf~~f:n~~i c:u::~jt~o~f~ri~é~u'{~ ~:\!":'i~s m~~~ ~nrea1r~ï~~i t~:~ ~~f::~: ~~r:::ae~~e~ fe~l'!lr~é~~~~e:eg,~~!g~i~starr~;{~h~~u!~ ~~= ~~~ ~at"c~:p~:;~~s~anel~~;"?n~ ~~}leqd: ~~~b~~~ha~~~~~t s:er~~?~ que le duc d Angoulême s'est sauvé et qu'il s'est embarqué (6). M. de Montgrand, le marquis de Rivière et autres en ont fait autant. (4) Miollis Sextius-Alexandre (comte de), 1759-1828; commandant de la 1" subdivisoin de la Bt division militaire. En mars, il a commandé les volontaires marseillais envoyés contre Napoléon et les a passés en revue â Sisteron, avec un~ cocarde tricolore au chapeau. (5) Reynaud de Trets, a commandé les compagnies franches levées à M~i'- :~~:!~e:l ~~ff~ré~~nl~~c d:~~nl~o~l:üede;>'~lu~le\2 é~év~iin~~ ~~stceesdecst..f!~~~~~ la plupart sans armes. ayant abandonnë leur équipement à la Saulce vu pendant leur retrait~. qu~~a~.c~ittt~i~~~~ ::g!~rpl~~~~a~~e.ulait que le duc d'angou~ême,'embal'-

158 M. de Panisse a donné sa démission. M. d'albertas (7) est gardé chez lui... Mais tous ces Messieurs seront ménagés par Masséna qui doit leur savoir bon gré de ravoir ménagé lui-meme. so~te e~~ré~s s~~r'j~~res!v:~cd~!p~~~~éef~~c~~isagr~~~~!:ne~h~~eqf~ multitude a accueillies par des cris redouhlés de Vive le roi. Elles onl été se réunir devant la préfecture; et lorsqu'on leur a ordonné de metlre bas les arm.es et de les quitter, loin de souscrire à cet Ndre, chaque brave a chargé la sienne et s'est retiré chez lui avec arme et bagage (8). Le 15 à midi est arrivée l'avant garde des troupes de ligne envoyées par Masséna. Elle était de 30 à 40 hommes environ. Ils ont eu l'arrogance d'arriver avec un brin de laurier au shako. Alors la foule s'est rassemblée autour d'eux en les huant et criant à tue tête Vive le roi et sans la garde urbaine leur jactance leur aurait coûté cher (9). Le corps de troupe est arrivé ensuite, fort de 7 il 8 cents hommes, mais sans laurier et la plupart même sans cocardes. La garde urbaine avait cté les recevoir, les précédait immédia lement et fermait la marche pour contenir le peuple. Tous les magasins étaient fermés et la terreur était génerale. Cependant tout s'est passé forl tranquillement: On n'a crié ni Vive le roi ni Vive l'empereur; le silence a été observé de part et d'autre et t('ut le monde a été sage, chose fort extraordinaire dans une telle circonstance. onf~~: ~~~~~!e~::sle:\i:~~~td~t~:~~~.~.cr'!~~lrea~ ~::,gf!djé~!~~i~~ la consternation règne partout. On dit que le général Grouchy (10) ~~~ ~:U~" ~~e~r~~e do:rsu~~a~;r~f~sq~~nl~~~é~a~~v~~é q~~i! d~~r~~~ tîon pour ~ 'e ngag er à ne pas sévir contre nous, attendre notre sou- (7) de Monlgrand J.-B., 1776-1847, maire de Marseille depuis le 26 mars!r;:{rem~ ~~teb~1i!h~s _ ~~~~i1 6!~I~I. I :é~isri~s~~:r~~io~l; ~~11re IBJe5;M~~~~~heprd; septembre 1815 à août 1830. Marquis de Rivière, nommé par Louis XVIII ambassadeur à Conslanti- :~f~:~ta rà'ivtla~ s~ ~il~'i e ;~;s à d~ ~iéb:r~~:~~~~ l1i 5 'l'ne nd.~ibuet, s;fme~~r~:~~~ commissaire du roi et chargé d'aider Je duc d'angoulême dans la lutte contre Nde l~~~;;sse Pierre (comte de), 1770-1842, chef de la lég ion de la gardc urbaine de Marseille en 1814. d'albertas Jean-Baptiste-Suzanne (17501-1829), préfet des Bouches-du-Rhône (10 juin 1814), pair de France à la deuxième Restauration (17 ao11t 1815). (8) Récit corroboré par le rapport de gendarmerie du 22 avril (AN Ft 9001): A 17 heures, 4 compagnies franches revenant de Sisteron entrent en ville tambour battant et drapeau blanc déployé. La Coule qui les acclame les engage à ne pas rendre leurs armes. (9) Il s'agit du 16 régiment d'infanterie. A l'arrivée du gros, l'officier commandant le détachement de la garde urbaine pria l'officier commandant la troupe de faire enlever c ce qu'on prenait pouf des lauriers» (Bulletin de l'inspection générale de la gendarmerie impériale, 25 avril 1815; AN P 9001). (10) Grouchy Alphonse-Frédéric, commandant en 1814 du l4t chasseurs, fils du maréchal comte de Grouchy.

LES CENT JOURS (JOURNAL PELLIZZONE) 159 ~~~~iof~~:::ià ~~b~~~~r!a q~~~a;~~t erol~ d~,::;:!~r t:jc~~~i!s ~;~!~ d~t~a~~e~û~t l~f~~~i~~~~re:~~: 1: l~~se i~: ~u;~~~~s tiuus e l~~ ~~~~ l'ables. En effet, le même jour 15 avril à l'entrée de la nuit, la troupe dont je viens de parler est entrée à Marseille au nombre de 15 à 18 cents hommes, musique en tête et sans être escortée par la garde urbaine comme celle du malin. La populace s'est encore rassemblée autour de cette troupe en criant Vive le roi. Ils ont été accompagnés de la sorte tout le long de la rue d'aix jusqu'au Cours. Quand elle a été là, elle s'est arrêtée et mise en ordre de bataille. On a chargé les armes à la vue du peuple qui n'a pas disconlinué de crier. Mais enfin la troupe s'est mise en marche en ~a~t,:~\:~ fi~~ r~e:j:~~~~a~! ~~~~:'e~g~f~~.r'làe~a~ff\~~e~so~~~?;~i COfllme des forcenés, faisant crier leurs soldats et les excitanl contre le peuple. Ce moment était terrible, surtout à l'heure où il se passait; il était presque nuit et malgré l'horreur qu'inspirait cette lroupe de cannibales indignes d'être appelés Français, les cris de ~iè~e1~ U~i ~~~h~~:!~~t j~~~oereh~~~:o~~:r:,~~t~r~~vée~ o~~er~~;. main a été empoigné et traîné avec eux; qu'en auront-ils fail? (11). Demain, c'est dimanche. Je tremble que cette journée ne soit désastreuse. Pour achever le tableau de cette soirée, il est bon de ~to~,~:!~'~\~~~~~t àudé~~~~!.efe~u:~b:~id:e l~o;~;~~~a\~ ~~~i{rd~~ coups de vent joint aux cris de la troupe formait un ensemble effrayant... Pendant que ces MM. faisaient leurs farces sur le Cours, les braves des Compagnies franches étaient rassemblés en armes à la Tourrette afin de venir les prendre en queue s'ils eussent tait quelque chose contre le peuple. Aujourd'hui 16 avril, tout paraît tranquille. L'avant-garde de la cavalerie qu'on attend ici est arrivée à 10 heures du malin fort paisiblement. Hier soir à Il heures, le nouveau préfet est arrivé. ~~~Sa\e~ïe ~~t"a~~;;~ol~~~;~s~::'i~:ta~u~i~~~~~t!eade~;c:e';,~! ~le2~iié~ rents corps n'ayant plus rien de français, ni la figure, ni l'hahit (11) II s'igit du 6' de ligne venant d'aix. Le colonel de la 23e légion de gendarmerie dit "ue les clameurs de la foule étaient dirigées par c les maîtres d'armes de la Ville revêtus de capotes et de shakos d'umforme.. el qui menaçaient de tuer les militaires isolés. Leur chef a été arrêté (AN F7 9001). ch~~~~u~ro~g~:: f:~~tet àdem!~se~r:~edas~~slal'~~fird~ ~~ma~é lir:~~~l dle815~ol; ministre de l'intérieur de la 2"' Restauration, de Va ublanc, écrira dans une ~i\\~~e~v:o:n csup~~sj:~f :a l~rlr~~~~~~ur(fr~~ho~)ou:h~!éd d-:~~~e'i~:lu~~~t;o~~ c adoucir autant qu'il a pu dépendre de lui les maux dont o n a voulu nous accabler» (AN F' 9637).

160 ~~,:~ ~i~~c;èd~r~~~~!~~td~.r~~n~itsc~~ail~e:e o~~nd~~f~~~ro~~s s~;;; de leur patrie comme en pays conquis. Ils sont logés chez les bourgeois et nourris par eux (14) et ils se permettent de les mépriser et de faire la loi. Mais tous les bourgeois ne sont pas d'humeur de le souffrir et c'est un grand hasard si tout se passe paisiblement. Hier au soir, 16 avril, les officiers,de l'infanterie, tous réunis,!'ras dessus bras dessous, couraient la ville en sortant du cabaret el chantant des chansons abominables contre le roi et le duc d'anâ~uf~~:ltud~ ëen~,:'cta~~~s ~e~~~éot':fult~tsl~es~i~~~ira~;~:s l'~r~:i~~ ~efe ~~~~~é~~~ ~~r~ ~~o~"a~i~~~sm~~! ;;b~s;e~uc~~sd:i~~t~~ e!c~~ lieu au Café Casati dans lequel ils ont fait la farandole en poussant tout le monde et obligeant les honnêtes gens à en sortir. Ce- ~~~~a;~~ i~l ~~~~~~suf':,'~~céüe~bfl~!slej.~i?e~t J~~~i~:~e de:n~u~~ coin. On dit même qu'ils ont été étrillés par quelques uns de nos braves. Mais cela n'empêche pas qu'ils nous vexent de toutes les manières... Masséna est enfin reyenu de Toulon quand la ville a été bien â:r~~r~~~ ~~ ~,~~r~ie~c:, r;~~::i;~~~~ ~~s l~u~~~j~~t:v~~sb~~;s~yflais, les menaçant de la colère de l'empereur, leur ordonnant d'arborer la cocarde et le drapau tricolores sous peine d'encourir son indignation, etc... Après ce beau discours, il a fait ses dispositions et il est parti pour Paris, ce qui me fâche bien car je crains de Ile plus le revoir ici et c'est bien dommage: Nous étions bien mieux il même de juger de son mérite que partout ailleurs. Dans la nuit du 18 au 19 avril, il est parti une portion de la troupe de Iillne qui est allée du côté d'aix; et dans la même journée du 19, 11 en est arrivé d'autres venant du côté d'aix qui ont pris leur place. Ceux-ci sont arrivés il midi sans faire de tapage ni crier comme les autres. Mais le soir de ce même jour, une crise abominable a eu lieu de la manière que je vais détailler. Les officiers des divers régiments d'infanterie ou de cavalerie qui sont ici réunis au nombre de plus de cent ont été fai re ribote au Château ~:~!'!nt~r~~uil~urils~;:~~~~ d~ ~~~~~: : ~ d/:t~~;.s ~e: ~~~t~ê~~: MM. sont retournés la tête fort échauliée; et pour achever de la monter ils sont venus boire la liqueur au bas de la Canebière vers le Cul de Bœuf. Lorsqu'ils ont eté bien saouls ils ont commencé ils(l;~tp;::~e u~u ;c~u~fta~~~~rsfa~o~~bl:l.q~:ll~ f~o~;~lej~n li~~jcla(a~n ~~r~oeo~) ~ (14) Un avis du maire, daté du 15 avril, fixe comme suit les rations journalières à fournir par les habita nts a ux militaires logés chez eux: 2 hgr. 5 de viande (ou 3 dgr. de riz ou 6 de légumes), 1 hgr. 5 de pain blanc; le complément, 7 hgr. 5 de pain de munition étant fourni par les magasins de l'armée. - Un deuxième avis du 18 mai informe Q,ue les troupes ayant ét.é mises c: sur le pied de paix», les habitant s ne doivent plus aux militaires que c: la place au feu, a u Ht et à la chandelle» (AM. Affiches).

LES CENT /Ouns (JOURNAL PELLlZZONE) 161 I~urs vociférations infernales et leurs cris de Vive l'empereur. Quelques imprudents bourgeois ont répondu par celui de Vive le roi. Alors ces énergumènes ont tiré leur sabre et ont tombé sur le peuple. Chacun a pris la fuite et les cris d'effroi et d'horreur ont ~~~'l'pl:c~~~sf ~~ssg~~p~r::,~~~és~~ y~~~~f~~r~~i ele s~r:'tu~~i~~! :~ lroupe pour tomber sur les officiers. Heureusement une patrouille de garde urbaine qui s'était formée à la hâte les a arrêtés et dis- ~~~~i~a~i: (~~~a e~~~u~~ét~aeàr l~~tsr~i~'d~ la ~~~~~ eu un carnage Les cavaliers de la troupe de ligne, espèces de cosa'jues dont j'ai déjà parlé, qui sont logés et nourris par les bourgeois a [) francs EfIs j~~~~i:l,~~~:~:~f,ir~~~1~e &e~~~:e;,t ~~!~f,1~:;; S~?:t~re~~e".:i faisant des menaces et jurements épouvantahles, criant au peuple: Canaille, relirez-vous. Ils ont été prendre leurs chevaux et sont venus tous ensemble sur le Cours, la Canebière et rues voisines, ~:~~~:i:n:e:~: l~t p~~~~.~~n s::,'ê!e t~~~~;sl;~~~vj~.:l! E:;:~?lde 1~;~! part. On criait aux armes de tout côté, et la garde urbaine se,'assemblait en toute hâte pour tâcher de sauver de plus grands malheurs (15). qu~f~u~n~=r.:~f:o~~~tl~~ If~;:z,':.nJ (~~)~%~\~:~~~vts C::~~ ~~ij'a~ seille, n'avait eu le bon esprit de se mettre à la tête d'une patrouille et de représenter au commandant de la cavalerie en <j:uestion que 1:1 conduite de sa troupe était bien imprudente et qu eue Eouvait ~~~a1~~n~~';,!fï~l~~'iyr!'en~:n~~u:e:;0~~~f:r~~: ~~f:~~~ts~ 19~~~ semonce a un peu calmé la furie des Allobroges et, la garde urbaine ayant été bientôt toute sous les armes, le calme s'est rétabli. Mais voilà une vilaine soirée où le meurtre et le pillage II'a été évité que par un heureux hasard. Car on fait tout ce qu'il est possible pour en faire naître l'occasion. C'est au général Grouchy que M. Raymond fit la remontrance ùont je viens de parler. Et c'est d'après les ordres ùe ce général que la troupe de ligne a été contenue... ; il Y a eu cependant r.lusieurs personnes blessées par les coups de sabre donnés par b~~fl~~i~~~~s Ve,;il~e~no~~~~tirt~~ 0.1: r:ç~u~:rse c~~rl~: ù~ir~er::~i~: nous en préserver L.o de~15:o;:i~~e~e a!~~~t~~:~~i d: faol~~t:rdi.:é d2~:~rd:il~~a~:eilpe dvcri~ e ~':ul~é~i~ ments. Des groupes parcouraient les rues port3nt d'énormes cocardes blanches en papier et criant: Vive Je Roi! Le retour du 6 t de ligne aména, à 9 heures du soir, une bagarre devant un café de la Place Royale où les otticiers attablés criaient: Vive l'empereur. Ceux-ci ont frappé les mani- ;:II:!~:S L(~u:é~{~~~~r~3:11:e a~:;::f:,sî't 2~~it~:[11S; géik::;::~:ô~~~1r J:nt~5\~ '~ecointe-pul/raveau, ex-conventionnel régicide. est l'un des 14 lieutenants exlraordinalres de police nommés par Fouché dans les villes particulièrement ::f~yta;~~~,~~{:1:'a~i:~~~20~~r a~i~~~idaauderr;a:~~ C ~~D~fad:ei~:ir~O~aSu Idé~~~ de Montgrand.

162 rafr~î~~?dl~,!,a~~pr~~s.aë"~~e~d:nriye t~~!itlecj~~~it c~u~ute as~~ 8e~ aurait grand tapage. Les officiers avaient encore été dîner à Château Ver.t. Les postes de la troupe de ligne avaient été doublés. On disait que les paysans des villages voisins, sachant ce qui s'était passé, venaient avec leurs armes pour nous seconder; et on leur a envoyé de la troupe de ligne pour les empêcher de venir. Tout le jour, les magasins des armuriers ont été remplis de bourgeois achetant des sabres, des pistolets, des poignards. Enfin il ~ avait ~~Nle~eC~~:~d<l,,'~t \~ ~~~r au~ie~és;~,d~~l~~ ~~~~~ 'J~: ~~~~~,~~O~~ <)'u'on a prises, soit en raison de la pluie qui a été très forte toute la soirée... Le 21 au matin, nos Allobrolles français sont partis et ont quitté ~~~\~ea~:~cc~ru~eâ~e~~~e~'~~~lrvgi~ ~egj~~r~~tg::'~~~ b"~ :~o~snri~ quelques uns pal' terre par ci par là, mais c'est bien dommage ~~:i~i~~o;:~\~ ~~cl~r:~ ~:r~~frrte p~~r~~!~nv ~~tl~n{:~~i ~:~rle~"o"~~nj~ leur bon ami. Le~ oi~~f:r~l ~;u::.e i~~~ees~a~f~nual~e~g:a~~é ru~s~~~dr~ ~i~~~:il~~ masse avec ceux de la troupe de ligne. Ce M' les a assez mal reçus et leur a tenu des discours fort choquants en présence des derniers. Ce qui est le pire. il s'est permis, entre autres choses, de r.omparer le gouvernement des Bourbons et leur génie à celui des t<1mbours de Buonaparte. Cette phrase doit être transmise à la postérité; elle donne la mesure du génie du général Brune. Il a ordonné une revue générale tant de la garde nationale 'lue de la troupe de ligne le jeudi 27 avril. Cette mesure déplaît a tout le monde et est fort impolitique. Car, mettre la garde urbaine en face de la troupe de hgne, c'est mettre des ennemis en présence. Et d'ailleurs, le peuple qui se rassemblera en foule autour des uns et des autres peut commettre quelque imprudence qui forcerait ces MM. d'en venir aux. mains. De sorte qu'on a fait tout ce qui était possible pour engager le général de renoncer à ce projet et à passer les deux revues séparément. Mais on n'a pu l'obtenir. Il tient trop à l'idée de pouvoir écrire à son Empereur qu'il a fait fraterniser la garde nationale avec la troupe de ligne et cette considération passe avant tout. Le 26 au sail', il y a eu une bagarre dans la rue d'aix entre des soldats casernés aux Infirmes (18) et des particuliers du même quartier. Les uns ont crié Vive l'empereur, les autres Vive le roi. (17) Brun.e GuH1aume-Marie, maréchal de France. 1763-1815, nommé 811 commandement de la 8 division militaire au départ de Masséna (16 avril 181 5) et du 9t corps d'observation sur Je Var. (18) Les Infirmes, ancien hôpital sis rue des Incurables, actuellement ruc Puvis-de-Chavanne.

LES CENT JOURS (JOURNAL PELLlZZONE) 163 Les soldats ont tiré le sabre, chose qu'ils font volontiers et un pauvre diable qui se retirait chez lui fort tranquillement a reçu un coup de sabre à la cuisse dont il est mort le lendemain. C'est un homme de 64 ans, père de 7 enfants. La garde urbaine a arrêté le tumulte et sauvé la vie aux soldats sur qui on voulait venger le meurtre de ce pauvre homme. Le 27 au matin, il y a eu une autre bagarre sur le port pour des affiches arrachées. Car toutes celles qui paraissent avec l'aigle i: ~~~à ~( :éet~~t lj;,~~:~.n~~~p~ ofl: â:r~:is~~~a~~~i~d~~c~~~rm;! revue de tantôt. ré~ni~i~~ ~~uy:~~:d n:~~:ba~~ ~~slof:li~r.bl~~ ~~rï~~~l~eo~ï\~~ :~u~~ma~~~~,e ~~0~~e~U~il~b~~~a1:nre~a~e!~i~l::"s fiï~~lse:é:l~t:lqe~l ~~jfi:~~:i\r~~o~ff~~s~~t:~~~~i~e e::~é~a:~ d:v~oert:n q~~or~~n; ~i~é sur le boulevard une grande quantité de coups de fusil en l'air. Ceci a produit un autre inconvénient. Les campallnes environnantes ont entendu ces coups et l'on a cru que nous etions aux prises avec la Iroupe de ligne, ce qui a répandu l'effroi dans lous les environs. Il n'y a pas eu d'autre mal. De là, on s'est rendu à la plaine St Michel: La garde nationale était très imposante et en.hien plus /lrand nombre que la troupe de ligne. Le peuple était aux aguets, pret à seconder la garde nationale si on eut voulu la violenter en quelque chose. Mais, point du tout: Tout s'est fort bien passé. Le général Brune est arrivé à trois heures, à cheval, suivi ~~!:~;;~~ ~~~~~rn~~~n=:e e:f~~t~r~~~edd~ Yf::e~rlr~:~i~~,?:,~~t fait entourer par l'état-major de la garde et leur a fait un discours ~~:t3~gs ~~u~~0~e~ê:~d1~:, ~fl~iu~ea I;é~~f ~~ub~;::~~;d~ ~~~~ déralion génlrale et particulière. A la fin, if a salué tout le monde et chacun s'est reliré dans le plus grand silence. La garde urbaine p défilé la première. Lorsqu'elle a été partie, la troupe de ligne s'est bien regalée à crier Vive l'empereur. Quelques p'articuliers ont répondu Vive le roi; mais cela n'a pas eu d'autre suite; et cette journée a fini bien plus tranquillement que l'on n'avait présumé. ÏI n'y a eu ni serment prêté à Buonaparte comme on le craignait. ~~tf~g~~~~~~ ::r~~ ~~~~f~e ~~i~i~a~f:~~~:"f.:~ed~!n~~1~'~ii~i~~t Enfin tout le monde a été sage et prudent, même la masse du (19) Sll'!cesseur ft la tête de la garde du comte de Panisse. - lloulevard Bourbon, aujourd'hui Cours Pierre-Puget. (20) Verdier Jean-Antoine (comte), 1767-1839.

164 FELIX-L. TAVERNIER peuple; et c'est beaucoup, surtout ici où les têtes sont si chaudes (21). Cela n'empêchera pas que l'on imprimera dans les gazettes que la garde nationale de Marseille a fraternisé avec la troupe de ligne, que l'enthousiasme a été général, que l'on a crié Vive l'empereur à tue tête et que ceux des autres pays le croiront. Mais que ceux qui voudront savoir l'ex.acte vérité sur tout ce qui se passe viennent feuilleter ce cahier. On avait fait courir le bruit que le général Soult avait été massacré pour tâcher de faire naître l'envle d'en faire autant au général Brune, mais cela n'a pas pris. Rien de si singuli er que la situation de Marseille en ce m oment : le gouvernement de Buonaparte est en activité, et le royalisme est le seul esprit dominant. Rlches et pauvres n'ont qu'une seule opi- ~~O~~r;~leà e;!rf.oën~~r~~ip~;~i ~~. ~~ld~~s,dil ~g~~ ~eb!~~~~~/~! royalistes et d'autres, en plus grande quantité, qui ne sont que des. machines que l'on fait agir à volonté. Quant aux officiers, ils sont tous les mêmes, c'est-à-dire gangrenés jusqu'au cœur. Mais f: fo~tiàa~~m::: ~'G~~~;;~:o~~:s~~~l~s A'Lu:!:s o~~:is n;ri~e r: ~~i:t~ d'être tranquilles après avoir été fort turbulents. Cela n'empêche fe as ~~~le n:jui ai;e j~~~~!~ed~n~j~e I1~e ~ilitai~!~e al~~s i~~~d~~,s! veufent ouvrir la bouche pour crier Vive l'empereur. qui se permel encore d'arracher toutes les aigles des affiches que l'on met et quel- G~~~i~rX::f~~h~I:~à~~r~el~f;t)s~~sl~/~f~~~~foJ~sl~'~ofl~~fr~i~~ culent dans la ville et que l'on pose furtivement à tous les coins, quelquefois le soir. Alors chacun vient le lire, muni d 'un bout de chê~d~!!i~,t ~~~IJ~~~l~~e~~ ïf~i~n j ~~~;t une aux Augustins; et les portefaix, munis de leurs barres, montaient la garde à côté pour qu'on ne l'arrache pas. Par ce moyen, tous les militaires peuvent

LBS CBNT JOURS (lournal PBLLIZZONB) 165 les lire (23), mais ils ' n'en sont pas plus sages malgré toutes les menaces et les avances qu'on leur fait au nom de Louis XVIII. Cependant, nous sommes dans l'ignorance de ce qui se passe à Paris et dans le reste de la France, attendu que l'on ne laisse ~~~~:r~~ 'l;e,.~eég~!i l~o~avvi~t~i~ ~~e a~~~: àa\,~i'è~~e:!tf;' ~v~~ ordre.d'arreter toutes les estafettes et de les conduire en droiture au général, sans les laisser parler à personne. CeUe diseue de nouvelles fait un grand vide dans les esprits lrès actifs des Marseillais; et alors pour suppléer à la réalitc, on forge des fables en tout genre. Chaque heure du jour en produit ~:u~o~~~!e~~it:ltt ~~u:"~i~~ug':fen~:td!d~l~t d~f:::e;:i~!'t:s~u~eh~~~ trop s'aurister du mal que l'on craint et ne croire que la moltié ~~ ~~'~I ~u'~n p~~r~~e,.f~~r ~~!~so:i~i~:v~~!st ~:;: i~~e ;~~\s~';,~d~e~ ~.:';t~~~:.~~eo~o:ht t:;ê';~~~~~"n ean n~îi:é ~é~~i~é \u;i~s hâ~e s~~tb~fi~ ment grec qui est dans le port, tout prêt à recevoir à son bord les f.:rl~o~~al~e~~.:'teg~~vf:~:~~~:. t~ :Jt~~~~~ ~!p~t IU58,!,~è~i.:'v",rit reçu ordre de venir ici y est venu réellement; mais il s'est rendu aux Allées par traverse et, de là, sans s'arrêter, il est reparti par traverse pour se rendre à Aix; et il a bien fait, car il aurait été très mal mal vu ici... C'est un des régiments qui a trahi indignement (24). Le mercredi 3 mai, à 11 heures du soir, un grenadier de la ~arde urbaine sortant du corps de garde et entrant dans la rue b~a~~~~~e~[~rtc~~~~he"mf:ic,t';a~: f~i~ufeà db ~~s~eilq~~!ee,.dië~~~~ plosion d'une arme à feu et la balle sittier fort près de son oreille, mais il ne fut pas atteint. Il tira le sabre et courut après l'assassin, mais il ne put le rejoindre... la 1~):~fei. tem:~i/iïres~e ;;~!~e4sig:;' 5~~ ~o~l;:'esud~ fr~;~ee ~: ligne venant de Lambesc (25); la garde urbaine les a escortés jusqu'à leurs casernes. Le même soir, les militaires de la caserne d ~ (i3ju~ x~~flt,e~~~~e ~~ 8~~d~ 1 :if4a!~ri\~opl:;~~~éeud:n;al~ss;uif~tl:~:!~~: ::~~i; l;~~~~ii;~:~:~ Ji!cl i:~ ~~:~:;r~~: ls~r 'r~~~;~~:?s~ 1'~l::1:!~~:~~ G~cr ctee N!~j~~: l e~e d~ii;~:u;a~e l!iséoio~~~ ~~u6~u~v: fï;~e h!t:o~~~:~~i~ù p~~ l: eonduisait en prison. (AN F' 3785). (24) Le 58- avait participé avec le 8Se d'infanterie â la campagne dans ~~saitl~~~'d:it GI~~' ~~îo::~~c~5~~e~ot~:avga~f:st :ra;~ c :!!e~\~o~o~b!~udé:~:t~~~~ cle la Saulce. (25) Probablement le 13- de Ùgne signalé par le MioiMre de la Guerre comme arrivé à Marseille le 6 mai (au Min. de l'lot. 16 mai 1815, AN FI a 554).

166 des I~norantins, près de St-Victor,. se sont permis des voies de ~~~~;e~ l",f~~l~s a~~~ ~!Sq~?~:~ta1~~tVd~:i~~;n~~~~n;O~:I:: S~~i le refrain était Vive le roi. Au lieu de les arrêter comme l'ordre en est donné, ils les ont assaillis à coups de sabre. Il y en a un que l'on a fait entrer dans la caserne et que "les officiers ont massa cré à coups d'épée; et les deux autres, la garde urbaine a eu toutes les peines à les ôter des mains des soldats. Forts mal équipés, on les a menés à l'hôpital (26). Le lendemain 5 mai, il y a eu plusieurs duels entre les officiers de ligne et ceux de la garde urbaine et autres particuliers. Un sergent-major de la troupe de ligne a été tué. La garde urbaine _ s'occupe d'une quête très conséquente en faveur des pauvres ou. vriers qui sont sans travail... AInsi celle digne réunion d'honnêtes gens veut réunir tous les genres de services et de bienfaits sur la ville de Marseille en celte occasion désastreuse... Le Ciel se laissera-t-il enfin désarmer par tant de vertu et de dévouement ct nos vœux seront-ils exaucés pour le bonheur de l'europe entière? Le 6 mai, vers midi, il est arrivé un régiment de cavalerie composé, dit-on, de 250 hommes (27). Mais, avec l'avant-garde et les ('hevaux de remonte, ils sont au moins 300. Leur costume n'est f,~t ~a;réou~~~ta~~~tq~~ ~~ii n~~ss l~~~~~;e~~ ~~~vesig~~~ic;~i~~~t ~r~~ I~s ~Z~te.bfl~u~~uà'ee!~:nr~~~r:nUt~e~t e~u:ilfeo~d~!t;~'~n àae~~ ~!Xi~~uM1i~gt~:é~é~;in~e~~~e~e:i~~: ~i:: ~i~~râ:d~~s hf~~el~lo~~~ ner en vill~ pour faire peur au peuple. D'ailleurs ils avaient été excités à cela par les officiers d'infanterie qui avaient été au devant d 'eux et leur avaient monté la tête contre nous; de sorte qu'ils sonl entrés au galop et criant comme des éncl'gunlènes Vive l' em~ pereur. Ils sont venus se ranger en bataille sur la Canebière; et. pour faire écarter le peuple afin de pouvoir Jnanœuvrer, ils couraient sus, le sabre en avant, menaçant ceux qui se trouvaient près d'eux et leur ordonnant de crier Vive Napoléon; mais cet. ordre est resté sans effet. Le peuple est resté muet et tranquille ~~ ~~~~n(ie:~e~sft~r{:s~~.~!t~1 ~veo~œe~~ae~r~~~: r~~~~:s l:~: 1:~~I~~ (26) L'homme tombé sous les CQUP8 des soldats se nomme Roman. Il succombe à l'hôtel-dieu le 9 mai (Maire à Préfet, 11 mai. AM Il art 117). L'affaire donne lieu à une violente controverse entre le substitut au tribunal Floret et le général Verdier. Le vremier ayant- découvert que Roman était étranger à la manifestation incrimmc c la soldatesque furieuse. et demande l'arrestation des c auteurs de ce lâche assassinat. Le deuxième l'accuse de prendre parti pour la rébellion, de trahir le gouvernement dont il est c le mandataire et le sa larié. Les deux parties portent l'affaire devant le Ministre de la Guerre et l'archichancelier. (Le dossier de l'affaire est aux AN, BBs 152 B.-du-Rh.). 1~;7J. 1:~ c~~s~eu5ri4)(~ii:a~t~isrlr~e S~inja dâ~:r :!u:j~~t~u q~!il' ::e~;~nti~ l:é~~ des S5" de ligne et, 14' léger de Corse.

LES CENT.oURS (JOURNAL PELLIZZONE) 167 gas dans toute la longueur de la Canebière. ventre à terre. le sabre t~:et: ~}s 1~~ta~~~red~ïaa~~!.:Y:'~~f~eo~~~~edf: r~~~~~~~ ~~a c;,e~~; ct de la rue d' Aix et sont allés prendre leur logemeut après s'être bien promenés et monlrés comme des épouvanlails. a~e l!';ê~aen~~~~~:s ~~i. /: ~~;~~ d~r~~~s:.n!l. ét~n~j~~1~~~ ce Jo~~ froupe de ligne. de sorte que voilà les canons entièremenf à la disposition de ces messieurs. Le dimanche 7 mai. il y a eu une grande revue ou parade de Ioule la troupe de ligne. infanterie et cavalerie à la Plaine. Ils sont en tout 4.000 hommes. Les généraux Brune et Verdier y sont allés. escortés par un fort détachement de dragons et toute la gendarmerie. Ils élaient à cheval et ce qu'il y avait de très comique. c'est que Brune avait continuellemenl la main au chapeau pour ~~n~~~i::i t~ult: ~~~Oe~. 1.u~~~sa;!~~:n2i~u1ée!ee;~f:~~eahe~;en~~ demie jusqu'à quatre heures. La musique n'a cessé de jouer la Victoire est à nous... Enfin ces lllessieurs sont rentrés dans leurs casernes et les honnêles gens ont été se promener. Comme c'était la fête du roi. St Stanislas. beaucoup de personnes se sont avisées de porter un bouquet de fleurs blanches. Ceci a déplu à MM. les officiers de ligne qui se sont permis d'en arracher guelques uns. Le peuple s'est attroupé. On a poursuivi ces officiers jusqu'au poste du Cours où ils ont été se réfugier. La foule devenant très considérable. on a ordonné aux soldats du poste de croiser baion- ~!r~i;: ~~!t a r~t~:d~~u~é~n~l~~~stol~~ l:n~~~~:.. a b~~sl~efu~êr:! moment. les soiiats de la caserne des Infirmes avaient illuminé leur façade à l'honneur de Napoléon en criant et chantant à leur manière. Le peuple s'est encore rassemblé là. Mais la garde urbaine l'a fait retirer. Mardi 9 mai. les officiers de la garde urbaine se sont assemblés pour délibérer sur l'ordre que les chefs ont reçu de Brune de se trouver dimanche prochain à la parade pour passer la revue avec le's drapeaux tricolores. Cette proposition a effarouché tous les officiers bourgeois. Ils ont crié à lue lête qu'ils n'en voulaient pas (28): Réponse et délibération bien imprudente dans un moment tel que ~:I~lg~~ ~~~~ sg~~~; rec~~~~/~rr~o~ r; ~~s la~;ol~il~~itdetr;:'~d~ :\ mercredi, on a fait plusieurs arrestations à petit bruit... Le mercredi matin... un caporal de la ligne de la caserne des Infirmes s'est permis d'apostropher un urbain qui avait encore les boutons de son habit avec la fleur de lys. Celui-ci a eu le bon

168 FELIX-L. TAVERNIER esprit de ne rien dire. Mais ayant passé une seconde Cois, le caporal lui a craché dessus. Alors l'officier urbain a voulu le morigéner et la foule était pour lui. Le soldat a tiré son sabre. M. Fiquet qui s'est trouvé là lui a sauté dessus, le lui a arraché et l'a cassé en deux sur son genou. Ensuite, il a dit au caporal: Camarade, si cela ne vous convient pas, venez avec moi; Je vous ferai donner un autre sabre et je vous rendrai raison du surplus. Le caporal, au lieu de se rendre à son invitation, est rentré dans sa caserne en criant aux armes. Tous les soldats sont sortis armés et ont poursuivi les deux bourgeois qui, de leur côté, ont fait meure sous les armes le poste des Chasseurs du haut du Cours. Alors les soldats ont fait la manœuvre de Croiser la baionnette sur la garde urbaine et la garde urbaine a croisé la baionnette sur la troupe de ligne. Heureusement, le bataillon de renfort est arrivé ~:t~blf\,:n~~:;:'et ; j~~~~,;o:::,,::~~d~~~r~~ fl:i~"'ifé:~~t!~ru;;'~i~à, d~ rien que la bombe n'eclate. Il y a longtemps que l'incendie couve. S'il se développe une fois, l'explosion sera terrible. Dieu veuille nous en préserver. Tous les jours, une, deux ou trois alertes du même genre. ~a:::e1i~~:tt~n~e l~o~ti~~.do~ ~~chl~~et~uf~~~s ~~s C~ffrchde~ ~~nli y a des aigles. L'autre jour, deux officiers de dragons ayant été témoins du fait, tirèrent leur sabre et l'un d'eux en déchargea un grand coup sur celui qui l'avait fait. Heureusement il fut leste f,~!e s~o~~!t~n~j,:u~:~çuue~ liesc~ïtc?:r;~~rs'~~ ~Îlè~~~tl~u;~b!'eane~ to~ar~~~~ ~~,i'ii~~: ~i~s ;~~~~~~~ed~~a!e ~~::;~~o~::~.. uëe:::i~r~!~ à un fil bien léger. Samedi au soir, veille de la Pentecôte, le Cours et la Canebière ont été inondés de troupes de ligne, infanterie et cavalerie. Les dragons ont un piquet de 50 hommes au coin du Cours et les écuries de Mad' Roubm (29) leur servent de corps de garde. Les fant~~~~n~t ~~: b!~~~.:'iù~~ J~uJo ~"o;;;;;!s sà'ialf~i!r~!t~~~cè~ee~f p~~~é= tuellement. ~eurs armes sont chargées et ils ont ordre de tirer sur le premier qui leur déplaira. On ne sait à quoi attribuer cette grande terreur. On présume que ce.n'est pas seulement pour :;~~tln~~i~is ~':,u~!:pp~~c~':d~~n~r~~~e!'oanut~i~~~!n~~s detb~ii~~':;~.ti~ ses qui sont à Nice. Le bruit court que Grenoble est pris et que Lyon le sera bientôt (30). Que de maux vont encore fondre sur ma (29) Propriétaire de l'hôtel des Empereurs, sur la Canebière, au coin de" la place, St-Louis. (30) Le lieutenant de police signale, le 12 mai, une c poignée de fausses Douvelles.. : révolte de Bordeaux, désertion des troupes et désigne le Café Mérentié sur le Cours comme c un véritable club insurrectionnel )l. Il a fait fermer le café (li Min. Police, AN Fr 9001).

LBS CI!NT IOURS (IOURNAL PI!LLlZZONI!) 1611 ::;~I~rn~~:riv~~!!~t~:~1 entêtement d'un homme qui veut régner Le 14 mai, jour de la Pentecôte, les troupes de ligne sont en h~~~~:.nr;a~~ê s~~~~~ei~i~~~,!~;~éte~~ ~~~~::~er::gi~e~~u!en~~~ ~~,N~l~~t (!1~ ri~'1. ~~tn~~;~~~ ï~~~e~asnded~e bo~;s ~tndif::' I:t:::ê!~ moment qu~fs sont arrivés, on a fait partir res gens de la fameuse seizièm e, c'est à-dire ceux qui étaient casernés aux Infirmes et <J.ui ont fait tant de mal dans Marseille. En passanl sur le Cours Ils ont joué l'air On va l.eur percer le flanc, oh 1 que nous allons rire, etc. Lorsqu'ils ont été dans la rue de Rome, ils ont presque Ilssommé un jeune homme de 14 ans et un vieux Monsieur qui se trouvaient trop en avant sur leur passage. Ce sont là les adieux qn'i1s nous ont faits. Dieu les accompagne et les récompense! Le 15 mai, Madame Roubin tenant l'hôtel des Empereurs, a obte- ~O ~~~e~u~~t!!v;l~:i~n~~:~:t ~~~né~;!e~he~u~"~n~n slul:i~:rsto~)~ et le piquet d'infanterie a été s'établir pfns bas, toujours sur la CanebIère en s'emparant du poste occupé par les urbains; de sorte ~f~~~~~e~ f~u~~~~,e'itr:~tv~::s8~~t~t ï:s rai~: ~~:ti~ai~~e :~~~~~ de 2.000 hommes, depuis 20 ans à 40 (32). C'est un nommé Fournier qui est ici pour cet effet et ce son de cloche n'amuse pas ces ~~:sl:~~rbn;i~:sle~a~l~~~ê~~n~u:t ~~i s~e~;~i:fte;tiè::;;~~t 'luia t,jïs~ crétion des troupes de ligne. le L;eff~fe~r~~i~~~reé~~~;! ~~0'::t~~é i~:~~1ar~ujal:!il:~~e~~~~~u~~! bureaux de loterie (33)... Il était SUiVI de quelques domestiques et ~"n ditvo~,~~~ t{rê;~d! ~r':t~~vfjirs,!~~sit~;~u~~ l:~~~~~~/l~sm~~d~ autour ~e lui, qu'il lui a fait un long discours tendant à soulever le pauvre contre le riche. Voilà la Terreur de retour (34). (31) C'est le 14- léger signalé ci-dessus (note 27). (32) Les décrets des 10-13 avril 1815 ordonnent de tirer de la garde nationale des cohortes et bataiuons en vue d'un service actif ou sédentaire. ~ f~~[é~~~~e~r~~re d:~~ia q8~ ' dï~i:i~~refo d~ ~i 5 ~Oo~llhol~SmCe~n~~ g ~~~~IP~~~i r~ :: ~}~~ l~e~~~~e7 ~:ié~'81~:riin J~s 9:0al\~illons vers le Nord de la France (au (33) Dans la nuit du 3 au 4 mai, sur l'enseigne des bureaux de la loterie. Je mot impérial avait été effacé et remplacé par le mot royal. (AM JI 32. Reg. Corresp. de la police). (34) Le 15 mai, le maréchal Brune 8, dans une proclamation, tenté de ~é}ib~:té.l:~u~a:~~~ii:::s dr~pl;e{t~~~r:o~f!:t~e co:?;j':tse.. ~el eb~:'o~ J~u~l~'Ir~: il~: c est lié à la Révolution par la gloire des armes... surtout par uo patriotisme c tout de (eu... Ces illustres citoyens du Midi ne veulent pas courber une c tête d'esclaves sous la féodalité, les dîmes... les mépris des tyrans de c 'Village.. (Cité par de Laincel, Terreur rouge d Terreur blanche, p. 2(7).