31 MARS 2010 P.10.0054.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N P.10.0054.F B.R., L., P., prévenu, détenu, demandeur en cassation, ayant pour conseil Maître Alexandre Wilmotte, avocat au barreau de Huy, contre 1. F. J.-C., agissant en qualité de représentant de la société privée à responsabilité limitée Pomme Cerise et de la société anonyme J.V.P., 2. S. T., agissant en qualité de gérant de la société privée à responsabilité limitée Kameha, parties civiles, défendeurs en cassation. I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
31 MARS 2010 P.10.0054.F/2 Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 8 décembre 2009 par la cour d appel de Liège, chambre correctionnelle. Le demandeur invoque cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme. Le conseiller Benoît Dejemeppe a fait rapport. L avocat général Raymond Loop a conclu. II. LES FAITS Le 21 janvier 2009, par jugement avant dire droit, le tribunal correctionnel a rejeté les moyens du demandeur relatifs à la recevabilité des poursuites, remis la cause au 4 février 2009 et ordonné l exécution provisoire de la décision. Le 4 février 2009, le tribunal a refusé la remise sollicitée par le demandeur et poursuivi l examen de la cause par défaut en ce qui le concerne. Le 5 février 2009, le demandeur a formé appel du jugement du 21 janvier 2009. Le 18 février 2009, le tribunal a statué au fond. Le 22 avril 2009, statuant sur opposition, le tribunal a acquitté le demandeur du chef de deux préventions et l a condamné à un emprisonnement de sept ans du chef d extorsion, vols et tentative de vol à l aide de violences avec circonstances aggravantes et en état de récidive légale. Statuant sur les appels du demandeur et du ministère public formés contre cette décision ainsi que sur l appel du demandeur formé contre celle du 21 janvier 2009, l arrêt attaqué déclare sans objet l appel dirigé contre ce jugement en tant qu il vise l exécution provisoire, le confirme pour le surplus et confirme la déclaration de culpabilité et la peine prononcées par le premier juge.
31 MARS 2010 P.10.0054.F/3 III. LA DÉCISION DE LA COUR A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l action publique : Sur le premier moyen : Le demandeur soutient qu en violation de l article 203, 3, du Code d instruction criminelle, le jugement rendu sur incident le 21 janvier 2009 a ordonné l exécution provisoire sans en donner, par une disposition spéciale, la raison et que les juges d appel ont couvert cette illégalité sans motiver régulièrement leur décision. En tant qu il critique le jugement précité, étranger à l arrêt attaqué, le moyen est irrecevable. Lorsqu un jugement avant dire droit a prononcé l exécution provisoire, et que cette décision a sorti ses effets avant qu il ait été statué sur l appel de celui-ci, ce recours devient sans objet en tant qu il concerne l exécution provisoire. De la seule circonstance que le juge poursuit l examen de la cause après avoir rendu un jugement avant dire droit dont il a ordonné l exécution provisoire, alors que le prévenu n a pas formé appel de cette décision au moment où cet examen a lieu, il ne saurait se déduire une violation du droit au procès équitable garanti par l article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales. En énonçant que l appel du demandeur contre le jugement du 21 janvier 2009 est devenu sans objet en tant qu il critique l exécution provisoire parce qu il a sorti ses effets avant que la cour ne soit appelée à statuer sur ce moyen et en considérant que le demandeur conserve un intérêt à cet appel en tant que le jugement statue sur les exceptions soulevées quant à la régularité de
31 MARS 2010 P.10.0054.F/4 l instruction, les juges d appel ont répondu aux conclusions du demandeur. Ils n étaient pas tenus de rencontrer les autres arguments qu il invoquait et qui étaient devenus sans pertinence à raison de leur décision. Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli. Sur le deuxième moyen : Le demandeur soutient qu il a été contraint de faire défaut à l audience du tribunal correctionnel du 4 février 2009 et qu il n a pu, de ce fait, être confronté à l autre prévenu qui est également son principal accusateur. Ayant comparu seul devant la cour d appel sans pouvoir bénéficier d une confrontation avec ce prévenu, il allègue que les juges d appel ont violé les articles 6.1 et 6.3, d, de la Convention de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales. Il leur reproche également de n avoir pas régulièrement motivé leur décision. En tant qu il invoque la violation de l article 149 de la Constitution sans indiquer en quoi l arrêt viole cette disposition, le moyen est irrecevable à défaut de précision. Il est également irrecevable dans la mesure où il exige pour son examen une vérification d éléments de fait, qui échappe au pouvoir de la Cour. Il ne résulte pas de l'article 6.3, d, de la Convention que le prévenu dispose d'un droit absolu d'obtenir la convocation de témoins devant la justice. Les juges d'appel ont apprécié si l audition sollicitée était nécessaire à la manifestation de la vérité et ont considéré que, de l absence de l autre prévenu à l audience, il ne saurait se déduire que le demandeur ne serait plus en mesure d exercer ses droits de défense dès lors qu il a pu contredire et réfuter lors de l enquête les déclarations de ce prévenu qui le mettent en cause. Par adoption des motifs du jugement entrepris, ils ont également relevé que le dossier ne démontrait pas l existence d une quelconque animosité de l autre prévenu à l égard du demandeur.
31 MARS 2010 P.10.0054.F/5 Pour apprécier si une cause a été entendue équitablement, il convient de rechercher si la cause, prise dans son ensemble, a été l'objet d'un procès équitable. Dès lors que le demandeur a eu la possibilité de contredire librement, devant la juridiction de jugement, les éléments apportés contre lui par la partie poursuivante, il ne pourrait prétendre que ses droits de défense ont été méconnus ni qu'il n'a pas eu droit à un procès équitable. Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli. Sur le troisième moyen : Le demandeur soutient que l arrêt ne répond pas à ses conclusions invoquant le non-respect du délai de quinze jours prévu par l article 209bis du Code d instruction criminelle pour statuer sur l appel formé contre le jugement du 21 janvier 2009. L arrêt constate que la décision au fond est intervenue avant que la cour ait pu statuer sur la critique du demandeur relative à l exécution provisoire du jugement entrepris. L absence d objet de l appel sur ce point dispensait la cour de statuer sur le grief pris de la tardiveté de sa fixation. Le moyen ne peut être accueilli.
31 MARS 2010 P.10.0054.F/6 Sur le quatrième moyen : Les formalités prévues par l article 35 du Code d instruction criminelle ne sont ni substantielles ni prescrites à peine de nullité. Reposant sur l affirmation du contraire, le moyen manque en droit. Sur le cinquième moyen : Le moyen soutient que l arrêt viole les articles 90ter à 90decies du Code d instruction criminelle dès lors que, sans ordonnance, les enquêteurs ont consulté le répertoire du téléphone portable du demandeur et le journal des appels, et écouté les messages déposés dans sa boîte vocale. Les articles invoqués ne s appliquent qu aux écoutes, prises de connaissance et enregistrements de communications et télécommunications privées pendant leur transmission. La prise de connaissance d un message après son arrivée à destination n entre pas dans le champ d application de ces dispositions. Dans cette mesure, le moyen manque en droit. Les juges d appel ont considéré que les enquêteurs avaient, à la demande du juge d instruction, exploité les données contenues dans le répertoire du téléphone portable que le demandeur leur avait remis. L arrêt ne viole pas les dispositions légales précitées en décidant que de telles investigations ne requièrent pas une ordonnance préalable du magistrat instructeur. A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
31 MARS 2010 P.10.0054.F/7 Le contrôle d office Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi. B. En tant que le pourvoi est dirigé contre l ordre d arrestation immédiate : En raison du rejet du pourvoi dirigé contre elle, la décision de condamnation acquiert force de chose jugée. objet. Le pourvoi dirigé contre l ordre d arrestation immédiate devient sans C. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées par les défendeurs contre le demandeur : Le demandeur ne fait valoir aucun moyen. PAR CES MOTIFS, LA COUR Rejette le pourvoi ; Condamne le demandeur aux frais. Lesdits frais taxés à la somme de quatre-vingt-deux euros septante centimes dus. Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Jean de Codt, président de section, Benoît Dejemeppe, Martine Regout, Pierre Cornelis et Alain Simon, conseillers, et prononcé en audience publique du trente et un mars deux mille dix par Jean de Codt, président de section, en présence de Raymond Loop, avocat général, avec l assistance de Fabienne Gobert, greffier.
31 MARS 2010 P.10.0054.F/8 F. Gobert A. Simon P. Cornelis M. Regout B. Dejemeppe J. de Codt