Etude expérimentale de l ébullition nucléée sur plaque plane en microgravité.

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Etude expérimentale de l ébullition nucléée sur plaque plane en microgravité. Olivier KANNENGIESER, Wladimir BERGEZ, Catherine COLIN I Institut de Mécanique des Fluides de Toulouse Université de Toulouse Allée Camille Soula 31400 Toulouse * (auteur correspondant : kannen@imft.fr) Résumé - Ce travail porte sur l ébullition nucléée en vase des fluides cryogéniques en apesanteur. Une expérience d ébullition de HFE7000 a été menée durant une campagne de vols paraboliques. Les résultats de cette expérience montrent l incidence de la pression, du sous refroidissement ainsi que du niveau de gravité sur les transferts thermiques. Une étude locale des forces agissant sur une bulle en croissance en microgravité est réalisée afin d obtenir une loi permettant une bonne estimation du rayon des bulles au détachement en fonction de la gravité résiduelle. Nomenclature Cp capacité calorifique massique ϑ volume, m 3 à pression constante, J/kg/K Symboles grecs F force, N T sub sous refroidissement, K h chaleur latente de vaporisation, J/kg ρ masse volumique, kg/m 3 Ja nombre de Jacob σ tension superficielle, N/m P pression, bar Indices et exposant Pr nombre de Prandtl= l phase liquide q densité surfacique p paroi de flux thermique, W/m 2 sat saturation R rayon, m sub sous refroidissement S p surface de contact, m² v phase vapeur T température, K 0 gravités terrestres 1. Introduction Une étude sur l ébullition libre en microgravité sur plaque plane a été entreprise dans le cadre d un programme de recherche du CNES intitulé COMPERE (COMPortement des Ergols dans les REservoirs) destiné à prédire les échanges de chaleur et de masse à l intérieur des réservoirs cryogéniques du 3 ème étage du lanceur Ariane V. Lors de la mise en orbite de plusieurs satellites, il est prévu dans le futur un ou plusieurs allumage(s) des moteurs. Il est donc important, avant chaque allumage, de pouvoir prévoir la répartition spatiale des phases liquide et vapeur dans le réservoir en phase d apesanteur. Une étude préliminaire a montré que, durant ces phases d apesanteur, le flux de chaleur apporté par le rayonnement solaire serait suffisant pour déclencher l ébullition en paroi des réservoirs cryogéniques. Dans ces conditions de microgravité, il n existe malheureusement pas de modèle permettant une bonne prédiction du coefficient d échange de chaleur en ébullition nucléée. Plusieurs études sur l ébullition en microgravité ont été effectuées par le passé et les principaux résultats sont rassemblés dans deux articles de synthèse [1, 2]. Dans le cas d expériences menées sur plaque plane horizontale tournée vers le haut, en microgravité, le déclenchement de l ébullition se produit pour des surchauffes de paroi plus faibles qu en gravité normale. En microgravité, en l absence de convection naturelle, le transfert de chaleur

se fait principalement par conduction dans le liquide. Les tailles de bulles en microgravité sont très importantes au voisinage de la paroi. De grosses bulles stagnent sur la paroi, alimentées par l absorption de plus petites bulles. Suite à ces mécanismes de coalescence, le détachement de grosses bulles peut être observé, mais ces bulles ne quittent pas vraiment le voisinage de la paroi. Malgré des tailles de bulles très différentes en gravité normale et en microgravité, il semble que les transferts thermiques en régime d ébullition nucléée soient du même ordre de grandeur. Cependant les corrélations utilisées pour prédire les flux de chaleur en gravité normale présentent souvent une forte dépendance en g et ne sont pas extrapolables aux conditions de microgravité. Le but de la présente étude est d analyser les mécanismes de croissance et de détachement de bulles sur une paroi en microgravité dans des conditions les plus proches possibles de celles que l on pourrait rencontrer dans des réservoirs cryogéniques de lanceurs. Les expériences en microgravité sont réalisées au cours de vols paraboliques dans l Airbus A300 Zero G. Pour des raisons de sécurité évidentes, les expériences ne sont pas réalisées avec l oxygène liquide LOx, ni avec l hydrogène liquide LH2, mais avec un réfrigérant HFE7000 en essayant de respecter au mieux (voir tableau 1) les conditions de similitude sur le nombre de Prandtl et le nombre de Jacob qui va caractériser la quantité de vapeur produite : 2. Dispositif expérimental 2.1. Descriptif de l expérience Ja = ρ lc Pl (T p T sat ) ρ v h lv (1) LOx LH2 HFE7000 HFE7000 P (bar) 3 3 1 3 Pr 1,9 0,57 7,08 5,8 Ja 7,74 2,78 17,48 6,82 Tableau 1 : Nombres adimensionnels caractéristiques Les expériences d ébullition sont réalisées dans une cellule d essai d un volume de 800 ml. Cette cellule d essai est connectée à deux réservoirs : un réservoir maintenu à haute pression servant au remplissage et à la pressurisation de la cellule d essai et un réservoir maintenu à faible pression. La connexion entre la cellule d essai et le réservoir basse pression est réalisée au passage d un déverseur piloté par un régulateur électropneumatique. Ce montage permet le contrôle de la pression dans la cellule d essai ainsi que la stabilisation de la pression lors des phases d ébullition. L ébullition est générée sur un élément chauffant Captec (1 cm x 1 cm). Cet élément chauffant est équipé d un fluxmètre situé à 150 µm sous la surface externe (voir figure 1). Le système de chauffe se situe à 150 µm sous le fluxmètre. Les matériaux utilisés pour la confection de cet élément ont une très faible capacité thermique. De plus l élément chauffant est isolé de la masse d aluminium de la cellule d essai par une plaque en Téflon. Ceci permet d atteindre très rapidement des états de quasi équilibre thermique et d avoir une mesure du flux ayant une très bonne dynamique (le temps de réponse à 99% de l élément chauffant Captec à une trempe sur la paroi externe est de 2,6 s). Au dessus de l élément chauffant ont été positionné, cinq micro-thermocouples (50 µm) ainsi que trois thermocouples (1 mm) pour mesurer le champ de température dans le liquide. Une prise de vue parallèle à la surface de chauffe est réalisée par une caméra rapide.

Paroi externe en cuivre Flux mètre 0,4mm Résistance chauffante 10mm Figure 1 : Elément chauffant Captec équipé de son flux mètre 2.2. Mode opératoire, paramètres explorés Les expériences en microgravité ont été réalisées au cours de vols paraboliques en avion. Les périodes de microgravité sont limitées à 20 s. Afin d atteindre plus rapidement un état de quasi équilibre thermique, l ébullition a été déclenchée avant les phases d apesanteur. Après une phase de stabilisation nous avons observé des fluctuations de flux et de température en paroi corrélés à la gravitation résiduelle. Les expériences ont été réalisées pour des densités de flux de chaleur q comprises entre 1 et 3,6 W/cm 2, des pressions de 1 à 3 bars et sous refroidissement T sub =T sat -T l de 2 à 14 K. 3. Etude globale du transfert thermique Sur la figure 2 est représentée la densité de flux de chaleur en fonction de la surchauffe à la paroi pour différentes conditions de pression et de sous refroidissement. Les valeurs de flux et de températures sont des valeurs moyennes calculées sur des périodes de microgravité durant lesquelles les variations de flux sont inférieures à 500 W/m 2 et les variations de température à 1 K. La durée de ces périodes est de l ordre de 10 à 15 s et la gravité résiduelle est de l ordre de 10-2 g. Dans le cas d un faible sous refroidissement et d une faible pression, le flux thermique est plus faible, pour une même surchauffe, qu à forte pression et à fort sous-refroidissement. Un facteur de 1,7 est observé pour une surchauffe de 7 K. Ainsi une augmentation, soit du sous refroidissement, soit de la pression, soit des deux combinés, accroît le flux thermique. Afin de mettre en évidence les effets découplés de la pression et du sous-refroidissement, nous allons comparer des données obtenues pour un sous-refroidissement constant à différentes pressions et pour une pression constante à différents sous refroidissements. Pour des faibles sous refroidissement ( T sub de 2 à 5 K), sont représentées sur la figure 2 trois séries de points expérimentaux pour trois différentes pressions comprises entre 0,9 et 2,3 bars. Pour une même surchauffe de paroi, le flux thermique est plus élevé dans le cas des hautes pressions. De ce fait une augmentation de pression s accompagne d une augmentation de flux chaleur pour les faibles surchauffes. Lorsque la pression reste faible (inférieure à 1,3 bars), le flux de chaleur est représenté pour deux gammes de sous refroidissements ( T sub < 4 K et T sub > 7,6 K). On observe qu il n y a pas de différence sensible entre ces deux cas. Ceci tend à montrer que, dans notre expérience, pour une même surchauffe de paroi, seule la pression a une influence sur le flux thermique. Les différences observées entre les essais à faible pression et faible sous refroidissement et les essais à forte pression et fort sous refroidissement ne sont dû qu à la variation de la pression. L absence d influence du sous refroidissement sur le coefficient d échange convectif a déjà été observée par Oka [3], lors d expériences d ébullition sur plaque plane avec un niveau de microgravité de l ordre de 10-2 g. Néanmoins, les expériences menées avec des accélérations

de l ordre de 10-5 g montrent une influence du sous-refroidissement accrue [4]. A ce jour le rôle du sous refroidissement sur l ébullition en microgravité n est pas bien compris tant il dépend de l accélération résiduelle et des dimensions de la surface de chauffe. 20000 15000 P= 0,9-1,3 bar Tsat-Tl= 2,1-4,0 K P= 1,0-1,5 bar Tsat-Tl= 7,6-13,5 K P= 1,6 à 1,9 bar Tsat-Tl=2,9 à 4,1 K P= 2,0-2,3 bar Tsat-Tl= 2,9-4,1 K P= 2,6-3,1 bar Tsat-Tl= 7,6-13,5 K 60000 50000 40000 g< 0,4 m/s² P= 0,9-1,3 bar Tsat-Tl= 2,1-4,0 K g< 0,4 m/s² P= 2,5-3 bar Tsat-Tl= 7,6-13,5 K g= 9,81 m/s² P= 1 bar Tsa0t-Tl= 5 K g= 9,81 m/s² P= 3 bar Tsat-Tl= 10 K Merte STS Tsat-Tl= 1 K Merte STS Tsat-Tl= 2,5 K Merte STS Tsat-Tl= 11,5 K q (W/m²) 10000 q (W/m²) 30000 20000 5000 10000 0 0 5 10 15 20 Tp-Tsat (K) 0 0 5 10 15 20 25 30 Figure 2 : flux de chaleur en fonction de la Figure 3 : comparaison avec les données surchauffe à la paroi de Merte [7] Sur la figure 3, les résultats expérimentaux obtenus en condition de microgravité, sont comparés aux résultats expérimentaux obtenus en gravité terrestre avec le même dispositif expérimental, dans des conditions de pressions et de sous refroidissement similaires, la paroi extérieure de l élément étant chauffant tournée vers le haut. On constate que, en condition de microgravité, pour une même surchauffe, le flux thermique est nettement plus faible qu en condition de pesanteur terrestre. De plus, la pente des courbes d ébullition est aussi diminuée en microgravité. La réduction de la gravité diminue donc la pente de la courbe de Nukiyama représentant l ébullition nucléée. Sur cette même figure 3, nos résultats sont comparés à ceux de Merte 1996 [5] obtenus à partir d expériences sur plaque plane dans la navette spatiale Américaine. Dans celle-ci le niveau de microgravité est de l ordre de 10-5 g. Le fluide utilisé est du R113 qui, dans ces conditions expérimentales, présente une forte similitude en nombre de Jacob et nombre de Prandtl avec le HFE 7000. Les résultats entre les deux expériences sont en très bon accord. 4. Détachement des bulles 4.1 Loi d estimation du rayon de la bulle au détachement L équation de la dynamique pour une bulle en croissance sur une paroi horizontale s écrit [6]: F F + F + F = 0 (2) A + C H CP Le premier terme est la force d Archimède, F C est la force capillaire maintenant la bulle sur la paroi, F H est la résultante des forces hydrodynamiques (traînée + portance + masse ajoutée) et F CP la force de pression de contact. Dans la plus part des expériences les forces hydrodynamiques sont négligeables et le détachement de la bulle se produit lorsque la poussée d Archimède dépasse la force capillaire. Ceci mène à l estimation suivante du rayon de la bulle : 3 R d = sinθ l c avec σ l c = (3) 2 ( ρ l ρ v )g Tp-Tsat (K)

Dans cette expression l c est la longueur capillaire. Le rayon des bulles au détachement est alors proportionnel à la longueur capillaire. Cette expression ne prend cependant pas en = P P S qui dépend des pressions à compte la force de pression de contact F ( ) CP v l 0 p l intérieur de la bulle P v et dans le liquide au pied de la bulle P l0 et de la surface du pied de bulle S b. La différence P v -P l0 peut alors être estimée en considérant que la pression est constante à l intérieur de la bulle et égale à P l0 +2σ/R-ρ l gh, où H est la hauteur de la bulle. En microgravité et à faible flux, le gradient de pression autour de la bulle est faible, la bulle a quasiment la forme d une sphère tronquée et la force hydrodynamique ne peut pas être négligée. L équation (2) peut alors être développée sous la forme : ( ρ l ρ v )ϑ b g 2πRσsin 2 θ + F MA + 2σ R ρ gh l πr 2 sin 2 θ = ( ρ l ρ v )ϑ b g ρ l ghπr 2 sin 2 θ + F MA = 0 où ϑ b est le volume de la bulle, H sa hauteur et θ est l angle de contact au pied de la bulle et F MA la force de masse ajoutée. Pour une forme de sphère tronquée, on constate que les forces capillaires se compensent et que le rayon de détachement est prédit par un bilan entre la force d Archimède «réduite» ( ρ l ρ v )ϑ b g ρ l ghπr 2 sin 2 θ et la force de masse ajoutée. Une expression analogue du rayon de détachement des bulles a été obtenue par Zeng [7] : 2/ n 3 K 3 Rd = n( n 1) + Csn 4 g 2 2 n/(2 n) Dans cette relation n dérive de la loi de croissance de bulle qui a pour forme R(t)=K t n. K étant une constante qui dépend des propriétés du fluide et n un exposant dont les études expérimentales comme théoriques montrent qu il est compris entre 0,3 et 0,6. L estimation du rayon au détachement des bulles à partir de l équation (5) est maintenant comparée à nos données expérimentales. Lors d une phase où le niveau de microgravité était de 0,26 m/s 2 sur une durée d une seconde, les visualisations ont permis de déterminer un temps de croissance t = 0,33 s et un rayon de détachement R d =0,43 mm. Pour estimer le diamètre au détachement à l aide du modèle de Zeng, nous avons choisi arbitrairement une valeur de n= 0,5, cette valeur étant la valeur la plus communément utilisée dans les différents modèles de croissance de bulle. Avec ces hypothèses, on trouve R d = 0,31 mm. Ainsi le modèle de Zeng appliqué à nos expériences donne de résultats raisonnables quant à l estimation de R. (4) (5) 4.2 Influence de la pesanteur sur le rayon au détachement de la bulle Les deux équations (3) et (5) mènent toutes deux à une dépendance du rayon de détachement des bulles en fonction de la gravité de la forme : R g 0 (6) R0 g Dans cette expression R 0 est le rayon de la bulle en gravité normale g 0 et R en microgravité, pour un niveau de gravité résiduelle g. Dans le cas de la loi reposant sur un équilibre entre forces capillaire et poussée d Archimède, on trouve m= 0,5. Lorsqu on utilise le modèle de Zeng, on trouve m=n/(2-n). m m

est alors compris entre 0,2 et 0,4 et dépend du modèle de croissance. L exposant m est plus faible dans le cas du modèle de Zeng et R d estimé à l aide du modèle de Zeng peut être de plusieurs ordres de grandeur inférieur à la longueur capillaire, l c, lorsque la pesanteur diminue. Les mesures réalisées par Straub [1], durant diverses expériences d ébullition nucléée en microgravité sur plaque plane, ont mis en évidence que l c surestimait le rayon au détachement des bulles. Il a montré que le coefficient m était compris entre 0,25 et 0,31 suivant les expériences. De ce fait le modèle de Zeng est plus à même de prédire l évolution du rayon au détachement en fonction de la gravité. 5. Conclusion Les expériences d ébullition nucléée en vase, réalisées durant des vols paraboliques ont montré que l influence du sous refroidissement sur le flux thermique est beaucoup plus faible que celle de la pression. Ces expériences ont aussi permis de montrer qu en microgravité, le coefficient d échange de chaleur évolue beaucoup plus lentement avec la température de paroi qu en gravité normale. Une étude locale des forces agissant sur une bulle, lors du détachement, dans un faible champ d accélération, montre que les forces capillaires se compensent. L équation résultante de la dynamique ne fait alors apparaître que la force de masse ajoutée et une poussée d Archimède réduite. L estimation du rayon des bulles au détachement provenant de cette équation permet d obtenir des rayons au détachement proches de ceux observés durant nos expériences et de déduire une loi d évolution du rayon au détachement en fonction de la gravité résiduelle, prédisant bien les résultats expérimentaux de Straub[1]. Remerciements Les auteurs remercient le CNES pour les financements apportés pour réaliser cette étude. Références [1] J. Straub, Boiling heat transfer and bubble dynamics in microgravity, Advances in heat transfer, Academic Press, (2001), 35, 57-172. [2] P. Di Marco, W. Grassi, Pool boiling in reduced gravity, Multiphase Science and Technology, (2001) 13, 179-206. [3] Oka, T.Abe, Y. Moori, Y.H., and Nugashina, Pool boiling of n-pentane, CFC-113 and water under reduced gravity : parabolic flight experiments with a transparent heater, Journal of heat transfer, (1995), 117, 408-417 [4] Oka, T.Abe, Y. Moori, Y.H., and Nugashina, Pool boiling heat transfert in microgravity (Experiment with CHC 113 and water utilizing a drop shaft facility), JSME Internationnal Journal, (1996), 39, 798-807 [5] H. Merte Jr., Ho Sung Lee, and Robert B. Keller, Report on pool boiling experiment flown on STS-47 (PBE-IA) STS-57 (PBE-IB) and STS-60 (PBE-IC), NASA Contractor Report 198465, (1996) [6]G.E. Thorncroft, Klausner J.F., Bubble forces and detachment models, Multiphase Science and Technology, (2001), 13, 35-76 [7] L.Z. Zeng, J.F. Klausner, R. Mei, A unifed model for the prediction of bubble detachment diameters in boiling systems, International Journal of Heat and Mass Transfer, (1993), 36, 2261-2270.