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Fouille Notae Praehistoricae d un habitat 18-1998 rubané à : Remicourt, 123-129 au lieu-dit Fond de Momalle, secteur III 123 Fouille d un habitat rubané à Remicourt, au lieu-dit Fond de Momalle, secteur III Heike FOCK, Claire GOFFIOUL & Fabien CORNÉLUSSE Introduction En fin d année 1997, la SA TUC Rail, filiale de la SNCB chargée du projet TGV, communiqua à la Direction de l Archéologie de la Région wallonne une série d emprises complémentaires au tracé établi. Ces changements de plans nous obligèrent à revenir sur nos pas afin d explorer notamment les extensions de sites déjà reconnus. Ainsi, une zone de 3 ha située au sud-est du site de Fond de Momalle, secteur I, et qui avait été fouillé en 1996 (Bosquet, Fock & Preud homme, 1997) (fig. 1), devait requérir toute notre attention. Même si l affectation temporaire du secteur à un dépôt de matériaux lourds ne présentait pas de danger immédiat pour le sous-sol, la compression exercée par un stockage d une hauteur avoisinant les 14 m allait détruire tout vestige archéologique. L évaluation systématique, entamée le 22 janvier 1998, révéla rapidement une forte concentration de structures, fosses et trous de poteau. Un décapage extensif couvrant 6250 m² permit de découvrir 515 structures néolithiques, ainsi qu une grande fosse (structure n 200, non fouillée), dont le contour du côté sud-ouest reste, en l absence de profils, mal défini (fig. 2). Cependant, des carottages réalisés par K. Fechner (G.I.E.P., ULB) ont permis d en établir la Fig. 1 Remicourt-Fond de Momalle. Situation topographique (Échelle 1 : 50.000). Fond de Momalle I. Campagne 1996 Fond de Momalle III. Campagne 1998

124 H. Fock, Cl. Goffioul & F. Cornélusse Fig. 2 Plan général de la fouille.

Fouille d un habitat rubané à Remicourt, au lieu-dit Fond de Momalle, secteur III 125 profondeur, environ 2 m, et d y récolter un matériel archéologique postérieur à l époque rubanée. Vu le faible délai accordé par l aménageur, fin avril 1998, une véritable fouille de sauvetage s imposa : il fut décidé de recouper en priorité les trous de poteau douteux ainsi qu un maximum de fosses bordant les maisons. Seuls quelques cadrans opposés des fosses les plus riches ont pu être vidés. Le site occupe la partie supérieure d un versant ouest en pente relativement prononcée et constitue probablement le prolongement de l occupation de Momalle I étudiée en 1996. Il est limité au nord par l emprise TGV et au sud par le chemin de remembrement reliant Hodeige à la Chaussée Verte (N 614). Le secteur fouillé couvre l extrémité orientale d un village dont une partie importante, à l ouest de la fouille présentée ici mais aussi au sud du chemin de remembrement, reste à explorer. Depuis la fin des recherches sur le site de Momalle, les fouilles sur le tracé du TGV entre Hélécine et Liège se sont poursuivies sans interruption. Les urgences de terrain interdisant toute étude et tout nettoyage du matériel récolté, le présent article se limite à la présentation d un plan épuré et à l énumération de quelques observations, hypothèses et questions qui découlent d une analyse préliminaire centrée sur les maisons. La datation typologique provisoire de l ensemble se base sur la majorité des tessons portant un décor déterminant. Les maisons Dix maisons de forme rectangulaire ont pu être relevées. Sous réserve de la lecture partielle qu imposent les limites de notre décapage, l ensemble se distingue par la répartition régulière des unités d habitations et leur organisation spatiale de type en rue. La distance moyenne entre les maisons est de 13,65 m; l écartement le plus faible, 7,5 m, s observe entre M8 et M9, le plus large, 22 m, entre M10 et M7. La disposition spatiale quasi parcellaire est accentuée par l absence de structures archéologiques entre les différentes unités maison/fosses associées et par l absence de recoupements entre celles-ci. L orientation générale nord-ouest/sud-est des habitations présente de légers décalages n excédant pas 7 degrés (Soudsky, 1969 : 78). Les orientations identiques de M1-M5-M7-M10 et surtout de M4-M8, situées aux extrémités opposées du décapage, renforcent également l impression d homogénéité de l ensemble. La conservation imparfaite des plans des maisons s explique en partie par un taux d érosion croissant du sud-ouest (30 cm) au nord-est (70 cm) (K. Fechner, comm. pers.). Toutefois, la disparition particulièrement fréquente des façades pour M4, M2, M1 et M5, par opposition à une bonne conservation des poteaux de tierce et, surtout, des poteaux de paroi habituellement moins profondément implantés, témoigne clairement d un choix technique délibéré des constructeurs. La largeur moyenne des habitations se révèle relativement constante, entre 5,9 m et 6,7 m hors tout. Par contre, aucun plan n en détermine la longueur totale. La fréquence et l homogénéité de plusieurs éléments architecturaux caractéristiques (fig. 3) permettent cependant d avancer certaines hypothèses, voire de compléter certains plans inachevés. Parmi ces éléments, on peut citer la distance séparant T2 de T3 (couloir avant, dans 6 cas sur 10), la disposition de T4 occupant l espace central (dans 7 cas avérés sur 10) et, enfin, les distances respectives entre T2-T5 (dans 5 cas sur 10) et T5-T6 (couloir arrière, dans 3 cas avérés sur 10). Le positionnement de M9 dans le diagramme (fig. 3) se base sur l alignement des 4 poteaux ouest par comparaison avec le chevet de M7 (cf. infra), ainsi que sur 4 autres trous de poteau, définis comme tierces sur base des lentilles de compression qu ils présentent et qui ont été observées dans la majorité des trous de poteau de tierces recoupés. L uniformité remarquable du module espace central/couloirs adjacents laisse déjà sous-entendre le respect de normes et d un modèle architectural généralisés pour les dix maisons. La superficie des espaces avant et arrière, la disposition de la façade et l aménagement du chevet sont plus difficilement saisissables, mais paraissent également obéir à une certaine normalisation. Il est à noter que deux chevets, appartenant à M4 et à M10, conservent les vestiges d une tranchée de fondation partielle. Cette technique de construction ne semble cependant pas uniformément appliquée puisqu on observe également des maisons sans tranchées de fondation. Ainsi, l extrémité occidentale de M7, confinée par la disposition des fosses aux alentours, est formée de poteaux plus imposants et espacés suivant le même rythme que les tierces; ils alternaient probablement avec des poteaux d un moindre calibre. Le même procédé a sans doute été utilisé pour le chevet de M8 et de M9. Un indice supplémentaire pouvant corroborer l hypothèse d une normalisation de l espace arrière est fourni par les positions respectives de T7. Acquise dans M4 et M7, celle-ci est désignée par un seul poteau conservé dans M3 et, avec un léger décalage, également pour M9 et M10. M6 se distingue par une disposition apparemment moins cohérente des tierces par rapport au schéma établi, par la présence de deux fosses au sein du bâtiment et par une multiplication exceptionnelle des poteaux, indices probables d une réfection ou d une double occupation du secteur.

126 H. Fock, Cl. Goffioul & F. Cornélusse Les palissades Deux alignements de trous de poteau orientés sud-ouest/nord-est s étendent entre M5 et M8. Leur diamètre varie de 16 cm à 32 cm, leur profondeur ne dépasse pas 22 cm. L espacement moyen est de 1,64 m pour l alignement occidental et d environ 1,10 m pour l oriental. Sans éléments pertinents de datation pour ces trous de poteau, seul leur remplissage, similaire à celui des structures rubanées, peut attester de leur contemporanéité. La clôture orientale, mieux conservée, commence à hauteur de la paroi nord de M5 et entre dans M8. Le segment occidental se perd latéralement vers le sud-ouest, probablement détruit par la fosse 200. A son extrémité nord-est, trois de ses poteaux pénètrent dans M8. Leurs faibles diamètre et profondeur ainsi qu une absence totale d indices de compression écartent, a priori, leur interprétation comme poteaux de tierce et ce malgré leur position à hauteur du couloir arrière de M8 (cf. fig. 3). Si le parallélisme des deux alignements semble attester leur contemporanéité, la question se pose alors quant à leur fonction : éléments de liaison et/ou de séparation internes au village? enclos? On pourrait également imaginer une succession chronologique : d abord, l implantation du segment oriental reliant M5 à M8 et délimitant un secteur nord-ouest d un autre, situé au sud-est; ensuite, érection du segment occidental à fonction équivalente mais entraînant la destruction de M8, une coexistence de la palissade et de la maison étant, a priori, exclue par leur nature même... Au nord de M10 s étend un autre alignement de 5 trous de poteau à section et profondeur faibles. Deux autres trous de poteau à l ouest sont peut-être à mettre en relation avec cette structure, de type palissade ou enclos. Les fosses Fig. 3 Diagramme comparatif des 10 maisons. Dans la moitié septentrionale du site, la majorité des fosses recoupées contient un remplissage alternant rejets humifères (sol d occupation A1) et rejets de substrat limoneux. Les rares rejets détritiques forment généralement le comblement final des structures et comprennent peu d artefacts. De nombreuses fosses contiennent, ou présentent sous leur base, une accumulation impressionnante de fissures drainant un sédiment brun foncé, légèrement argileux. Elles doivent résulter d un phénomène de tassement ou de dessèchement puisque leur tridimensionnalité exclut une interprétation comme bioturbations. En comparaison avec certaines structures recoupées notamment à Alzingen-Grossfeld au Grand-Duché de

Fouille d un habitat rubané à Remicourt, au lieu-dit Fond de Momalle, secteur III 127 Luxembourg (Heim & Jadin, 1991; Jadin et alii, 1991 : 95), leur interprétation comme fosses de fabrication de torchis n est pas à exclure. Une autre caractéristique propre aux fosses observées sur cette partie septentrionale du site de Momalle est une décoloration du substrat en place sous le fond des fosses. La formation de cette lentille décolorée, soulignée d un précipité de fer plus ou moins bien exprimé, est provoquée par le remplissage majoritairement humifère (K. Fechner, comm. pers.). Les fosses associées aux maisons 1 à 4 comportaient, par contre, des rejets détritiques et un matériel archéologique nettement plus importants. En ce qui concerne les chapelets de fosses de constructions, il est intéressant de constater qu ils s arrêtent en général à hauteur de la tierce T2, soit à hauteur du couloir avant : cette caractéristique commune fut d ailleurs prise en considération comme critère supplémentaire lors du positionnement de certaines maisons dans le diagramme (fig. 3). Les structures 555 et 589 montrent le profil spécifique des fosses appelées communément silos : un fond plat à légèrement concave et des parois verticales. De plan ovale à subcirculaire, elles se situent à proximité des maisons, soit le long de la paroi nord, soit à l angle nord-est du bâtiment et donc proches de l entrée. Deux autres fosses, 547 et 649, non recoupées, présentent un plan et une situation similaires. La structure 367 possède, en plan et en profil, les traits caractéristiques des fosses en carène de bateau ou Schlitzgruben. Le remplissage, formé de gros blocs de substrat parmi lesquels s infiltre un sédiment humifère gris-beige à gris-brun, atteste d un remblai rapide. Aucun phénomène annexe (précipités, altération quelconque du substrat,...) ne vient étayer une interprétation comme fosse de tannage ou tan-pit, telle que proposée par P. van de Velde (van de Velde, 1973). Les analyses des prélèvements palynologiques, archéobotaniques et pédologiques apporteront sans doute des informations complémentaires. Deux autres structures, les trous de poteau 387 et 426, posent problèmes. Effectivement, leurs diamètres particulièrement importants, allant de 62 cm à 78 cm, combinés à des profondeurs exceptionnelles de 100-110 cm et une implantation relativement isolée semblent leur imputer une fonction spécifique. Datation, observations, comparaisons, hypothèses et... L organisation parcellisante du village de Momalle III, les similitudes dimensionnelles et morphologiques des maisons ainsi que l absence de recoupements entre les structures d habitations plaident pour une seule occupation. La datation provisoire de Fig. 4 Remicourt-Fond de Momalle III. Céramique provenant de la fosse 542. l ensemble se base sur un échantillon de matériel provenant des fosses 280, 224, 243, 244 et 524. Plusieurs caractéristiques communes aux tessons de céramique fine permettent de les situer dans le Rubané ancien à moyen : absence de décor réalisé au peigne, absence de col, décor du bord inexistant ou limité à un rang, décor principal de la panse essentiellement constitué de rubans rectilignes, rubans ne comportant que de rares impressions ou décors dont des lignes parallèles, des motifs en échelle ou des Notenkopf (fig. 4). Quant au matériel lithique, la matière première utilisée, un silex grenu ou moucheté, combiné à l absence d un silex gris à grain fin de Hesbaye viendrait étayer cette datation (A. Hauzeur, comm. pers.). Le schéma global issu d une superposition des plans partiels relevés sur le site de Momalle III serait celui d une maison tripartite, d une largeur moyenne de 6,33 m hors tout et d une longueur minimale de 20,5 m. Elle correspondrait dans la typologie de Modderman à un Grossbau (Coudart, 1998 : fig. 17, 1b). La confrontation de ce schéma avec les plans des deux habitations découvertes sur le site de Momalle I ou celles explorées sur le site En Bia Flo II - à 1 km à l ouest de notre site - (voir Bosquet et Preud homme, ce volume) n apporte aucune information en raison, sans doute, de leur très mauvaise conservation. Par contre, une comparaison modulaire avec la maison 1 de Podrî l Cortri (voir Bosquet et alii, ce volume), située à 1,3 km à l est de Momalle, est particulièrement frappante (fig. 5) : coïncidence du rythme des travées et répartition des compartiments quasi identique, chevauchement exact du couloir avant et surtout respect d une même obliquité pour la seconde et la troisième tierce. L attribution de cette habitation au Rubané moyen permet de conclure à la persistance et la

128 H. Fock, Cl. Goffioul & F. Cornélusse généralisation du même modèle architectural dans un contexte particulier. Dans ce sens aussi, il serait tentant d interpréter l obliquité caractéristique des T3 et T4 comme la réminescence de la tierce en Y du Rubané ancien-moyen; une évolution dans ce sens avait d ailleurs été proposée par D. von Brandt (von Brandt, 1983 : fig. 2). Compte tenu de l attribution du site de Momalle III aux phases anciennes du Rubané, plusieurs observations quant à une liaison éventuelle avec le site de Momalle I s imposent. D abord, la datation de Momalle I au Rubané moyen-récent sous-entend un déplacement de l occupation du sud vers le nord. Ensuite, la présence d une tierce en Y dans la maison 1 de Momalle I infirmerait l évolution vers une tierce en oblique telle que suggérée plus haut. Enfin, la pauvreté en matériel archéologique présente une particularité commune frappante pour les deux sites. Conclusion Le site de Momalle III présente deux caractéristiques tout à fait originales pour le Rubané hesbignon. D abord, l agencement de type en rue des unités d habitation qui fait penser à celui du village de Cuirylès-Chaudardes (Aisne, France) appartenant au Rubané récent du Bassin parisien (Ilett et alii, 1986). Ensuite, la normalisation excessive des maisons qui pourrait impliquer une unité de mesure commune. Dans ce même esprit, le rapprochement avec l analyse des plans de fossés par P.-L. van Berg s imposerait (van Berg, 1989). En l absence de fouilles extensives complémentaires se pose la question de la représentativité des découvertes : l étude du fonctionnement du site d habitat, de son organisation, de son développement ainsi que de sa relation avec Momalle I reste obligatoirement provisoire et partielle. L analyse finale doit dès lors se centrer sur les ensembles maison/fosses associées afin de dégager d éventuelles incohérences chronologiques et, sur base des rejets détritiques, des traces d activités domestiques ou artisanales particulières. Fig. 5 Comparaison entre M3/M4/M10 de Momalle III, et la maison 1 du site de Fexhe-le-Haut-Clocher, au lieudit Podrî l Cortri.

Fouille d un habitat rubané à Remicourt, au lieu-dit Fond de Momalle, secteur III 129 Remerciements Il est évident que ces résultats n auraient pu être obtenus sans le travail efficace et courageux de notre équipe. Nous tenons également à exprimer nos remerciements à É. Dewamme (RW) pour son aide précieuse lors de l enregistrement du plan général du site, à l équipe de l IRScNB (A. Van Driessche & D. Bosquet) pour certains enregistrements, notamment topographiques, sur terrain, à A. Hauzeur et I. Jadin pour leurs précieux conseils offerts sur terrain et lors de la réalisation de cet article, à S. Lambermont (Association wallonne de Paléoantropologie) pour le dessin du matériel archéologique, à A. Van Driessche encore pour le traitement inforgraphique des illustrations et, enfin, à H. Remy, pour son soutien moral lors des négociations parfois difficiles liées à la situation spécifique du terrain loué par TUC Rail. JADIN I., CAUWE N., SCHROEDER F. & L. & SPIER F., 1991. Contribution à l étude du néolithique ancien de la Moselle : fouille d un nouveau site rubané à Alzingen- Grossfeld (Grand-Duché de Luxembourg). Notae Praehistoricae, 11 : 93-102. SOUDSKÝ B., 1969. Étude de la maison néolithique. Slovenská Archeólogia, 17 (1) : 5-96. VAN BERG P.-L., 1989. Architecture et géométrie de quelques villages rubanés récents du Nord-Ouest. Helinium, 29 : 13-41. VAN DE VELDE P., 1973. Rituals, skins and homer : the Danubian tan-pits. Analecta Praehistorica Leidensia, VI : 50-65. VON BRANDT D., 1983. Das Linearbandkeramische Haus. Archäologische Informationen, 6 (2) : 63-69. Bibliographie BOSQUET D., FOCK H. & PREUD HOMME D., 1997. Découverte d un village rubané au Fond de Momalle (comm. de Remicourt) (TGV oriental). Notae Praehistoricae, 17 : 111-115. CAHEN D., 1986. Les maisons de l habitat rubané de Darion (comm. de Geer). Archaelogia Belgica, II (2) : 151-160. COUDART A., 1993. De l usage de l architecture domestique et de l anthropologie sociale dans l approche des sociétés néolithiques : l exemple du Néolithique danubien. Le Néolithique du nord-est de la France et des régions limitrophes. Actes du XIIIe colloque interrégional sur le Néolithique, Metz 10-12 octobre 1986. Documents d Archéologie Française, 41. Paris : 114-135. COUDART A., 1998. Architecture et société néolithique. L unité et la variance de la maison néolithique. Documents d Archéologie Française, 67, Paris. HEIM J. & JADIN I., 1991. Paléobotanique des sites rubanés de Weiler-la-Tour - Holzdreisch et Alzingen- Grossfeld (Grand-Duché de Luxembourg). Bulletin de la Société préhistorique Luxembourgeoise, 13 : 37-58. ILETT M., PLATEAUX M. & COUDART A., 1986. Douze années de sauvetage dans la vallée de l Aisne. Analyse spatiale des habitats du Rubané récent. Problèmes actuels. In : Demoule J.-P. & Guilaine J. (éd.)., Le néolithique de la France. Hommage à Gérard Bailloud. Paris : 131-140. Claire Goffioul Fabien Cornélusse Direction de l Archéologie Ministère de la Région Wallonne 1, rue des Brigades d Irlande B - 5100 Jambes Heike Fock Service de l Archéologie de la Direction de Liège avenue des Tilleuls, 62 B - 4000 Liège