1 ère lecture : du livre de lexode (22,20-26) 2 ème lecture : de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens (1,5c-10) Evangile : selon saint Matthieu (22,34-40) Premier commandement : aimer Dieu. Deuxième commandement : aimer son prochain comme soi-même. Face à cette réponse de Jésus Christ au docteur de la Loi, moi aussi jai envie de vous poser une question : pourquoi, à votre avis, dans lévangile de ce dimanche, Jésus Christ ne parle pas plutôt dun seul et unique commandement, celui daimer Dieu et son prochain, au lieu de les distinguer en deux commandements?!? Il aurait pu très bien résumer le tout dans le fait daimer Dieu dune part, et daimer son prochain comme soi-même de lautre, en les situant sur un même plan. Main non, il a voulu garder une hiérarchie : Dieu dabord, premier commandement, et son prochain comme soi-même ensuite, deuxième commandement. Pourquoi? Si Jésus Christ met lamour de Dieu le premier, cest pour nous révéler que cet amour est la condition nécessaire et indispensable pour tout autre véritable amour. Et cela doit nous interpeller très sérieusement parce que ça veut dire que si je 1 / 6
nai pas une profonde intimité avec Dieu, lamour que je porte à moi-même, lamour que je porte à ma femme, à mon mari, à mes enfants, à mes parents, lamour que je porte à mon évêque, à mon curé, à vous mes paroissiens, à mon prochain tout court, cest un amour quelque part imparfait. Voilà pourquoi la nécessité daimer Dieu pour pouvoir aimer son prochain, pour arriver à laimer correctement. Mais alors comment sexplique le fait que, tous sûrement, nous connaissons des gens autour de nous qui se disent athées, et qui aiment leur prochain autant sinon plus que nous qui nous disons chrétiens. Là il faut tout dabord faire deux grandes distinctions. La première cest la distinction entre baptisé et chrétien : nous tous ici présents, jimagine, un jour nous avons été baptisés et, même si la plupart étions encore bébé, pour sen rappeler il est facile détablir qui la été ou qui ne la pas été, grâce aux registres des baptêmes. Beaucoup moins évident est de savoir si notre baptême a rejoint son âge adulte, sa maturité, ou sil est resté à un stade encore embryonnaire. Je veux dire par-là que je peux être baptisé sans pour cela être forcement chrétien, cest-à-dire sans forcement porter en moi les traits du Christ ressuscité, les traits de son amour inconditionnel. Etre 2 / 6
chrétiens ne signifie pas avoir son nom inscrit dans quelque registre paroissial, mais cest être icône du Christ au milieu de notre génération. Je ne voudrais pas vous choquer mais le baptême, par lui-même, ne suffit pas à nous conférer cette qualité damour ; allez visiter les prisons, par exemple, et vous constaterez quelle sont pleines de baptisés! Donc sil faut faire une comparaison, ce nest pas entre un athée et un baptisé, mais plutôt entre un athée et un chrétien, quelquun qui est adulte dans sa foi. Dailleurs, est-ce que cest correct de parler d athéisme? Saint Paul dans la deuxième lecture utilise plutôt le terme d idolâtrie, parce que tous au fond nous sommes croyants, même ceux qui se disent athées. Seulement il y a ceux qui croient et qui sappuient sur Dieu et il y a les autres qui sappuient qui sur eux-même, qui sur largent, qui sur le pouvoir, qui sur le succès toutes des fausses sécurités, tous des faux dieux. Voilà la deuxième distinction que je voulais introduire, celle entre croyant en Dieu et idolâtre. Pour savoir alors où me placer, pour savoir si je suis chrétien, adulte dans ma foi, ou si inconsciemment je suis quelque part idolâtre, il suffit de voir où est mon cur. Où est ton cur? Où est-ce quil repose? 3 / 6
Mon coeur repose en Dieu, dans lépaisseur de son amour pour moi, où il repose dans lépaisseur de mon portefeuille, plutôt? Est-ce que jarrive à lui faire confiance, à croire que Dieu est bon avec moi et que dans ma vie il ne permettra jamais, même dans les moments les plus difficiles, ce qui pourrait être un empêchement à mon véritable bonheur? Comment je réagis, par exemple, quand je suis au volant de ma voiture et voilà quelquun qui me coupe la priorité? Comment je réagis dès que mon chef mhumilie devant les autres collègues, ou que mon mari me fait une remarque sur ma cuisine ou sur ma dernière coupe de cheveux? La cerise sur le gâteau cest quand il ajoute avec un petit sourire au coin de la bouche : «et combien tas payé pour cette horreur?!?». Je ne vous dis pas si par hasard il lâche : «combien jai payé pour cette horreur?», alors là cest la catastrophe, cest la totale : «Ça suffit, jen ai marre, je fais mes bagages et je rentre chez ma mère!», et en réponse : «Voilà, tu as raison, rentre chez cette vipère de ta mère!». 4 / 6
Je ne sais pas ici, mais en Italie dès quil y a une dispute, un conflit dans le couple, celle qui en ramasse le plus cest toujours la belle-mère Cest presque devenu un sport national de tirer sur la belle-mère, et il ne faut même pas attendre louverture de la chasse! on lui tire dessus 12 mois sur 12, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24! Et bien, si à ce moment-là Dieu nest pas le premier dans ma vie, si son amour ne me suffit pas, dans des conditions pareilles je me retrouverai sans doute cassé! Vous comprenez alors que si Dieu nous demande de laimer le premier cest justement pour nous protéger, pour éviter que lamour que je porte envers moi-même et envers les personnes qui mentourent ne soit un amour idolâtre, cest-à-dire un amour qui plutôt quépanouir mon coeur dans la confiance et la paix létoufferait dans la peur et le sentiment dinsécurité. Il nest pas possible daimer véritablement lhomme sans passer par Dieu ; un des risques serait que derrière un amour simplement horizontal du prochain, un amour purement philanthropique, pourrait facilement se glisser un amour désordonné de soi-même, et dune manière très subtile la recherche de son propre intérêt. 5 / 6
Si je peux aimer mon prochain malgré les nombreuses différences qui pourraient nous séparer, cest parce que par la foi jai la conscience quil est aimé par Dieu autant que moi. Sans une commune paternité, la base réelle et essentielle dune possible fraternité entre les hommes vient à manquer. Pour ceux alors qui aujourdhui ont découvert quils nont peut-être pas une foi déjà adulte ou qui sont encore embourbés dans leurs petites ou grandes idolâtries, dans leurs fausses sécurités, il y a une bonne nouvelle : maintenant nous savons où est la racine de notre tristesse, de nos peurs, de nos inquiétudes, et nous pouvons réagir en demandant à Dieu de nous apprendre à lui faire confiance, de nous apprendre à nous abandonner entre ses bras et à croire sans hésitation en son amour paternel. Peut-être que cest aujourdhui que le Seigneur a prévu, pour certains parmi nous, la grâce dune conversion sincère du cur ; ne laissons pas glisser entre les doigts cette occasion, mais saisissons-là! Abbé Pietro CASTRONOVO Vicaire à Saint-Martin 6 / 6