par Charles de Gaulle, les 18 et 26 juin 1940 Tirés du livre LES 50 DISCOURS QUI ONT MARQUÉ LA 2 e GUERRE MONDIALE



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Transcription:

Quoiqu il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s éteindre, et ne s éteindra pas et La France livrée, la France pillée, la France asservie par Charles de Gaulle, les 18 et 26 juin 1940 Tirés du livre LES 50 DISCOURS QUI ONT MARQUÉ LA 2 e GUERRE MONDIALE Édition établie par Dominique Mongin

Édition établie et présentée par Dominique Mongin Les 50 discours qui ont marqué la 2 e Guerre mondiale Préface de Maurice Vaïsse André Versaille éditeur

II «Guerre éclair», «drôle de guerre», 173 nous n avons pas cru devoir le délier. La Chambre aura pris connaissance de la déclaration historique dans laquelle, suivant le désir de nombreux Français et celui de nos propres cœurs nous avons proclamé notre volonté, à l heure la plus sombre de l histoire de France, de conclure pour cette guerre une union franco-britannique avec citoyenneté commune. Aussi, quoi qu il advienne en France, avec le gouvernement actuel, ou avec tout autre gouvernement français, nous tous, sur cette île et dans l Empire, ne renierons jamais la fraternité qui nous unit au peuple français. Si nous devons endurer les maux qui ont accablé les Français, nous imiterons leur courage, et si la victoire vient finalement récompenser nos peines, oui, ils en partageront les gains avec nous, et la liberté sera rendue à tous. Nous ne renonçons à aucune de nos revendications légitimes ; nous ne reculons pas d un pouce, pas d un iota. Les Tchèques, les Polonais, les Norvégiens, les Hollandais et les Belges ont lié leur sort au nôtre : tous seront un jour rétablis dans leurs droits. Ce que le général Weygand a appelé la bataille de France a pris fin. Je m attends à ce que la bataille d Angleterre commence d un moment à l autre. De cette bataille dépend la survie de la civilisation chrétienne. De cette bataille dépendent notre propre vie et la pérennité de nos institutions et de notre Empire. Toute la rage et toute la force de l ennemi seront très bientôt dirigées contre nous. Hitler sait bien qu il doit nous vaincre sur cette île, ou bien perdre la guerre. Si nous parvenons à lui tenir tête, l Europe tout entière recouvrera un jour sa liberté et le monde pourra poursuivre son chemin sur de vastes hauteurs ensoleillées. Mais si nous échouons, alors le monde entier, y compris les États-Unis, y compris tout ce que nous avons connu et aimé, sombrera dans les abysses d un nouvel âge obscur, que les lumières d une science pervertie rendront plus sinistre et peut-être plus long encore. Rassemblons donc nos forces au service de nos devoirs et comportons-nous de telle façon que si l Empire britannique et son Commonwealth durent mille ans encore, les hommes continuent de dire, encore et toujours : «Ce fut leur plus belle heure.» && Ce même 18 juin 1940, et sur les mêmes ondes radiophoniques de la Bbc, le général Charles de Gaulle prononce à 18 heures un discours de résistance qui va rester gravé dans la mémoire collective française (et au-delà des frontières) d une façon assez paradoxale, puisque peu de Français ont pu l écouter, même si la radio britannique bénéficie d un certain taux d écoute dans le Nord et l Ouest de la France. La Bbc rediffusera quatre fois ce discours le lendemain. De plus, il n en existe pas d enregistrement, la raison invoquée à l époque par la Bbc est que tous les moyens techniques étaient mobilisés pour «couvrir» la prestation de Churchill devant la Chambre des communes, qui, quant à elle, aura de nombreux

174 Les 50 discours qui ont marqué la 2 e Guerre mondiale auditeurs. En tout cas, de Gaulle a très vite compris combien l outil radiophonique pouvait soutenir sa démarche. Il n en demeure pas moins que cette allocution est un acte fondateur, acte de résistance à la domination nazie qui s étend sur toute l Europe continentale, bientôt acte de résistance à un régime de collaboration qui se met en place en France. Si de Gaulle peut prononcer ce discours à la Bbc, c est grâce à Churchill qui apprécie cet officier et sa détermination (il l avait vu lors de la journée du 16 juin évoquée plus haut), mais il a dû vaincre les réticences du cabinet de guerre pour imposer cette intervention sur les ondes. Il faut dire que la «défection» militaire de la France a été très mal ressentie par les Britanniques, alimentant ici et là des réactions francophobes. Charles de Gaulle (1890-1970), qui n a pas encore 50 ans, a acquis dans les années 1930 une certaine notoriété au sein de l appareil d État français. Après la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle il fut blessé et fait prisonnier par les Allemands, il milita activement pour la création en France d une force blindée et mécanisée autonome qui ne serait pas une force supplétive (à l infanterie et à l artillerie), mais bien le fer de lance de la manœuvre militaire, reposant dès lors sur une stratégie offensive et sur des chefs résolus. C est avec le soutien du maréchal Pétain qu il put faire prospérer sa réflexion, de Gaulle ayant été l un de ses collaborateurs directs dans les années 1920 et les années 1930, tant au sein du Conseil supérieur de la guerre que du Conseil supérieur de la Défense nationale. De Gaulle eut ainsi la liberté de publier plusieurs ouvrages : La Discorde chez l ennemi (1924), Le Fil de l épée (1932), Vers l armée de métier (1934) et La France et son armée (1938) ; ce dernier livre finit par le brouiller avec Pétain. Parallèlement, il est parvenu à gagner à sa cause quelques décideurs politiques, au premier rang desquels Paul Reynaud, qui appela ce général iconoclaste à ses côtés, début juin 1940, et le fit entrer dans son gouvernement. Comme il en avait convenu avec Churchill, de Gaulle a attendu que le gouvernement de Pétain demande l armistice aux Allemands avant de s exprimer à la Bbc. Dans la «version officielle», celle du moins qui figure dans les Mémoires de guerre (et qui est reprise ici), les deux premières phrases de son allocution se concentrent sur le rôle des chefs militaires français qui, ayant une part de responsabilité dans la défaite de la France, se retrouvent désormais au gouvernement pour demander de cesser le combat. «Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s est mis en rapport avec l ennemi pour cesser le combat», dit-il. De Gaulle souligne ainsi le caractère incroyable de la situation ; en tant qu officier, en tant que combattant, il ne peut l accepter, d autant moins que c est un chef militaire prestigieux qui est désormais à la tête du gouvernement et qui se montre prêt à déposer les armes. En fait, à la demande du gouvernement britannique, les deux premières phrases, jugées trop lourdes de sens et trop critiques à l égard de Pétain, ont été corrigées et atténuées. C est d ailleurs par ces deux phrases corrigées que commence le texte de l Appel, tel que repris par le quotidien régional Le Petit Provençal dans son édition du

II «Guerre éclair», «drôle de guerre», 175 19 juin 1940 : «Le gouvernement a demandé à l ennemi à quelles conditions pourrait cesser le combat. Il a déclaré que si ces conditions étaient contraires à l honneur, à la dignité, à l indépendance de la France, la lutte devrait continuer.» 31 Comme l appel du 18 juin n a pas été enregistré, un doute s est instauré après la guerre sur ces deux premières phrases. Récemment encore, dans ses Mémoires, le fils du général se montrait sceptique quant au remplacement de ces deux phrases par une version atténuée, tout en n excluant pas que des journalistes l aient fait lors de la reprise de ce discours par la presse 32. La confusion fut d ailleurs entretenue à l époque par le fait que la presse britannique avait publié la version initiale du texte du général de Gaulle 33. Il n en reste pas moins que, comme on va le voir, de Gaulle n était pas, le 18 juin 1940, dans une position de rupture totale avec le pouvoir en place en France. Dans la suite de son discours, de Gaulle démontre que les moyens qui ont fait cruellement défaut à la France face à l ennemi la force mécanique, terrestre et aérienne, et une tactique adaptée peuvent se retourner contre l ennemi si on a la volonté de le faire, car il n y a pas de défaite qui soit définitive. «Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire», déclare-t-il. Pour ce faire, il indique que contrairement à ce que pourraient penser nombre de ses concitoyens «la France n est pas seule!», et il répète trois fois ce qui lui paraît être une évidence, comme pour mieux en convaincre à la fois ceux qui sont restés en France métropolitaine et ceux qui se trouvent en territoire britannique (notamment les soldats du corps expéditionnaire français de Norvège). À tous, il explique que le combat peut continuer grâce l Empire français, mais aussi grâce à l Empire britannique, avec le soutien de la puissance (industrielle) des États-Unis d Amérique. Dans ces conditions, le général de Gaulle peut faire valoir que la guerre ne s est pas terminée pour la France avec les combats qui viennent d avoir lieu sur le territoire métropolitain (la bataille de France), mais qu elle se poursuit à une autre échelle, car «cette guerre est une guerre mondiale». La force de l intervention de Charles de Gaulle réside bien là : il propose une réelle alternative. Et il prend le pari que la guerre a une dimension mondiale, ce qui n allait pas de soi à l époque. Toutefois, si de Gaulle est le chantre de cette politique alternative, il ne se présente pas encore comme étant la seule autorité politique alternative, comme le seul chef. Il «invite» les officiers et les soldats, les ingénieurs et les ouvriers spécialisés des industries d armement à «se mettre en rapport» avec lui. Il se met dans une situation où il lance un appel à la résistance, mais ne prétend pas (encore) en prendre la tête ; et il insiste pour rester (en apparence) dans un cadre légaliste. Son but premier est la poursuite du combat, l instauration d une véritable politique de résistance à l ennemi : «Quoi 31 Cité dans le Dictionnaire historique de la Résistance (sous la direction de François Marcot), éd. Robert Laffont, 2006, coll. Bouquins, p. 1028. 32 Philippe de Gaulle, De Gaulle, mon père (entretiens avec Michel Tauriac), éd. Plon, 2003, p. 136 et 137. 33 Voir le Dictionnaire De Gaulle (sous la direction de Claire Andrieu, Philippe Braud et Guillaume Piketty), éd. Robert Laffont, 2006, coll. Bouquins, p. 47 à 51.

176 Les 50 discours qui ont marqué la 2 e Guerre mondiale qu il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s éteindre et ne s éteindra pas», mais, en disant cela, il est conscient de parler «au nom de la France». Et parallèlement à ce discours très fort et sans ambiguïté, il entreprend des démarches de la dernière chance auprès des plus hautes autorités militaires françaises. À l époque, de Gaulle est prêt c est du moins ce qu il dit dans ses Mémoires de guerre à se rallier au «grand chef» qui accepterait de prendre la tête du mouvement de résistance à l ennemi et donc de refuser l armistice. Même si de Gaulle avait l intime conviction qu elles ne répondraient pas par l affirmative à sa démarche, il eut l obligeance de le faire et cela est un fait avéré. Il racontera lui-même les démarches qu il a entreprises dans ce sens auprès du gouvernement Pétain, le 17 juin (alors qu il était déjà à Londres) «N y eût-il que la plus faible chance, il fallait la ménager. C est pour cela que, dès mon arrivée à Londres, le 17 après-midi, je télégraphiai à Bordeaux pour m offrir à poursuivre, dans la capitale anglaise, les négociations que j avais commencées la veille au sujet du matériel en provenance des États-Unis, des prisonniers allemands et des transports vers l Afrique» 34 ; puis, le 19 juin, auprès du général Noguès, commandant en chef en Afrique du Nord et résident général au Maroc, auquel il adressa le télégramme suivant : «Suis à Londres en contact officieux et direct avec gouvernement britannique. Me tiens à votre disposition, soit pour combattre sous vos ordres, soit pour toute démarche qui pourrait vous paraître utile» 35 (de Gaulle fait d ailleurs mention de «l Afrique de Noguès» dans son discours du 19 juin) ; et, enfin, le 20 juin, auprès du général Weygand, devenu ministre de la Défense nationale, à qui il écrit que si la «capitulation» est signée (en fait, ce sera un «armistice», et il sera signé le 22 juin), «je me joindrais à toute résistance française qui s organiserait où que ce soit», puis il propose ses services en soulignant : «mes rapports personnels avec le gouvernement britannique en particulier avec M. Churchill pourraient me permettre d être utile à vous-même ou à toute autre personnalité française qui voudrait se mettre à la tête de la résistance française continuée» 36. Dans les trois cas de figure, de Gaulle allait se heurter à des fins de non-recevoir, plus ou moins abruptes. En effet, le «cadre légaliste» dans lequel de Gaulle avait tenu à s inscrire dans un premier temps et pour la forme, car il ne devait guère se faire d illusion sur les réponses qu il recevrait allait très vite s effondrer. À sa première missive du 17 juin, il reçut une réponse le sommant de rentrer sans délai en France, et sa lettre du 20 juin lui sera retournée au mois de septembre, mais adressée au «colonel en retraite de Gaulle» (!), accompagnée d un papillon lui indiquant que s il voulait communiquer avec le général Weygand, il devait le faire par «la voie régulière» Entre-temps, l ambassade de France à Londres lui notifia l ordre de se constituer prisonnier, afin d être jugé par le Conseil de guerre (qui le condamnera par contumace à la peine de mort). Concernant la «solution» Noguès, la situation était quelque peu différente, 34 Charles de Gaulle, Mémoires de guerre L'Appel 1940-1942, éd. Plon, 1954, rééd. Presses Pocket, 1989, p. 89. 35 Ibid., p. 330. 36 Ibid., p. 331.

II «Guerre éclair», «drôle de guerre», 177 puisque cet officier général avait fait savoir qu il se tenait prêt à continuer le combat en Afrique du Nord. Cette possibilité était d autant plus crédible que les différentes autorités de l Empire étaient prêtes à le suivre. Le général Noguès tiendra encore cette position le 25 juin (donc après l armistice), mais il allait finalement plier peu après devant les injonctions de Pétain et Weygand. Ainsi, les «deux fers au feu» que de Gaulle avait menés en parallèle en direction de Weygand et de Noguès n ayant plus lieu d être, la situation s éclaircissait d un coup pour celui qui allait s imposer comme le chef de la France libre. Ainsi, contrastant avec une légende forgée par la suite, l appel du 18 juin acte emblématique de la résistance gaulliste s il en est s inscrit à cette date dans un cadre légaliste (du moins en apparence) et non dans une stratégie de rupture frontale. Ce n est qu à partir du 26 juin [voir discours n 21] que de Gaulle peut se considérer comme étant délié de toute soumission à une quelconque hiérarchie politique et militaire, qui désormais n a plus aucune légitimité à ses yeux. Toutefois, le 18 juin, c est un homme seul qui prend la décision de proclamer la résistance à outrance et qui ne se fait pas d illusion sur le ralliement des «grands chefs» militaires à ce mouvement. À court terme, le discours prononcé par de Gaulle le 18 juin n aura que peu de répercussion, il sera très peu écouté et lu (mais quelques quotidiens régionaux en feront état, on l a vu) et ne provoquera pas de ralliements massifs, d autant que la débâcle a créé un véritable traumatisme au sein de la population française, qui dans son ensemble aspire à la fin des combats. La portée mobilisatrice de cet appel et de ceux qui suivent aussitôt apparaît donc «infime» 37. Mais l appel du 18 juin va devenir très vite un acte fondateur, un symbole de la résistance, un «phare» et une source d espoir pour nombre de Français qui s efforceront d écouter tout au long de la guerre les autres «appels» du général de Gaulle à la radio de Londres. 20 Charles de Gaulle «Quoi qu il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s éteindre et ne s éteindra pas» 18 juin 1940 Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s est mis en rapport avec l ennemi pour cesser le combat. Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l ennemi. 37 Selon l expression de Bruno Leroux dans le Dictionnaire historique de la Résistance, op. cit., p. 593.

178 Les 50 discours qui ont marqué la 2 e Guerre mondiale Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd hui. Mais le dernier mot est-il dit? L espérance doit-elle disparaître? La défaite est-elle définitive? Non! Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire. Car la France n est pas seule! Elle n est pas seule! Elle n est pas seule! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l Angleterre, utiliser sans limites l immense industrie des États-Unis. Cette guerre n est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n empêchent pas qu il y a, dans l univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là. Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s y trouver, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s éteindre et ne s éteindra pas. Demain, comme aujourd hui, je parlerai à la Radio de Londres. && Le «véritable» discours de rupture du général de Gaulle est celui qu il prononce le 26 juin 1940. Il se veut une réponse à l allocution que le maréchal Pétain a prononcée la veille pour justifier l armistice (entré en vigueur le 25 juin). Après cet acte de soumission, cet acte déshonorant, la rupture ne peut être que totale. Il lui parle de «soldat à soldat», mais aussi désormais «d égal à égal», ce qui lui permet de se poser comme la seule alternative pour sauver la France. «Monsieur le Maréchal, dans ces heures de honte et de colère pour la Patrie, il faut qu une voix vous réponde. Ce soir, cette voix sera la mienne», martèle-t-il. Faisant référence aux qualités militaires dont avait fait preuve Pétain au cours de la Première Guerre mondiale, de Gaulle veut souligner à quel point l armistice qu il vient de

II «Guerre éclair», «drôle de guerre», 179 conclure avec les Allemands est d autant plus inacceptable pour un officier tel que lui : «Ah! pour obtenir et pour accepter un pareil acte d asservissement, on n avait pas besoin de vous, Monsieur le Maréchal, on n avait pas besoin du vainqueur de Verdun ; n importe qui aurait suffi.» Concernant l infériorité militaire française qui, selon Pétain, aurait causé la défaite de la France, de Gaulle tient à rappeler que cette infériorité tenait à «un système militaire mauvais», reposant sur une stratégie défensive, système dont «la plus haute personnalité» était précisément le maréchal Pétain. Or, ce dernier a été incapable, affirme de Gaulle, de mettre en œuvre «la réforme indispensable» dudit système, qui aurait dû reposer sur «la force mécanique offensive et manœuvrière», ce qui permit aux forces allemandes de prendre l avantage sur les forces françaises, et ce pourquoi de Gaulle avait milité tout au long des années 1930. S ensuit une condamnation très nette de l armistice par l homme du 18 juin contre cet «acte d asservissement» et ses conditions d autant plus déshonorantes et inacceptables que la France conserve des atouts dont le gouvernement Pétain n a pas voulu tenir compte : l Empire français, l Empire britannique et le potentiel des États-Unis. Dans ces conditions, comment Pétain peut-il prétendre «relever» le pays avec «la France livrée, la France pillée, la France asservie»?, se demande le général de Gaulle. Et d enchaîner par l œuvre de relèvement militaire et politique à laquelle lui, de Gaulle, va désormais s atteler, «dans la liberté», c est-à-dire en dehors du gouvernement qui vient de se soumettre à l ennemi, et en perspective de la victoire finale. Et cette victoire va reposer pour de Gaulle en premier lieu sur l entente franco-britannique et le soutien de Winston Churchill. «Naufragé de la désolation sur les rivages de l Angleterre, qu aurais-je pu faire sans son concours?», écrira plus tard le général de Gaulle 38. Et à partir du 28 juin, le gouvernement britannique reconnaît de Gaulle «comme le chef de tous les Français libres, où qu ils se trouvent, qui se rallient à lui pour la défense de la cause alliée». À l époque, 30 000 militaires français sont en transit en Angleterre, mais ils souhaitent, pour la plupart, rentrer en France. Seul un petit nombre, en particulier issu du corps expéditionnaire français de Norvège, choisit de se rallier au chef de la France libre. À cela s ajoute le ralliement d individus qui décident spontanément de venir à Londres. On peut citer notamment le cas des 133 marins de l île de Sein. Début juillet 1940, de Gaulle crée les Forces françaises libres (Ffl), terrestres, maritimes et aériennes, qui, au total, compteront 7 000 individus à la fin de ce même mois. Les Ffl seront reconnues par Churchill par un accord bilatéral avec de Gaulle, le 7 août 1940. Parallèlement, le premier agent du deuxième bureau (en charge des activités de renseignement) de la France libre a été introduit clandestinement en France dès le mois de juillet. Si l appel du 18 juin est l acte fondateur du mouvement de résistance qui va s incarner tout au long de la Deuxième Guerre mondiale dans la France libre, il l est également du gaullisme, mouvement politique, qui après la guerre 38 Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, op. cit., p. 89.

180 Les 50 discours qui ont marqué la 2 e Guerre mondiale prendra forme autour du Rpf (Rassemblement pour la France), puis atteindra une nouvelle dimension lorsque Charles de Gaulle accédera à la présidence de la Cinquième République qu il aura tenue sur les fonts baptismaux en 1958. C est d ailleurs avec la Cinquième République que la figure du général de Gaulle va occuper la première place en France dans le «palmarès de la mémoire nationale». Ainsi, dans un sondage, à la question «Si vous pouviez vous entretenir pendant une heure avec un personnage célèbre de l histoire de France, qui choisiriez-vous?», Charles de Gaulle obtient 29 % des voix en 1999 (devançant Napoléon et Louis XIV), 22 % en 1987 (devançant François Mitterrand et Napoléon), mais seulement 1 % en 1948 (devancé alors de loin par Napoléon, Henri IV et Jeanne d Arc) 39. Intégré aux rites commémoratifs de la République, l appel du 18 juin est célébré chaque année par le président de la République française au Mont-Valérien, lieu où de nombreux résistants furent exécutés pendant la guerre par l occupant nazi. Dans la «mémoire collective», l appel du 18 juin (dont le texte est souvent confondu avec l affiche qui fut diffusée à Londres à partir de juillet 1940, où il est écrit : «La France a perdu une bataille! Mais la France n a pas perdu la guerre!») resta attaché à l acte de résistance absolu impulsé par le général de Gaulle, qui lança dès le 18 juin 1941 le rite commémoratif, en déclarant qu à cette date, un an plus tôt, naissait «la France libre». 21 Charles de Gaulle «La France livrée, la France pillée, la France asservie» 26 juin 1940 Monsieur le Maréchal, par les ondes, au-dessus de la mer, c est un soldat français qui va vous parler. Hier, j ai entendu votre voix que je connais bien et, non sans émotion, j ai écouté ce que vous disiez aux Français pour justifier ce que vous avez fait. Vous avez d abord dépeint l infériorité militaire qui a causé notre défaite. Puis, vous avez dit qu en présence d une situation jugée désespérée vous aviez pris le pouvoir pour obtenir des ennemis un armistice honorable. Vous avez ensuite déclaré que, devant les conditions posées par l ennemi, il n y avait pas eu d autre alternative que de les accepter en restant à Bordeaux ou de les refuser et passer dans l Empire pour y poursuivre la guerre, et que vous avez cru devoir rester à Bordeaux. 39 Philippe Joutard et Jean Lecuir, «Le palmarès de la mémoire nationale», in L Histoire, n 242, avril 2000.

II «Guerre éclair», «drôle de guerre», 181 Enfin, vous avez reconnu que le sort du peuple français allait être très cruel, mais vous avez convié ce peuple à se relever malgré tout par le travail et la discipline. Monsieur le Maréchal, dans ces heures de honte et de colère pour la Patrie, il faut qu une voix vous réponde. Ce soir, cette voix sera la mienne. En effet, notre infériorité militaire s est révélée terrible. Mais cette infériorité, à quoi tenait-elle? Elle tenait à un système militaire mauvais. La France a été foudroyée, non point du tout par le nombre des effectifs allemands, non point du tout par leur courage supérieur, mais uniquement par la force mécanique offensive et manœuvrière de l ennemi. Cela, tous les combattants le savent. Si la France n avait pas cette force mécanique, si elle s était donné une armée purement défensive, une armée de position, à qui la faute, Monsieur le Maréchal? Vous qui avez présidé à notre organisation militaire après la guerre de 1914-1918, vous qui fûtes généralissime jusqu en 1932, vous qui fûtes ministre de la Guerre en 1935, vous qui étiez la plus haute personnalité militaire de notre pays, avez-vous jamais soutenu, demandé, exigé la réforme indispensable de ce système mauvais? Cependant, vous appuyant sur les glorieux services que vous avez rendus pendant l autre guerre, vous avez revendiqué la responsabilité de demander l armistice à l ennemi. On vous a fait croire, Monsieur le Maréchal, que cet armistice, demandé à des soldats par le grand soldat que vous êtes, serait honorable pour la France. Je pense que maintenant vous êtes fixé. Cet armistice est déshonorant. Les deux tiers du territoire livrés à l occupation de l ennemi et de quel ennemi! Notre armée démobilisée. Nos officiers et nos soldats prisonniers maintenus en captivité. Notre flotte, nos avions, nos chars, nos armes, à livrer intacts, pour que l adversaire puisse s en servir contre nos propres Alliés. La Patrie, le gouvernement, vous-même, réduits à la servitude. Ah! Pour obtenir et pour accepter un pareil acte d asservissement, on n avait pas besoin de vous, Monsieur le Maréchal, on n avait pas besoin du vainqueur de Verdun ; n importe qui aurait suffi. Mais vous avez jugé, dites-vous, que vous pouviez, que vous deviez y souscrire. Vous avez tenu pour absurde toute prolongation de la résistance dans l Empire. Vous avez considéré comme dérisoire l effort que fournit et celui que fournira notre allié, l Empire britannique. Vous avez renoncé d avance aux ressources offertes par l immense Amérique. Vous avez joué, perdu, jeté nos cartes, fait vider nos poches, comme s il ne nous restait aucun atout. Il y a là l effet d une sorte de découragement profond, de scepticisme morose, qui a été pour beaucoup dans la liquéfaction des suprêmes résistances de nos forces métropolitaines. Et c est du même ton, Monsieur le Maréchal, que vous conviez la France livrée, la France pillée, la France asservie, à reprendre son labeur, à se refaire,

182 Les 50 discours qui ont marqué la 2 e Guerre mondiale à se relever. Mais dans quelle atmosphère, par quels moyens, au nom de quoi voulez-vous qu elle se relève sous la botte allemande et l escarpin italien? Oui, la France se relèvera. Elle se relèvera dans la liberté. Elle se relèvera dans la victoire. Dans l Empire, dans le monde, ici même, des forces françaises se forment et s organisent. Un jour viendra où nos armes, reforgées au loin, mais bien aiguisées, se joignant à celles que se feront nos Alliés, et peut-être à d autres encore, reviendront triomphantes sur le sol national. Alors, oui, nous referons la France! && 4. La Grande-Bretagne en guerre, la politique de collaboration et la question des pays neutres Au cours de l été 1940, les pays neutres (ceux qui le sont encore) en Europe continuent à s efforcer de préserver leur indépendance. Ils ne sont donc pas des voies de recours possibles pour les pays occupés par l Allemagne et en particulier pour les mouvements de résistance (du moins officiellement). Plongée dans la guerre, la Grande-Bretagne résiste avec beaucoup de ténacité, comme va le montrer la bataille d Angleterre. Parallèlement, les relations franco-britanniques sont mises à mal par l expédition de Mers el-kébir, mais de Gaulle s emploie à faire en sorte que ce drame ne nuise pas à sa position à Londres. En France, le maréchal Pétain s installe dans une politique de collaboration à outrance avec l occupant allemand. Les pays neutres et la guerre : le cas helvétique À l époque, on compte en Europe cinq pays neutres : la Suède (dont les pays frontaliers à l Est et à l Ouest ont été en guerre), l État libre d Irlande (qui bien que membre du Commonwealth refuse d apporter quelqu aide que ce soit au gouvernement britannique), le Portugal, l Espagne (qui est en fait passée d un statut de neutralité à celui de non-belligérance) et la Confédération helvétique. Le 25 juin 1940, le président de la Confédération helvétique, Marcel Pilet-Golaz (1889-1958), prononce un discours pour rassurer ses concitoyens, le jour même de l entrée en vigueur de l armistice en France et alors que son pays se retrouve complètement isolé en Europe. À 50 ans, Marcel Pilet-Golaz est à la fois président de la Confédération (pour l année en cours et pour la deuxième fois, car il l a déjà été en 1934) et directeur du département Politique (Affaires étrangères). Membre du parti radical (droite), il a été élu au Conseil fédéral à partir de 1928, il a la charge du département de l Intérieur (1928-1931), puis du département des Postes