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Transcription:

PREMIERE CHAMBRE ------- Première section ------- Arrêt n S 2016-0515 Audience publique du 23 février 2016 Prononcé du 25 mars 2016 DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE L AUDE SERVICE DES IMPOTS DES ENTREPRISES (SIE) DE CARCASSONNE Exercices 2005 à 2011 Rapport n 2015-0936-1 République Française, Au nom du peuple français, La Cour, Vu le réquisitoire du 16 juillet 2015, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la première chambre de ladite Cour en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable du service des impôts des entreprises de Carcassonne, ensemble la preuve de sa notification aux parties ; Vu les comptes de la direction départementale des finances publiques (DDFiP) de l Aude rendus pour les exercices 2005 à 2011, y annexés les états de restes à recouvrer établis par M. X, en sa qualité de chef du service des impôts des entreprises de Carcassonne à compter du 27 mai 2010 ; Vu les justifications produites au soutien de ces états annexes, ensemble les pièces recueillies au cours de l instruction ; Vu les observations écrites du 7 octobre 2015 présentées par M. X en réponse au réquisitoire susvisé ; Vu le code de commerce, notamment ses articles L. 622-24, L. 622-26 et L. 624-1 ; Vu le code des juridictions financières ; Vu le livre des procédures fiscales, notamment son article L. 247 ; Vu l article 60 modifié de la loi de finances n 63-156 du 23 février 1963 ; Vu le décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ; Vu le décret n 77-1017 du 1 er septembre 1977 relatif à la responsabilité des receveurs des administrations financières ; Vu le rapport à fin d arrêt n 2015-0936-1 de M. Alain LEVIONNOIS, conseiller référendaire ; Vu les conclusions du Procureur général du 15 février 2016 ;

2 / 7 Entendu, lors de l audience publique du 23 février 2016, M. Alain LEVIONNOIS, en son rapport, M. Bertrand DIRINGER, avocat général, en les conclusions du ministère public, M. X, informé de l audience, n étant ni présent, ni représenté ; Entendu en délibéré M. Daniel-Georges COURTOIS, conseiller maître, en ses observations ; Sur la première charge présumée à l encontre de M. X (affaire M. Y). Exercice 2010 Attendu que, par le réquisitoire susvisé (présomption de charge n 1), le Procureur général a estimé que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X pouvait être mise en jeu, au titre de l exercice 2010, au motif que ce comptable aurait manqué à ses obligations dans le recouvrement d une créance de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 6 136 détenue sur M. Y, entrepreneur individuel ; Sur l existence d un manquement du receveur à ses obligations Sur la règle de droit Attendu qu en application de l article L. 622-24 du code de commerce, «[ ] La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 5427-1 à L. 5427-6 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1. [ ]» ; Attendu que selon l article L. 622-26 du même code, s agissant de la déclaration des créances, «[ ] l'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d'ouverture [ ]» ; Attendu qu en application de l article L. 247 du livre des procédures fiscales «aucune autorité publique ne peut accorder de remise totale ou partielle de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de taxes sur le chiffre d'affaires, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes et contributions» ; Attendu qu aux termes de l'article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes et des contrôles qu ils sont tenus d exercer en cette matière dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu une recette n a pas été recouvrée ; que la responsabilité du comptable public en matière de recettes s apprécie au regard de ses diligences, celles-ci devant être «adéquates, complètes et rapides» ; Attendu que selon l article 11 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, «les comptables publics sont seuls chargés : de la prise en charge et du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou autre titre dont ils assurent la conservation ainsi que de l'encaissement des droits au comptant et des recettes de toute nature que les organismes publics sont habilités à recevoir [ ] de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux organismes publics» ; que selon l article 12 du même texte, «les comptables sont tenus d'exercer : A. - En matière de recettes, le contrôle : [ ] dans la limite des éléments dont ils disposent, de la mise en recouvrement des créances de l'organisme public et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recettes» ;

3 / 7 Sur les faits Attendu que M. Y a fait l objet d une procédure de redressement judiciaire ouverte le 6 mai 2010 ; Attendu que M. X a procédé le 31 mai 2010 pour le compte de l Etat à une déclaration à titre provisionnel de créances de TVA, couvrant la période du 1 er janvier 2009 au 18 avril 2010, à hauteur de 1 930 ; Attendu que M. Y a déposé le 9 août 2010 une déclaration annuelle de TVA pour l année 2009, faisant ressortir à ce titre une dette totale à l égard de l Etat d un montant de 6 136 ; Attendu que le directeur du pôle gestion fiscale, par délégation du DDFiP, a signé le 27 août 2010 une décision de décharge de droits pour un montant de 6 136 ; qu un avis de dégrèvement du même montant, daté du 26 août 2010, a été adressé au redevable ; Attendu que M. X a demandé le 2 septembre 2010 l admission à titre définitif d une créance de 1 930 ; Attendu qu aucune autre diligence n est établie en vue du recouvrement de la créance ; Attendu que la procédure de liquidation s est conclue par le versement à l Etat de 1 930 ; Sur les éléments à décharge apportés par le receveur Attendu que M. X fait observer qu il a procédé dans les délais légaux à une déclaration de créance à titre provisionnel ; que seule une demande en relevé de forclusion aurait permis éventuellement de compléter la production initiale qui représentait 34,5 % de la déclaration déposée tardivement par l entreprise ; que les tribunaux de commerce n accueilleraient pas favorablement les requêtes en relevé de forclusion qui visent à modifier le montant des créances déclarées à titre définitif ; Sur l application au cas d espèce Attendu qu il résulte des dispositions précitées des articles 11 et 12 du décret du 29 décembre 1962 qu il revient au comptable de préserver les créances dont il a connaissance, et notamment de les déclarer et de les convertir dans les délais dans le cadre des procédures collectives ; Attendu qu il résulte des dispositions des articles L. 622-24 et L. 622-26 précités du code de commerce que le comptable était fondé à demander jusqu au 6 novembre 2010 d être relevé de sa forclusion en vue d une déclaration complémentaire de 4 206 pour majorer la déclaration provisionnelle initiale faite à hauteur de 1 930, puis à demander la conversion de la totalité de la créance, soit 6 136 ; qu il s en est abstenu ; Attendu que les arguments tenant à la probabilité d un échec d une telle demande en relevé de forclusion ne sont appuyés d aucun élément sérieux ; Attendu qu il ressort du dossier que la décision de décharge de droits précitée, au demeurant inexplicablement prononcée pour la totalité de la créance, est motivée par le manquement même du comptable à ses diligences ; qu ainsi, en l espèce, le dégrèvement ne peut justifier un non-lieu en faveur du comptable ; Attendu au surplus que le comptable a manqué en 2010, exercice visé par le réquisitoire pour la présente charge, au contrôle de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recettes, résultant de la décision de décharge de droits précitée du 27 août 2010, pour 6 136, notamment au regard des dispositions précitées de l article L. 247 du livre des procédures fiscales ; Attendu de surcroît que la procédure engagée à l encontre de M. Y a été convertie en liquidation judiciaire par un jugement publié le 28 novembre 2010, ce qui aurait ouvert au comptable une possibilité supplémentaire de produire les créances de l Etat pour leur montant réel au passif de la liquidation, si cette éventualité ne s était trouvée empêchée par l inaction du comptable et, au surplus, l absence de contrôle des décisions précitées ;

4 / 7 Attendu ainsi que M. X a manqué à son obligation de diligences adéquates, complètes et rapides en vue du recouvrement d une créance ; qu il y a lieu d engager sa responsabilité à ce motif au titre de l exercice 2010 ; Sur l existence d un préjudice financier Attendu qu aux termes du 3 ème alinéa du paragraphe VI de l article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée : «lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au (I) a causé un préjudice financier, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante» ; Attendu que le non-recouvrement d une créance cause par principe un préjudice financier à la collectivité publique créancière ; qu il n y a alors manquement sans préjudice que s il est établi que l Etat n aurait pu être désintéressé même si le comptable avait satisfait à ses obligations ; Attendu en l espèce que non seulement cette preuve n est pas apportée, mais que la procédure de liquidation des biens de M. Y s est conclue en février 2012 par le versement à l Etat de la totalité de ses créances de TVA pour l année 2009 qui avaient été admises au passif, soit 1 930 ; que dans l impossibilité de déterminer dans quelle mesure l Etat aurait été désintéressé en cas de déclaration de toute la créance, il y a lieu de fixer le préjudice à la hauteur des sommes non recouvrées, soit 4 206 ; Attendu que M. X, dans le cas où sa responsabilité serait engagée, «sollicite la mansuétude de la Cour eu égard au faible montant de sommes en cause» ; que le caractère objectif de la somme à verser en cas de manquement avec préjudice ne permet au juge de procéder à aucune réfaction du montant mis à la charge du comptable en considération des circonstances de l espèce ; Attendu qu il y a lieu, ainsi, de constituer M. X débiteur envers l Etat de la somme de 4 206 au titre de l exercice 2010, augmentée des intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire, soit le 27 juillet 2015, date de réception du réquisitoire susvisé ; Sur la troisième charge présumée, à l encontre de M. X (créance sur la société «La Literie carcassonnaise»). Exercice 2011 Attendu que, par le réquisitoire susvisé (présomption de charge n 3), le Procureur général a estimé que la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X pouvait être mise en jeu, au titre de l exercice 2011, au motif que ce comptable aurait manqué à ses obligations dans le recouvrement d une créance de TVA de 2 543 détenue sur la SARL «La Literie carcassonnaise» ; Sur l existence d un manquement du receveur à ses obligations Sur la règle de droit Attendu qu en application de l article L. 622-24 du code de commerce, «[ ] La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 5427-1 à L. 5427-6 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1. [ ]» ; Attendu qu en application de l article L. 247 du livre des procédures fiscales «aucune autorité publique ne peut accorder de remise totale ou partielle de droits d'enregistrement, de

5 / 7 taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de taxes sur le chiffre d'affaires, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes et contributions» ; Attendu qu aux termes de l'article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes et des contrôles qu ils sont tenus d exercer en cette matière dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu une recette n a pas été recouvrée ; que la responsabilité du comptable public en matière de recettes s apprécie au regard de ses diligences, celles-ci devant être «adéquates, complètes et rapides» ; Attendu que selon l article 11 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, «les comptables publics sont seuls chargés : de la prise en charge et du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou autre titre dont ils assurent la conservation ainsi que de l'encaissement des droits au comptant et des recettes de toute nature que les organismes publics sont habilités à recevoir [ ] de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux organismes publics» ; que selon l article 12 du même texte, «les comptables sont tenus d'exercer : A. - En matière de recettes, le contrôle : [ ] dans la limite des éléments dont ils disposent, de la mise en recouvrement des créances de l'organisme public et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recettes» ; Sur les faits Attendu que la SARL «La Literie carcassonnaise», placée en redressement judiciaire par un jugement publié le 8 juillet 2011, était redevable envers l Etat de la TVA à hauteur de 2 543 au titre du mois de juin 2011 ; qu en effet, le cabinet comptable de ladite société avait, le 22 juillet 2011, effectué une télédéclaration de cette créance pour ce montant ; Attendu que le directeur du pôle gestion fiscale, par délégation du DDFiP, a signé le 13 octobre 2011 une première décision de décharge de droits pour un montant de 1 695 ; qu un avis de dégrèvement du même montant, daté du même jour, a été adressé au redevable ; qu une seconde décharge, ainsi qu un second avis de dégrèvement, seraient intervenus le 30 janvier 2012, pour un montant de 848 ; Attendu qu aucune diligence n est établie en vue du recouvrement de la créance ; Sur les éléments à décharge apportés par le receveur Attendu que dans sa réponse au réquisitoire susvisé, M. X indique qu il ne peut se prononcer sur cette charge, au motif qu ayant fait valoir ses droits à la retraite depuis le 1 er août 2013, il ne dispose pas des éléments du dossier, mais que la procédure ayant été clôturée pour insuffisance d actif, il estime que les intérêts du Trésor n ont pas été lésés ; Sur l application au cas d espèce Attendu que M. X ne peut être dégagé de son obligation légale de rendre compte de ses diligences au motif de son départ en retraite ; que des difficultés d accès aux pièces ne sont de surcroît pas établies ; Attendu qu il résulte des dispositions précitées des articles 11 et 12 du décret du 29 décembre 1962 qu il revient au comptable de préserver les créances dont il a connaissance, et notamment de les déclarer et de les convertir dans le cadre des procédures collectives ; Attendu qu en application des dispositions précitées du code de commerce, le comptable disposait d un délai de deux mois courant depuis la publication du jugement d ouverture, soit jusqu au 8 septembre 2011, pour procéder à la déclaration de la créance télédéclarée par le redevable le 22 juillet 2011 ; qu il s en est abstenu ; qu au surplus il n a pas davantage, ayant laissé passer cette limite, demandé à être relevé de sa forclusion dans le délai prévu par l article L. 622-26 du même code ; Attendu qu il ressort du dossier que la décision de décharge de droits intervenue en 2011 est motivée par le manquement même du comptable à ses diligences ; qu ainsi, en l espèce, les dégrèvements ne peuvent justifier un non-lieu en faveur du comptable ;

6 / 7 Attendu au surplus que le comptable a manqué en 2011, exercice visé par le réquisitoire pour la présente charge, au contrôle de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recettes, résultant de la décision de décharge de droits précitée du 13 octobre 2011 pour 1 695, notamment au regard des dispositions précitées de l article L. 247 du livre des procédures fiscales ; Attendu de surcroît que la procédure engagée à l encontre de la SARL «La Literie carcassonnaise» a été convertie en liquidation judiciaire par un jugement publié le 16 novembre 2012, ce qui aurait ouvert au comptable une possibilité supplémentaire de produire les créances de l Etat pour leur montant réel au passif de la liquidation, si cette éventualité ne s était trouvée empêchée par l inaction du comptable et, au surplus, l absence de contrôle de la décision précitée de 2011 ; Attendu ainsi que M. X a manqué à son obligation de diligences adéquates, complètes et rapides en vue du recouvrement d une créance ; qu il y a lieu d engager sa responsabilité à ce motif au titre de l exercice 2011 ; Sur l existence d un préjudice financier Attendu qu aux termes du 3ème alinéa du paragraphe VI de l article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée : «lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au (I) a causé un préjudice financier, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante» ; Attendu que le non recouvrement d une créance cause par principe un préjudice financier à la collectivité publique créancière ; qu il n y a absence de préjudice que s il est établi que l Etat n aurait pas pu être désintéressé, quand bien même le comptable aurait satisfait à ses obligations ; Attendu que la clôture pour insuffisance d actif ne peut être utilement invoquée par le comptable comme la preuve de l absence de préjudice, aucun état de reddition de compte n étant produit qui attesterait de l absence de tout versement aux créanciers de la SARL «La Literie carcassonnaise» ; Attendu ainsi qu il y a lieu de fixer le préjudice au montant de la créance non recouvrée ; Attendu que M. X, dans le cas où sa responsabilité serait engagée, «sollicite la mansuétude de la Cour eu égard au faible montant de sommes en cause» ; que le caractère objectif de la somme à verser en cas de manquement avec préjudice ne permet au juge de procéder à aucune réfaction du montant mis à la charge du comptable en considération des circonstances de l espèce ; Attendu qu il y a lieu, ainsi, de constituer M. X débiteur envers l Etat de la somme de 2 543 au titre de l exercice 2011, augmentée des intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire, soit le 27 juillet 2015, date de réception du réquisitoire susvisé ; Par ces motifs, DÉCIDE : En ce qui concerne M. X Charge n 1, exercice 2010 Article 1 er. M. X est constitué débiteur envers l Etat de la somme de 4 206 au titre de l exercice 2010, augmentée des intérêts de droit à compter du 27 juillet 2015.

7 / 7 Charge n 3, exercice 2011 Article 2. M. X est constitué débiteur envers l Etat de la somme de 2 543 au titre de l exercice 2011, augmentée des intérêts de droit à compter du 27 juillet 2015. Fait et jugé par M. Philippe GEOFFROY, président de section, présidant la séance, MM. Daniel-Georges COURTOIS, Bruno ORY-LAVOLLEE, Olivier MOUSSON, Vincent FELLER, Jean-Christophe CHOUVET, M me Dominique DUJOLS et M. Pierre ROCCA, conseillers maîtres. En présence de M me Annie LE BARON, greffière de séance. Annie LE BARON Philippe GEOFFROY En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu ils en seront légalement requis. Conformément aux dispositions de l article R. 142-16 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l objet d un pourvoi en cassation présenté, sous peine d irrecevabilité, par le ministère d un avocat au Conseil d État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l acte. La révision d un arrêt ou d une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au paragraphe I de l article R. 142-15 du même code.