Questions de procédure en assurance perte de gain maladie LCA

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SZS 02/2010 vom 14.04.2010 SZS-2010-142 Questions de procédure en assurance perte de gain maladie LCA Par Jean-Michel Duc, avocat à Lausanne Zusammenfassung Es gibt Kantone wie z. B. Genf und Waadt, wo die kantonalen Versicherungsgerichte auch Streitigkeiten im Bereich der Zusatzversicherungen, die dem VVG unterstehen, entscheiden. Der Autor befasst sich mit den Missverständnissen, die immer wieder daraus entstehen. Sommaire 1. Introduction 2. Principes de procédure judiciaire applicables 2.1 Maxime d'office ou maxime de disposition 2.2 Maxime inquisitoire ou maxime des débats 2.3 Procédures différentes: assurances sociales et assurances complémen- taires à l'assurance-maladie 2.4 Décision de renvoi en assurances sociales - quid en assurances complémentaires? 3. Règles du fardeau de la preuve selon l'art. 8 CC 4. Conclusions 1. Introduction Dans les cantons, comme ceux de Genève et Vaud, dans lesquels le Tribunal des assurances sociales, respectivement la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud, sont compétents pour connaître des litiges relevant des assurances complémentaires de droit privé soumis à la LCA,,, les confusions entre les procédures de droit public concernant les assurances sociales et celles de droit privé d'assurance privée ne sont pas rares. A titre d'exemple, l'on peut rappeler l'atf du 10 février 2009 [4A_563/2008]. Dans le cadre d'un procès pendant devant le Tribunal des assurances sociales à Genève et portant sur le paiement d'indemnités jour- SZS-2010-143 nalières LCA,,, cette autorité a admis partiellement la demande de l'assuré. Il a jugé que l'assureur privé avait violé le droit d'être entendu de l'art. 29 al. 2 Cst et ordonné que l'assureur mette en ouvre une nouvelle expertise pluridisciplinaire en respectant les règles applicables à la procédure administrative, soit le droit 1/5

d'être entendu des art. 57 al. 2 et 58 al. 2 PCF, en réalité l'art. 44 LPGA depuis l'entrée en vigueur de la LPGA.. Le Tribunal fédéral a admis le recours pour arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Il a jugé que l'assureur privé n'avait pas à se conformer aux exigences de l'art. 29 Cst. En effet, les droits fondamentaux protègent les particuliers contre les abus du pouvoir étatique; ils ne s'appliquent pas directement dans les rapports des particuliers entre eux. Il a donc renvoyé le dossier à l'autorité judiciaire cantonale pour la suite de l'instruction. Notre Haute Cour a rappelé que l'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie, individuelle ou collective, peut être souscrite dans le cadre de l'assurance-maladie sociale, régie par les lois fédérales sur l'assurance-maladie (LAMal) et sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA); elle peut aussi être l'objet d'un contrat d'assurance privée, soumis à la loi fédérale sur le contrat d'assurance (LCA). Il est en principe possible que le même assureur pratique les deux sortes d'assurances, sociale et privée. D'autre part, le Tribunal fédéral a précisé que, selon l'art. 85 al. 1 de la loi fédérale sur la surveillance des entreprises d'assurance (LSA), les contestations de droit privé entre assureur et assuré ressortent au juge; à la différence du régime établi pour les assurances sociales, l'assureur n'a aucun pouvoir de trancher lui-même les contestations par ses propres décisions, et il n'est donc pas astreint aux obligations qui accompagnent normalement un pouvoir de ce genre. Il appartient au juge d'ordonner, au besoin, les mesures probatoires prévues par le droit cantonal de procédure, et les deux parties, soit l'assureur et l'assuré, ont les mêmes droits et devoirs dans le procès. A l'aune de cette affaire, nous nous permettons de rappeler quelques principes de procédure. 2. Principes de procédure judiciaire applicables L'art. 85 al. 2 LSA prévoit expressément que pour les contestations en matière d'assurances complémentaires à l'assurance maladie, les cantons doivent prévoir une procédure simple et rapide, dans laquelle le juge éta- SZS-2010-144 blit d'office les faits et apprécie librement les preuves. A cet égard, il n'est pas inutile de préciser que cette disposition ne pose aucune obligation à charge des assureurs privés concernés. Cela étant, est-ce à dire que la procédure cantonale est régie par la maxime d'office ou par la maxime de disposition? Répond-elle à la maxime inquisitoire ou à celle des débats? 2.1 Maxime d'office ou maxime de disposition a) Comme le rappelle Benoît Bovay, 1 les maximes d'office et de disposition concernent l'ouverture d'une procédure, la détermination de son objet et la clôture de la procédure. Dans une maxime dominée par la maxime d'office, c'est à l'autorité qu'appartiennent le droit et le devoir d'ouvrir la procédure, de définir son objet et d'y mettre fin par une décision ou un jugement; c'est elle qui maîtrise la procédure. Dans une procédure dominée par la maxime de disposition, c'est par contre aux parties qu'il incombe d'introduire la procédure, de déterminer son objet par leurs requêtes et conclusions et de clore par un désistement, un passé-expédient ou une transaction. 2/5

Au demeurant, il sied de rappeler que la procédure pénale et celle des assurances sociales sont régies par la procédure officielle, et que toutes deux relèvent du droit public. 2 2.2 Maxime inquisitoire ou maxime des débats L'apport et la preuve des faits fondant la demande et le jugement peuvent être le fait du juge (maxime inquisitoire) ou celui des parties (maxime des débats): dans un cas, le juge s'en occupe d'office alors que dans l'autre, il ne prendra en considération que les faits que les parties lui auront soumis; il ne les vérifiera que s'ils sont contestés et en s'en remettant aux parties. 3 A cet égard, le Tribunal fédéral a rappelé qu'au sens de l'art. 47 al. 2 LSA, les assurances complémentaires aux assurances sociales sont soumises pour des motifs de politiques sociales à la maxime inquisitoire sociale. Il doit prendre en compte les faits juridiquement pertinents, même si les parties SZS-2010-145 ne les ont pas invoqués (cf. BGE 130 III 102; BGE 107 II 233; ATF du 1 er octobre 2004 [5C.134/2004]). Le législateur fédéral s'est inspiré des dispositions de droit fédéral relatives à la procédure cantonale dans les litiges en matière de bail à loyer (art. 274 b CO), de bail à ferme (art. 301 CO) et de contrat de travail (art. 343 CO) (cf. également BGE 127 III 421, [423] consid. 2). Ainsi, le juge n'est pas lié par l'offre de preuves des parties; il peut proposer d'autres moyens de preuves. Toutefois, lorsque des faits ne sont pas contestés, le juge n'a pas à procéder à un complément d'instruction; bien plus, il doit reprendre dans son jugement les faits admis par les parties. En définitive, il appartient aux parties d'alléguer les faits déterminants et de proposer les moyens de preuve qui sont relevants. Ce n'est pas au juge de déterminer quel est le moyen de preuve le plus approprié à l'objet litigieux et le plus favorable à la partie intéressée (ATF du 1 er octobre 2004 [5C.134/2004]). 2.3 Procédures différentes: assurances sociales et assurances complémentaires à l'assurance-maladie Il nous apparaît utile de rappeler quelques différences existant entre les procédures relatives aux assurances sociales et celles concernant les assurances complémentaires. Comme le rappelle Jean-Baptiste Ritter, 4 l'assureur a, s'agissant de l'assurance sociale, la qualité d'organe administratif habilité à statuer par voie de décision, alors qu'en ce qui concerne les assurances complémentaires, il n'est qu'une partie à un contrat. Quant à l'assuré, il a respectivement le statut d'administré ou de cocontractant. Dans un cas, la procédure judiciaire est un recours contre une décision administrative, dans l'autre, une action en paiement. La stricte division des voies du contentieux découle exclusivement de la distinction prévue par la loi fédérale entre droit public et droit privé. A cet égard, l'éventuelle unité de juridiction prévue par la législation cantonale n'y change rien. Ainsi, le juge, appelé à statuer pour un même assuré sur une cause relevant du droit des assurances sociales et une autre de l'assurance complémentaire, devra instruire deux procès distincts. Tant le droit du fond que la procédure seront différents. Toutefois, dans cette situation, on SZS-2010-146 court le risque d'appliquer la maxime d'office des procédures de recours de droit public des assurances sociales à des actions relevant du droit des assurances privées. En outre les voies de recours sont également distinctes, soit pour les assurances sociales un recours de droit public (art. 82 à 89 LTF), pour les assurances complémentaires un recours en matière civile (art. 72 à 77 LTF). Ainsi, comme le précise le Tribunal fédéral, 3/5

en dépit de l'attraction de compétence en faveur du juge des assurances sociales, cette autorité sera tenue d'appliquer les règles minimales de l'art. 47 al. 2 et 3 alsa (art. 85 al. 2 et 3 LSA depuis le 1 er janvier 2006) (ATF 125 III 461). Appliquer les règles de procédure réservées aux procédures du droit public des assurances sociales, notamment la maxime d'office, serait contraire au droit fédéral. 5 2.4 Décision de renvoi en assurances sociales - quid en assurances complémentaires? Comme le rappelle Thomas Locher, 6 dans le domaine des assurances sociales, le tribunal peut rendre un jugement cassatoire, même lorsque l'assuré a conclu au versement de prestations. Il annule alors la décision entreprise de l'assurance sociale et renvoie la cause à l'autorité administrative pour complément d'instruction et nouvelle décision. Il en va ainsi, par exemple, lorsqu'il estime que les faits ne sont pas suffisamment élucidés par l'assurance sociale, 7 ou lorsque des principes essentiels de procédure sont violés, comme le droit d'être entendu. 8 D'ailleurs, la Cour des assurances sociales du Tribunal fédéral a précisé dans un arrêt du 15 décembre 2006 (I 694/05), que «lorsqu'une autorité judiciaire, cantonale ou fédérale, enjoint un office AI de procéder à une «expertise psychiatrique», il ne peut s'agir que d'une expertise administrative.» Par contre, dans une cause relevant du droit privé, un Tribunal cantonal ne peut «renvoyer» une cause à une partie, notamment l'assureur perte de gain maladie LCA,,, en lui demandant de mettre en ouvre une expertise, comme s'il s'agissait d'un organe administratif. C'est un peu comme si dans un litige relevant du droit du travail, ou du droit du bail, l'autorité SZS-2010-147 obligeait l'une des parties, respectivement l'employeur ou le bailleur, à mettre en ouvre une expertise en respectant les règles de procédure administratives, soit des règles totalement étrangères à un litige entre particuliers. 3. Règles du fardeau de la preuve selon l'art. 8 CC En matière de preuve, qu'il s'agisse d'un litige relatif à la survenance d'un cas d'assurance ou à l'étendue de la prétention, la règle générale de l'art. 8 CC s'applique. En ce qui concerne une incapacité de travail, la preuve appartient à l'assuré. Ce dernier a le plus souvent recours à un certificat médical qui atteste de l'incapacité de travail. En cas de doute sur l'existence de l'incapacité de travail, il appartient à l'assureur d'apporter la preuve du contraire. Il peut alors demander à l'assuré de se soumettre à un examen médical auprès du médecin-conseil ou d'un autre médecin. A cet égard, l'art. 8 CC est violé quand le juge n'administre pas sur des faits pertinents des preuves adéquates offertes régulièrement selon le droit cantonal, alors qu'il ne considère l'allégation desdits faits ni comme exacte, ni comme réfutée. La disposition n'exclut toutefois ni la preuve par indices, ni l'appréciation anticipée des preuves, le juge pouvant rejeter des offres de preuve d'une partie s'il arrive à la conclusion qu'elles ne seraient pas propres à démontrer le fait à prouver ou parce que sa conviction est déjà assise sur les preuves rassemblées, de manière que le résultat de leur appréciation ne puisse plus être remis en question (ATF du 22 mars 2001 [4C.305/2000]). Ainsi, dans une cause relevant de l'assurance perte de gain LCA,,, le juge se doit d'administrer tous les moyens de preuves nécessaires à l'établissement des faits. Ainsi, conformément à la maxime inquisitoire sociale, le juge n'est pas lié à l'offre de preuve des parties et doit tenir compte des faits juridiquement pertinents, même si les parties ne les ont pas invoqués. Toutefois, lorsque des faits ne sont pas contestés, ou à tout le moins admis, le juge n'a pas à procéder à un complément d'instruction (ATF du 1 er octobre 2004 [5C.134/2004]). 4/5

SZS-2010-148 4. Conclusions Dans ce contexte, on peut légitimement se demander s'il ne serait pas opportun de séparer clairement les autorités judiciaires compétentes appelées à juger les causes relevant des assurances sociales de celles relatives aux assureurs privés. Une telle séparation permet d'éviter des confusions ou des décisions à cheval entre les principes relevant du droit public et ceux appartenant au droit privé. Il en va d'une meilleure garantie du respect du droit fédéral, et en particulier des règles de procédure différentes entre ces deux domaines du droit, ainsi que de la sécurité du droit. [1] Benoît Bovay, Procédure administrative, Précis Stämpfli, Berne 2000, 175. [2] Thomas Locher, Grundriss des Sozialversicherungsrechts, Stämpfli, 2 e édition, 337. [3] Georg Habscheid, Droit judiciaire Privé Suisse, 1975, 320. [4] IRAL 2002, n 26, 774 ss. [5] Niccolò Raselli, in SZS/RSAS 2005, 282. [6] Thomas Locher, Grundriss des Sozialversicherungsrechts, Stämpfli, 2 e édition, 380. [7] RAMA, 1989 206. [8] ATFA du 23 septembre 2005 [U 265/04]. 5/5