Kelsey Labbé Français 403 Le 22 avril 2014 Le Malade imaginaire À lire ou à voir? Quand on pense au théâtre, on pense à la scène, aux acteurs, aux costumes, aux accessoires. Mais le genre contient beaucoup plus d aspects qui peuvent nous transporter dans un autre monde et qui ont la capacité d inspirer une gamme complète d émotions humaines. La comédie, Le Malade imaginaire, écrite par Molière en 1673, est une pièce de théâtre qui est encore de nos jours lue et jouée. Que ce soit en lisant, ou en regardant, on peut apprécier cette pièce dans les deux manières de présentation. Chaque façon d aborder Le Malade imaginaire, la lecture et l observation, a ses mérites. Alors la question reste : Laquelle est, pour la plupart, supérieure? Une pièce de théâtre est censée être jouée. On peut comparer cette situation avec la musique : est ce que c est mieux d entendre la musique, ou de lire les notes sur la page? On peut apprécier les notes et la théorie, mais on ne peut pas être tout à fait satisfait sans ressentir la musique dans sa forme destinée. C est la même chose pour le théâtre. Le but d une pièce de théâtre est très simple : montrer au public une histoire créée par un écrivain, normalement avec des thèmes et des leçons. Ce qui est très plaisant et bénéfique des pièces, c est que nous, comme public, pouvons voir et vivre l histoire en personne. Dans Le Malade imaginaire, l Acte II scène 4 est un bon exemple de l importance de voir la pièce. Argan, le père, invite Monsieur Diafoirus et son fils chez lui pour présenter le fils à Angélique, la fille d Argan. Pendant toute la scène, on
voit beaucoup de comédie : comédie visuelle (ex. les expressions et réactions mauvaises des acteurs par rapport au séance désagréable de Cléante et Angélique pendant leur «leçon de musique» ), comédie avec des accessoires (ex. le fils est assis dans une chaise pour un petit garçon, bien qu il soit adulte), du dialogue drôle (ex. le fils, Thomas, parle très vite quand il essaie de complimenter Argan et Angélique, montrant qu il a mémorisé son dialogue et n était peut-être pas complètement sincère) et des sons drôles (ex. le mauvais chant de Cléante l amant d Angélique, qui faisait semblant être l enseignant de musique d Angélique). En voyant ces actions, on peut mieux sentir les émotions des personnes sur scène, et donc en voyant ces émotions, on peut mieux s identifier avec les personnes et mieux apprécier l histoire. Un autre avantage du théâtre est que chaque représentation est différente. Un soir, un acteur peut jouer son rôle très drôlement, et un autre soir, ses actions peuvent être plus sérieuses. En plus, la représentation peut dépendre du type de spectateur : la class populaire, la class moyenne, les courtisans, les royautés, etc. «Ce souci de plaire à des publics variés explique en partie la diversité du théâtre de Molière : il a des recettes infaillibles pour amuser <la multitude>, mais il faut s élever plus haut pour plaire aux courtisans» (Légarde and Michard, 177) Cela peut donner un sentiment spécial aux spectateurs, puisqu ils savent que ce soir-là, la pièce sera unique et seulement eux auront eu la chance de la voir. Quand on pense au mot «pièce», on pense immédiatement au théâtre et à regarder une séance. Mais il existe des aspects du texte écrit qui peuvent jouer un rôle important pour la compréhension. Si le texte est difficile, on peut mieux
comprendre en lisant. Dans la pièce Le Malade imaginaire le lecteur rencontre beaucoup de vocabulaire scientifique : par exemple, dans l Acte III, scène 5, Monsieur Purgon (le médecin d Argan) est fâché parce qu il pense qu Argan se moque de ses ordonnances et donc Monsieur Purgon souhaite qu Argan tombe dans un état incurable avec toutes sortes de maladies : «Monsieur Purgon : Que vous tombiez dans la bradypepsie. Argan : Monsieur Purgon! Monsieur Purgon : De la bradypepsie dans la dyspepsie. Argan : Monsieur Purgon! Monsieur Purgon : De la dyspepsie dans l apepsie.» (Molière 3.5.336-341). Alors, pour mieux aider le lecteur avec la compréhension, on trouve des notes en bas des pages qui expliquent le vocabulaire. Si on voit la pièce sans lire les notes et sans connaître tous les termes scientifiques, on ne peut que supposer les définitions. Un autre avantage de lire une pièce est que quand on lit, c est avec le texte historique et figé. Malgré le temps qui passe, et malgré le lieu de publication, toute l histoire et le texte resteront les mêmes, comme l écrivain avait envisagé. Quand on joue une pièce de théâtre, souvent, soit le metteur en scène soit les acteurs, quelqu un change un aspect de la pièce pour mieux satisfaire au public. Quelque fois, une pièce est trop longue pour maintenir la capacité de concentration du public, et donc on change la pièce un peu, que ce soit un raccourcissement de la pièce, ou un changement du dialogue et des actions pour mieux attirer les spectateurs. Il arrive aussi que la politique économique influence les décisions du metteur en scène. «Molière a connu les responsabilités et les soucis du directeur de troupe. Il fallait négocier pour faire face aux impôts, locations de salles, taxes municipales, contributions pour les pauvres ; il fallait lutter contre les troupes rivales,
manœuvrer pour toucher les subventions...» (Légarde and Michard, 174) Parfois, pour satisfaire à ceux qui donnent les subventions, le metteur en scène a besoin de changer une partie de la pièce. Ces modifications sont douces-amères, et parfois nécessaires, pour satisfaire aux besoins (l argent) du théâtre et des acteurs. Malheureusement, avec ce système, la pièce n est pas toujours exacte ou authentique, et donc une partie de la vision de l écrivain est perdue. Avec chaque manière de présenter une pièce de théâtre, on trouve certains bénéfices qui influencent l interprétation de la pièce. Pour déterminer lequel est supérieur, on doit se demander : lequel est le plus efficace pour transmettre les thèmes, les leçons, et en général, le but de l histoire au public? Je crois que quand on voit une pièce, elle a beaucoup plus d impact sur nos émotions et notre compréhension du sujet, que quand on lit. Molière voulait montrer au public l hypocrisie et les vicieuses imitations de la vertu des êtres humains, «J aurais voulu faire voir que les plus excellentes choses sont sujettes a être copiées par de mauvais singes qui méritent d être bernes ; que ces vicieuses imitations de ce qu il y a de plus parfait ont été de tous temps la matière de la comédie,» (Légarde and Michard, 177) En voyant sur la scène ces qualités des êtres humains au lieu de les lire dans un livre, les spectateurs peuvent ressentir ces qualités au moyen de la présentation vivante de la pièce, et s identifier avec les personnages. La simple lecture manque la présence physique de la scène, et diminue alors l effet que Molière voulait produire.
Ouvrages cités Lagarde, André and Laurent Michard, eds. Textes et Littérature, volume III : XVIIème Siècle. Paris : Éditions Bordas, 1966. Molière. Le Malade imaginaire. Ed. Jean-Claude Landat. Paris : Hachette Livre, 1999.