Marie Guyard Fille de Florent Guyard, boulanger, et de Jeanne Michelet, Marie Guyard est née à Tours le 28 octobre 1599, probablement rue des Tanneurs. Elle est baptisée le lendemain paroisse Saint-Saturnin de cette ville. Son parrain est Jehan Chausse et sa marraine Marie Choisnard. Son père a été baptisé le 27 octobre 1565 à Saint-Étienne de Chigny (Indre-et-Loire). Il est le fils Fleurant Guyard et de Jacquine Fortin. Il se marie 36 novembre 1590 à Saint-Étienne de Chigny avec Jeanne Michelet née entre 1569 et 1574 et fille de Paul Michelet et Marthe Millet et peutêtre une descendante des Babou de la Bourdaisière, noble et ancienne famille de Touraine. Statue de Marie Guyard Les grands-parents paternels de Marie Guyard sont Jehan Guyard et Gillette Perdriau. Ses arrières grands-parents paternels sont Jean et Isabeau dont le patronyme reste inconnu. Marie est la cinquième sur les neuf enfants que va avoir le couple : * Florent baptisé le 23 janvier 1692 à Notre-Dame-La-Riche à Tours. Il décède en bas âge. * Claude baptisée le 21 décembre 1592 à Saint-Saturnin de Tours. Elle se marie vers 1610 avec Paul Buisson et le 8 janvier 1634 avec Antoine de Laguiolle. Elle décède vers 1642. * Hélye baptisé le 8 mai 1595 à Saint-Saturnin de Tours. Il se marie avec Louise Dugue et décède vers 1640. * Florent baptisé à Saint-Saturnin de Tours le 14 juillet 1598 et décèdé en bas âge. * La dite Marie. * Catherine baptisée le 27 mai 1602 à Saint-Pierre-des-Corps de Tours. Elle se marie avec Marc Barillet et décède le 6 décembre 1675. * Florent baptisé le 28 mai 1604 à Saint-Saturnin de Tours. * Jeanne baptisée le 10 février 1607 à Saint-Pierre-des-Corps de Tours. Elle épouse Sylvestre Normand et décède le 23 avril 1673 au même lieu. * Mathieu, baptisé à Saint-Pierre-des-Corps de Tours le 9 mai 1612.
Dans son enfance Marie Guyard fréquente l école. En 1607, dans un songe, elle voit apparaître le Christ. En 1617, ses parents décident de la marier à un marchand de soie, Claude Martin, qu elle épouse à Tours. Malade, son mari décède deux ans plus tard, en octobre 1619, la laissant seule avec un fils Claude né le 2 avril de la même année. À la mort de son mari, elle prend en main son entreprise de soierie qui est en faillite : elle règle les dettes, liquide les biens et retourne vivre chez son père. De nombreux prétendants la demandent en mariage. Le 24 mars 1620, elle se «convertit» lors de la célèbre vision du sang : elle se voit comme plongée dans le sang du Christ et revient «dans son logis changée en une autre créature». Elle fait alors voeu de chasteté, de pauvreté et d obéissance à Dieu. Bientôt, elle vit chez son beau-frère Paul Buisson et sa sœur à qui elle fait des travaux ménagers et qu elle aide dans leur entreprise de voituriers. De 1625 à 1631, pendant ses absences, son beau-frère lui confie l entière charge de son entreprise. Elle aide des rouliers malades et les conseille. Vers la même époque, elle connaît une nouvelle impulsion mystique. Le 25 janvier 1631, elle entre chez les Ursulines de Tours, quittant son père malade et confiant son fils Claude à sa sœur. L historien religieux Henri Brémond a rapporté les circonstances du drame de la séparation de Marie Guyart et de son fils : «L enfant (de onze ans), que la mère évitait d embrasser pour le préparer à ce grand sacrifice, s enfuit de la maison lorsqu il comprit qu il approchait. Revenu au logis (à Tours) et apparemment résigné, il accompagna sa mère sur le chemin du couvent.» «Il n osait me témoigner son affliction, avoue-t-elle, mais je lui voyais couler les larmes des yeux Il me semblait qu on m arrachait l âme, mais Dieu m était plus cher que tout cela». Cependant, son fils, un peu avant cette entrée au monastère, avait fugué durant trois jours et, avec une troupe d écoliers, faisait «l assaut» du monastère en criant «rendez-moi ma mère, rendez-moi ma mère». Claude Martin poursuit finalement ses études chez les Jésuites. Marie Guyard prend le nom religieux de Mère Marie de l Incarnation.
La mère et son fils ne devaient plus jamais se revoir, bien qu ils s écrivirent pendant de longues années. Petit-Pré. Le 25 janvier 1633 elle fait sa profession à Tours dans le Chapelle Saint-Michel rue du À la suite d un nouveau rêve dans lequel elle suit une dame dans un grand pays «très difficile», elle rencontre Madame de La Peltrie qu elle pense être la dame en question et décide de rejoindre la Nouvelle-France. Départ des Ursulines à Dieppe Elle embarque à Dieppe le 4 mai 1639 sur Le Saint-Joseph avec trois autres Ursulines et trois Hospitalières Le bateau est affrété par Madame de la Peltrie. Après une traversée très éprouvante, à cause, entre autres, d une collision avec un énorme iceberg et d une eau polluée à bord, Le Saint-Joseph arrive à Québec le 1 er août 1639. Mère Marie de l Incarnation laisse un récit détaillé de ce voyage. Toute la colonie est là pour accueillir les religieuses, notamment le gouverneur Charles Huault de Montmagny et les Jésuites sous les salves des canons et les tambours. Une épidémie de variole sévit alors. Elle s installe dans une maison située dans la basse-ville qu elle nomme son «Louvre». Tout près de la maison, qui contient deux chambres qui «servent de cuisine, de réfectoir, de retraite, de classe, de parloir et de chœur», a été aménagée une église en bois. Arrivée des Ursulines à Québec le 1 er août 1639
Pour se garantir du froid, les religieuses dorment dans des coffres doublés de serge. Marie de l Incarnation devient alors la première supérieure des Ursulines de Québec. Monastère des Ursulines La première pierre du futur monastère, dont les plans ont été pensés par Marie Guyard, est posée le 19 avril 1641 par Madame de La Peltrie. Le bâtiment de trois étages fait 92 pieds de longueur sur 28 en largeur. En novembre 1642, les religieuses s y installent. Pour Marie de l incarnation «c est la plus belle et la plus grande maison qui soit au Canada pour la façon d y bâtir». Le départ pendant quelques années de Madame de La Peltrie puis l incendie du monastère dans la nuit du 30 au 31 décembre 1650 constituent de lourdes épreuves pour les Ursulines : le couvent totalement rasé doit être reconstruit. Mère Marie de l Incarnation, de nouveau supérieure entre 1651 et 1657 et de 1663 à 1669, se révèle alors femme d action, défendant les droits des Ursulines contre les visées des compagnies de la métropole qui veulent leurs concessions ou rédigeant des contrats. Quand elle n est pas supérieure, elle exerce d autres fonctions comme dépositaire. Les Ursulines peuvent accueillir une vingtaine de pensionnaires françaises et amérindiennes. Les parents des élèves paient les religieuses en cordes de bois, en pots de beurre, en quartiers d orignal, en blé d Inde ou encore en barils d anguilles et cochons gras. Mère de l Incarnation s intéresse à l économie du pays, à l administration locale. Ellemême exploite une ferme, pétrit du pain et fait creuser des puits. À la grille du couvent elle reçoit les confidences des Français responsables de la colonie comme Louis d Ailleboust ou Prouville de Tracy : on y parle spiritualité mais aussi guerre contre les Iroquois, commerce ou culture des terres.
Avec l aide des Jésuites, elle rédige les Constitutions de sa communauté et se met, alors qu elle est âgée d une quarantaine d années, à l étude des langues indiennes. Elle rédige un dictionnaire français-algonquin, un dictionnaire algonquin-français et un catéchisme iroquois. Portrait de Marie de l Incarnation Elle trouve les fillettes françaises du Canada «plus savantes en matières dangereuses que les filles de France». Quant aux élèves amérindiennes, elle écrit le 12 septembre 1670 : «Nous avons de jolies séminaristes de trois tribus (Algonquins, Montagnais et Hurons) nous leur apprenons à vivre à la française, à lire à écrire, ce sont les délices de nos cœurs». Elle décède le 20 avril 1672 au monastère des Ursulines de Québec. À sa mort, on remonte son corps du caveau car on a oublié de fixer ses traits pour la postérité. Marie est aussi artiste et épistolière : elle a écrit 8 ouvrages spirituels et plus de 13 000 lettres, notamment à son fils qui est devenu supérieur des Bénédictins de Saint-Maur en 1643. Celui-ci rédige la biographie de sa mère vers les années 1653 et 1654. Les quatre thèmes privilégiés de Marie de l Incarnation dans ses écrits sont : le cœur de Jésus, l union de la contemplation et de l action, l amour de la parole de Dieu et l obéissance au maître intérieur. En 1675, des Hurons de Lorette adressent une lettre au Pape pour que sa sainteté soit reconnue. Elle est déclarée bienheureuse en juin 1676 et vénérable le 22 juin 1980. À cette occasion, le Pape Jean-Paul II la dépeint «comme la Mère de l Église canadienne». Sa célébration liturgique a lieu le 30 avril. On l a qualifiée de «Thérèse du Nouveau- Monde», d «Amazone de Dieu», de «Sainte au milieu du tracas», de «Femme d affaires, mystique, mère de la Nouvelle-France».