LA CHIRURGIE ESTHETIQUE



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Transcription:

COMITE NATIONAL D ETHIQUE MEDICALE ==== è é ==== LA CHIRURGIE ESTHETIQUE : Aspects médicaux, éthiques et juridiques Abstracts Faculté de Médecine de Tunis Vendredi 13 Juin 2008

SOMMAIRE 1 ère Séance : ASPECTS PHILOSOPHIQUES ET PSYCHOLOGIQUES - Réflexions sur le corps...3 J. SAID - De la symbolique du corps à l image corporelle...4 D. BEN ALAYA - Aspects psycho-pathologiques...5 R. BEN REJEB 2 ème Séance : ASPECTS MEDICAUX - La chirurgie esthétique : Parcours à travers les âges...6 M. ZITOUNA - Les potentialités de la chirurgie esthétique...7 A.NEFZI - Les risques de la chirurgie esthétique : insatisfactions et complications...9 S. AOUN KANOUN - Place de la dermatologie esthétique...10 R. KAMMOUN 3 ème Séance : ASPECTS JURIDIQUES ET DEONTOLOGIQUES - Aspects réglementaires...12 N. CHERNI Esthétique : Exportation de prestations de soins...14 A. AOUIJ MRAD - Obligations déontologiques...15 N. CHAABOUNI - La Responsabilité professionnelle du chirurgien esthétique...18 M. ZEMNI et T. MASMOUDI 2

REFLEXIONS PHILOSOPHIQUES SUR LE CORPS Jaleleddine SAÏD 1 Vis-à-vis de l Orient, l homme occidental n est plus à la traîne quant à l image qu il se donne désormais de son Corps propre, quant aux soins dont il l entoure et quant à la valeur, inimaginable auparavant, dont il l investit. Il n appartient pas à notre propos de délimiter les origines de ce changement radical dans la perception du corps, ce serait là l objet d une recherche à part entière, mais il nous tient simplement à cœur de proposer à la réflexion quelques retombées ou répercussions de cette perception nouvelle du corps propre en tant que corps vécu et senti de l intérieur, corps subjectif identique au Moi («Je suis mon corps», disait Gabriel Marcel), absolument différent du corps objectif, le corps organique perçu de l extérieur, objet de l anatomie ou de la physiologie. 1 Professeur de Philosophie Faculté des Sciences Humaines de Tunis. 3

DE LA SYMBOLIQUE DU CORPS A L IMAGE CORPORELLE Dorra BEN ALAYA 1 Le corps s inscrit dans un processus de socialisation dès les premières semaines de la vie. Cette socialisation, culturellement déterminée, fait du corps une première interface à la réalité. Un processus d objectivation du corps prend par la suite le relais à travers une réfraction dans le regard d autrui, de son image. Il est alors investit de valeurs. C est ainsi que le corps devient dans un contexte d individuation, l un des éléments de l affirmation sociale. On comprend alors le rôle qu il peut être amené à jouer dans des processus psychiques tels que ceux en œuvre dans l estime de soi. Cette communication vise à mettre en lumière l articulation des dimensions culturelle, sociale et psychique dans la construction de l objet corps mais aussi dans le rôle qu il peut jouer dans l appréhension de la réalité telle que vécue par l individu. 1 Psychologue, Maître assistante Institut des Sciences Humaines de Tunis. 4

ASPECTS PSYCHOPATHOLOGIQUES DE LA CHIRURGIE ESTHETIQUE Riadh BEN REJEB 1 Il est question dans cette intervention de développer quelques aspects de la psychopathologie des demandeurs de chirurgie esthétique. Des concepts clés relevant de la métapsychologie freudienne permettent de comprendre ce développement : image du corps, narcissisme, estime de soi, perte de l objet, angoisse de mort, etc. L acte chirurgical va agir sur l esthétique certes, soit l apparence extérieure et visible de la personne. Mais on a tendance à oublier qu il agit également sur l image du corps de l individu et sur sa dimension implicite. Serait-ce un hasard si la demande d intervention sur la silhouette féminine se manifeste notamment en périodes de crise, soit autour de l adolescence, soit encore autour de la quarantaine? Quels sens donner à ces demandes, sinon la recherche d une perfection physique et psychologique, ou la restauration d une forme perdue? Une chose est évidente, c est qu on ne peut pas procéder à ce genre d actes de façon automatique ou rapide. La prudence s impose. Il y aurait des indications et des contre indications à certains actes de chirurgie esthétique. La connaissance des dimensions psychologiques sous-jacentes à ces demandes ainsi que leurs contextes permettent de mieux comprendre ces éléments. Diverses décompensations sur différents modes pathologiques sont possibles. Une coopération ainsi qu une collaboration entre chirurgiens et psychologues cliniciens s avèrent indispensables pour limiter ces risques. 1 Professeur de psychologie clinique ; Directeur de l Unité de Recherche en Psychopathologie Clinique (URPC) et Président des Commissions de 3 ème cycle de Psychologie, Université de Tunis. 5

LA CHIRURGIE PLASTIQUE PARCOURS A TRAVERS LES AGES Mohamed Moncef ZITOUNA 1 Service Anatomie Pathologique Hôpital la Rabta La chirurgie plastique englobe toutes les interventions qui modifient, réparent ou embellissent les téguments et les formes. La pratique de cette chirurgie remonte à la plus haute antiquité, mais c est lors de la première guerre mondiale, guerre des tranchées, où la face et le cou des soldats protégés seulement par le casque, étaient particulièrement exposés, qu elle prit un développement considérable. Après la fin de la première guerre mondiale, une période de liberté intellectuelle et artistique vit le jour. Plusieurs facteurs favorisèrent la pratique de cette chirurgie, parmi lesquels nous pouvons citer (les problèmes psychologiques, les problèmes raciaux et les mouvements d émancipation féminine). C est lors des années 1920, «les années folles», que furent décrites les techniques de chirurgie esthétique dont certaines sont toujours pratiquées. Après la seconde Guerre Mondiale, la chirurgie esthétique passa par trois périodes : une période de reconnaissance jusqu au début des années 1970, avec la création de services de chirurgie plastique, une période d affirmation pendant les vingt années suivantes où la chirurgie esthétique est devenue un phénomène social, et enfin un passage dans le «domaine public». Deux nouvelles interventions révolutionnent la chirurgie esthétique puisque s attaquant à des problèmes non résolus au début des années 1960 : l augmentation mammaire, la liposuccion et la pratique des implants en chirurgie dentaire. Actuellement plus de 35 chirurgiens esthéticiens travaillent en Tunisie. L excellent niveau de la chirurgie esthétique dans notre pays est reconnu partout dans le monde. Des malades de nationalités diverses viennent se faire opérer dans nos structures sanitaires rendant la Tunisie une destination de choix de ce qu il convient d appeler «le tourisme médical». 1 Professeur d Anatomie pathologique Faculté de Médecine de Tunis. 6

LES POTENTIALITES DE LA CHIRURGIE PLASTIQUE ET ESTHETIQUE Dr NEFZI Abdelaziz 1 Centre Maghreb Médical Tunis De par son vaste champ d action, la chirurgie plastique regroupe sous cette dénomination tous les actes de chirurgie qui touchent les téguments et les formes du corps. C est en cela que nous distinguons, au sein de la chirurgie plastique (terme plus général et globaliste),d une part la chirurgie réparatrice et reconstructrice et d autre part la chirurgie esthétique. La chirurgie réparatrice et reconstructrice a pour but de corriger toutes les difformités apparentes ayant été engendrées par des modifications génétiques (bec de lièvre...) ou par des accidents (plaies, brûlures...), alors que le volet esthétique de la chirurgie plastique s adresse à corriger ou améliorer l aspect corporel suite à des modifications inhérentes au temps ( vieillissement de la peau du visage ou chute des cheveux) ou corriger un défaut physique non pathologique mais qui n obéit pas aux standards de beauté (gros nez, petits seins...). En matière de chirurgie réparatrice et reconstructrice nous citerons comme exemples et de façons non exhaustive les actes suivants : la chirurgie des brûlés au stade aigu et au stade des séquelles ainsi que la chirurgie réparatrice des séquelles morphologiques d accident de la circulation et autres accidents en tout genre ; la chirurgie de la main et la microchirurgie avec les greffes de doigts, de mains ou de membres ; la chirurgie plastique congénitale tels les accollement de doigts des mains ou des becs de lièvre jusqu aux difformités crâniofaciales plus complexes ; la chirurgie reconstructrice d un organe perdu en totalité ou en partie comme le cas fréquent de reconstruction du sein après cancers ; En matière de chirurgie esthétique toutes les possibilités d embellissement du corps est envisageable chirurgicalement ainsi et à titre d exemple nous citerons de la tête au pied : 1 Membre fondateur de la société tunisienne de chirurgie plastique et son ex président 7

Les greffes de cheveux pour alopécie ; La correction des oreilles décollées ; La rétention de la peau des paupières (blépharoplastie) et du visage (lifting) ; La correction de nez gros large ou bossu (rhinoplastie) ; Réduction ou augmentation du volume des seins ; Lifting du ventre ( abdominoplastie) ; Aspiration de la graisse de toute partie du corps (Liposuccion) ; Sculpture des cuisses, des mollets Ainsi nous voyons que les potentialités de cette spécialité sont innombrables mais jusqu à quel point peut-on aller dans la modification du corps et quelles en sont les limites! 8

LES RISQUES DE LA CHIRURGIE ESTHETIQUE : INSATISFACTIONS ET COMPLICATIONS Samia AOUN KANOUN 1 La chirurgie esthétique a vécu ces dix dernières années une évolution considérable aux plans de la demande et des exigences des patients, des techniques chirurgicales, de la médiatisation et de la «judiciarisation» de la spécialité. Le chirurgien esthétique, normalement tenu à une obligation de moyens, devient de plus en plus tenu à une obligation de résultats. Par conséquent, la gestion des complications médicales, légitime et conséquente à sa formation, s est transformée en une gestion des complications «médicojudiciaires» parfois même en l absence de complications médicales vraies. Il en résulte une transformation de la relation «paternaliste» qui caractérisait la relation médecin patient en une relation «consumériste» où le chirurgien doit non seulement protéger son patient des aléas de la chirurgie, mais également se protéger lui-même. Face à ces contraintes croissantes, une information préopératoire intelligible exhaustive ainsi que le consentement éclairé du patient deviennent de nos jours, des pièces indispensables à la bonne tenue du dossier médical. 1 Spécialiste en chirurgie esthétique. 9

PLACE DE LA DERMATOLOGIE ESTHETIQUE Mohamed Ridha KAMOUN 1 La vie est toujours synonyme de changement pour une adaptation continuelle à un environnement en perpétuelle évolution. L époque actuelle, est caractérisée par l accélération de ce changement. Le rythme des avancées des connaissances scientifiques et technologiques est tel qu il est légitime de se demander si notre capacité humaine d adaptation sera suffisante pour assimiler, avec sagesse, tous ces progrès. Autrement dit, si notre éthique sera en mesure de canaliser tous ces nouveaux acquis pour l homme et non contre lui. Les progrès, qui concernent tous les domaines : communication, industrie, commerce et santé, ont influencé, de façon majeure, le comportement humain. Les progrès des sciences de la santé ont permis un remarquable accroissement de l espérance de vie, ce qui favorise des dommages du corps humain. La peau, organe de protection, va subir l apparition de diverses imperfections dues aux nombreuses agressions en particulier solaires et chimiques. Les progrès des moyens de communication ont favorisé la culture de l image. L apparence et l esthétique sont ainsi devenues une préoccupation et un souci majeurs de l homme. L accroissement de la demande esthétique, favorisée par la publicité, a considérablement stimulé la recherche en cosmétologie. Celleci, utilisée depuis des millénaires pour l hygiène et la parure, ambitionne maintenant de prévenir et même de réparer les méfaits de l environnement et de l âge. La dermato-vénéréologie qui soignait essentiellement les maladies infectieuses et parasitaires de la peau, s occupe actuellement de dermatoses allergiques et psychosomatiques et de plus en plus de dermocosmétologie. Les moyens dont dispose la dermocosmétologie sont de plus en plus nombreux et vont des simples topiques aux moyens interventionnels, injections, chirurgie et lasers. Tous ses moyens posent, avec de plus en plus d acuité, la question du coût des risques et de l efficacité. 1 Professeur de dermatologie Faculté de Médecine de Tunis. 10

Quelques exemples illustrent les nombreuses questions qui doivent interpeller tous ceux qui sont concernés par la recherche, l industrie, le commerce, le conseil et l utilisation des dermocosmétiques. Les topiques dépigmentants et anti-âge ont en commun un coût élevé et une faible efficacité et posent ainsi le problème de la justification du sacrifice financier et de la frustration de l inaccessibilité. Les cosmétiques du marché informel et les copies piratées ne sont pas dénués de risque. Les crèmes antisolaires ne doivent et ne peuvent remplacer la plus efficace et la plus accessible des photoprotections, celle basée sur le comportement (vêtements, chapeaux.). 11

CHIRURGIE ESTHETIQUE : Aspects réglementaires et droits du patient Dr. Noureddine CHERNI 1 Aborder un tel sujet, sensible par l intérêt que lui portent de plus en plus de «consommateurs», complexe par les facettes multiples qu il comporte, n est pas du tout chose aisée. C est sciemment que plusieurs termes sont utilisés pour parler du patient. En effet, celui-ci passe du statut de consommateur, au statut de patient, en passant par celui de candidat à la chirurgie esthétique, tout cela avec beaucoup de subtilité en fonction de l étape à laquelle il se trouve. C est en tout cas ce qui ressort aujourd hui de la bibliographie internationale. La chirurgie esthétique peut être définie comme étant «une chirurgie qui a pour finalité explicite la modification de l apparence corporelle d une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructive». A partir de là, découlent toutes les conditions particulières de prise en charge d un candidat à la chirurgie esthétique avec, d une part, les obligations qui incombent au médecin et, d autre part, les droits du patient. La revue des textes législatifs et réglementaires tunisiens en la matière laisse apparaître une carence sur plusieurs aspects. En effet, seuls les principes généraux y sont abordés. Toutefois, la législation comparée, notamment française, nous permet d apporter des réponses à certains questionnements : _ C est ainsi que la question du bénéfice-risque doit être posée systématiquement avant toute intervention de chirurgie esthétique. Il appartient au chirurgien de mesurer ce rapport et de savoir refuser la demande quand le risque est trop important par rapport au résultat attendu. _ L autre aspect non moins important, c est le devoir d information du patient, et là aussi, c est au médecin qu incombe cette tâche. Cette information embrasse plusieurs volets tels que les risques encourus, les complications possibles et le coût de l acte, étant entendu que cette chirurgie n est pas prise en charge par les régimes d assurance maladie. 1 Médecin Directeur de la direction de la réglementation et du contrôle des professions de santé au Ministère de la Santé Publique. 12

Il importe également de s assurer de la volonté réelle du candidat à cette chirurgie de franchir le pas, si sa décision a été mûrement réfléchie, d où le délai de réflexion qui doit lui être obligatoirement accordé, notamment en France. Sur un autre plan, la qualification du chirurgien a été, et demeure encore dans plusieurs pays, un sujet épineux. Si le principe de l omni pratique ou de la polyvalence a été dans les faits abandonné, car il a été assorti de certaines conditions qui ramènent le médecin à ses limites de compétences, il n en demeure pas moins que la question se pose aussi parmi les spécialistes. En effet, parmi eux, il y a ceux qui sont titulaires de la spécialité et il y a les autres. Rappelons que la chirurgie esthétique, plastique et reconstructrice, en tant que spécialité, est relativement récente dans les pays européens puisqu elle y a été créée il y a une vingtaine d années environ. En Tunisie, elle a été identifiée en tant que telle en 1998, donc voilà juste dix ans. Avant cela, plusieurs spécialités chirurgicales touchaient à la chirurgie esthétique dans tous ses aspects. Aujourd hui, ce qui se dégage à travers la lecture des textes organisant l exercice médical et autres qui y sont rattachés, c est que chaque spécialiste s adonne à la chirurgie esthétique dans la limite des domaines d intervention de sa spécialité, en permettant aux anciens de continuer à la pratiquer. Enfin, le dernier point, et non des moindres, concerne le volet publicitaire qui caractérise cette activité, une activité assimilée à tort parfois à «un business». Il s agit là d un aspect délicat à aborder car il concerne tous les intervenants de la chaîne, à savoir le médecin, la clinique et dans certains cas l intermédiaire, qui est la société de service ou l agence de voyage. Si le statut d une agence de voyage est commercial, la médecine ne l a jamais été et ne doit pas le devenir. Mettre de l ordre dans tout cet imbroglio ne peut que rendre à la médecine ses lettres de noblesse et amener le patient à choisir et se décider en connaissance de cause et en toute sérénité. 13

LES EXPORTATIONS DES SERVICES DE SANTE Amel AOUIJ-MRAD 1 Concept nouveau apparu depuis une dizaine d années, l exportation des services de santé étonne à plus d un titre. Elle constitue en effet une autre marque de la transformation sournoise de la santé en un bien marchand. Tout comme des blue jeans ou des produits alimentaires, elle devient exportable. Elle n est plus uniquement ce bien précieux lié à la vie et à dignité de l Homme. Elle devient franchement monnayable et qui plus est, couplée à d autres services bien plus prosaïques comme le tourisme. Tous deux sont désormais vus conjointement comme étant des secteurs rentables. La spécificité des services de santé exportés semble mise à mal par des techniques et des procédures sans aucune originalité; elles reprennent cependant le dessus pour se transformer en véritables limites au développement de cette exportation. 1 Est professeur à la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis. Membre du Comité national d éthique médicale, elle dirige l Unité de rech1erches Santé, éthique, argent de la Faculté de droit de Tunis et est présidente de l Association tunisienne de droit de la santé. 14

OBLIGATIONS DEONTOLOGIQUES EN CHIRURGIE ESTHETIQUE Nejib CHAABOUNI 1 Depuis des siècles, l homme cherche à percer le secret de l'éternelle jeunesse, par une simple baignade dans la Fontaine de Jouvence, par les cosmétiques, par la chirurgie esthétique en attendant peut-être le décodage du gène responsable de son processus de vieillissement. Ce rêve de paraitre et/ou de rester jeune, cette l obsession de vouloir à tout prix échapper à notre inéluctable destin a fait développer en marge de la chirurgie plastique réparatrice une activité de convenance à visée purement esthétique. Elle a pour finalité explicite la modification de l apparence corporelle d une personne, sans visée thérapeutique ou reconstructrice. S inscrivent dans cette même logique les pratiques dites de «médecine esthétique», telles que l utilisation de la toxine botulique ou l injection de matériaux résorbables ou d autres substances, notamment pour le comblement des rides. Certes la légitimité thérapeutique fait souvent défaut dans ce cas particulier de contrat de soin, mais la définition de la santé énoncée dans le préambule de la constitution de l OMS incite le médecin à contribuer au bien être physique, mental et social du patient en le faisant bénéficier, entre autre, de la contraception, de l'ivg, de l'asmp et pourquoi pas des soins à visée esthétiques? Bien que les patients consultent avant tout par désir et non pour de réels problèmes de santé, l exercice de la chirurgie esthétique demeure encadré par des obligations déontologiques afin d assurer aux usagers la compétence des chirurgiens et la sécurité sanitaire due pour toute intervention chirurgicale, et ceci, dans le cadre «d une confiance qui rejoint librement une conscience» comme l a si bien exprimé Louis Portes : Les principales obligations déontologiques sont : 1/ L obligation de compétence : L Ordre des médecins est chargé, de part la loi, de vérifier l authenticité des diplômes et des qualifications. La déontologie exige du médecin qu'il donne des soins "conformes aux données acquises de la science" ; il doit être au courant des progrès de la médecine. La compétence médicale est la première exigence de la morale professionnelle 1 Médecin spécialiste en néphrologie membre du Conseil National de l Ordre des Médecins de Tunisie. 15

2/ L obligation d information : Le chirurgien doit donner au patient une information préalable, complète, loyale et intelligible ; il doit décrire l intervention projetée, ses risques, même les plus exceptionnels, y compris et surtout le risque d échec. Il doit également donner une information complète sur le coût de l intervention et des soins post opératoires. C est la condition indispensable au consentement éclairé du patient. 3/ L obligation de moyens «renforcée»: Dans tout exercice médical, le médecin est tenu de dispenser des soins : consciencieux, attentifs, conforme aux données acquises de la science, avec mise en œuvre de tous les moyens humains et techniques nécessaires et disponibles. Le médecin ne peut pas, et ne doit pas, garantir directement ou indirectement la guérison. Il n y a pas d obligation de résultat, mais l exigence du respect des règles préventives, diagnostiques et thérapeutique validées et communément admises. Sachant que l intervention de chirurgie esthétique ne correspond ni à une urgence vitale, ni même à une nécessité thérapeutique, la déontologie est particulièrement exigeante sur les moyens utilisés. Elle soumet le médecin à une obligation de moyens qui est renforcée. Cette protection est d autant plus attendue que les risques encourus, éventuellement, par la personne concernée ne sont pas la contrepartie d un geste nécessaire à sa santé. 4/L obligation d indépendance : L indépendance professionnelle est acquise quand chacun des actes (soulager, guérir, prévenir) sont déterminés seulement par le jugement de la conscience du médecin et en références à ses connaissances scientifiques, avec, comme seul objectif, l'intérêt du malade. Vis-à-vis de ses propres intérêts : Aucun avantage personnel ne doit déterminer la décision d un acte opératoire. Vis-à-vis de son patient : refuser d opérer si le patient attend des résultats inaccessibles Vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique qui cherche la fidélisation des prescriptions Vis-à-vis des réseaux de recrutement de «clients» L'indépendance professionnelle fonde la confiance du patient. Son corollaire est la responsabilité personnelle du médecin. 16

5/ L interdits de tous procédés directs ou indirects de publicité : la chirurgie esthétique ne doit pas être pratiquée comme un commerce. La santé n'est pas un bien marchand. L'acte médical ne peut pas être considéré comme une denrée, une marchandise échangée pour une contrepartie financière. Le médecin ne "vend" pas des ordonnances ou des soins, ou des certificats. La médecine est un service. Le "contrat de soins" qui est à la base de la responsabilité médicale n'est pas une convention commerciale, ni un marché. C'est un contrat tacite, où ce qu'apporte l'un n'est pas l'équivalent de ce qu'apporte l'autre. Le médecin s'engage à donner les soins adéquats qui ne sont pas définis par avance et qui diffèrent selon les circonstances. Par ailleurs, les rapports du médecin avec les média (licites en soi) risquent de se transformer en audience publicitaire: se présenter au public et faire la publicité pour les structures dans lesquelles il exerce (cabinet, centre médical) et /ou présenter ce qu il sait faire ; ses exploits et prodiguer des promesses irréalistes qui usent de la crédulité des patients. Informer le public ne signifie pas racoler et susciter la demande ; ainsi sont interdites toutes manifestations radiophoniques ou télévisées dont le but n'est pas purement scientifique ou en faveur d'une cause d'intérêt général. De même, la distribution de plaquettes ou de cartes de visite dans les salons de coiffure ou chez les esthéticiennes est parfaitement condamnable. Une demande de chirurgie esthétique ne doit pas être suscitée la publicité. 17

LA RESPONSABILITE JURIDIQUE DU CHIRURGIEN ESTHETIQUE Majed ZEMNI, Tasnim MASMOUDI 1 La spécificité de la chirurgie esthétique réside dans le fait qu elle répond non pas à une finalité thérapeutique mais plutôt à un désir du patient. C est ainsi que la licéité de ce type de chirurgie a été initialement mise en doute. L évolution s est faite vers une acceptation de cette prise de risque chirurgical avec un strict encadrement des actes. La chirurgie esthétique apparaît actuellement comme une spécialité à haut risque médico-légal, en effet la contestation du patient est plus facile (résultat insatisfaisant, survenue d une complication) et l appréciation des juges plus sévère. La doctrine a pu faire peser à la charge du chirurgien esthétique une obligation de résultats, celle-ci ne se conçoit toutefois que si le chirurgien s oblige lui-même dans le contrat de soins à fournir un résultat morphologique précis. L obligation générale du chirurgien esthétique reste une obligation de moyens avec une évaluation plus sévère de son devoir d information (formulaire de consentement, délai de réflexion) ce qui a fait parler d une obligation de moyens renforcée. En matière de fourniture de prothèse, le chirurgien esthétique est tenu à une obligation de résultats. En droit comparé français, les juges ont dans certaines situations retenu la responsabilité du chirurgien sur la base d une obligation de sécurité de résultats, ainsi la survenue d une complication engage systématiquement la responsabilité du chirurgien laquelle ne peut être dégagée que s il apporte la preuve du cas de force majeur ou de faute du patient lui-même. 1 Service de médecine légale - Hôpital universitaire Farhat Hached 4000 Sousse - Tunisie. 18