Année 2003 THÈSE. Soutenue publiquement le 26 septembre 2003. pour l obtention du diplôme de. Par. Guillaume Cairanne



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UNIVERSITÉ DE CERGY-PONTOISE Année 2003 THÈSE Soutenue publiquement le 26 septembre 2003 pour l obtention du diplôme de DOCTEUR DE L UNIVERSITÉ DE CERGY-PONTOISE SPÉCIALITÉ : GÉOPHYSIQUE Par Guillaume Cairanne LES RÉAIMANTATIONS CHIMIQUES ET LE FILTRAGE DES POLARITÉS DU CHAMP MAGNÉTIQUE TERRESTRE EXPÉRIENCES PRESSION-TEMPÉRATURE ET COMPARAISON AVEC DES RÉAIMANTATIONS NATURELLES. --------------- Jury : M. Charles Aubourg Co-directeur de Thèse M. Yves Guéguen Examinateur M. Bernard Henry Rapporteur M. Jean-Pierre Pozzi Co-directeur de Thèse M. Pierre Rochette Examinateur M. Jean-Pierre Valet Rapporteur

RÉSUMÉ : Les roches sédimentaires mésozoïques du bassin du Sud-Est de la France possèdent rarement une aimantation rémanente primaire, et portent au moins une réaimantation chimique, d âge Éocène. Elle est caractérisée par une polarité magnétique normale quasi-exclusive, alors que les deux polarités seraient attendues, compte tenu de la fréquence des inversions géomagnétiques au Tertiaire. J ai étudié cette caractéristique paradoxale de deux manières : 1) sur le terrain, une étude paléomagnétique des nappes de Digne et de l Embrunais-Ubaye met en évidence au moins deux réaimantations portées par les roches cénozoïques : une réaimantation syn-plissement qui affecte des roches d âge au moins Oligocène ; une réaimantation récente, postérieure au plissement, qui affecte des roches d âge au moins Mio-Pliocène. La polarité géomagnétique est quasi-systématiquement normale pour ces deux réaimantations alpines (à l exception de deux sites des nappes de l Embrunais- Ubaye). Ce résultat n est pas très surprenant pour lé réaimantation post-plissement, qui est interprétée comme une réaimantation récente (<0,8 Ma) ; cela l est pour la réaimantation alpine syn-plissement, car la fréquence des inversions est supérieure à 4/Ma depuis l Oligocène. 2) au laboratoire, des réaimantations chimiques expérimentales mettent en évidence le filtrage des polarités du champ magnétique appliqué lors de l acquisition de l aimantation rémanente chimique d échantillons naturels (altérations en milieu gazeux ouvert et en milieu gazeux clos) et d échantillons synthétiques (synthèse hydrothermale de magnétite) : l analyse paléomagnétique de ces réaimantations artificielles montre la superposition, au premier ordre, des spectres de champs de déblocage des aimantations chimiques successives et de polarités opposées. Il n est donc pas possible de les séparer. La dynamique de la réaction chimique semble contrôler la qualité de l enregistrement paléomagnétique d origine chimique. L extrapolation des résultats acquis au laboratoire aux milieux naturels pose la question de la fidélité d un enregistrement paléomagnétique d origine chimique porté par de la magnétite. On peut ainsi proposer que l acquisition chimique des réaimantations alpines du bassin du Sud-Est de la France a duré plus d une polarité magnétique. ABSTRACT: Mesozoic sedimentary cover from south-eastern France s basin do not carry primary magnetization, and they carry at least one chemical remagnetization, which is Eocene in age. It is caracterized by a lack of reverse polarity. Two magnetic polaritites would be expected due to the high frequency of geomagnetic reversals in during Tertiary. This intringing feature was studied by two ways: 1) the paleomagnetic study of Digne s nappe and of Embruanis-Ubaye s nappes shows at least two remagnetizations. A syn-folding remagnetization is carried by post-eocene rocks. A post-fodling remagnetization is carried by post-oligocene rocks. Their magnetic polarity is almost exclusively normal (except two sites of the Embruanis-Ubaye s nappes). This result is not very surprising in the case of the post-folding remagnetization, that is interpreted as a recent remagnetization (<0.8 Ma). It is surprising n the case of the syn-folding remagnetization, since the frequency of magnetic reversals exceeds 4/Ma since Oligocene ; 2) the laboratory study of chemical remagnetization shows that chemical remagnetization can filter the applied magnetic polarities in two cases: natural samples altered in gaz, and hydrothermally synthetized magnetite. Analysis of magnetic components shows the superposition of unblocking field spectra of the partial chemical remanent magnetizations of opposite polarities. They are not separable by demagnetization. The chemical process is shown to control quality of the chemical record of the magnetic field. Extrapolation of laboratory results questions the fidelity of the chemical record of the magnetic field carried by magnetite. It is proposed that the chemical remagnetization of south-eastern France s basin may have durated more than a magnetic polarity timespan.

Remerciements Je remercie Charly Aubourg et Jean-Pierre Pozzi pour m avoir donné l occasion de réaliser le travail présenté dans ce mémoire, et pour avoir répondu aux nombreuses questions que je leur ai posées. Je remercie Yves Guéguen, Bernard Henry, Pierre Rochette et Jean-Pierre Valet de m avoir fait l honneur de juger mon travail. Je remercie Fabrice Brunet pour la collaboration fructueuse qu il a accepté de construire avec moi. Je le remercie pour sa disponibilité et pour m avoir initié à la pétrologie expérimentale et à la microscopie électronique. Je remercie Dominique Frizon de Lamotte et Raoul Madariaga de m avoir acceuilli dans leurs laboratoires, ainsi que tous les membres du département des sciences de la Terre de l Université de Cergy-Pontoise et du laboratoire de géologie de l École Normale Supérieure de Paris. Je remercie Marie-Gabrielle Moreau pour les nombreuses discussions que nous avons eues et pour avoir mis à ma disposition les échantillons du forage de Montcornet. Je remercie Pascale Besson, Paul-Émile Guezou, Maxime Le Goff et Bruce Velde pour leur aide précieuse. Je remercie Nicole Catel, Thierry Decamps, Denis Douillet, Lucille Mamou, Guy Marolleau et Jacques Olejnik pour leur participation efficace à la partie expérimentale de mon travail. Je remercie vivement Jean-Paul Callot, Julie Carlut, Lina Dumont, Hugues Feinberg, Xavier Guichet, Hélène Horen, Laurence Jouniaux et André Michard. Merci plus particulièrement Xavier qui a su cohabiter dans huit grands mètres carrés pendant ces trois années. Je remercie toutes celles et ceux qui ont participé à la réalisation de ce travail et de ce mémoire, parfois sans le savoir. Ce travail a été financé par le ministère de la recherche et par le centre national de la recherche scientifique.

TABLES DES MATIÈRES. 1. Introduction - 1-2. Éléments de magnétisme des roches et réaimantations orogéniques. 5 2.1. Aimantation primaire et réaimantation des roches sédimentaires. 5 2.1.1. Les minéraux de la matrice sédimentaire. 5 2.1.2. Les minéraux ferromagnétiques sensu lato 6 2.1.3. La stabilité de l aimantation rémanente des roches. 13 2.1.4. Les facteurs physico-chimiques de réaimantation des roches sédimentaires. 17 2.1.4.1. L effet du temps et/ou de la température. 17 2.1.4.2. L effet du champ magnétique et de la pression. 20 2.1.4.3. Effet de la chimie. 21 2.1.5. L'aimantation rémanente naturelle des roches sédimentaires 24 2.1.5.1. L acquisition de l aimantation rémanente des roches sédimentaires. 24 2.1.5.2. La séparation des composantes de l aimantation rémanente naturelle des sédiments. 26 2.1.5.3. Synthèse. 29 2.2. Les réaimantations dans les zones externes et au front des chaînes de montagne. 30 2.2.1. Des réaimantations d altération tropicale aux réaimantations orogéniques. 30 2.2.2. Origines des réaimantations orogéniques 35 2.2.2.1. Le modèle thermovisqueux 35 2.2.2.2. Le modèle chimique. 37 2.2.2.3. D'autres modèles pour expliquer les températures de déblocage anormalement élevées 47 2.2.3. Synthèse. 51 3. Étude de la réaimantation du bassin du Sud-Est de la France. 53 3.1. Démarche et échantillonnage. 53 3.1.1. Travaux antérieurs. 53 3.1.2. Objectifs de l étude paléomagnétique. 55 3.1.3. Choix des sites d échantillonnage. 55 3.2. Méthodes. 62 3.2.1. Prélèvement et préparation des échantillons. 62 3.2.2. Nature et taille des minéraux ferromagnétiques. 62 3.2.3. Désaimantation et analyse des composantes. 63 3.2.4. Tests paléomagnétiques. 63 3.3. Minéralogie magnétique des roches étudiées. 65 3.3.1. Nature du porteur ferromagnétique principal 65 3.3.2. Granulométrie magnétique pour les sites à magnétite 69 3.4. Résultats paléomagnétiques. 72 3.4.1. Le front de la nappe de Digne. 72 3.4.1.1. Article : Syn-folding remagnetization and the significance of the small circle test. Examples from the Vocontian trough (SE France). 72 3.4.1.2. La coupe d Esparron 82 3.4.1.3. La coupe de la vallée du Bès 87 3.4.1.4. La coupe de Mezel à Barrême. 91 3.4.2. La nappe de Digne-Castellane : la coupe de Saint-Antonin. 95 3.4.3. La nappe du Parpaillon : la coupe de la vallée de l Ubaye. 99 3.5. Discussion. 103 3.5.1. Remarques sur les faciès échantillonnés 103 3.5.2. Aimantations pré-, syn- et post-plissement. 103

TABLES DES MATIÈRES. 3.5.3. Unicité et âge de la réaimantation? 106 3.5.4. La mono-polarité des réaimantations. 107 3.5.5. Un mot sur l application tectonique. 109 3.6. Conclusion. 110 4. Étude expérimentale de l enregistrement des polarités du champ magnétique lors de l acquisition de l aimantation rémanente chimique de la magnétite. 111 4.1. Quelles expériences conduire? 111 4.1.1. Suivi magnétique de l acquisition d une CRM. 111 4.1.2. Les études expérimentales antérieures de la CRM portée par la magnétite. 114 4.1.2.1. Synthèse de magnétite sous atmosphère de gaz. 114 4.1.2.2. Production de magnétite en phase liquide. 116 4.1.3. Discussion. 116 4.1.4. Démarche expérimentale adoptée. 118 4.2. Conditions expérimentales et objets d étude. 120 4.2.1. Dispositif expérimental. 120 4.2.2. Altération en phase gazeuse. 123 4.2.2.1. Choix des échantillons. 123 4.2.2.2. Conditions expérimentales. 125 4.2.2.3. Protocoles expérimentaux. 127 4.2.3. Synthèse hydrothermale de magnétite. 128 4.2.3.1. Réaction choisie et conditions expérimentales. 128 4.2.3.2. Préparation de l échantillon. 131 4.2.3.3. Protocole expérimental. 133 4.2.3.4. Suivi magnétique pendant l expérience. 134 4.3. étude expérimentale de la CRM provoquée en chauffant les argilites toarciennes de Montcornet en phase gazeuse. 136 4.3.1. Article : Laboratory chemical remanent magnetization in a natural claystone: record of two magnetic polarities. 136 4.3.2. Discussion. 156 4.3.2.1. Quelles sont les sources de fer et d oxygène? 156 4.3.2.2. La production de magnétite et d hématite. 158 4.3.2.3. La composante de basse température (< 220 C) de polarité opposée à celle de la CRM. 160 4.3.2.4. Juxtaposition ou superposition des CRMs partielles de polarité opposées? 162 4.3.2.5. But des expériences en milieu clos. 162 4.3.3. Résultats et interprétation des expériences réalisées en milieu clos. 163 4.3.3.1. Suivi magnétique de l acquisition de la CRM. 163 4.3.3.2. Stabilité de la CRM. 164 4.3.3.3. Minéralogie magnétique. 164 4.3.3.4. Désaimantation de la CRM acquise pendant une polarité magnétique. 166 4.3.3.5. Effet d une inversion de la polarité magnétique. 167 4.3.4. Interprétation de l ensemble des résultats obtenus par altération des argilites toarciennes de Montcornet en phase gazeuse. 171 4.4. étude expérimentale de la CRM par synthèse hydrothermale de magnétite. 173 4.4.1. Article : Magnetic monitoring of hydrothermal magnetite nucleation-and-growth: record of magnetic reversals. 173 4.4.2. Résultats. 179

TABLES DES MATIÈRES. 4.4.2.1. Suivi magnétique de la synthèse de magnétite à 30 MPa et 450 C. 179 4.4.2.2. Effet d une, puis de deux inversions de la polarité magnétique. 182 4.4.2.3. La stabilité des pcrms à 30 MPa et 450 C. 186 4.4.2.4. Analyse de la CRM à température ambiante. 188 4.4.2.5. Caractérisation intermédiaire des échantillons. 190 4.4.2.6. Détermination magnétique de la granulométrie. 193 4.4.3. Synthèse des résultats et discussion. 197 4.5. Conclusion des résultats expérimentaux obtenus sur le filtrage des polarités magnétiques lorsque la magnétite acquiert une CRM. 200 5. Conclusions et perspectives. 203 6. Références bibliographiques. 209 7. Annexes 223

TABLES DES MATIÈRES.

INTRODUCTION. 1. Introduction On rencontre fréquemment les réaimantations dans les chaînes de montagne, et en particulier dans leurs zones externes et leur avant-pays, qui sont en général très faiblement ou pas métamorphisés par l orogenèse. C est le cas par exemple dans les chaînes du Paléozoïque d Amérique du Nord (McCabe & Elmore 1989). On parle de réaimantations orogéniques. Le phénomène de réaimantation peut résulter de la déstabilisation d au moins une partie de l aimantation rémanente primaire des roches et que remplace une aimantation rémanente dite secondaire, par l action de la température par exemple (réaimantation thermovisqueuse). Elle peut résulter aussi de l acquisition d une aimantation rémanente secondaire par la formation de nouveaux minéraux ferromagnétiques au cours de l histoire de la roche (réaimantation chimique) ; dans ce cas, l aimantation rémanente primaire est remplacée ou simplement masquée selon que les nouveaux cristaux ferromagnétiques sont formés au détriment des minéraux ferromagnétiques primaires ou non. S il est parfois possible de séparer la ou les aimantation(s) secondaire(s) de l aimantation primaire des roches, ce n est pas le cas général (Daly 1979, 1981) : la désaimantation de l aimantation rémanente naturelle des roches peut ne révéler qu une seule composante paléomagnétique secondaire. La détermination de la direction de l aimantation primaire n est alors évidemment pas possible. On peut cependant utiliser une réaimantation à des fins géodynamiques (rotations tectoniques) ou géochronologiques (datation des phénomènes géologiques qui ont induit la réaimantation) dans la mesure où il est possible de dater la réaimantation. Certaines réaimantations orogéniques possèdent la particularité de posséder une unique polarité magnétique (normale ou inverse), ce qui est souvent interprété comme l indice que leur acquisition fut rapide par rapport à la durée d une période de même polarité magnétique; cela peut correspondre à une trentaine de millions d années à la fin du Crétacé, ou à moins d un demi-million d années pour la période de l Oligocène à l actuel, d après l échelle magnétostratigraphique de Cande & Kent (1995). 1

INTRODUCTION. La monopolarité normale de certaines réaimantations tertiaires est intrigante. C est le cas dans le Wyoming-Idaoh-Utha (Hudson et al. 1989), dans les Bétiques (Villalain et al. 1994), en Turquie (Morris & Robertson 1993). C est le cas aussi dans le bassin du Sud-Est de la France (Aubourg & Chabert-Pelline 1999, Bailly 1999, Chabert-Pelline 1996, Henry et al. 2001, Katz et al. 2000, Katz et al. 1998, Kechra et al. 2003) où la réaimantation est d origine chimique et est portée par des roches du Carbonifère, du Trias, du Jurassique et du Crétacé. L hypothèse d un filtrage des polarités magnétiques par l acquisition d une réaimantation chimique est proposée (Henry et al. 2001). Le sujet du travail que je présente est double: 1- Sur le terrain, il s agit de d étudier l aimantation des roches d âge Tertiaire en grande partie de la région des nappes alpines : la nappe de Digne-Castellane dans les zones externes et la nappe du Parpaillon dans les zones internes des Alpes occidentales, pour répondre à la question de l unicité de la réaimantation qui affecte le Bassin du Sud-Est de la France. 2- Au laboratoire, j ai choisi d étudier l enregistrement et le filtrage potentiel des polarités magnétiques lors de l acquisition d une réaimantation chimique. Deux modes de production de la magnétite et trois conditions expérimentales différentes sont envisagées pour tester si l enregistrement des polarités magnétiques en dépend et pour pouvoir discuter l extrapolation des résultats obtenus vers les milieux naturels. Après un premier chapitre qui présente rapidement les propriétés magnétiques des roches sédimentaires, je présente l étude de terrain (chapitre second) puis l étude expérimentale (chapitre troisième). Le chapitre quatrième présente mes conclusions et quelques perspectives. 2

LISTE DES SYMBOLES ET ABRÉVIATIONS UTILISÉS CRM : aimantation rémanente chimique ; chemical remanent magnetization en anglais k : susceptibilité magnétique M : aimantation H : champ magnétique µ O : perméabilité magnétique du vide V : volume T : température M S : aimantation spontanée, aimantation à saturation M RS : aimantation rémanente à saturation H C : champ coercitif H CR : coercivité de la rémanence H D : champ démagnétisant N : facteur démagnétisant Na : facteur démagnétisant selon l axe de facile aimantation Nb : facteur démagnétisant selon l axe de diffacile aimantation l S : magnétostriction à saturation SP : super-paramagnétique SD : monodomaine ; Single Domain en anglais PSD : pseudo-monodomaine ; Pseudo-Single Domain en anglais MD : polydomaine ; Multidomain en anglais H K : champ coercitif microscopique T C : température de Curie T O : température standard K : constante d anisotropie globale s : contrainte t : temps t : temps de relaxation T UB : température de déblocage 3

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ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. 2. Éléments de magnétisme des roches et réaimantations orogéniques. Ce chapitre commence par présenter brièvement les principales propriétés magnétiques des roches sédimentaires, puis se concentre sur la stabilité de leur aimantation rémanente vis-àvis des paramètres physico-chimiques. Cette présentation est volontairement faite «avec les mains», dans le but de discuter des différents modèles proposés pour expliquer les réaimantations orogéniques. Le lecteur familier avec le magnétisme des roches peut sauter la lecture du paragraphe 2.1.. Le lecteur qui souhaite une présentation détaillée des propriétés magnétiques des roches pourra se référer aux ouvrages et aux articles de revue que j ai consultés (Dunlop 1995, Dunlop & Özdemir 1997, O'Reilly 1984, Stacey & Banerjee 1974, Thellier 1976). Je synthétise ensuite les travaux qui concernent les réaimantations orogéniques, et en particulier celles des roches sédimentaires des zones externes et de front de chaîne de montagne. Les deux modèles explicatifs les plus invoqués dans les publications sont présentés : réaimantation d origine thermovisqueuse (en anglais : Thermo-Viscous Remanent Magnetization, ou TVRM) et réaimantation d origine chimique (en anglais : Chemical Remanent Magnetization, ou CRM), avec leurs arguments, les mécanismes proposés, ainsi que les critères proposés pour identifier chacune d elles dans les roches carbonatées, puisque celles-ci constituent l essentiel de mon échantillonnage. Je présente aussi des modèles alternatifs. 2.1. Aimantation primaire et réaimantation des roches sédimentaires. 2.1.1. Les minéraux de la matrice sédimentaire. Comme tous les corps, les minéraux sont tous diamagnétiques : en présence d un champ magnétique, ils présentent une aimantation qui s oppose au champ appliqué, cf. figure 1. On définit la susceptibilité magnétique, notée k, comme le rapport de l aimantation M et du champ appliqué H, sans unité dans le système international. La susceptibilité diamagnétique est négative et faible. Par abus de langage, on qualifie de diamagnétiques les minéraux qui ne 5

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. présentent qu un comportement diamagnétique. C est le cas du quartz et de la calcite pour la majorité des roches sédimentaires. Le diamagnétisme est indépendant de la température. Figure 1. A) courbes d aimantation en fonction du champ, caractéristiques des différents comportements magnétiques. B) Susceptibilité magnétique K en fonction de la teneur en fer, (Bouchez 2000). Les éléments dont les électrons ne sont pas tous appariés possèdent un moment atomique non nul. En présence d un champ magnétique, les minéraux qui les contiennent présentent une aimantation positive et plus forte, en valeur absolue, que leur aimantation diamagnétique, cf. figure 1. C est le paramagnétisme, propriété qui se superpose au diamagnétisme et le masque. Les minéraux paramagnétiques dans les roches sédimentaires sont les argiles principalement, et les minéraux ferromagnésiens. Le champ magnétique appliqué aligne les moments paramagnétiques parallèlement entre eux. Il s oppose ainsi à l agitation thermique, qui tend à les disperser aléatoirement. La susceptibilité paramagnétique dépend donc de la température T, et obéit à la loi de Curie dans le cas où il n y a pas d interaction entre les moments paramagnétiques : k PARA = C / T où C est la constante de Curie, fonction du nombre d électrons non appariés. 2.1.2. Les minéraux ferromagnétiques sensu lato L aimantation diamagnétique et l aimantation paramagnétique disparaissent lorsqu on supprime le champ magnétique : il n y a pas de rémanence de l aimantation. Au contraire, 6

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. certains minéraux, comme la magnétite et l hématite, conservent une aimantation rémanente en champ nul et en dessous d une certaine température, la température de Curie (ou de Néel, mais on emploie couramment le terme température de Curie d une manière indifférenciée), caractéristique du minéral considéré. Autrement dit, pour les minéraux ferromagnétiques sensu lato, un ordre magnétique persiste en l absence de champ magnétique. L évolution de l aimantation des roches contenant des minéraux ferromagnétiques en fonction du champ magnétique appliqué décrit un cycle d hystérésis, cf. figure 2. Figure 2. Cycle d hystérésis et paramètres d hystérésis d une roche contenant des minéraux ferromagnétiques (O'Reilly 1984). On définit les paramètres d hystérésis M S, M RS, H C et H CR d une roche de la manière suivante, cf. figure 2. En présence d un champ magnétique, l aimantation induite par ce champ augmente jusqu à l aimantation à saturation M S. Lorsqu on annule le champ après la saturation, l aimantation rémanente est l aimantation rémanente à saturation M RS. Le champ coercitif H C est le champ magnétique nécessaire pour annuler l aimantation induite après avoir saturé l aimantation (c est l intersection du cycle et de l axe des abscisses). On définit la coercivité de la rémanence H CR comme la valeur du champ magnétique nécessaire pour annuler l aimantation rémanente après avoir saturé l aimantation. La susceptibilité ferromagnétique et les paramètres d hystérésis sont fonctions de la température. L aimantation rémanente et l aimantation induite des minéraux ferromagnétiques prennent leur origine dans les domaines magnétiques dont ils sont composés, cf. figure 3. 7

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. Figure 3. a) Domaines et parois magnétiques observés sur une surface polie d un cristal de magnétite. Les parois magnétiques (en noir) qui séparent les domaines (en gris clair) sont rendues visibles par un colloïde contenant des cristaux de magnétites nanométriques. b) Schéma interprétatif et directions de l aimantation spontanée dans chacun des domaines (Özdemir & Dunlop 1993). Dans ces régions cristallines, les moments magnétiques atomiques sont suffisamment proches pour qu ils soient couplés par des actions d échange entre électrons : deux moments voisins sont couplés parallèlement entre eux, c est le ferromagnétisme sensu stricto, ou antiparallèlement, c est l anti-ferromagnétisme et le ferrimagnétisme. La magnétite est ferrimagnétique et l hématite possède un comportement anti-ferromagnétique auquel se superpose un faible comportement ferromagnétique sensu stricto. On parle de ferromagnétisme par abus de langage, pour désigner l ensemble des couplages magnétiques possibles. Le couplage ferromagnétique crée une intense aimantation spontanée, notée M S, qui masque l aimantation diamagnétique et l aimantation paramagnétique des minéraux ferromagnétiques. L aimantation spontanée est fonction de la température. Pour la magnétite, sa variation suit la loi empirique suivante, où T O est la température standard et T C la température de Curie : MS( T ) TC T = MS( T0) TC T 0 Les domaines magnétiques d un même cristal sont séparés les uns des autres par des parois magnétiques : ce sont des régions de transition entre les domaines, où les moments atomiques tournent graduellement, cf. figure 4. L épaisseur des murs magnétiques est supérieure à plusieurs centaines de mailles cristallines, de l ordre de 5 10-8 m, et elle varie avec la température. 0,43 8

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. Figure 4. Schéma représentatif de la rotation des moments magnétiques des atomes constituant une paroi magnétique, d après Dunlop & özdemir (1997). Lorsqu on soumet un cristal ferromagnétique à un champ magnétique, chaque moment magnétique des atomes constituant les parois magnétiques tournent d un angle qui est fonction du champ magnétique appliqué. Les parois magnétiques se déplacent ainsi de manière à augmenter la taille des domaines dont l aimantation spontanée est favorablement orientée par rapport au champ magnétique appliqué. Les domaines qui ne sont pas convenablement orientés sont réduits. Le déplacement des parois magnétiques est le mécanisme de l aimantation induite. Les défauts cristallins peuvent empêcher la rotation des moments atomiques, et par conséquent bloquer le déplacement des parois magnétiques. C est un des mécanismes de blocage de l aimantation rémanente dans les cristaux polydomaines. Le déplacement des parois magnétiques par l action d un champ magnétique appliqué H devrait conduire à de très fortes valeurs de la susceptibilité magnétique k. Ce n est pas le cas, car le champ démagnétisant H D s oppose à H : HD = N M avec N le facteur démagnétisant, défini par la formule précédente, qui dépend principalement de la forme du grain, cf. figure 5. L anisotropie de forme du cristal ferromagnétique induit ainsi une susceptibilité apparente : k kapparente = 1 + k N L effet du champ démagnétisant est négligeable pour les cristaux à faibles susceptibilités : k APPARENTE = k, tandis qu il est dominant pour les fortes susceptibilités : k APPARENTE = 1/N. La susceptibilité magnétique est donc bornée : k 1/N. 9

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. Figure 5 : Polarisation magnétique en surface d un ellipsoïde d aimantation uniforme M, et champ démagnétisant interne au grain Hd lorsque M est dirigée selon l axe de facile aimantation (a), selon l axe de difficile aimantation (b), ou obliquement (Dunlop & Özdemir 1997). Les minéraux ferromagnétiques possèdent aussi une anisotropie magnétocristalline, c est-àdire des directions cristallographiques de facile et de difficile aimantation, cf. figure 5. La magnétite possède quatre axes de facile aimantation qui sont les quatre diagonales de sa maille cubique, cf. figure 6. Enfin il existe une autre troisième source d anisotropie : l anisotropie magnétoélastique. La magnétostriction est un changement spontané des dimensions d un cristal ferromagnétique lorsqu il est aimanté. La magnétostriction est définie positive si le cristal s allonge dans la direction de l aimantation. Macroscopiquement, la magnétostriction à saturation λ S d un cristal de longueur L mesure la déformation longitudinale L/L. Elle est anisotrope. Le coefficient de magnétostriction moyen à saturation λ S varie avec la température : λs(t) MS( T) = λs(t O) MS( TO) d après Dunlop & Özdemir (1997), avec, pour un ensemble de grains de magnétite orientés aléatoirement à la température standard, λ S (T O ) = +35,8x10-6. 2,5 10

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. Figure 6. (a) Les quatre axes de facile aimantation de la magnétite, d après Özdemir & Dunlop (1997) ; (b) Courbes d acquisition de l aimantation rémanente isotherme pour un cristal de magnétite selon la direction de facile aimantation et selon celle de difficile aimantation, d après Dunlop & Özdemir (1997). Dans le cas général où les cristaux de magnétite possèdent une anisotropie de forme, cette dernière domine sur l anisotropie magnétocristalline et sur l anisotropie magnétoélastique. C est le cas dès que l anisotropie de forme dépasse 10%, d après Pullaiah et al. (1975). Les cristaux ferromagnétiques les plus petits contiennent peu de parois magnétiques, voire pas du tout. Dans ce dernier cas, ils sont constitués d un seul domaine magnétique : ce sont les grains monodomaines (SD pour «Single Domain»), par opposition aux grains polydomaines (MD pour «Multi-Domains»). Les grains pseudo-monodomaines (PSD) sont 11

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. intermédiaires entre les grains monodomaines et les grains polydomaines. L orientation du moment magnétique d un grain SD est modifiable par rotation d ensemble de tous les moments magnétiques atomiques du grain. Les valeurs des paramètres d hystérésis dépendent de la taille des cristaux. Cette propriété est couramment utilisée pour déterminer la granulométrie des cristaux de magnétite contenus dans les roches (Day et al. 1977, Dunlop 2002), cf. figure 7. Figure 7. Utilisation granulométrique des paramètres d hystérésis de la magnétite, indiquant la gamme des monodomaines (SD), des pseudo-monodomaine (PSD) et des polydomaines (MD) (Day et al. 1977). En dessous d une taille critique, les grains ne sont plus capables de retenir une aimantation rémanente pendant la durée d une expérience : ils sont monodomaines superparamagnétiques, ou plus simplement super-paramagnétiques (SP), c est-à-dire qu ils possèdent un comportement paramagnétique en dessous de leur température de Curie. Cette taille dépend de la forme des cristaux, et elle est comprise entre 2 10-8 m et 5 10-8 m pour la magnétite, cf. figure 8. La transition entre les cristaux instables (temps de relaxation : 100 s) et les cristaux stables (temps de relaxation : 4 10 9 ans) est très étroite. 12

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. Figure 8. Taille critique calculée pour la magnétite monodomaine en fonction de sa forme, d après Butler & Banerjee (1975). Les valeurs 100 secondes et 4 milliards d années correspondent au temps de relaxation de l aimantation rémanente, cf. paragraphe 1.1.3. 2.1.3. La stabilité de l aimantation rémanente des roches. Les roches sédimentaires sont constituées par un ensemble de grains ferromagnétiques dispersés dans une matrice dia/paramagnétique. En général, la concentration des minéraux ferromagnétiques s.l. dans les roches sédimentaires est inférieure à 1%, et elle est de l ordre de 10 ppm dans les calcaires marins (Lowrie & Heller 1982, McCabe & Elmore 1989). La stabilité de l aimantation rémanente des roches est expliquée de manière satisfaisante par la théorie de Néel (1949), dont les hypothèses sont les suivantes : 1. les grains ferromagnétiques sont monodomaines (SD) ; 2. ils sont immobiles ; 3. ils possèdent un axe de facile aimantation et deux axes d égale difficile aimantation (anisotropie magnétique de révolution) ; 4. ils sont dispersés aléatoirement en direction dans la roche; 13

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. 5. ils n exercent pas d interactions magnétostatiques les uns sur les autres. La stabilité de l aimantation d un grain ferromagnétique monodomaine résulte de la compétition entre la somme de l énergie magnétocristalline (anisotropie magnétocristalline), de l énergie de champ démagnétisant (anisotropie de forme) et de l énergie magnétoélastique (contraintes) d une part, qui contribuent à l ordre magnétique, et l agitation thermique d autre part, qui contribue au désordre magnétique. Les facteurs d ordre magnétique y contribuent de manière inégale : par exemple, dans le cas de la magnétite, l anisotropie de forme est le facteur prépondérant. Chaque grain est caractérisé par l orientation de son axe de facile aimantation, son volume V, son aimantation spontanée M S, et son champ coercitif microscopique H K, c est-à-dire le champ nécessaire pour retourner son moment magnétique : H K 2 K = µ O M avec K est la constante d anisotropie globale du grain et µ 0 la perméabilité magnétique du vide = 4πx10-7 H/m. Si l anisotropie magnétique est contrôlée par la forme du grain, la constante d anisotropie globale du grain est : K = 1 µ O ( Nb Na) MS² 2 avec N b et N a les facteurs démagnétisants selon l axe les axes de difficile aimantation et selon les axes de facile aimantation respectivement ; si l anisotropie magnétique est d origine magnétoélastique : K = 3 λ S σ 2 S avec λ S le coefficient de magnétostriction moyen à saturation et σ la contrainte. Le champ coercitif microscopique H K est donc fonction de la température, de la nature du minéral par K et M S, de sa forme par K, et de son histoire tectonique par K (via la contrainte σ). Néel (1949) a montré que l aimantation M d un ensemble de grains monodomaines uniformément aimantés et soumis à un champ magnétique H, dont les moments magnétiques sont dirigés positivement ou négativement selon l axe de facile aimantation, évolue avec le temps t depuis la valeur initiale M(0) vers une valeur d équilibre M EQ par la rotation cohérente des moments magnétiques dans le sens imposé par le champ magnétique H, avec le temps de relaxation τ : 14

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. t t Mt () M(0) e τ = + MEQ (1 e τ ) Autrement dit, M(t) mesure à chaque instant la proportion de grains monodomaines dont les moments magnétiques sont alignés parallèlement à H. L aimantation rémanente à l équilibre M EQ est : M EQ µ O V MS H = MS tanh( ) k T avec M S l aimantation spontanée, V le volume du grain, k la constante de Boltzmann = 1,38x10-23 J/K, H le champ magnétique et T la température absolue. Le temps de relaxation τ de l aimantation rémanente vaut : µvmh 0 S K (1 + H² / HK²) 1 2 2kT µ 0VMSH cosh( ) = e τ τ 0 kt avec τ 0 =10-9 s est une valeur constante en première approximation - la littérature fournit différentes estimations de τ 0 allant de 10-7 s à 10-13 s, cf. discussion dans Moon & Merrill (1988) ; τ 0 =10-9 s explique bien les observations pour la magnétite à la limite SP-SD (Worm & Jackson, 1999). Dans le cas où le champ magnétique H est suffisamment faible, le temps de relaxation est indépendant de H : 1 2 = e 2kT τ τ 0 µ 0VMSHK C est le cas du champ magnétique terrestre pour la magnétite monodomaine et l hématite monodomaine (Enkin & Dunlop 1988). Pour une expérience de durée t, qui se déroule dans un champ magnétique suffisamment faible, à la température T, on représente l ensemble des grains ferromagnétiques dans le diagramme (V, H K ), dit diagramme de Néel, cf. figure 9. 15

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. Figure 9. évolution de la limite de stabilité de l aimantation en fonction de la température réduite T/T CURIE dans le diagramme volume-champ coercitif microscopique à température standard (Néel 1949). Pour une température donnée, l hyperbole VH K =f(t) limite les grains dont les moments magnétiques sont stables (à droite) des grains libres (à gauche). La limite de stabilité est très étroite, puisque τ varie comme l exponentielle du rapport V/T. C est l hyperbole équilatère qui a pour asymptotes les axes de coordonnées du diagramme de Néel ; son équation est VH K =f(t). On distingue ainsi : les grains dont le moment magnétique est stable ( τ >> t ), situés à droite de l hyperbole ; les grains dont le moment magnétique est visqueux ( τ t ), situés sur l hyperbole ; les grains dont le moment magnétique est libre ( τ << t ), situés à gauche de l hyperbole. Dans le cas d une roche naturelle le diagramme de Néel peut être garni de manière hétérogène et différente d une roche à l autre. L expression du temps de relaxation prédit que les grains monodomaines les plus gros sont ceux dont l orientation des moments magnétiques est la plus stable. Cette stabilité diminue au delà de la taille critique supérieure des monodomaines, c est-à-dire pour les grains pseudomonodomaines et polydomaines, cf. figure 10. 16

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. Figure 10. évolution du temps de relaxation τ en fonction de la taille des grains (Henshaw & Merrill 1980) : τ croît avec le volume croissant pour les grains super-paramagnétiques (1) et monodomaines (2 et 3), puis τ décroît avec le volume croissant pour les pseudomonodomaines (4) et les polydomaines (5). 2.1.4. Les facteurs physico-chimiques de réaimantation des roches sédimentaires. Une roche est réaimantée en présence d un champ magnétique lorsque son aimantation n est pas stable vis-à-vis des paramètres physico-chimiques ambiants. Au moins une partie des grains ferromagnétiques monodomaines qui la constituent possèdent un temps de relaxation τ insuffisant pour conserver l orientation de leurs moments magnétiques après que ces paramètres ont agi un temps t τ. Les paramètres temps, température, champ magnétique, pression, et chimie sont des facteurs de réaimantation, dont les effets peuvent se combiner à différents moments de l histoire d une roche. La théorie de Néel (1949) permet d en prédire les effets tant que la roche ne subit pas de déformation plastique. 2.1.4.1. L effet du temps et/ou de la température. L action du temps débloque progressivement l aimantation à l échelle macroscopique et la remplace par l aimantation rémanente visqueuse (en anglais : Viscous Remanent Magnetization, VRM). À l échelle microscopique, les moments magnétiques des grains les moins stables sont progressivement réorientés. Graphiquement, le temps déplace l hyperbole de stabilité de l aimantation selon la bissectrice du diagramme de Néel, cf. figure 11. 17

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. Figure 11. L effet du temps sur la stabilité de l aimantation d un ensemble de grains monodomaines dans le diagramme de Néel (Dunlop & Özdemir 1997). Dans la nature, l aimantation rémanente visqueuse correspond souvent à la composante paléomagnétique acquise dans le champ magnétique terrestre depuis la dernière inversion de polarité magnétique, il y a environ 0,8 Ma. Au laboratoire, elle est nettoyée par un séjour en champ nul. La désaimantation par champs alternatifs (Zijderveld 1967) est efficace aussi, cf. figure 12b, mais il peut persister une VRM dure, acquise par des grains dont le volume est faible et dont champ de déblocage est élevé (Biquand & Prévôt 1971). Figure 12. Prédictions des effets de la température (a), du champ magnétique (b), et de la contrainte uniaxiale (c), sur la stabilité de l aimantation d un ensemble de grains monodomaines dans le diagramme de Néel, d après Dunlop et al. (1969). 18

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. Une augmentation de la température, même faible, débloque les moments des grains dont le temps de relaxation τ est inférieur ou égal au temps d action du réchauffement. Autrement dit, un réchauffement instantané réoriente les moments des grains monodomaines dont la température de déblocage T UB est inférieure ou égale à la température appliquée : T UB µ 0 V MS( T) HK( T) = 2k ln(2 t/ τ 0) Graphiquement, un réchauffement déplace la limite de stabilité selon la bissectrice du diagramme de Néel, cf. figure 12a. Son effet est équivalent à celui du temps. Les moments des grains monodomaines les moins stables sont débloqués instantanément, s orientent dans le champ magnétique ambiant, puis sont figés lors du refroidissement. À l échelle macroscopique, la roche acquiert en se refroidissant une aimantation thermorémanente partielle (en anglais : partial Thermoremanent Magnetization, ptrm). Dans le cas des roches sédimentaires, cette ptrm constitue une réaimantation. Quel est l effet de l application prolongée de la température? En supposant qu il n y a ni changement minéralogique ni déformation plastique associés au réchauffement, un grain monodomaine qui a été réaimanté par un réchauffement géologique à la température T G pendant le temps t G satisfait à l égalité τ(t G )=t G. Le même grain, chauffé en champ magnétique nul au laboratoire en un temps t L, débloque son moment magnétique à la température de déblocage T L telle que τ(t L )=t L. Comme t L <<t G, il vient T L >>T G. L application prolongée de la température a donc pour effet de réaimanter les grains ferromagnétiques dont la température de blocage est supérieure à la température appliquée. La différence de température T L T G peut atteindre 200 C, d après Dunlop & Özdemir (1997) paragraphe 16.3.1. De l expression précédente de T UB, et en faisant l hypothèse que le champ magnétique H est suffisamment faible pour être négligé devant H KO, Pullaiah et al. (1975) ont déduit la relation suivante pour un ensemble de grains SD identiques : TL ln(2 tl/ τ 0) TG ln(2 tg/ τ 0) = MS( TL) HK( TL) MS( TG) HK( TG) L application de cette formule à la magnétite permet de construire les courbes qui relient le temps à la température de blocage, cf. figure 13, en supposant que l anisotropie magnétique des grains monodomaines est dominée par l anisotropie de forme : HK( T ) = ( Nb Na) MS( T ); c est le cas à température ambiante si l anisotropie de forme dépasse 10%, et çà l est encore plus avec la température croissante, d après Pullaiah et al. (1975). 19

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. Figure 13. Illustration graphique de l équivalence température - temps pour la magnétite monodomaine calculées par Pullaiah et al. (1975), avec les hypothèses citées dans le texte. Ces courbes sont d un intérêt pratique pour étudier les réaimantations naturelles. Elles permettent de déterminer graphiquement la température T G qui a créé une aimantation thermovisqueuse (VpTRM), si on connaît le temps d application t G (estimé par les données géologiques) et la température de déblocage T L (mesurée au laboratoire par désaimantation thermique de durée t L ). Ces courbes permettent donc de tester l hypothèse d une réaimantation d origine thermovisqueuse pour expliquer les réaimantations orogéniques, cf. paragraphe 1.2. 2.1.4.2. L effet du champ magnétique et de la pression. L application d un champ magnétique débloque les moments des grains monodomaines selon leurs champs coercitifs croissants. La roche acquiert ainsi une aimantation rémanente isotherme (Isothermal Remanent Magnetization, IRM). Graphiquement, le champ magnétique déplace la limite de stabilité des grains monodomaines parallèlement à l axe H C du diagramme de Néel, c est-à-dire à volume constant, cf. figure 12b. 20

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. L application d une contrainte uniaxiale, dans la limite de la déformation élastique, sur un grain ferromagnétique monodomaine modifie son champ coercitif microscopique. Dans le cas le plus simple où la contrainte compressive uniaxiale σ est appliquée dans la direction du champ magnétique ambiant, le champ coercitif microscopique d un grain monodomaine à anisotropie de forme dominante (biaxe) est réduit (Dunlop et al. 1969) : 3 λ S( T ) σ HK( T) = ( NB NA) MS( T) µ 0 MS( T) L application d une contrainte uniaxiale sur une roche a le même effet que l application d un champ magnétique : elle débloque les moments des grains monodomaines qui possèdent les plus faibles champs coercitifs microscopiques. Graphiquement, la limite de stabilité dans le diagramme de Néel est déplacée parallèlement à l axe H KO, cf. figure 12c. La suppression de la contrainte dans un champ magnétique bloque l orientation des moments magnétiques libérés par son application, ce qui créée dans la roche une aimantation piézorémanente (PRM). 2.1.4.3. Effet de la chimie. La formation ou la disparition de grains ferromagnétiques peut se produire à différents degrés et à différents moments de l histoire des roches sédimentaires. L aimantation rémanente chimique, que j appellerai CRM à partir de maintenant (en anglais Chemical Remanent Magnetization), désigne l aimantation acquise par la formation d un minéral ferromagnétique, quel que soit son mode de formation, cf. Dunlop & Özdemir (1997) page 367. Cette définition englobe les aimantations qui résultent : 1) d un événement chimique, qu il y ait croissance cristalline ou non, qu il y ait oxydation ou authigenèse, cf. figure 14 ; 2) d un changement de phase, par exemple γfe 2 O 3 αfe 2 O 3. L ambiguïté de la définition de CRM est illustrée par le fait que si certaines CRM peuvent perpétuer le message paléomagnétique primaire (Dunlop 1995), comme c est le cas de l altération des titanomagnétites qui portent les anomalies magnétiques marines, ce n est pas le cas de la CRM produite par oxydation d un minéral parent para/diamagnétique, ou par authigenèse. Suite aux travaux expérimentaux de Kobayashi (1961, 1962) sur le suivi magnétique de la nucléation puis de la croissance cristalline du Cobalt à 750 C, cf. figure 15, on interprète souvent la CRM dans le cadre de la théorie de Néel (1949), cf. Dunlop & Özdemir (1997) pour une revue récente. 21

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. Figure 14. Représentation schématique de différents types de CRM suivant qu il y a oxydation ou authigenèse, croissance cristalline ou non, dans le cas d une roche contenant initialement de la magnétite d origine détritique (Henshaw & Merrill 1980). Dans le cas le plus simple, où un minéral ferromagnétique nucléée puis croît dans un champ magnétique, toutes choses égales par ailleurs, la CRM est acquise lorsque le minéral passe du stade monodomaine superparamagnétique (SP) au stade monodomaine stable (SD). C est-à-dire lorsque le volume du grain est suffisamment important pour qu il possède une aimantation rémanente stable vis-à-vis des paramètres physiques ambiants (τ >> t) : c est le volume de blocage. Figure 15. Suivi magnétique continu du développement d une CRM par cristallisation de Cobalt à 750 C (Kobayashi 1961). Les points noirs correspondent à l aimantation rémanente, les points blancs à l aimantation induite (totale). Ces mesures sont interprétées en terme de croissance cristalline : la phase I correspondant au stade SP, la phase II au stade SD, et la phase III au stade MD. 22

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. L acquisition de ce type de CRM est représentée dans le diagramme de Néel par un déplacement du point représentatif du grain parallèlement à l axe V, depuis son volume initial vers son volume final, cf. figure 16. Le point représentatif de l acquisition de la CRM est l interception de la limite de stabilité. L aimantation est d autant plus stable que l on s en éloigne. Figure 16. Modèle d acquisition d une CRM par croissance cristalline dans le diagramme de Néel, (Dunlop & Özdemir 1997). La zone hachurée contient les grains superparamagnétiques. On remarque une propriété propre à la CRM : pour les autres paramètres étudiés (temps, température, champ magnétique alternatif, contrainte) la limite de stabilité se déplace par rapport à la distribution des grains ferromagnétiques dans le diagramme de Néel, et le nombre et le volume de ces derniers sont constant ; au contraire, dans le cas de la CRM par nucléation puis croissance cristalline, la limite de stabilité de l aimantation est fixe (car les paramètres physiques sont constants) et la distribution des grains dans le diagramme de Néel change, puisque leur nombre et leur volume varient. Les résultats obtenus par différents auteurs pour différents types de CRM (oxydation, authigenèse) montrent que la stabilité de la CRM, c est-à-dire sa résistance à la désaimantation thermique ou à la désaimantation par champs alternatifs, est proche de celle de la TRM acquise par les mêmes porteurs (Haigh 1958, Nagata & Kobayashi 1958, Pick & Tauxe 1991, Sholpo & Mamedov 1969). De plus, ces résultats suggèrent que la stabilité de la CRM ne dépend pas du mode d acquisition de la CRM, mais seulement du volume des cristaux affectés par l événement chimique (Dunlop & Özdemir 1997). 23

ÉLÉMENTS DE MAGNÉTISME DES ROCHES ET RÉAIMANTATIONS OROGÉNIQUES. 2.1.5. L aimantation rémanente naturelle des roches sédimentaires. Les effets cités au paragraphe précédent sont susceptibles d avoir affecté une partie ou l ensemble des grains porteurs de l aimantation rémanente de la roche, à différentes étapes de son histoire. Cette étude étant focalisée sur les roches du bassin du Sud-Est de la France, je considère principalement le cas des roches carbonatées marines et en particulier aux modifications chimiques qu elles ont pu subir (Lowrie & Heller 1982). 2.1.5.1. L acquisition de l aimantation rémanente des roches sédimentaires. Les processus physiques, chimiques et biologiques contribuent de manière précoce au signal paléomagnétique des sédiments : la compaction, l expulsion de l eau et la lithification des sédiments qui suivent le dépôt des grains (aimantation rémanente post-détritique), la bioturbation, le slumping, l enfouissement des sédiments (Henshaw & Merrill 1980, Verosub 1977, Verosub & Roberts 1995). Les changements d origine chimique peuvent se produire dès la diagenèse précoce des carbonates. Suivant les conditions redox ambiantes, une partie de leurs minéraux ferromagnétiques détritiques seront dissous et/ou d autres minéraux ferromagnétiques seront formés (Henshaw & Merrill 1980). Je présente deux exemples dans des roches carbonatées, le premier illustrant l authigenèse, le second la dissolution. Dans les calcaires pélagiques de type Scaglia Rossa de Gubbio (Italie), l acquisition de l aimantation, rémanente chimique portée par l hématite est précoce, et intervient environ 100 000 ans après l acquisition de l aimantation rémanente post-détritique portée par la magnétite (Channell et al. 1982), cf. figure 17. L étude des propriétés magnétiques et des propriétés géochimiques des marnocalcaires du Dogger du Bassin Parisien montre que la dissolution des porteurs de l aimantation rémanente les plus petits, lors de la diagenèse précoce, peut être responsable de l absence d aimantation rémanente stable dans les niveaux les moins riches en calcite (Moreau & Ader 2000). 24