D. LES ZONES HUMIDES : Des milieux à préserver et à restaurer... Définition et historique : Les zones humides (traduction peu satisfaisante de l anglais wetlands), territoires de transition entre la terre et l eau ou écotone, constituent un patrimoine naturel irremplaçable et remplissent des fonctions «d infrastructures naturelles» de dépollution et de stockage. Elles correspondent aux marais, marécages, fondrières, fagnes, pannes, roselières, tourbières, prairies humides, marais agricoles, étangs, bras morts, grèves à émersion saisonnière, vasières, lagunes, prés-salés, marais salicoles, dépressions arrière-dunaires saumâtres... Elles se trouvent en lisière de sources, de ruisseaux, de lacs, de bordures de mer, de baies, d estuaires, dans les deltas, dans les dépressions de vallée ou dans les zones de suintement à flanc de collines. Les zones humides sont des milieux naturels extrêmement riches qui fournissent l eau et les aliments à de nombreuses espèces de plantes et d animaux. Ce sont des milieux de vie remarquables pour leur biodiversité et qui abritent parfois des espèces endémiques. Les zones humides couvrent 1,5 million d hectares (3 % du territoire métropolitain), 50 % des espèces d oiseaux en dépendent. Elles sont indispensables à la reproduction des batraciens et de certaines espèces de poissons, 30% des espèces végétales remarquables et menacées en France y sont inféodées. Figure n 170 : Un type de zone humide, le marécage Elles participent également à l autoépuration de l eau, contribuent à l atténuation de l effet des crues et au soutien d étiage et assurent un ensemble de fonctions indispensables à la société (tourisme, loisirs, élevage, production de sel...). Leur histoire est enfin plus étroitement liée aux activités humaines, à l agriculture en particulier, que celle des lacs ou des rivières. Figure n 171 : Une mare naturelle en formation 149
Une volonté de préservation : Figure n 172 : Pressions liées à l activité humaine Si les zones humides intéressent tant les scientifiques que les aménageurs, c est parce que les activités humaines les menacent. Les traditions et aspects culturels associés à l exploitation de ces zones humides expliquent également combien la société s intéresse à la connaissance et à la protection de ces milieux. 150
Leur fonctionnement, le plus souvent artificiel en Europe, ainsi que leur devenir dépendent des choix de gestion et d aménagement de l espace rural qui seront faits. La convention de RAMSAR (le titre officiel est Convention relative aux zones humides d'importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d'eau) sur les zones humides est un traité intergouvernemental qui sert de cadre d action national et de cadre de coopération internationale pour la conservation et l utilisation rationnelle des zones humides et de leurs Figure n 173 : Roselière colonisant le milieu aquatique ressources. Adoptée dans la ville iranienne de Ramsar en 1971, la convention est entrée en vigueur le 21 décembre 1975. Il s agit du seul traité mondial sur l environnement qui traite d un écosystème particulier. La liste des zones humides d'importance internationale contient maintenant plus de 1200 sites, représentant une surface d'environ 1 119 000 km², alors qu'en 2000, il n'y en avait que 1021. Le pays comprenant le plus de sites est le Royaume-Uni avec 169, tandis que le pays ayant la plus grande surface de zones humides listées est le Canada avec plus de 130 000 km², dont le Golfe Queen Maud avec 62 800 km². 150 pays ont actuellement signé cette convention, contre 119 en 2000. Ils étaient 18 en 1971. Les pays signataires se rencontrent tous les trois ans lors d'une conférence, la première ayant eu lieu à Cagliari (Italie) en 1980. Des avenants à la convention initiale ont été adoptés à Paris en 1982, et à Regina en 1987. Figure n 174 : Création d une roselière en arrière de boudins de coco Chaque année, en commémoration de la signature de la convention, les Journées Mondiales des Zones Humides sont organisées par différentes associations, collectivités ou organismes d'etat pour sensibiliser le grand public à ces milieux. Le siège de cette convention est établi à Gland (Suisse), avec celui de l'union mondiale pour la nature (IUCN). Les récentes catastrophes climatiques confirment la nécessité de préserver les zones humides qui subsistent, de restaurer celles qui disparaissent, afin de redonner vie aux marais, tourbières, vasières et prairies humides. La préservation de ce patrimoine naturel constitue un enjeu économique d importance. Le 22 mars 1995, le gouvernement a adopté le «Plan National d action pour les zones humides», ce plan marque la volonté d agir pour arrêter la dégradation de ces milieux, en favoriser la restauration, garantir par une bonne gestion leur préservation durable et reconquérir les sites d intérêt national. 151
Le plan a conduit : - à la création d un observatoire national des zones humides, - au lancement d un programme de recherche, - à des actions de sensibilisation auprès de l administration, des élus et des gestionnaires de ces milieux. Des pôles-relais se rapportant aux principaux types de zones humides (tourbières, vallées alluviales, lagunes,...) sont chargés de porter au plus près des acteurs de terrain les orientations de ce plan. Figure n 175 : Les zones humides majeures sur le territoire français 152
L utilisation de techniques végétales, le cas des roselières : Afin de restaurer ces milieux sensibles, il est impératif d utiliser des «techniques douces», issues du génie végétal. En effet, la nature même de ces écosystèmes implique des solutions de restauration simples à mettre en œuvre, sans utiliser de matériel lourd du type pelle mécanique. Figure n 176 : Les roselières sont un important réservoir faunistique Pour végétaliser les berges d une mare par exemple, l utilisation d hélophytes (implantés sur des boudins ou fascines coco, nattes coco, en godets ou mini-mottes) adaptés à ces milieux humides est à préconiser. Cependant, ces zones humides étant des milieux étroitement liés à d autres types d écosystèmes (aquatiques et terrestres), il est d autant plus important de choisir judicieusement les solutions et notamment les espèces à utiliser. Ainsi, en ce qui concerne la création d une roselière par exemple, il faut tenir compte du fort potentiel de colonisation des Phragmites australis. En Amérique du Nord, où les Phragmites australis sont également indigènes, la sous-espèce européenne est désormais classée comme espèce invasive. En France, cette plante forme des peuplements mono spécifiques très denses qui ne laissent pas ou peu de place aux autres espèces. Ainsi, créer une roselière implique une diversité floristique relativement faible. Par contre, les phragmitaies constituent un réservoir faunistique très important et jouent un rôle primordial pour la survie de nombreuses espèces communes ou plus rares. De plus, si les Phragmites sont au départ concentrées en bordure de plan d eau, elles vont, après une première phase de régression, avoir tendance à coloniser progressivement ce plan d eau en comblant l espace en eau. Ceci a pour conséquence de provoquer l atterrissement des plans d eau en favorisant l apparition d espèces terrestres, c est le phénomène de succession écologique. Figure n 177 : Grande variété floristique des zones humides Les premiers pas de l atterrissement s observent par l augmentation des hélophytes (massettes et baldingères) et également par l apparition d arbres et arbustes qui colonisent les roselières (saules et peupliers). 153