2 - LES ATOMES MULTI-ELECTRONIQUES Quelques concepts de base de la physique quantique Point de départ : quantification de certaines grandeurs physiques (rôle de h) onde associée à une particule en mouvement complémentarité onde particule. Puis, développement des concepts quantiques, à la base d'une nouvelle mécanique, dont nous utiliserons certains résultats. Chaque état d'un système atomique est décrit par une fonction d'onde qui traduit "le comportement ondulatoire" des électrons et permet de calculer les grandeurs physiques quantifiées (énergie, moment angulaire,...) qui sont associées à leur mouvement. On peut exprimer la fonction d'onde de l'atome comme un produit de fonctions mono-électroniques, dépendant chacune des coordonnées d'un seul électron. Une telle fonction mono-électronique ϕ ( ) i r est appelée fonction i orbitale de l'électron i de coordonnées spatiales r i. Elle caractérise un état possible pour un électron du système. Interprétation : L'évolution spatiale de ϕ (r) est "comparable" à l'amplitude d'une onde en physique classique. 2 2 Le carré ϕ ( r ), (ou ϕ ϕ = ϕ si la fonction est complexe), est donc "comparable" à l'intensité d'une onde, proportionnelle au carré de l'amplitude, en physique classique. 34
Mais la variable "temps" n'intervient pas. Le carré ϕ 2 ( r ) traduit donc une "intensité" liée à la présence de l'électron au point r. La mécanique quantique substitue à la notion classique de trajectoire d'une particule, une description probabiliste. La probabilité de présence d'un électron en chaque point de l'espace est donnée par le carré de la fonction orbitale ϕ (r). Chaque orbitale ϕ (r) est caractérisée par un ensemble de nombres quantiques qui définissent les différents états possibles pour les électrons de l'atome. Les nombres quantiques Quatre nombres quantiques sont nécessaires pour spécifier totalement chaque état : n, l, m l et m s n, l, m l sont liés au mouvement orbital de l'électron et caractérisent l'orbitale spatiale ϕ (r) nl m l m s définit l'état de spin. Le spin est une caractéristique intrinsèque de l'électron. Le nombre quantique principal n est un entier positif. 0 Energie etc... Chaque valeur définit une couche électronique n = 4 n = 3 n = 2 n = 1 couche N couche M couche L couche K 35
Le nombre quantique secondaire ou azimutal l, permet de différencier les niveaux d'énergie de chaque couche électronique. Pour une valeur donnée de n, il prend toutes les valeurs entières : l = 0, 1, 2,..., (n-1) Il quantifie le moment angulaire orbital de l'électron. Il est particulièrement important car il définit la symétrie de la densité de charge électronique autour du noyau. Il a donc une influence directe sur les propriétés d'un atome, et en particulier sur la liaison chimique. couche niveaux d'énergie notation nl l = 3 4f l = 2 4d l = 1 4p n = 4 4 niveaux d'énergie l = 0 4s l = 2 l = 1 3d 3p n = 3 3 niveaux d'énergie l = 0 3s l = 1 2p n = 2 2 niveaux d'énergie l = 0 2s n = 1 1 niveau d'énergie l = 0 1s Le nombre quantique magnétique m l Il peut exister plusieurs états de l'électron pour une valeur donnée de l. Ces différents états correspondent à une même valeur de l'énergie, dans le cas d'un atome isolé. m l permet de différencier ces états. 36
Pour un niveau d'énergie nl, il existe (2l+1) états caractérisés ϕ (r chacun par une orbitale ). Le facteur (2l+1) est le facteur nl m l de dégénérescence. Le nombre m l est un entier positif, négatif ou nul, qui peut prendre les (2l+1) valeurs telles que : l m l. l niveau s 1 état l 0 niveau p 3 états m l = 0, ± 1 niveau d 5 états m l = 0, ± 1, ± 2 niveau f 7 états m l = 0, ± 1, ± 2, ± 3 m = Energie des niveaux n = 3 l = 2 l = 1 3p 3d l = 0 3s n = 2 l = 1 l = 0 2s 2p n = 1 l = 0 1s L'état d'un électron d'un atome isolé dépend de n, l et m l. Mais l'énergie E ne dépend que de n et l. nl 37
Remarque sur le cas des hydrogénoïdes : La force attractive noyau-électron est la seule interaction. Le potentiel subi par l'électron est purement coulombien en 1/r. Dans ce cas particulier, les niveaux électroniques correspondant aux différentes valeurs de l d'une même couche, ont la même énergie : ils sont dégénérés. Le nombre quantique n suffit donc pour calculer les énergies, ce qui explique le succès du modèle de Bohr. niveaux hydrogénoïdes n = 3 3s 3p 3d n = 3 2s 2p n = 3 1s Le nombre quantique de spin s. Le spin s caractérise le moment angulaire intrinsèque d'un type de particule. L'électron est une particule de spin s = 1 2 38
Pour un spin donné s il existe (2s+1) états de spin possibles (facteur de multiplicité). Pour l'électron il existe donc 2 états de spin, 1 correspondant à m = ±. s 2 Représentation usuelle m s = +1/2 m s = -1/2 Principe de Pauli Deux électrons d'un atome (ou d'une molécule,...) ne peuvent pas occuper le même état, c'est à dire avoir leur 4 nombres quantiques identiques. Cela implique qu'une orbitale spatiale ϕ (r) ne peut être n l m l occupée au maximum que par deux électrons dont les états de spin sont différents. La conséquence est un nombre maximum d'occupation des niveaux d'énergie par les électrons. niveau nombre maximum d'électrons s 2 p 6 d 10 39
Règles de remplissage des niveaux électroniques Etat fondamental de l'atome 1 - Principe général : Les électrons occupent les niveaux successifs dans l'ordre d'énergie croissante, afin d'assurer que l'énergie totale du système soit minimale. 2 - Principe de Pauli : Chaque orbitale spatiale est occupée au maximum par 2 électrons de "spins opposés". 3 - Règle de Hund, pour des états dégénérés ( p, d, f,...), partiellement occupés : Les électrons occupent le maximum d'orbitales spatiales, avec le même état de spin, avant de s'apparier selon le principe de Pauli. Exemples 2 électrons sur un niveau de type p 6 configurations qui ont toutes la même énergie, sont possibles. 3 électrons sur un niveau de type p 2 configurations sont possibles. 40
Exemples de diagrammes de niveaux électroniques et de configurations électroniques hydrogène (Z = 1) hélium (Z = 2) E 0 E 0 1s 1s configuration H : 1s 1 configuration He : 1s 2 carbone (Z = 6) phosphore (Z = 15) 2p 3p 2s 3s 2p 1s 2s C : 1s 2, 2s 2, 2p 2 1s P : 1s 2, 2s 2, 2p 6, 3s 2, 3p 3 41
Niveaux de valence et niveaux de cœur (1 ère approche). La gamme des énergies des différents électrons d'un atome est d'autant plus étendue que Z est plus grand. un exemple : P (Z=15) niveau énergie de liaison (ev) 3p -10 3s -16 2p -134 2s -191 1s -2148 Les électrons des niveaux profonds, fortement liés à l'atome, jouent un rôle différent de celui des électrons faiblement liés sur les ultimes niveaux occupés. Energie 0 Niveaux inoccupés (virtuels) Niveau(x) de valence dernier(s) niveau(x) occupé(s). Electrons les moins liés, participant à la liaison chimique Niveaux de cœur Electrons "internes". Conservent leur caractère atomique même si l'atome est lié chimiquement. 42
Ordre énergétique des niveaux électroniques et règle de Klechkowsky Pour remplir les niveaux par énergie croissante, il faut connaître l'évolution de leur énergie en fonction du numéro atomique Z. Energie (échelle arbitraire) valeurs de n 43
Règle de Klechkowsky : L'occupation des niveaux successifs par les électrons s'effectue suivant les valeurs croissantes de (n+l). Et, pour deux valeurs identiques de (n+l), suivant les valeurs croissantes de n. n 1 2 3 4 5 6 l 0 1s 2s 3s 4s 5s 6s 1 2p 3p 4p 5p 6p 2 3d 4d 5d 6d 3 4f 5f 6f Les premiers éléments pour lesquels les couches se "recouvrent" sont ceux qui suivent le gaz argon Ar (Z=18) de configuration : 1s 2, 2s 2, 2p 6, 3s 2, 3p 6 Le niveau 4s est donc occupé avant le niveau 3d, pour les éléments : potassium K (Z=19) : [Ar], 4s 1 calcium Ca (Z=20) : [Ar], 4s 2 Noter que les niveaux "de valence" d'un atome donné sont, pour des atomes de numéro atomique Z plus élevé, des niveaux "de cœur", pour lesquels on retrouve l'ordre énergétique couche par couche, c'est à dire : n croissant et l croissant... 44
Les éléments de transition Ce sont trois séries d'éléments (métaux à l'état solide) qui correspondent au remplissage des états d, pour les couches : n = 3 (1 ère série), n = 4 (2 ème série) et n = 5 (3 ème série) Exemple de la série 3d Energie des niveaux de valence (ev) 0 K Ca Sc Ti V Zn Ga -10 4s 1 4s 2 4s 2 3d 1 4s 2 3d 2 4s 2 3d 3 2 4s 4p 1 4s 2-20 Configuration de valence Sc (Z=21) : [Ar], 3d 1, 4s 2 3d 10-30 Zn (Z=30) : [Ar], 3d 10, 4s 2 3d 10 Noter que pour l'élément gallium, qui suit la série de transition, les électrons d sont devenus des électrons de cœur. Ga (Z=31) : [Ar], 3d 10, 4s 2, 4p 1 45
La configuration générale de valence des éléments de transition est donc : nd x, (n+1)s 2 (avec x = 1 à 10) Mais, pour les cas x = 4 et x = 9, la configuration nd x+1, (n+1)s 1 correspond à une énergie légèrement inférieure donc à un état plus stable. Configurations des éléments correspondant à x = 4 et x = 9 chrome Cr : 3d 5, 4s 1 molybdène Mo : 4d 5, 5s 1 tungstène W : 5d 5, 6s 1 (n+1)s niveau d à demi-occupé nd cuivre Cu : 3d 10, 4s 1 argent Ag : 4d 10, 5s 1 or Au : 5d 10, 6s 1 (n+1)s niveau d totalement rempli nd 46
Energies d'ionisation des niveaux électroniques Chaque niveau électronique est caractérisé par son énergie de liaison E nl négative. L'énergie d'ionisation E ionis (nl ) d'un niveau nl est l'énergie minimum nécessaire pour extraire de l'atome un électron nl, c'est-à-dire l'amener au zéro de l'énergie. En première approximation, ionis (nl ) E est la valeur opposée de E nl. E nl (ev) 0-5 -34 Exemple : le sodium ( 11 Na) E ion (3s) E ion (2p) E ion (2s) -66 E ion (1s) -1075 Noter que si on ionise l'atome en arrachant un électron d'un niveau autre que le dernier niveau de valence, l'ion formé n'est pas dans son état fondamental. Il s'ensuit une désexcitation par émission d'une cascade de rayons X ou UV, qui fait "remonter" la lacune électronique jusqu'au dernier niveau occupé : l'ion est alors dans l'état fondamental. 47
Notion de charge nucléaire effective La modélisation d'un atome multiélectronique et l'interprétation des grandeurs physiques qui le caractérisent sont beaucoup plus complexes que pour le système hydrogénoïde. Ceci est dû au fait que chaque électron est soumis aux interactions répulsives de tous les autres. Peut-on modéliser l'atome à Z électrons de façon à ce que le traitement de chaque électron se ramène approximativement à celui d'un système de type mono-électronique? Chaque électron (considéré comme indépendant des autres) évolue dans le champ produit par le noyau et par l'ensemble des autres électrons. La densité de charge électronique de l'ensemble des autres électrons fait écran entre l'électron considéré et le noyau. +Ze Electron considéré -e On peut considérer que cette densité de charge d'écran produit le même effet qu'une certaine charge ponctuelle négative qui serait située à la position du noyau. Le champ moyen global subi par un électron peut donc se traiter comme celui crée par le noyau, dont la charge serait diminuée par la présence des autres électrons. Ceci revient à affecter au noyau une charge effective, inférieure à Ze, c'est-à-dire un nombre de charge inférieur à Z. 48
Chaque électron d'un niveau nl, subit l'effet de la charge effective : Z eff (nl) = Z - σ nl où σ nl est la constante d'écran. Détermination des constantes d'écran par le modèle de Slater. Les électrons sont classés par couches (valeurs croissantes de n ) et par groupes, (s, p) d'une part, d et f d'autre part : (1s), (2s 2p), (3s 3p), (3d), (4s 4p), (4d), (4f), (5s 5p),... La constante d'écran pour un électron donné nl est la somme des contributions de tous les autres électrons. Ces contributions sont données par les règles suivantes : 1. Les électrons dont la valeur de n est supérieure à celle de l'électron considéré n'interviennent pas. 2. Chacun des électrons du même groupe contribue pour 0,35 (sauf pour le groupe 1s où la contribution est 0,30). 3. Dans le cas des électrons s ou p chacun des électrons de la couche (n-1) contribue pour 0,85 et chacun des électrons des couches plus internes contribue pour 1. 4. Dans le cas des électrons d ou f chacun des électrons des groupes plus internes contribuent pour 1. Electron considéré Contribution des autres électrons couches couche couche n inférieures (n-1) s, p d f ns, np 1,00 0,85 0,35 0 0 nd 1,00 1,00 1,00 0,35 0 nf 1,00 1,00 1,00 1,00 0,35 49
Application : cas du germanium (Z=32) Ge : 1s 2, 2s 2, 2p 6, 3s 2, 3p 6, 3d 10, 4s 2, 4p 2 σ 1s = 0,30 Z eff (1s) = 31,70 σ 2s,2p = (7x0,35)+(2x0,85) = 4,15 Z eff (2s,2p) = 27,85 σ 3s,3p = (7x0,35)+(8x0,85)+(2x1) = 11,25 Z eff (3s,3p) = 20,75 σ 3d = (9x0,35)+(18x1) = 21,15 Z eff (3d) = 10,85 σ 4s,4p = (3x0,35)+(18x0,85)+(10x1) = 26,35 Z eff (4s,4p) = 5,65 Utilisation du modèle L'intérêt porte essentiellement sur les électrons de valence. Le modèle permet d'estimer les énergies des niveaux électroniques avec la même relation formelle que pour les hydrogénoïdes. E nl I = H Z n 2 eff 2 ( nl) Ce n'est qu'une approximation qui conduit, en autres, à attribuer la même énergie aux niveaux ns et np. Estimation d'une énergie d'ionisation : elle n'est pas directement égale à l'opposé de l'énergie de l'électron, mais à la différence entre les énergies totales de l'ion et de l'atome. E ionis = E E avec I H = 13,60 ev totale (ion) totale (atome) Pour obtenir les énergies totales, il faut sommer les énergies de l'ensemble des électrons du système 50