Eugène de Rastignac et Vautrin dans Le Père Goriot de Balzac La mort de Madame Bovary dans Madame Bovary de Flaubert Le personnage de roman Lancelot ou le Chevalier à la charrette de Chrétien de Troyes Cosette dans Les Misérables de Victor Hugo Le Vicomte de Valmont dans Les Liaisons dangereuses de Laclos
La fabrique du personnage 1. L invention du personnage Les personnages peuvent être inspirés de personnes réelles : le romancier détermine des caractéristiques de la personne et les combinent avec des éléments inventés. Certains personnages sont des personnages historiques : ils sont la transposition dans le roman d une personne ayant réellement joué un rôle dans l Histoire Dans La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, l intrigue se situe à la cour de Henri II : on y croise le roi luimême mais également sa maîtresse, Diane de Poitiers ou encore la reine Dauphine, future reine d Ecosse au destin tragique, Marie Stuart. Ces personnages historiques se mêlent à des personnages totalement fictifs comme la Princesse de Clèves.
2. Le personnage type Il s agit de personnages qu on retrouve dans des romans d auteurs différents et qui comportent des caractéristiques communes si bien qu il en existe presque un portrait-robot, un type, Le jeune ambitieux dans les romans réalistes et naturalistes du XIXe siècle Jeune homme pauvre, noble ou non, beau ou non, il arrive à Paris et, plein d ambition et de désir de réussite sociale, il cherche les moyens pour faire fortune ou pour monter dans l échelle sociale.
Dans Bel Ami de Maupassant, Georges Duroy, surnommé Bel Ami, séduit les femmes et parvient à se hisser à la tête d un journal. Dans la grande fresque romanesque La Comédie Humaine de Balzac, Eugène de Rastignac réussit socialement grâce à son habilité dans les relations sociales, il réussit à faire fortune et devient même ministre Dans La Curée d Emile Zola, Aristide Saccard utilise des stratagèmes pour faire fortune, notamment par des malversations immobilières.
3.L itinéraire du personnage Depuis les romans de chevalerie, le personnage de roman est toujours en quête d un objet (amour, fortune, gloire, justice) et devra traverser des épreuves pour atteindre son but (sans l atteindre toujours). L accomplissement de cette quête l amène à suivre un itinéraire qui le fait progresser intérieurement et, parfois, le conduit à révéler sa propre identité. Au XIXe siècle, les personnages apprennent les codes sociaux qui régissent les relations entre individus dans une société en pleine mutation : la vie parisienne offre au personnage la possibilité de s épanouir ou comme, Lucien de Rubempré dans Illusions perdues de Balzac, de perdre «ses illusions». On parle alors de roman d apprentissage.
Les sentiments du lecteur La connivence Notamment si le roman est à la 1 ère personne ou si le narrateur utilise comme dans La Chartreuse de Parme de Stendhal pour désigner Fabrice Del Dongo, la formule «notre héros» La distance La répulsion Lorsque les actes commis sont condamnables. Le narrateur peut alors accentuer cette distance en utilisant le point de vue externe comme dans la description du meurtre commis par Meursault dans L Etranger de Camus. La pitié Lorsque le personnage éveille la compassion comme dans Les Misérables avec Cosette, incarnation de l enfance maltraitée
Le personnage en situation 1.Le schéma actantiel A l intérieur d un roman, chaque personnage occupe un rôle et se positionne dans un schéma logique avec des actants (=des acteurs) Opposant : Personnages secondaires qui font obstacle à la réalisation de la quête Le héros =celui qui mène la quête L objet poursuivi Adjuvant : Personnages secondaires qui facilitent la réalisation de la quête
2.Le personnage face à la société Les personnages peuvent subvertir les codes sociaux et les utiliser à leurs profits, comme les personnages de jeunes ambitieux dans les romans du XIXe siècle. Les personnages peuvent en conflit avec la société Les personnages peuvent aussi être perdus dans une société qui paraît ne pas avoir de règles ou dont le fonctionnement est absurde : c est notamment le cas dans les romans du XXe siècle. Jean Valjean dans Les Misérables de Victor Hugo, vole un pain pour nourrir ses petits frères : il est condamné au bagne. A sa sortie, il cherche d abord à se venger de cette société injuste, puis après sa rencontre avec un évêque qui lui montre une voie d apaisement, il cherche encore dans la fraternité avec les hommes à sauver les misérables qu il croise sur son chemin.
XXe siècle : Le personnage en crise Dans les années trente, plusieurs romanciers, comme André Gide, remettent en cause les personnages des romans réalistes. 1.Un personnage «sans qualités» Dans les romans réalistes, le portrait moral et physique est donné de manière précise au lecteur : le personnage possède une identité qui peut évoluer mais qui est définie clairement Dans les romans du XXe siècle, les romanciers veulent montrer au contraire l aspect mystérieux que peuvent avoir les individus dans la réalité : les personnages sont dès lors insaisissables, sans caractéristiques propres. Leur caractère est fluctuant, ils semblent sans identité définie. Dans le Nouveau Roman, les romanciers ont ainsi recours au point de vue externe pour décrire les actes des personnages : sans recours aux pensées des personnages, les gestes semblent ne pas avoir de signification, on ne les comprend pas.
2.L effacement du personnage Le plus souvent, face aux événements qui surviennent, les personnages des romans du XXe siècle sont incapables de réagir : ils ne savent pas quel sens donner à leurs propres actions, ils ne pensent pas à l avance à ce qu ils font ou disent et au final, ils n ont aucune qualité morale qui pourrait leur permettre de s orienter dans un monde qui les dépasse. Dans L Etranger de Camus (1942), Meursault tue un homme sur la plage sans raison particulière. Il dit simplement : «J ai compris que j avais détruit l équilibre du jour, le silence exceptionnel d une plage où j avais été heureux»