R é p u b l i q u e A l g é r i e n n e D é m o c r a t i q u e e t P o p u l a i r e



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Transcription:

R é p u b l i q u e A l g é r i e n n e D é m o c r a t i q u e e t P o p u l a i r e Ministère de l Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique Université Mouloud Mammeri de Tizi-ouzou Faculté des Sciences Economiques, des Sciences de Gestion et des sciences commerciales Département des Sciences Economiques Mémoire : En vue de l obtention du diplôme de Magistère en sciences économiques Option : Gestion des Entreprises Thème : Intégration économique régionale au Maghreb : enjeux, contraintes et perspectives Présenté par : Devant le jury d examen composé de : TAMANI Fadhila Président : Mr SI MOHAMED Djamel, Maître de conférences «A», UMMTO Rapporteur : Mr GUENDOUZI Brahim, Maître de conférences «A», UMMTO Examinateurs : Mme AHMED ZAID Malika, Professeur, UMMTO Mr OUKACI Kamel, Maître de conférences «A», Université Abderrahmane MIRA, Béjaïa Date de Soutenance :13/09/2012

Remerciements Mes remerciements vont d abord à Monsieur GUENDOUZI Brahim, Maître de conférences à l Université Mouloud MAMMERI de Tiziouzou, qui m a fait l honneur de diriger mon travail, qu il trouve ici l expression de ma profonde gratitude. Mes remerciements vont également à ma famille, à ma cousine Ourida, à ma belle sœur Chabha et à mes amis, notamment Lynda, qui m ont soutenu et aidé dans la réalisation de ce travail. Je remercie aussi toute personne qui m a aidé de près ou de loin dans la mise au point de ce mémoire. 2

Dédicaces Je dédie ce modeste travail à : mes parents ; mes frères et sœurs ; mes enseignants. 3

SOMMAIRE INTRODUCTION GENERALE... 02 PREMIERE PARTIE : Intégration économique régionale : de la théorie à la Mise en pratique... 14 Introduction à la première partie... 15 CHAPITRE 1 : Intégration économique régionale : essai de clarification du Concept... 17 Introduction... Section 1: Genèse et évolution de l intégration économique régionale... Section 2 : Les effets de l intégration économique régionale : approche théorique... Section 3 : Régionalisation et mondialisation : deux dynamiques contradictoires Ou faussement contradictoires?... Conclusion... CHAPITRE 11 : Quelques expériences d intégration régionale dans le monde... Introduction... Section 1 : L intégration régionale en Europe : l Union Européenne... Section 2 : L intégration régionale en Amérique : Accord de Libre Echange Nord Américain... Section 3 : L intégration régionale en Asie : Association des Nations de l Asie du Sud Est... Conclusion... Conclusion de la première partie... 18 19 32 45 59 61 62 62 81 94 104 106 DEUXIEME PARTIE : Intégration économique régionale au Maghreb... Introduction à la deuxième partie... CHAPITRE 1 : Les principales caractéristiques des économies maghrébines... Introduction... Section 1 : Les potentialités physiques et humaines des pays du Maghreb... Section 2 : Situation actuelle de l ensemble des économies maghrébines... Conclusion... CHAPITRE 11 : Le Maghreb entre intégration régionale Sud-Sud et intégration régionale Nord-Sud... Introduction... Section 1 : Les expériences d intégration régionale au Maghreb : le CPCM et l UMA... Section 2 : L intégration de l espace maghrébin : un bilan mitigé, pourquoi?... Section 3 : Les accords d association avec l Union européenne et la Grande Zone Arabe de Libre Echange... Conclusion... Conclusion de la deuxième partie... Annexes... Bibliographie... Liste des illustrations... Liste des abréviations et des acronymes... Table des matières... 109 110 112 113 114 130 173 175 176 177 201 223 256 258 268 279 286 289 290 4

LISTE DES ABREVIATIONS ET DES ACRONYMES AFTA : Asia Free Trade Area AGCS : Accord Général sur le commerce et les services ALADI : Association Latino Américaine d Intégration ALENA : Accord de Libre-Echange Nord- Américain APEC : Asia Pacific Economic Coopération (coopération économique pour l Asie- Pacifique) ASEM: Asia Europe Meeting ASEAN: Association of South- East Asian Nation ASEAN + 3 : membres de l ASEAN, plus les trois grands pays d Asie du Nord-Est : Chine, Corée du Sud et Japon ABMI: Asian Bond Markets Initiative ALE: Accord de Libre-Echange CECA : Communauté Européenne du Charbon et de l Acier CEE : Communauté Economique Européenne CEPT : Commun Effective preferencial Tariff CNUCED : Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement CPCM : Comité Permanent Consultatif Maghrébin COMECON: Council for Mutual Economic Assistance FMI: Fond Monétaire International GATT: General Agreement on Tariffs and Trade GZALE : Grande Zone Arabe de Libre-Echange ICM : Initiative Chiang Mai IDE : Investissements Directs Etrangers MERCOSUR : Mercado Comun del Sur (Marché Commun du Sud) OECE : Organisation Européenne de Coopération Economique OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique OMC : Organisation Mondiale du Commerce PAS : programme d ajustement structurel PIB : produit intérieur brut UE : Union Européenne UMA : Union du Maghreb Arabe 5

Introduction générale Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la mondialisation de l économie s est imposée comme une réalité incontournable. En effet, la croissance du phénomène a connue une accélération au début des années 1990 : la croissance spectaculaire des échanges qui a systématiquement été supérieure à celle de la production mondiale, l ampleur de la rapidité des mouvements de capitaux et l importance croissante des firmes multinationales en attestent. Mais pour autant, ce mouvement ne s est pas traduit par la constitution d une vaste zone d échanges au sein de laquelle les facteurs de production ainsi que les biens et services produits, circuleraient sans entraves et où les liens de proximité ne joueraient plus aucun rôle, car, et dans le même temps, ce phénomène est accompagné de la polarisation géographique, qui se traduit par la prolifération des initiatives tendant à intégrer progressivement des économies à l échelle régionale. L intégration régionale a connu une progression dans ses deux dimensions : dans sa dimension institutionnelle par la multiplication des accords commerciaux régionaux : à ce jour nous enregistrons plus de 200 accords régionaux notifiés à l OMC, et dans sa dimension économique, avec l émergence de structures d interdépendance plus étroite à l échelon de certaines régions. Aujourd hui, un tiers du commerce mondial s inscrit dans des aires d intégration régionale. Ainsi, et selon HUGON (2001), intégration commerciale régionale, investissement direct étranger, zone de libre échange, mondialisation, ouverture des marchés, accords bilatéraux et multilatéraux, sont les concepts sur lesquels repose aujourd hui la nouvelle économie internationale. L intégration et la coopération régionales sont souvent privilégiées comme instrument pour relever le défi du développement dans un monde en mutation accélérée, ce choix est justifié par certains analystes du fait que les stratégies et démarches économiques élaborées dans des cadres exclusivement nationaux, sont devenues obsolètes dans le contexte de mondialisation, celle-ci relativise la portée des stratégies de développement autocentrées. La prise de conscience des mutations dans l économie mondiale qui ont affecté les structures de production ainsi que les échanges, a poussé vers une appréhension plus réaliste des bases nouvelles d équilibre géopolitique et économique mondial, une meilleure 6

intelligence de coopération et d intégration économique régionale et une reconnaissance du fait de la portée de la région dans une perspective d intégration à l économie mondiale. En effet, la constitution des espaces économiques intégrés présente une voie, voir une étape pour l intégration à l économie mondiale et donc un relais entre un monde vaste et complexe et des Etats-nations plus petits. Le mouvement d intégration régionale ne constitue pas un phénomène récent, le premier accord d envergure de l après guerre remonte à 1957, il s agit du traité de Rome signé entre six pays européens. L engouement pour les accords régionaux est apparu un peu plus tard dans les années 1960-1970, on parle de la première vague d intégration. Ces accords avaient, pour la plupart d entre eux, pour objectif de contrebalancer l intégration européenne et acquérir plus de poids dans les négociations commerciales internationales. Les accords régionaux de la première vague d intégration ont, pour la plupart, échoués notamment en Afrique et en Amérique latine. Les motivations qui sous-tendent les mouvements récents d intégration régionale sont différentes de celles observées dans les années 1960 du fait du nouveau contexte économique et géopolitique. Aujourd hui, l intégration régionale ne traduit pas un repli à plusieurs dans une structure indépendante du reste du monde. En d autres mots, l intégration régionale ne signifie pas un refus de la mondialisation comme cela a été le cas en Amérique latine dans les années soixante, la dynamique d intégration d alors était fondée sur la théorie de la dépendance, et s inscrivait dans une logique de développement autocentré dont l objectif était de réduire la dépendance vis-à-vis de l extérieur. La dynamique d intégration avait donc pour objectif de se déconnecter du marché mondial en reproduisant, au niveau régional, la stratégie d industrialisation par substitution des importations dont les barrières protectionnistes étaient l instrument privilégié. Le régionalisme de la deuxième vague d intégration est plus ouvert, il contribue à la création des conditions favorables à un resserrement des liens économiques entre plusieurs pays afin de faciliter leur insertion dans les circuits mondiaux. La seconde vague d intégration s amorce au tournant des années 1990 avec l apparition du Marché Commun du Sud signé en 1991, la signature d un accord de libre échange entre les pays de l Asie du sud est (ASEAN) en 1991, la signature d un accord de libre échange nord américain (ALENA) en 1994 etc. Le regain d intérêt pour les accords régionaux est expliqué essentiellement par deux éléments: 7

la fin de la guerre froide et du bipolarisme avec l éclatement du bloc communiste, qui ont contribué à l apparition de nouvelles sources d alliances régionales avec le retour de la dimension naturelle des échanges ainsi, l ancienne intégration politique est remplacée par des accords commerciaux ; l ordre économique mis en place le lendemain de la seconde guerre mondiale ne répond plus aux exigences de la communauté internationale, les accords régionaux seraient donc une réponse à cette carence. Se sont autant d éléments qui ont contribué soit directement ou indirectement à la résurgence des accords régionaux et que nous aurons à étudier en détail. L intégration représente un paradigme moderne du développement. Elle est recherchée aujourd hui par la plupart des pays du monde, car le temps de vivre en «autarcie» est révolu. C est un phénomène qui dépasse les frontières des Etats. Des efforts sont fournis par ces derniers pour renforcer les échanges fondés sur la proximité géographique, en formant un ensemble économique intégré. L intégration économique régionale est reliée, essentiellement, au mouvement d internationalisation de la vie économique et sociale que nous considérons comme tendance objective de l économie L intégration économique régionale peut être interprétée comme une volonté politique de certains Etats de favoriser le développement de liens économiques avec des pays généralement proches géographiquement, par la création de zones de libre échange, d unions douanières ou de tout autre accord de commerce préférentiel. Ce mouvement ne traduit pas un repli à plusieurs dans une structure protégée du reste du monde, mais plutôt, une ouverture plus approfondie au sein d un groupe de pays afin d affronter, dans de meilleures conditions, l intégration à l économie mondiale. Le regain d intérêt que suscite l intégration régionale depuis quelques années est un phénomène constaté à l échelle mondiale, inspiré par le succès de l expérience européenne. Les pays sont de plus en plus poussés - par l étroitesse des marchés intérieurs ainsi que par les limites naturelles des économies nationales - à conjuguer leurs efforts et rassembler leurs potentialités afin de pouvoir surmonter les différentes contraintes économiques et sociales auxquelles ils doivent faire face. Ils sont également encouragés par les retombées positives de l union et de la coopération régionales pour mieux affronter les défis du marché mondial. Dans le cadre des accords régionaux, l harmonisation des législations concernant les investissements et les opérations financières, la libre circulation des biens, des services, des 8

capitaux et des personnes et la coordination des efforts de recherche donnent aux entreprises des pays membres, des marges de manœuvre plus grandes, la possibilité de tester leurs produits et leurs méthodes sur un marché plus vaste que le marché national et de bénéficier d une base élargie pour engager leurs opérations internationales. Selon B. BEKOLO-EBE : «les unions économiques sont devenues ces lieux où s élaborent les nouvelles stratégies concurrentielles, en donnant aux économies une capacité de négociation et d imposition de nouvelles règles et normes de concurrence et des bases de départ,... pour conquérir des parts de marché sur les marchés mondiaux». (1) Désormais, les entités régionales abandonnent la méthode consistant à dresser des barrières pour protéger leurs firmes contre la concurrence étrangère, et mettent plutôt à leur disposition des conditions leur permettant d améliorer leur compétitivité. Vu l importance des effets des accords préférentiels en matière d économies d échelle, de concurrence et d investissement, peut-on considérer la constitution d un ensemble régional comme un passage obligatoire aujourd hui pour pouvoir faire face aux défis de la mondialisation? Le processus de regroupement qui aboutit à la naissance d un bloc régional passe toutefois par la satisfaction d un certain nombre de conditions parmi lesquelles, nous citons : l existence d une volonté commune de regroupement des potentialités respectives de chaque pays ; l engagement sans réserve des Etats sur les plans économique, politique et social dans tout projet de construction commune ; la stabilité politique considérée comme élément important pour la réalisation et la réussite de tout processus d intégration. L étude du phénomène d intégration est liée à l aspect théorique et aux explications conceptuelles, c est pourquoi nous exposerons les différentes visions et les soubassements théoriques nécessaires pour la compréhension du phénomène. Le mouvement est également relié au contexte historique dans lequel il a évolué et qui lui a conféré une évolution dans sa conception, c est ainsi que l intégration régionale a connu un renouveau de sa conception dans le contexte de mondialisation, car désormais elle concerne les flux de capitaux et de (1) B. BECOLO-EBE, l intégration régionale en Afrique : caractéristiques, contraintes et perspectives, revue monde en développent, N 115/116, 2001, p.86. 9

travailleurs, la mise en place d un environnement institutionnel commun ou la coordination des politiques permettant des convergences des économies et un ancrage des politiques économiques. Ainsi, plusieurs conceptions ont émergé, il s agit de l intégration planifiée par les Etats (conception volontariste), l intégration par le marché (conception libérale), l intégration liée aux règles (conception institutionnelle), l intégration suscitée par les acteurs en position asymétrique et liée à des dynamiques territoriales (conception territoriale) et la conception politique ou diplomatique. Le principe de non discrimination constitue une base importante du système commercial multilatéral représenté par l organisation mondiale du commerce concernant les échanges entre ses membres. Ce principe apparaît clairement dans la clause de la nation la plus favorisée où tous les membres sont traités de la même manière. Le traitement préférentiel accordé dans le contexte d accords régionaux est une dérogation à cette clause, une dérogation qui est prévue par l article XXIV de l Accord Général sur les Tarifs Douaniers (GATT). Toutefois, l importance croissante des accords conclus en matière de commerce régional soulève des questions importantes : les accords préférentiels sont-ils compatibles avec l objectif du libre échange au niveau mondial? Les membres de ces accords renoncentils aux objectifs du multilatéralisme et au principe de libéralisation au niveau mondial? En tous les cas, les deux dynamiques sont fréquemment perçues comme contradictoires, la mondialisation est censée refléter l érosion des frontières, alors que l intégration régionale implique la volonté d imposer de nouvelles frontières : la coexistence des deux dynamiques constitue un paradoxe apparent. En effet, leur coexistence fait objet de débat entre ceux qui pensent que les accords régionaux représentent un fer de lance de la libéralisation et un signe encourageant de la volonté des Etats à étendre et approfondir leurs relations avec leurs voisins, sans pour autant renoncer à l objectif du multilatéralisme qui est la libéralisation au niveau mondial, et ceux qui tirent la sonnette d alarme du fait que ces regroupements risquent d évoluer vers un monde dominé par des blocs commerciaux rigides en Europe, en Amérique et en Asie de l est, et qui ne feront qu entraver le programme d action multilatérale. Nous apporterons notre contribution à ce débat, en cherchant à comprendre les mécanismes, les effets et la réalité des regroupements régionaux à travers leurs échanges commerciaux et leurs investissements directs étrangers. 10

Les accords régionaux se sont multipliés aussi bien entre pays développés qu entre pays en développement. Désormais, ces accords accaparent une part importante du commerce mondial et menacent, de ce fait, les nations qui en sont exclues. L intégration régionale présente de multiples avantages pour les pays en développement, celle-ci peut aider bon nombre de pays à surmonter les difficultés relatives à l étroitesse de leurs marchés nationaux, en permettant à leurs producteurs de réaliser de plus grandes économies d échelle et de bénéficier de la mise en place d infrastructures au niveau régional. Par ailleurs, la mise en place d accords régionaux implique l adoption d une approche régionale dans certains domaines clés comme l harmonisation des tarifs douaniers, la réforme du cadre légal et réglementaire, la restructuration du secteur financier, l harmonisation des incitations à l investissement etc. Ce qui permettra aux pays membres de se doter de moyens institutionnels et humains permettant d être plus compétent qu en agissant seul, et par la même, d être mieux préparé pour relever les défis de la mondialisation. Ainsi, en Amérique Latine, certains accords régionaux, tel que le Marché Commun du Sud (MERCOSUR), répondent au souci d asseoir la crédibilité des réformes engagées et d en maintenir la dynamique. Nous procèderons, dans ce travail, à l étude de quelques expériences d intégration de différents niveaux. Celles-ci nous permettrons de comprendre leurs mécanismes de fonctionnement et les raisons qui ont poussé les pays à se regrouper. Nous pourrons aussi répondre à un certain nombre de questions tel que : pourquoi certains regroupements ont réussi leur intégration et d autres peignent à y arriver? Les raisons d ordre économique sontelles toujours derrière la constitution de chaque regroupement? Pour y répondre, nous aurons à étudier l Accord de Libre Echange Nord Américain (ALENA). Rampant avec la tradition, les Etats-Unis ont négocié des accords de libre-échange avec Israël et le Canada et ils ont ouvert la voie de l ALENA, fruit de leur collaboration avec le Canada et le Mexique. Nous mettrons en évidence, dans ce travail, une expérience d intégration exemplaire, c est celle de l Europe qui ne cesse d accueillir de nouveaux membres en son sein et resserre les liens politiques entre tous ses membres. Ainsi, est née l Union Européenne, cette dernière est bâtie et développée sur le long terme, renforcée par une volonté politique, soutenue par des objectifs ambitieux. Nous étudierons également une autre expérience d intégration régionale entre pays en développement, il s agit de l Association des Nations de l Asie du Sud Est (ANASE). 11

Devant les unions qui se font un peu partout dans le monde, l union économique du Maghreb est devenue impérative, elle permettra de : conforter l insertion du Maghreb dans le commerce mondial : l intégration maghrébine pourra susciter une nouvelle dynamique des échanges et accroître l attractivité de la région pour les investissements directs étrangers, ce qui favoriserait l apparition de nouvelles formes de spécialisation dans la région et induire une allocation optimale des facteurs de production et de dynamiser la croissance dans les pays de la région ; crédibiliser le partenariat avec l Union Européenne : les accords d associations signés avec l UE seraient plus avantageux s ils sont accompagnés d une intégration du Maghreb notamment de l Algérie, du Maroc et de la Tunisie ; atténuer les effets de l élargissement de l UE tel que le détournement des flux d échanges et d investissements au profit des nouveaux pays membres, mais également diminuer la concentration des échanges commerciaux du Maghreb vers et en provenance de l UE. A la lumière des mutations rapides que connaît le monde et des crises dont l impact sur les économies maghrébines est certain, le choix du thème semble opportun pour tenter d identifier des solutions permettant de consolider les efforts vers une intégration de ces économies. L isolement actuel des pays du Maghreb ne peut être interprété que comme un signe de faiblesse et de déclin. Après leurs indépendances, les Etats maghrébins ont opté pour des régimes économiques centralisés et dirigistes. Mais l évolution économique des trois principaux pays du Maghreb a connu différentes trajectoires en fonction des modèles de développement adoptés et qui comportent de vastes programmes d investissement. Ce choix était motivé par une conjoncture internationale favorable. L Algérie a opté pour une politique d industrialisation en jetant les bases d une industrie lourde. Les modèles marocain et tunisien s insèrent dans le cadre de la division internationale du travail, il s agit de l industrialisation par substitution aux importations pour le Maroc et d une politique de spécialisation à l exportation pour la Tunisie. La réalisation des programmes de développement a nécessité beaucoup de capitaux et le recours massif à l endettement extérieur. Les pays Maghrébins se sont vite retrouvés dans des difficultés de remboursement de leurs dettes. Les changements survenus dans l environnement économique international, notamment, la hausse des taux d intérêt, 12

l effondrement des cours de pétrole et du dollar ont eu des conséquences graves sur les économies maghrébines. Le poids de plus en plus accru du service de la dette, l intensification des tensions sociales et le tarissement des financements extérieurs ont poussé les trois pays au bord de l étranglement financier. Ainsi, les stratégies menées jusque là ont été remises en cause. Cette situation a obligé les économies des trois pays à se soumettre aux programmes d ajustement structurel (PAS) imposé par le FMI en vue de restaurer les grands équilibres macro-économiques et financiers et le retour à la croissance. Le Maroc, la Tunisie et l Algérie ont respectivement signé leurs premiers PAS avec le FMI en 1980, 1986 et 1989. Pendant la décennie quatre-vingt et après avoir constaté l échec de leurs politiques au plan interne comme au plan externe, l accumulation des crises sociales, les Etats maghrébins ont porté leur intérêt sur la relance de l idée de la construction maghrébine qu ils avaient délaissé pour se préoccuper de leurs intérêts immédiats. Sachant aussi que les légitimités politiques adoptées après l indépendance basées sur le nationalisme, ont connu leurs limites, notamment dans le contexte de mondialisation. Comme le note A.EL.KENZ : «, les pouvoirs locaux du Maghreb retournent vers l espace régional dont-ils avaient sous-estimé le rôle et qu ils avaient sacrifié pour des intérêts étroits et des objectifs à court termes, d autant plus que les légitimités politiques post-indépendance, libérales ou étatistes, s étaient enfermées dans des logiques nationale rapidement dépassées par le processus de mondialisation non seulement des flux économiques mais aussi des mouvements culturels et sociaux des systèmes d information et communication» (1). C est dans ce contexte de crise économique et d isolement politique, que les Etats maghrébins vont tenter de relancer la construction maghrébine en signant le traité de Marrakech en février 1989 et la création de l Union du Maghreb Arabe (UMA). A ce titre, l intégration économique régionale entre pays du Maghreb est-elle possible? Malgré le rétablissement de la solvabilité externe, jusqu à l heure, le processus de stabilité macro-économique n a pas eu d effets escomptés en matière de croissance, cette dernière reste toujours fragile, d un caractère cyclique et insuffisante pour faire face aux défis (1) A. El-KENZ, Le Maghreb, d un mythe à l autre, in S. AMIN (sous la dir.), Le Maghreb : enlisement ou nouveau départ?, éd. L Harmattan, Paris,1996, p. 13

qui se présentent. Les pays Maghrébins éprouvent beaucoup de difficultés à relancer l investissement productif et représentent une attractivité encore insuffisante pour les IDE. Cette situation nous amène à poser une question qui constitue le centre de gravité du présent travail : La construction d une entité régionale et maghrébine constitue-t-elle une réponse à la crise des économies maghrébines? Quelles seront les opportunités que pourrait apporter une alliance régionale au plan économique, politique et social? Nous avançons l hypothèse qu un Maghreb économiquement puissant ne peut se concevoir sans la présence d un grand marché susceptible d entraîner de significatives économies d échelle, indispensables dans un univers de compétitivité économique ouverte, qui aurait l effet d attirer les investissements directs étrangers, faciliterait la spécialisation et susciterait une nouvelle dynamique des échanges. La charte de Marrakech de 1989 a jeté les bases de la création d une entité régionale regroupant l Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie, selon une séquence qui avait été définie dans le traité de Rome de 1957, elle prévoyait une progression allant de la formation d une zone de libre échange à celle d une union économique. A ce jour, aucune de ces étapes n a été franchie dans la réalité. Un vide demeure au niveau des réalisations concrètes, et les nombreux travaux préparatoires effectués par les responsables maghrébins se sont révélés des démarches sans issue. Quels sont les blocages à la réalisation d une intégration économique entre les pays maghrébins, alors que les observateurs et les opérateurs sont unanimes à penser que la mise en place d un vaste marché intégré donnerait à l attractivité de la région une très forte impulsion? L objectif du présent travail est de montrer que la mise en place d une dynamique d intégration régionale pourra contribuer à la sortie de crise de ces économies, car en plus des avantages qu elle présente, elle devrait conférer plus de crédibilité à la stratégie d ouverture entamée par ces pays, notamment dans le cadre du partenariat euro méditerranéen. En effet, malgré les atouts de son homogénéité géographique, économique, culturelle et linguistique, les pays du Maghreb ont choisi la recherche d alliances et d axes de coopération en dehors de la région pour bénéficier de leurs avantages comparatifs. Les pays du Maghreb se sont engagés dans une autre expérience d intégration Sud-Sud qui est celle de 14

la constitution d une Grande Zone Arabe de Libre Echange (ZALE), mais aussi dans une intégration de type Nord-Sud représentée par la zone euro-méditerranéenne. Les trois pays du Maghreb central : la Tunisie, le Maroc et l Algérie se sont engagés dans un processus d intégration économique régionale à travers des accords d association signés avec l Union Européenne respectivement en Mars 1998, Mars 2000 et Septembre 2005. Ces accords organisent sur une base contractuelle, les relations entre l Union et chacun des pays de la rive sud de la Méditerranée, et étendent le champ de la coopération non seulement aux échanges commerciaux et à l assistance financière, mais aussi, à la coopération institutionnelle, au dialogue politique et aux politiques migratoires, sociales et culturelles. Ainsi, ces accords prévoient la mise en place d une zone de libre échange sur une période de transition de douze ans, la mise en place d un cadre de dialogue politique ainsi qu une clause protégeant les droits de l homme, imposent à terme la libre circulation des capitaux, la convertibilité des monnaies, l application des règles de la concurrence et établissent le cadre d une coopération renforcée dans les domaines économique, social et culturel financée par des fonds communautaires. A ce titre, dans quelles conditions la construction euromaghrébine est-elle possible? Les pays du Maghreb, ne devraient-ils pas réaliser l intégration de leurs économies avant de rejoindre l espace européen qui constitue une zone intégrée? Comment concilier intégration maghrébine et intégration à l union européenne? Telles sont les questions qui guideront notre recherche et auxquelles nous tenterons d apporter quelques éléments de réponses. A cette fin, nous avons utilisé une liste bibliographique constituée d un ensemble d ouvrages et notamment d articles de différentes revues et de documents divers concernant des forums, des rapports, des séminaires et des études réalisées pour le compte de la commission économique pour l Afrique, de la commission européenne, du FEMISE, de la commission économique de la Ligue Arabe, des publications de certains groupes de recherche comme le Groupe de Recherche sur l Intégration Commerciale (GRIC), le Groupe de Recherche sur l Intégration (GDRI). Nous avons également exploité un ensemble d informations et des documents présentés par le ministère des affaires étrangères. Quant aux statistiques, nous avons procuré quelques unes auprès de l Office National des Statistiques et d autres en utilisant les sites internet des organismes de statistiques de chacun des pays du Maghreb. 15

Notre travail est divisé en deux parties. Dans la première, il sera question d un essai de clarification du concept, définir ses objectifs et les différentes formes de l intégration économique régionale dans le premier chapitre. Nous analyserons ensuite les théories de l intégration régionale à travers l étude des effets des accords régionaux, et comme dernier point du chapitre, le lien qu entretiennent les deux mouvements de mondialisation et régionalisation. Nous présenterons, dans le deuxième chapitre, quelques expériences d intégration économiques régionales à travers l étude de la genèse et l évolution de chaque regroupement, leurs objectifs, le contenu de chacun des accords ainsi que leur contribution au développement de chacune des régions, il s agit de l Union Européenne, de l Accord de Libre Echange Nord Américain et de l Association des Nations de l Asie du Sud Est. Dans la deuxième partie, il sera question d analyser la construction maghrébine après avoir présenté les caractéristiques des économies des cinq pays du Maghreb dans le premier chapitre. Ainsi, le chapitre sera abordé par une définition des potentialités physiques et humaines de chacun des pays : la situation géographique, les ressources naturelles, l évolution de la population. Nous procéderons, dans une deuxième section, à la présentation de la situation économique actuelle de chacun des pays : l état des équilibres macroéconomiques, les caractéristiques de la croissance des économies maghrébines, l état des investissements directs étrangers dans la région, et comme dernier point de la section, nous étudierons l état des échanges commerciaux par type de spécialisation, nous verrons également les principaux partenaires commerciaux des pays de la région. Dans le deuxième chapitre, nous aurons à étudier les engagements de la région dans des processus d intégration régionale, en commençant par étudier l intégration au sein même de la région et dans une première section réservée aux expériences d intégration régionale au Maghreb à travers le Comité permanent consultatif maghrébin (CPCM) et l Union du Maghreb Arabe (UMA). Dans la deuxième section, il sera question du bilan de l intégration maghrébine et les raisons du blocage du processus de construction de l espace maghrébin et qui sont d ordre économiques, politiques et institutionnelles. Dans un dernier point de la section, nous présenterons quelques tentatives pour redonner un nouveau souffle à la construction. 16

Dans la dernière section du chapitre, nous verrons les autres tentatives d intégration transrégionales, il s agit d une intégration nord-sud, dans le cadre du partenariat euroméditerranéen et les accords d association signés entre l Union européenne et chaque pays de la rive sud de la méditerranée, le contenu de ces accords, le bilan du processus et les retombées de la future zone de libre-échange sur les économies du Maghreb (risques et bienfaits), et dans un deuxième point, nous présenterons une autre expérience d intégration sud-sud et à laquelle les pays du Maghreb ont adhéré, il s agit de la Grande Zone Arabe de Libre Echange, les potentialités physiques et humaines de la zone, le contenu de l accord de libre-échange, le degré d impact de la zone sur le développement de la région. Le dernier point de la section concerne les perspectives et quelques recommandations pour sortir du blocage actuel et relancer l intégration maghrébine. 17

Première partie : Intégration économique régionale : de la théorie à la mise en pratique

Introduction à la première partie : Dès le début des années 1960, on assiste à une vague d accords régionaux notamment en Europe, en Afrique et en Amérique Latine, mais la plupart de ces accords ont échoué, c est le cas de l Association Latino-Américaine de Libre Echange créée en 1960 et du Marché Commun Centre-Américain. L échec des regroupements des années 1960 et 1970 est expliqué par la conjugaison de trois facteurs : l adoption d une politique économique autocentrée qui a conduit à une sousutilisation massive de la capacité de production et un manque de compétitivité, l innovation technologique défavorisée et les activités tournées vers l exportation découragées ; l absence des préalables requis comme l Etat de droit, la stabilité macroéconomique et monétaire, la stabilité structurelle ; la structuration insuffisante des institutions qui sont dotées de secrétariats peu actifs et de pouvoir pratiquement inexistants. Dans les années 1980, le phénomène prend de l ampleur. On assiste à une vague d accords régionaux un peu partout dans le monde, notamment avec la participation des Etats-Unis à des accords d intégration régionale, en signant un accord de libre-échange avec Israël et un autre accord de libre-échange avec le Canada en 1985, étendu par la suite au Mexique pour créer un Accord de Libre Echange Nord Américain (ALENA) en 1994. La prolifération des accords régionaux peut être expliquée, en partie, par une certaine désillusion vis-à-vis des négociations multilatérales de plus en plus longues et complexes. Elle est aussi expliquée par la progressive reconnaissance des «biens-faits» du régionalisme après avoir constaté le rôle qu a joué ce dernier dans l accélération des échanges et des investissements au sein de la communauté européenne. Avec l accélération du processus et des initiatives d intégration dans le monde, une question mérite d être posée : la prolifération des accords régionaux ne fait-elle pas obstacle à la libéralisation des échanges au niveau mondial? Nous tenterons de répondre à cette question après avoir présenté les différentes conceptions de l intégration régionale, nous essayerons de présenter une définition claire du phénomène, ainsi que les formes qu il peut prendre à savoir : 19

l intégration par le marché : qui peut être une zone de libre échange, une union douanière, un marché commun et une union économique et totale ; l intégration par la production : qui peut prendre deux formes, soit par la spécialisation, soit par la coproduction. Nous analyserons également les effets de l intégration économique régionale à deux niveaux : au niveau statique et au niveau dynamique. Nous étudierons dans cette partie trois expériences d intégration régionale dans le monde, en se basant sur une expérience exemplaire qui est celle de l Union Européenne (UE) ; une intégration considérée comme la plus avancée dans le processus d intégration et la plus réussie. Une autre expérience nous semble également intéressante à étudier car elle représente un exemple d intégration entre pays inégalement développés, il s agit de l Accord de Libre Echange Nord Américain, un accord considéré comme réponse aux regroupements en Europe et en Asie. Notre choix s est porté sur une troisième expérience d intégration d un autre type, c est celle des pays en développement, il s agit de l Association des Nations de l Asie du Sud Est (ASEAN). Cette première partie sera donc scindée en deux chapitres, dans le premier, il sera question d un essai de clarification du concept d intégration, de la présentation des théories de l intégration régionale et de la tentative de compréhension de la coexistence des deux phénomènes de mondialisation et de régionalisation. Dans le deuxième chapitre, nous présenterons trois expériences d intégration régionale, il s agit de l Union Européenne, de l Accord de Libre Echange Nord Américain et de l Association des Nations de l Asie du Sud-Est. 20

Chapitre I : Intégration économique régionale : essai de clarification du concept

Introduction : L intégration est un processus qui a toujours existé, étant donné que les peuples se sont rapprochés sous différentes formes. Celles-ci sont allées, des formes brutales de guerre, aux formes douces d échanges commerciaux. Les Etats se sont toujours efforcés de réduire ou d éliminer, sur une base mutuelle, les obstacles à leurs échanges. Cependant, l intégration régionale sous sa forme actuelle est une révolution post industrielle. Elle est caractérisée par la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux, des personnes, des idées, du savoir, des valeurs et de la culture, à travers la suppression progressive des frontières identifiables des Etats nations. Après la seconde guerre mondiale, une intense activité d intégration régionale s est développée parallèlement au développement du système commercial multilatéral au sein du GATT. La majeure partie des accords d alors, incluaient des pays signataires du GATT ou des pays membres de l O.C.D.E. Le GATT a ainsi reçu 98 notifications d accords régionaux entre 1948 et 1994, 11 accords supplémentaires furent notifiés au titre de la clause d habilitation (1) par les pays en voie de développement. L intégration régionale lie, généralement, des pays proches géographiquement entre lesquels les relations économiques tendent à s affranchir des frontières politiques. Le phénomène devient de plus en plus complexe avec l élargissement de son champ d intervention - les accords favorisent l intensification de l ensemble des flux économiques à savoir les biens et les services, les investissements directs et les capitaux financiers - et l implication des pays géographiquement distants. Nous allons donc tenter de cerner le phénomène d intégration régionale à travers la définition du concept, de ses caractéristiques et de ses objectifs. L intégration économique régionale se présente sous des formes variées, mais qui ont toujours pour finalité, de lever les obstacles aux échanges à l intérieur d une zone donnée. (1) La clause d habilitation est une décision adoptée par le conseil général du GATT en 1979, et qui autorise ses membres à accorder un traitement différencié et plus favorable aux pays en développement en dérogeant à la clause de la nation la plus favorisée 22

Le chapitre comporte aussi une approche théorique de l intégration régionale laquelle est basée sur l étude des effets de l intégration sur les courants d échanges, sur la consommation, sur les termes de l échange, sur les investissements, la performance et la compétitivité de la zone. Ainsi, le chapitre est scindé en trois sections. Dans la première section nous présenterons une définition claire du phénomène, les différentes conceptions, les caractéristiques et les objectifs de l intégration économique régionale. La deuxième section constitue l approche théorique de l intégration régionale, à travers l étude de son impact sur le bien-être. Ses effets sont présentés sous deux aspects, le premier est statique et le second est dynamique. La troisième section se portera sur le lien qu entretiennent la mondialisation et la régionalisation pour comprendre la réalité des deux mouvements, une réflexion qui sera précédée par la présentation des caractéristiques de la deuxième vague d intégration qui a été déterminante dans l évolution de l intégration régionale et les raisons de cet engouement pour les accords à cette période (1980-1990)., cohabitent- ils Section 1 : Genèse et évolution de l intégration économique régionale La première trace d un accord commercial régional remonte au 16 ème siècle. Des négociations eurent lieu entre l Angleterre et l Ecosse et aboutirent à la signature d un acte établissant une union économique et politique entre ces pays. En France, suite à la révolution, toutes les provinces formèrent une union douanière. En Allemagne, 18 petits Etats formèrent le Zollverein entre 1818 et 1834, une union douanière qui a précédé l unification allemande. La Confédération suisse fut fondée comme une union économique en 1848. Les Etats italiens formèrent une union douanière entre 1860-1866. La Norvège et la Suède formèrent une union douanière en 1874-1875. La constitution de blocs économiques régionaux est apparue avec la signature du Traité de Rome en 1957, formant la Communauté Economique Européenne. Une multitude d accords ont été signés, par la suite, notamment au sein des pays en développement, en Afrique et en Amérique latine. Ces accords ont constitué la première vague d accords régionaux qui n a pas connu de succès. A partir des années quatre-vingt-dix, un regain d intérêt pour les accords régionaux a été constaté. Plusieurs pays forment ou rejoignent un accord régional, il s agit de la seconde vague d intégration. 23

C est ainsi que le phénomène a connu une évolution dans sa conception, dans son contenu et parfois même dans ses objectifs. Nous tenterons de présenter, dans cette section, une définition claire du phénomène pour lever la confusion qui existe dans l utilisation des termes tels que le régionalise, la régionalisation et l intégration régionale. Une typologie conceptuelle est nécessaire, étant donné l évolution qu à connu l intégration dans le contexte de mondialisation. Il existe une conception libérale, une conception volontariste, une conception industrielle et territoriale, une conception institutionnelle et une conception diplomatique et politique. Nous présenterons ensuite les différentes formes d intégration régionale selon K.S.OUALI, celles-ci sont divisées en deux principales formes, il s agit de l intégration par les marchés et l intégration par la production. 1-1 Définition du concept, ses caractéristiques et ses objectifs Avant de définir le concept d intégration économique régionale, il y a lieu de signaler le foisonnement des termes se rapportant à notre thème dans la littérature française. Ceux qui reviennent de façon récurrente sont les suivants : la régionalisation, le régionalise et l intégration économique régionale, ce qui nous amène à poser la question suivante : ces termes sont-ils équivalents ou désignent-ils une réalité spécifique? Dans tous les cas, une confusion est constatée quant à l utilisation de ces termes, ce qui laisse penser qu ils sont équivalents et ne qualifient pas une réalité spécifique. Une typologie permet d atteindre une convention, Celle - ci revient sur la définition de deux grands piliers constitutifs du processus régional, il s agit du pilier économique et du pilier institutionnel, ces deux derniers se combinent ou non selon le lieu et le moment (1) 1-1-1 Le pilier économique Un processus régional se traduit par une réalité économique, quand les flux économiques - qu ils s agissent des biens, des investissements directs, des facteurs de production ou de monnaie - entre les pays d une région se caractérisent par une concentration. Autrement dit, ces flux représentent une intensification plus que proportionnelle à celle engendrée entre ces pays et le reste du monde, alors on considèrera qu il existe un processus de régionalisation au sein de cette zone. Ceci correspond à la «région économique naturelle» proposée par KRUGMAN (1991). Plusieurs études, menées par certains économistes comme (1) L.GUILHOT, L intégration régionale de l ASEAN+3 : la crise de 1997 à l origine d un régime régionale, Thèse de Doctorat en sciences économiques, Université de Grenoble, 2008, p.36. 24

FRANKEL et ALII en 1995, SOLOAGA et WINTERS en 2001, considèrent que «la régionalisation est le produit d un phénomène structurel lié à un ensemble de facteurs de proximité : l importance des coûts de transport, la similitude des goûts, des modes de consommation, les liens culturels, historiques et linguistiques, la similarité des systèmes politiques, des structures économiques, des niveaux de vie et des politiques commerciales» (1). La concentration des relations économiques au sein d une région, peut également être le produit de la régionalisation des unités de production des firmes telle que définie par NICOLAS «la régionalisation correspond ( ) à l émergence de structures d interdépendance plus poussée entre diverses économies d une même région et résulte ce faisant de stratégies conçues à l échelle régionale par les firmes» (2). La plupart des firmes multinationales, selon KRUGMAN (2005 et 2008), adoptent une stratégie régionale en mettant en place, au niveau régional, une stratégie de segmentation des processus productifs, en prenant en compte les avantages comparatifs propre à chaque pays membres de la zone. Cette stratégie renforce les relations économiques entre les pays appartenant à la même zone. 1-1-2 La coordination institutionnelle Dans ce cas, le régionalisme désigne le pilier institutionnel de l intégration régionale. Le régionalisme est défini comme étant «une construction politique menée par les Etats en vue de coordonner leurs relations» d après MASWOOD, BRESLIN et ALII, HUGON et d autres auteurs. Ainsi, nous qualifions de «régionalisation» un processus régional qui se caractérise par une concentration des flux économiques. Le «régionalisme» quant à lui, désigne un processus de construction politique : des règles communes sont instaurées par des Etats voisins qui n entretiennent pas de relations économiques plus intenses entre eux qu avec le reste du monde. Ainsi les deux termes sont différents du fait que «La régionalisation rend compte des situations dans lesquelles l intensification des flux ne s accompagne pas de processus de construction institutionnelle. Le régionalisme rend (1) FRUDENBERG et ALII, cité par L.GUILHOT, op.cit, p.36. (2) NICOLAS, cité par L.GUILHOT, op.cit, p.36. 25

compte de constructions régionales sans pour autant que les relations économiques s intensifient.» (1). Le croisement des deux dimensions institutionnelle et économique, montre que l intégration économique régionale peut être interprétée comme une combinaison de «régionalisation» et de «régionalisme». Ainsi, on parle d intégration économique régionale, si la région enregistre une concentration des flux entre les nations qui la compose et une mise en place d une coordination institutionnelle et formelle instaurant des règles communes de façon durable. 1-1-3 Définition de l intégration économique régionale Par ce qui précède, on peut définir l intégration économique régionale, comme un processus par lequel deux ou plusieurs partenaires, cherchent à réduire ou à éliminer progressivement les discriminations dans leurs rapports économiques et la mise en commun d une partie de leurs ressources. L intégration est aussi définie comme un processus de construction d un espace économique régional, qui repose sur la convergence dans l action entre différents pays. Ces derniers, devraient coopérer et adopter les nouvelles conditions de croissance en conciliant les objectifs de la région et les intérêts propres à chaque pays membres. L intégration conduit, dans certains cas, les pays membres à renoncer aux liens traditionnels qui les lient avec leurs anciens partenaires dans le domaine économique. L OMC définit l intégration régionale comme «les mesures prises par les gouvernements pour libéraliser et faciliter le commerce à l échelle régionale, parfois au moyen de zones de libre-échange ou d unions douanières» (2) L intégration économique régionale est donc volontaire, construite sur une base collective, recouvrant la mise en œuvre d un processus de construction communautaire. Elle est généralement fondée sur un espace de proximité géographique. La définition de l espace géographique et physique est considérée comme support aux activités à intégrer. L espace, d après certains auteurs, constitue un élément primordial (1) L. GUILHOT, op.cit, p.41 (2) Site de l OMC sur http// www.wto.org 26

dans l émergence du sentiment d appartenance culturelle et politique à un ensemble déterminé et d une vision partagée de l avenir. L intégration régionale, à partir des années 1990, concerne des domaines nouveaux comme l investissement, la concurrence, les normes techniques, les normes de travail ou les règles en matière d environnement. D après certains auteurs, les motivations économiques ne sont pas suffisantes pour s engager dans un processus d intégration, la dimension politique constitue toujours une base et un mobile de regroupement, ce que nous aurons à démontrer à travers l étude des expériences d intégration régionale. citons : Parmi les principales caractéristiques des accords économiques régionaux nous les accords régionaux rassemblent, pour la plupart, des pays voisins, d où le terme régional. Plusieurs raisons expliquent ce choix, nous citons principalement (1) : l intégration entre pays voisins est considérée comme un moyen de réduire les risques de conflits, elle permet de remplacer d anciennes tensions par un cadre institutionnel qui favorise la coopération, c est le cas de certains pays d Europe ; l intégration entre pays voisins, permet de réduire les coûts de transaction résultant des formalités aux frontières et constituant un véritable obstacle au commerce ; l intégration permet de constituer un marché régional pour certains produits qui ne sont pas échangés avec le reste du monde pour des raisons de goûts ou de coûts de transport excessifs ; l intégration permet d intensifier la coopération car il y a une meilleure connaissance du marché des pays voisins. les accords d intégration régionale se chevauchent le plus souvent, car de nombreux pays dans le monde appartiennent à plusieurs accords régionaux. Cette situation permet aux Etats concernés, de combiner l accès à de multiples marchés et d effectuer leurs approvisionnements sans droits, auprès de multiples sources. La combinaison d un certain (1) M. schiff x A. winters, intégration régionale et développement, éd. Economica, 2003, pp. 81-82 27