1 CAMERAS INFRAROUGE Le but des caméras infrarouge est d'évaluer la température d'un corps par la mesure de son rayonnement dans une bande spectrale de l'ordre de 2 à 15 µm. Le choix de cette bande s'explique par les propriétés de rayonnement de tout corps porté à une température T, souvent assimilé au corps noir de référence. L'intérêt de la mesure de température par rayonnement est d'être sans contact. Son domaine d'application est l'industrie lourde (haut-fourneaux, four à verre...) Rayonnement du corps noir Pour déterminer le rayonnement émis par l'agitation thermique des atomes de tout corps, les physiciens considèrent un émetteur- récepteur parfait appelé corps noir ou radiateur intégral. Par définition, c'est un corps idéal qui absorbe la totalité des rayons incidents qui le frappe, quels que soient leur longueur d'onde ou leur angle d'incidence, et qui émet un rayonnement répondant à la théorie fixé par la loi de Planck. La loi de Planck a été établie à partir de considération de thermodynamique statistique. Elle établit la luminance énergétique spectrique Lλ du corps noir: L λ= avec : c 1 λ 5 10 6 W.m-2.sr-1.µm-1 p exp c 2 / λt 1 c1 = 3,7418.10-16 W.m2 1ère constante de rayonnement -2 c2 = 1,4387.10 K.m 2ème constante de rayonnement λ longueur d'onde en m T température en degré Kelvin Cette loi est valable pour une émission du rayonnement dans le vide ou dans un milieu peu dense d'indice de réfraction voisin de 1. La figure ci-dessous donne la luminance spectrale pour divers corps ( corps noir) Fig 1. - Luminance de divers matériaux La température T déduite de la mesure de la luminance est appelée température de luminance ou température de corps noir. La température vraie d'un objet réel n'est pas égale à sa température de lulminance, sauf si c'est un corps noir.
2 Dans le cas d'une intégration de la luminance spectrale sur la totalité du spectre des longueurs d'onde, on aboutit à la loi de Stefan-Boltzman qui caractérise l'énergie totale par le corps noir à la température T: L = 0 L λ dλ = s 4 T avec σ = 5,6703210-8 Wm-2.K-4 constante de Stefan-Boltzman. p Généralement, la mesure de luminance s'effectue sur bande spectrale limitée, englobant la partie la plus utile du rayonnement. La figure ci-dessous donne la relation Température/Luminance pour deux bandes spectrales R1 (3 à 5,5 µm) et R2 (8 à 12 µm). Fig 2: Luminance glogale du corps noir en fonction de la température Que la mesure se fasse sur une longueur d'onde particulière, sur une bande ou sur la totalité du spectre, on remarque donc que la relation température/émission est une fonction croissante. La longueur d'onde du maximum de rayonnement spectral diminue avec la température. Ces propriétés sont mises à profit pour évaluer la température d'un corps par rayonnement. Rayonnement d'un objet réel Les objets réels se distinguent du corps noir idéal par le fait qu'ils émettent un flux toujours inférieur à celui du corps noir, quelles que la température et la longueur d'onde. Pour un corps réel, on caractérise ses propriétés thermoémissives par son émissivité, c'est à dire le rapport entre sa luminance L et celle du corps noir dans les mêmes conditions. L'émissivité spectrale directionnelle dans la direction D a donc pour expression: e λ, D, T = L λ objet réel D, T L λ corpsnoir T avec: D direction du rayonnement émis par le corps réel, T température et λ longueur d'onde. L'émissivité est une grandeur sans dimension dont la valeur est comprise entre 0 et 1. Elle est influencée par les paramètres suivants: - la nature même du matériau - son état de surface - la longueur d'onde - la direction de l'émission - la température du matériau.
3 En particulier, les surfaces rugueuses ou oxydées possèdent une forte émissivité. Généralement la courbe de l'émissivité en fonction de la longueur d'onde présente un maximum; on dit que le corps est sélectif. Dans le cas d'une courbe plate, le corps est gris. La mesure de température par rayonnement suppose souvent que le corps est gris, mais de plus en plus les pyromètres ou caméras thermiques sont étalonnées pour tenir compte des propriétés émissives du corps observé. Fig 3: Spectre d'émissivité du fer : 1-oxydé à 900 C 2-oxydé à 400 C 3-brillant Dans le cas d'une scène complexe composées de nombreux matériaux, il est bien évident que l'image de rayonnement ne correspond pas strictement à l'image de température réelle des corps. Fig 4. - Image Infrarouge d'une installation électrique (InfraTechnic) Fig 5. - Thermographie Structure des caméras infrarouge Pour mesurer le rayonnement reçu sur une cible, deux solutions sont employées: - transformer les photons en électrons comme pour les capteurs adaptés au spectre visible. - mesurer l'élévation de température de la cible. Le flux incident échauffe la surface de la cible, l'échauffement est converti en variation de résistance par exemple. De tels détecteurs ont une réponse lente (plusieurs millisecondes). Il est difficile de faire des mesures absolues avec une telle méthode. C'est le principe de base de nombreux pyromètres ou des caméras à bolomètre. Ces capteurs sont de dimensions plus importantes que dans le visible. De plus, les optiques ne convergent pas aussi bien. Les possibilités d'intégration des éléments sensibles sont donc plus réduites qu'en imagerie visible. C'est pourquoi de nombreuses caméras font appel à un nombre restreint de capteurs, voire un seul. Il faut donc associer à l'élément sensible un dispositif de balayage optique par miroir tournant.
4 Pour minimiser le bruit d'origine thermique (agitation des électrons des éléments sensibles), on refroidit le capteur à une température très faible (soit par élément Peltier jusque -40 C ou par détente d'un gaz liquéfié pour des températures plus basses). Fig 7. - Matrice 160x120 microbolmètres Fig 6. - Matrice InGaAs 320x256 éléments de 30µ Les facteurs de qualité d'un capteur thermique sont: - la Résolution Thermique ou NETD (Noise Equivalent Temperature Difference): différence de température équivalente à la valeur efficace du bruit mesuré sur le signal de sortie pour un point de fonctionnement fixé. - la résolution spatiale, exprimée en nombre de lignes de balayage et en profil thermique le long d'une ligne (généralement caractérisé par sa réponse à une impulsion ou un signal périodique). - la vitesse de formation de l'image (nombre d'images par seconde) Les capteurs les plus récents font appel à la technologie CCD qui permet une bonne intégration d'un grand nombre de points de mesure. Les éléments sensibles sont à base de Platine et Silicium (PtSi), ou plus récemment d'indium et d'antimoine (InSb). Le domaine spectral utile est de 2,2 à 4,6 µm. Ces capteurs peuvent mesurer des températures de -40 C à +300 C, avec une résolution thermique de 0,025 C à 30 C. La résolution spatiale atteint 256x256 pixels voire plus pour les caméras dites hautes résolution et la vitesse de lecture 60 images/s. De telles caméras présentent donc des propriétés voisines des capteurs dans le visible, mais à un prix nettement plus élevé (5 à 200K ) Fig 8. - Caméra InfraTechnic 320x240 microbolomètres (8-12µ m) Fig 9: Scanner IR à balayage (doc Thermoteknix)
5 c) Système à capteurs ponctuels Les systèmes à capteurs ponctuels sont utilisés dans les applications où on demande une très grande qualité de l'analyse de l'objet: grande résolution, niveaux très bas, très grande linéarité. L'élément photosensible le plus employé dans ces applications est le photo multiplicateur, qui utilise le principe de l'émission secondaire d'électrons. Les électrons excités par les photons sont accélérés par un champ électrique vers une électrode secondaire dite dynode; leur choc sur cette dynode provoque l arrachement de deux ou plusieurs électrons qui eux-mêmes sont attirés vers une dynode suivante. Les électrons sont collectés en fin de chaîne par une anode dont le courant forme le signal. Chaîne d'alimentation Courant de mesure anode photons dynodes fenêtre photoémissive fig4 - Principe du photomultiplicateur Un tel élément est très sensible, le facteur d amplification atteignant 105, de plus le matériau de la fenêtre peut être adapté en fonction de la longueur d'onde à analyser. La sensibilité descend pratiquement au niveau du photon. Le balayage de l'image à analyser peut se faire directement en (X, Y) par une mécanique du style table traçante, pour former un microdensitomètre, utilisé dans l'analyse des images microscopiques. Le balayage peut également être obtenu par une combinaison translation du capteur défilement cyclique de l'original enroulé sur un cylindre. Ce système est employé dans la transmission des clichés offset (fac-similé). Système à source conjuguée: Pour profiter au maximum des performances d un système à photomultiplicateur, on éclaire ponctuellement l objet à analyser. Les phénomènes de diffusion de la lumière par les points voisins sont ainsi éliminés. La source lumineuse est un tube cathodique d'un type spécial.(flying Spot), un laser avec déviateur, une lampe avec balayage par fentes ou disques. Un tel système permet d'obtenir une bonne résolution (2048 x 2048) avec un temps d'acquisition moyen (1ms par point). Toutefois la stabilité spatiale de la numérisation ainsi que sa linéarité spatiale sont étroitement liés aux performances des systèmes de déviation. A noter que la précision en intensité est excellente du fait de l'asservissement de l'intensité d'analyse et de l'unicité du point de mesure.