Sylvie NOEL. Camille est capricieuse

Sylvie NOEL Camille est capricieuse

Sylvie NOEL, 2018 ISBN numérique : 979-10-262-1607-0 Courriel : contact@librinova.com Internet : www.librinova.com Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Cette histoire est basée sur une histoire vraie. Ce qui est arrivé à cette petite fille m a tellement bouleversée que j ai voulu mettre son histoire par écrit pour la partager. Je m excuse par avance pour les libertés que j ai prises pour raconter les évènements sous forme de fiction, me laissant ainsi la possibilité d écrire et de conserver l anonymat de cette famille éprouvée. Tous les noms ont donc été changés. Cette histoire est pour cette petite fille, dont je citerai peut-être un jour le nom si elle m y autorise. S.N.

Pour L. D.

Aujourd hui, notre petite Camille fête ses onze ans. Elle rit. Elle s amuse avec ses amies. La maison résonne de rires et de cris. Elle est heureuse en découvrant ses cadeaux. Elle a soufflé toutes ses bougies. En une seule fois! Elle est tellement fière d elle! Mais elle revient de loin, notre Camille. Il y a un an de cela Un an à peine. Tout a basculé. Ce genre d histoire n arrive que dans les livres, ou les films. On se dit que ça n arrive qu aux autres. On n imagine pas que cela puisse devenir vrai. Mais ça nous est arrivé à nous. À elle. Ça porte un nom. Quel que soit le terme utilisé, la réalité nous est tombée dessus. Aujourd hui encore, mettre un mot sur ces évènements est difficile. Lequel choisir? La liste est longue. Pour notre part, le choix est fait. Il n y avait pas de choix à faire, d ailleurs.

- 1 - Octobre 2015 Comme chaque jour, j arrive à l école pour récupérer mes deux filles à l étude. Camille a neuf ans et Coline cinq ans, respectivement en CM2 et CP. Oui, Coline est déjà en primaire. C est parce qu elle est née en novembre. Cela lui vaut d être un peu en avance. Elles sont belles. Elles sont intelligentes. Elles sont pleines de vie. Toutes les deux fêteront leur printemps de plus le mois prochain. Printemps? Vu la saison, je devrais plutôt dire automne Ou hiver. Mais ce n est pas le sujet. Le hasard a voulu qu elles naissent toutes les deux en novembre, à des dates rapprochées. Coline a des cheveux châtain clair qui rebiquent sans cesse et des yeux marron en amande. C est tout le portrait de sa mère! Elle est toujours en mouvement, à un point que c en est souvent fatiguant! Camille est plus introvertie. Elle préfère passer du temps devant la télévision. Ou écrire, parce que ma fille est une écrivaine en herbe. Elle est douée. D ailleurs, qu il s agisse de rédaction ou de musique, elle est motivée et particulièrement brillante. Elle a hérité de mon côté portugais sa chevelure foncée. Ses grands yeux noirs et sa peau mate font d elle une enfant particulièrement belle. Je sais, je ne suis pas objectif. Mes filles sont deux des trois merveilles qui illuminent mon monde. La troisième est ma femme, Cathy. C est l institutrice de Camille qui assure la surveillance de l étude ce soir. Elle se lève pour me saluer. Vous avez quelques minutes? me demande-t-elle.

Son air grave m interpelle. Il a dû se passer quelque chose avec ma fille aujourd hui. Je tourne la tête vers Camille qui range ses affaires en discutant avec sa sœur. Oui, bien sûr, je réponds en revenant vers l institutrice. Je voulais vous parler de Camille. Oh! Ne vous inquiétez pas, il n y a rien de grave. Je voulais juste savoir si elle avait consulté un ophtalmo, récemment. J ai remarqué qu elle a du mal à lire ce qui est écrit au tableau. Je l ai changée de place, mais elle semble avoir toujours des difficultés. Elle louche même parfois en lisant. Au départ, ça ne semblait pas grand-chose, c est pourquoi je ne vous en ai pas parlé plus tôt. Mais j ai constaté que ça s accentue avec le temps. Je n ai rien remarqué. Sa vue ne m a pas donné l impression d avoir baissé. À la maison, elle est comme d habitude. Mais il est vrai que je ne l ai pas emmenée pour un contrôle avant la rentrée. Elle ne semblait pas en avoir besoin. Non, elle n a pas vu de médecin, récemment, avoué-je. Je vais prendre rendez-vous. Après tout, sa myopie a peut-être évolué. Je vous remercie de m avoir informé. Je vous tiens au courant. Elle me salue avant de se retourner vers les élèves qui commencent à chahuter. Mes filles me rejoignent et nous partons. En chemin, je pose des questions à Camille. Je voudrais savoir ce qu elle ressent. C est rien, Papa! Le tableau était trop loin, c est tout! Ça va mieux, maintenant! Son sourire ne me convainc pas. Je vais appeler mon ophtalmo. C est un praticien qui me suit depuis plusieurs années, maintenant. Il connaît mes yeux mieux que personne. Il sait me dire au premier regard, si j ose dire, ce qui ne va pas. C est naturellement que j ai emmené Camille le voir quand sa

myopie s est déclarée. Une relation de confiance s est instaurée entre nous avec le temps. Les rendez-vous avec lui ressemblent plus à des discussions entre amis qu à une consultation médicale. J apprécie beaucoup cet homme et cela semble réciproque. J ai son numéro de portable. Je l appellerai en rentrant. Je sais qu il me répondra. Il fera en sorte de voir Camille rapidement. Dès la porte franchie, les filles jettent leurs cartables et se ruent dans la cuisine. Le goûter est l étape incontournable du retour à la maison, même s il est plus de dix-huit heures. Comme on dîne tard, généralement, cela ne me dérange pas. Et la collation est légère. C est le moment où elles me racontent leur journée, les petits potins avec leurs camarades. Les blagues faites aux instituteurs. Les disputes entre amis. Ce qu elles ont mangé à la cantine. Là, pour le coup, elles ne sont jamais satisfaites! Camille me demande souvent d aller voir le directeur de l école pour lui demander «des plats de restaurant». Elle est tellement sérieuse dans ces moments que je me retiens de rire. Et moi, je les écoute parler. Leur babillage est divertissant. Elles ont toujours des tas d histoires à raconter. À leur âge, la vie est trépidante. Je suis proche de mes princesses. Elles n hésitent pas à venir me confier leurs petits secrets. Plus qu à leur mère. Cathy rentre plus tard. Elle a avec les filles une relation fusionnelle, mais n a pas la primeur des confidences. Quand elle rentre à la maison, je laisse à Cathy le temps de se poser. Elle aime prendre son temps, boire un verre de jus de fruits avant de commencer sa seconde journée. C est en préparant le dîner avec elle que je lui parle de ma conversation avec l institutrice.

Madame Lebrun a demandé à me voir, à l étude, à propos de Camille, annoncé-je. Il s est passé quelque chose à l école? Elle pose son saladier et s adosse au plan de travail. Je la sens inquiète. Mais elle l est à la moindre occasion. Si je l écoutais, elle emmènerait les filles chez le médecin tous les jours. Alors quand il y a des petits bobos, on frôle les urgences! Elle dit que Camille semble avoir quelques problèmes de concentration. Elle a remarqué qu elle a du mal à lire au tableau. Elle loucherait aussi un peu en lisant. Au départ, elle ne s est pas alarmée plus que ça. Mais plus le temps passe et plus ce phénomène semble s accentuer. Il fallait dire à Mme Lebrun qu elle la mette au premier rang, me dit Cathy. C est ce qu elle a fait. Mais ça n a pas arrangé les choses. Ses lunettes ne seraient plus assez fortes? C est ce qu elle pense. J en ai parlé avec Camille en rentrant, mais elle me dit que tout va bien, qu elle voit normalement. Il faut prendre rendez-vous avec l ophtalmo. Si tout va bien, ce ne sera qu un contrôle de routine. Je souris. J étais sûr qu elle dirait ça! Je la connais par cœur. Tu penses qu il pourrait te recevoir rapidement? demande-t-elle. Si ses lunettes ne lui conviennent plus, je voudrais avoir un avis assez vite. J ai eu le temps de l appeler, tout à l heure. J ai rendez-vous demain soir. Elle est soulagée et reprend ce qu elle était en train de faire. Je la laisse à ses fourneaux et vais voir les filles. Elles sont installées sur la table de la salle à manger. Elles sont occupées à faire leurs devoirs. Je les regarde un instant, profitant du spectacle.