Généralités sur l addiction: Philippe CANU Sallanches, réunion du 07/06/11



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Transcription:

Généralités s sur l addiction: l Philippe CANU Sallanches, réunion r du 07/06/11

Définition: Petit Robert : désigne d une relation de dépendance à une substance ou une activité,, qui a de graves conséquences sur la santé. Larousse : désigne une relation de dépendance aliénante.

Etymologie: Vient du latin «ad-dicere dicere», «dire à». Dans la Rome antique, les esclaves étaient désignd signés s par rapport au nom de leur propriétaire, ils étaient «dits à» leur maître. Au moyen-âge en France, «addicté»,, désignait d un débiteur d ne pouvant rembourser ses dettes et qui était condamné à travailler pour son créancier.

Très s ancien mot français, ais, disparu du langage courant, passé dans le langage anglo-am américain, oùo il désigne d au début du 20 ème siècle les phénom nomènes nes d asservissement d physiologique et psychologique, et réapparu en France il y a quelques années, par le biais du langage médical.

En fait, on peut parler d addiction d visà-vis d un d objet (substance ou comportement) quand ce n est n plus le plaisir ou le bien être lié à l objet qui est au premier plan, mais quand c est c la souffrance résultant r de la privation de l objet, l qui passe au premier plan.

Remarque : l addiction est elle toujours négative?.. William Glasser, psychiatre américain, crée e en 1976 le concept d addiction d positive

Comment peut-on développer d une addiction : Pour comprendre cela, il est nécessaire n de faire un bond en arrière, re, de quelques milliers, dizaines de milliers, centaines de milliers d annd années

Si aujourd hui dans notre civilisation, le but de la vie devient souvent la recherche de plaisir et des loisirs, la vie de l homme l n a n a pas toujours été ainsi, et s est s en fait longtemps résumr sumée à la simple notion de «survie»

et pour qu un un espèce survive, il faut essentiellement que les individus puissent se nourrir, se défendre, d se reproduire.

Notre cerveau a ainsi développd veloppé au fil du temps, tout un système visant à favoriser la survie, survie individuelle d abord, mais à travers elle, survie et évolution de l espl espèce Ce système s est s élargi au cours de l évolution pour nous inciter a répéter r les expériences plaisantes acquises au cours de la vie.

Quand nous effectuons une des ces actions, notre cerveau nous envoie, pour nous inciter à le faire, un signal bénéfique, une «récompense»,, qui nous procure une sensation de bien être, nous avons une bonne perception de nous- mêmes et de notre entourage. Nous avons l impression que tout va bien.

L histoire de «Jack»: Olds et Milner, Université Mc Gill, Montréal, 1954

Le circuit de la récompenser

Le circuit de la récompense r fait partie du système limbique, ou cerveau des émotions, oùo naissent les réactions r les plus primaires ainsi que la plupart des désirs et besoins vitaux, comme se nourrir, se défendre d et se reproduire.

Dans ce système limbique, le circuit de la récompense, r ou système hédoniqueh donique, est une structure complexe, qui nous indique à chaque instant dans quel état physique et psychique nous nous trouvons, c est c le «baromètre» de notre état de bien être.

Il comprend l aire tegmentale ventrale, productrice de dopamine,, dont les neurones se projettent vers le noyau accumbens (abréviation de nucleus accumbens septi = noyau accoudé au septum), qui serait le «centre du plaisir»

Quand ce système est activé,, sous l effet de l augmentation de la quantité de dopamine,, qu elle qu en soit la raison, nous ressentons une sensation de bien être.

De la même façon que notre cerveau nous envoie des récompenses, r il nous envoie aussi des «punitions»,, pour nous mettre en garde dans certaines situations. Dans ce cas, nous ressentons au contraire une sensation de mal-être ou de souffrance.

Les notions de «récompense» et «punition» étant jugées trop moralisatrices, on leur préfère re parfois les termes de «renforcement positif» ou «renforcement négatifn».

Quand notre circuit de la récompense r est trop souvent sollicité,, sous l action l d un comportement ou d une d substance, notre cerveau s habitue s à ce haut niveau d activation. Et toute baisse d activitd activité de ce circuit sera ressenti comme une souffrance, c est c ce qui amène à la dépendance.

Etat normal: zone de souffrance neutralité zone de bien-être Etat d addiction: d zone de souffrance neutralité zone de bien-être

Des symptômes généraux g apparaissent alors: - l impossibilité de résister r au besoin de consommer, - l accroissement d une d tension interne, d une d anxiété avant la consommation habituelle, - le soulagement ressenti lors de la consommation, - le sentiment de perte de contrôle de soi pendant la consommation

Le circuit de la récompense r n est n pas le propre de l homme, l il est présent chez la plupart des espèces animales ; il est cependant très s développd veloppé chez l homme qui a un comportement social très élaboré,, mais qui est aussi très vulnérable (l enfant humain est le plus vulnérable de tous les animaux, et celui qui est dépendant d le plus longtemps de ses parents).

La dopamine «hormone du plaisir»?: La maladie de Parkinson,, liée e une baisse de la production de dopamine par le locus niger, entraîne ne souvent des troubles de l humeur l et un syndrome dépressif. Le traitement par de la maladie de Parkinson par la dopamine seul est capable d amd améliorer l humeur l des patients.

1 er Février 2011: Le laboratoire fabriquant le Requip, médicament dopaminergique, indiqué dans la maladie de Parkinson a été condamné pour survenue chez un patient entre 2003 et 2005 d effets d indésirables non mentionnés: addiction au jeu et hypersexualité (ces effets sont maintenant, depuis 2006, mentionnés s sur la notice du produit).

Si la dopamine est le neurotransmetteur le plus impliqué dans l activation l du circuit de la récompense, de nombreuses autres substances peuvent aussi être impliquées.

Comment notre «circuit de la récompense» peut il être activé et «déréglé»? - de façon expérimentale, par stimulations électriques répétées r des zones cérébrales c concernées es - de façon «comportementale» : par exemple, les endorphines libérées par l effort, se fixent sur les récepteurs r opiacés s et entrainent la libération de dopamine.

- Par des substances «psycho actives» : Le point commun à toutes les substances psycho actives est d entrainer d une augmentation de la dopamine soit par augmentation de la production (cannabis, héroh roïne, amphétamines, alcool, nicotine), soit par diminution de la dégradation (cocaïne).

A côté de ce mécanisme m biochimique, il existe aussi un mécanisme psychologique plus complexe,, faisant intervenir de multiples facteurs notamment l image de soi même, le désir d de performance, l identification l à un «héros»,, les modifications su schéma corporel, etc

Il est également intéressant de voir que si nos besoins vitaux se résument r toujours à: - se nourrir, - se défendre, d - se reproduire, l évolution de notre société fait que ce que notre cerveau a mis des milliers d années à élaborer, n est n plus toujours adapté à notre mode de vie actuel

Notre premier besoin vital est devenu l argent Addiction au jeu

Se nourrir: Si malheureusement pour encore la majorité de la population de la Terre, la nourriture est un problème crucial, dans notre société occidentale, le problème n est n pas tant l accl accès à la nourriture que l excl excès s de nourriture

et notre cerveau continue toujours à nous envoyer des «récompenses»,, quelque soient les erreurs que nous faisons

Résultat

Se défendre: d Dans notre société,, oùo nous avons la chance vivre en paix, nous ressentons encore le besoin de vaincre un adversaire

Et si nous n avons n plus d adversaires, d nous nous en créons. Les sportifs d aujourdd aujourd hui ne sont ils pas les guerriers des temps modernes?

Se reproduire: C est sans doute ce qui a la moins changé au fil du temps

Mais le «coup de foudre», vieux comme le monde, qui peut rendre aussi heureux qu il peut faire souffrir, n est ni plus ni moins qu une une forme d addiction

Alors heureuse? et de toutes les «récompenses» que notre cerveau nous adresse, n est ce pas la meilleure qu il nous réserver serve