COMPTE RENDU COLLOQUE «LA CRÉATION, ACTEURS, OBJETS, CONTEXTES»



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Transcription:

COMPTE RENDU COLLOQUE «LA CRÉATION, ACTEURS, OBJETS, CONTEXTES» Organisé par l Agence Nationale de la Recherche en partenariat avec l Institut National de l Art et le ministère de la Culture et de la Communication, 11-12 octobre 2012, Paris. Ces derniers temps, l industrialisation de biens culturels ainsi que le développement de nouveaux médias ont contribué largement à interroger la notion de création et plus largement l art. C est précisément une réflexion sur l approche contemporaine de la création que l Agence Nationale de la Recherche (ANR) proposait, en 2008, à travers un programme intitulé «La création : acteurs, objets, contextes». Ce programme confondaient toutes les pratiques artistiques et s adressaient à l ensemble des sciences humaines et sociales. Il s ensuit que l objet de ce colloque consistait à présenter le bilan des recherches retenues à partir de trois axes majeurs de la création : - les spécificités de l acte créateur (la relation du créateur à l œuvre, processus de création, les techniques de la création), - la place des productions artistiques dans les représentations (rôle des publics, transmission et modification des discours et des pratiques, l objet artistique comme médiateur de relations sociales, - les mondes de l art (réception, contexte de production et formes esthétiques et artistiques, connaissance et transformation des professions et des formations). Le bilan scientifique À partir des 21 projets de recherches retenus (sur 85 soumis), quatre principaux thèmes se dégagent : - les objets, les pratiques, leurs fonctions suivant les cultures et les périodes historiques - les formes, les genres et leurs contextes : comment un genre se construit, produit ses propres codes, devient légitime, se diffuse, se transforme. - les techniques et les processus de création - les mondes de l art, les prescripteurs, les artistes, les spectateurs 1

1. LES OBJETS, LEURS FONCTIONS SUIVANT LES CULTURES ET LES PÉRIODES HISTORIQUES Parmi les différents travaux présentés sur la complexité du statut des objets dans des sociétés différentes, la recherche réalisée notamment par Gisèle Krauskopff (CNRS) et son équipe retient notre attention. Le regard que nous portons sur les objets, les statues etc issus de sociétés de tradition «orales», ce que nous appelons «l art primitif» en Occident nécessite d examiner les changements de fonctions que l objet en question a opéré au fil des siècles au sein de sa propre culture ainsi que son glissement vers le statut d œuvre d art. Il en ressort la nécessité d étudier le contexte ainsi que les différentes fonctions attribuées aux objets, associées à diverses pratiques. En effet, avant d être reconnu comme une «œuvre d art primitif», l objet change d identité selon la fonction et le sens que différents acteurs lui confèrent au cours de sa vie. Les travaux menés par Krauskopff sur les masques provenant de la région de l Himalaya et présents sur le marché de l art dès les années 1970 a mis en évidence la présence de cet objet à différents endroits de ce territoire et soumis à des réappropriations différentes donnant lieu à de nouveaux contextes et à de nouveaux récits. Ces recherches ont donné accès aux différentes traditions masquées ainsi qu aux danses transhimalayennes. Si le glissement de statut des objets est repéré dans des contextes sociaux et historiques distincts, un phénomène comparable est reconnaissable dans le domaine de la musique. Ce sont notamment les travaux réalisés par Philippe Canguilhem (Université Toulouse) qui révèlent la complexité des pratiques polyphoniques du plain- chant en s appuyant sur une approche transdisciplinaire, historique et ethnomusicologique. Ces pratiques polyphoniques relevant à la fois de oral et de l écrit, accordent une place importante à l improvisation collective. L étude des faux- bourdons a permis de mieux définir leur rôle dans l évolution de la modalité grégorienne aux XVIII e et XIX e siècles. Dans le domaine de l opéra, Françoise Rubellin (Université de Nantes) et son équipe, a mis au jour un pan des parodies dramatiques d opéra, genre «non officiel» et discrédité au XVIII e siècle. Un corpus de parodies a été constitué et a donné lieu à la création d une base littéraire et musicale, THEAVILLE ( http://theaville.org). Dans le domaine de la littérature, l objectif du projet Hidil dirigé par Didier Alexandre (Paris- Sorbonne) consiste à étudier la création de la valeur littéraire au croisement des textes, du contexte et des discours critiques tenus par les professionnels, les savants, en privilégiant l âge d or de la critique littéraire entre 1860 et 1940. 2

2. L EMERGENCE DE NOUVEAUX MEDIAS ET CREATION C est le propre des inventions techniques de bouleverser certaines pratiques sociales. En effet, la naissance de la photographie au XIX e siècle, du cinéma puis de la télévision transforme en profondeur le champ de la création. La recherche dans le domaine de la photographie que propose Kim Timby (EHESS) accorde une attention particulière au rôle joué par cette technique dans le processus de la création. À partir de trois moments repérés essentiels : l apparition du négatif- papier (calotype) en 1840, l apparition du reportage de magazine (1920) et l introduction de la photographie en couleurs dans les magazines (1945-1960), l étude analyse la relation étroite qui lie la technique et la création. Quant au cinéma, les travaux de Dimitri Vezyroglou et de Anne Kerlan (Paris I), en concentrant leur analyse sur la période 1927-1933, ils considèrent le cinéma comme un «fait social total» qui ne peut se dérober à l interaction avec l art, la technique, la sociologie et l économie. De plus, le modèle hollywoodien domine le système de représentations à travers le monde autant en France, en URSS qu en Chine à cette époque- là. D une manière plus étonnante, François Jost (Sorbonne Nouvelle) s attache à définir la création télévisuelle, d analyser le statut de l œuvre ainsi que celui de son auteur, enfin d étudier les évolutions possibles liées aux mutations technologiques. 3. PROCESSUS, DISPOSITIFS, ACTIVITES DE CREATION Pour mieux comprendre le processus même de la création, une enquête a été réalisée auprès de créateurs relevant de champs différents (scénario, design, musique, science, art) en vue de déterminer des invariants. C est certainement l un des projets inavoués du cinéma de percer le processus de la création en filmant attentivement le travail d un artiste. C est le domaine de recherche de l équipe FILCREA (Rennes2) qui se concentre sur l étude de la représentation filmique des œuvres, des artistes et de leurs pratiques à partir des archives de l INA et des films sur l art. Aujourd hui, grâce à l électroencéphalographie, il est rendu possible aux chercheurs de mettre en évidence le rôle de l image dans le processus de création tan dans le domaine des odeurs que de la musique. En ce qui concerne les technologies de l information, de la communication, de la modélisation et de la simulation numérique 3

transforment les processus de représentations et le rapport à l œuvre ainsi qu aux processus créatifs. Il est un domaine d activité profondément remanié par les innovations techniques, c est celui de l architecture. En effet, si son activité même réunit concepteurs, maîtres d ouvrage, maître d œuvre, ingénieurs etc, elle exige aujourd hui à l ère de la globalisation une organisation de travail dans et hors de l agence, à savoir la formation de multi- agences se créant au gré des concours par exemple. Le projet CoCréa mené par l université Paris- Sud et l École d architecture de la Villette s est formé pour mieux appréhender la question de la conception architecturale collaborative. La création musicale n échappe pas, elle aussi, à la globalisation. À partir d études menées en Afrique de l ouest, Afrique australe- Océan indien et Amérique latine auprès de compositeurs et de chorégraphes, Emmanuelle Olivier (CNRS) cherche à élaborer un savoir sur les musiques de ces régions qui dans le contexte de la globalisation, présentent une créativité singulière qui dépasse proprement le domaine musical avec la naissance de nouveaux métiers et de la mise en place d un réseau à l échelle locale. 4. LES INTERMÉDIAIRES, LES ARTISTES ET LES SPECTATEURS À partir d une étude à la fois historique et sociologique d un échantillon d agents littéraires, de managers dans le domaine musical, d agents d artistes, de commissaires, d exposition, de galeristes et de prescripteurs, il apparaît que les prescripteurs et les intermédiaires se situent au centre de la création, étroitement associés à la création considérée comme une «action collective». En particulier, les travaux de Laurent Jeanpierre (Paris 8) laissent apparaître que les conditions de travail des intermédiaires se rapprochent de celles des artistes (faibles revenus, inégalités..). Dans une réflexion qui lie la création artistique, Samuel Bianchini (Valenciennes) considère l interactivité proposée par l œuvre comme une invite au spectateur à devenir un «actant», un «pratiquant» ou «pratiqueur». En 2010, l ANR oriente les champs de recherches davantage vers la création dans le domaine des sciences, des savoirs, des techniques, de l innovation, des «arts de faire «(Objets virtuels, design ) à partir de trois thèmes : 1/Figures de la création, processus, techniques, apprentissages, 2/Place des productions artistiques dans les systèmes de représentations collectives et d échanges sociaux 3/ Mondes de la création et nouvelles formes du travail et de la production. Dominique Billier 4

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