«Les atteintes aux milieux aquatiques et la transaction pénale» Pierre BOYER Juriste à l Office National des Milieux Aquatiques (ONEMA) 18 février 2014 Introduction L Onema, établissement public de référence (tutelle ministère écologie), qui unit la police et la science & techniques, au service des engagements ambitieux de restauration des milieux aquatiques arrêté par l Etat en 2000 : La DCE prolongé en milieu maritime en 2008 : DCSMM. - 900 agents environ, dont 600 techniciens de terrain, devenus inspecteurs de l environnement au 1 er juillet 2013, affectés à 50% de leur temps de travail sur des missions de police de l environnement (police en tenue et armée), dans le cadre d un plan de contrôle interservices Eau & Nature arrêté chaque année par préfet/procureur (stratégie de ciblage) ; - 25000 contrôles annuels (1/3 non conformes), 4300 PV (délits : 60%, C5 : 30%, C1 à C4 : 10%), diversité socioprofessionnelle des mis en cause (particuliers, collectivités, agriculteurs, autres), incidents et mises en cause (0,5% des contrôles) en croissance (notamment d origine agricole) ; - Saint-Valentin (14 février) 2014 : campagne FNSEA «anti police de l environnement Onema» : une montée en puissance reconnue pour des contrôles limités (25% des contrôles Onema), mais des risques de tension sociale à gérer par les autorités. Des atteintes diversifiées aux milieux aquatiques 3 préoccupations majeures - pollution diffuse, - hydromorphologie des cours d eau, - continuités écologiques et prélèvement quantitatif Une réglementation complexe ; un contentieux très technique Conseil constitutionnel, 04 août 2011, n 2011-635 DC toutefois, les infractions prévues au livre IV du code pénal et celles prévues au code de l'environnement sont d'une nature telle que leur examen nécessite des compétences juridiques spéciales qui font obstacle à ce que des personnes tirées au sort y participent ; que, par suite, les 4 et 5 de l'article 399-2 doivent être déclarés contraires à la Constitution ; Des sujets d intervention diversifiés en matière de police des eaux : - pollutions - opérations d aménagement ou d exploitation Eau irrégulières - obstacle aux fonctions de contrôle - non respect des (trop rares) mises en demeure et suspension administratives - non respect de la réglementation techniques (C5 voire petits délits) 1
5 000 4 500 4 000 3 500 3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 0 PRESERVATION DES MILIEUX Taux conformité moyen = 63% Travaux cours d'eau Obstacles Travaux ZH Plan eau pisci Autre pres mil Pesticide Pol accident Nitrates Pol Urbaines Industrie eau pluv AEP Autre qualit'eau GESTION QUANTITATIVE PECHE BRACONNAGE ESPECES HABITATS QUALITE DE L'EAU 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Non conforme Conforme Moyenne Taux conformité Bilan 2013 missions de police Onema La transaction pénale Principe : art. 6 CPP + loi spéciale d application : - depuis mars 2007 en EAU (art. L. 216-14 C. ENV. 1 + décret 24 avril 2007 + circulaire 14 mai 2007) ; - depuis 1959 2 en PECHE FLUVIALE (art. L. 437-14 C. ENV. 3 ) ; - depuis 2010 en PHYTO (art. L. 205-10 CRPM) - et potentiellement depuis le 1 er juillet 2013 en ENVIRONNEMENT (art. L. 173-12 C.ENV.) en attention du décret d application Plusieurs modèles d organisation de la procédure transactionnelle : - intervention parquet en amont, en milieu de procédure, en aval. - choix du modèle médian en environnement : initiative de l administration, accord du mis en cause, homologation parquet A noter : initiative adm / non validation juge du siège - des pratiques «sauvages» par certains parquets (info en amont, info et enregistrement en aval) 1 Abrogée au 1 er juillet 2013, remplacée par L. 173-12 C.ENV. 2 Art. 2 ordonnance du 2 novembre 1959, repris sous art. 431-1 ancien code rural 3 Idem 2
Une procédure adaptée au traitement des infractions «mineures» : - centrée pour répondre à des faits commis de manière non délibérée - «normalement interdite en cas de non respect de refus administratif (rejet demande autorisation, déclaration, dérogation, etc), obstacle au contrôle, réitération post condamnation, victimes Une procédure adaptée à la réparation des atteintes à l environnement : - une peine d amende (capée à 20% du montant de l amende prévue pour l infraction considérée, puis 33% depuis le 1 er juillet 2013) - assortie, lorsque c est techniquement possible et pertinent, obligations tendant à faire cesser l infraction, à éviter son renouvellement ou à réparer le dommage. Les avantages pour l administration : - réduction du taux de classements sans suite - désengorgement des juridictions tout en apportant une réponse pénale aux situations infractionnelles - rapidité (6 mois contre plusieurs années pour le procès pénal) - réduction des coûts pour l Etat - possibilité de réparer les dommages causés à l environnement dans des délais relativement brefs. Les avantages pour le mis en cause - procédure moins onéreuse que le procès pénal (évité, avec recours à un avocat aussi évité) - absence de médiatisation et de stigmatisation : pas d audience, pas de publicité, donc pas de prévention pédagogique par l exemple public - pas d inscription au casier judiciaire (à la différence de la composition pénale) - «opacité» de la procédure pour les victimes et les associations, ce qui rend plus difficile les constitutions de partie civile - impossibilité pour le juge pénal de prendre en compte les dommages causés aux victimes Une mise en œuvre hétérogène - une mesure utilisée dans 2/3 des départements & parquets (cf. cartes suivantes) - une mesure limitée aux PV produits par les agents spécialisés de police judiciaire (# PV gendarmerie) 3
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La restauration des milieux - Un avantage initial (une alternative aux poursuites permettant la réparation environnementale), moins évident aujourd hui (généralisation de cette mesure/peine quelque soit le mode d action publique) - Une priorité en terme de mesures répressives (amende secondaire même si quantum remonté à 33%) Quelques réussites Nord-Est PV suite à des travaux routiers en zone périurbaine de Metz Transaction pénale conduit à projet de renaturation du bassin versant local Méditerranée PV pour non respect du débit réservé aval de la prise d eau transaction pénale conduit l ASA du canal de Gignac à un projet global de rationalisation de l irrigation du secteur et économie d eau Mais la réparation n est pas toujours possible! faut-il restaurer ou laisser faire? comment intervenir? à quel cout? pour quel objectif? compensation ou réparation? En terme de réparation, qu est ce qui fonctionne? ne fonctionne pas? qui est susceptible de fonctionner? Des effets induits puissants - absence d appréciation des magistrats du siège (indépendance, séparation des fonctions de poursuite et de jugement) - frein majeur à l émergence d une jurisprudence proportionnée aux enjeux (peu de dossiers traités à l audience publique, peu de décisions de justice) - un vecteur de désinvestissement de parquets débordés = un risque élevé de déstabilisation de l action publique pour certains parquets : de 50% à 100% des PV dressés (dessaisissement acceptée des parquets) - un outil qui éteint l action publique (qui ne peut plus être reprise sur info complémentaire ou nouvelle dommage env ou plaignant) - une incohérence de fait fréquente entre enquêtes complémentaires initiées par les parquets et initiative transactionnelle de l administration - des amendes construites sans proportionnalités, ignorant les règles de détermination de l amende pénale : pas d infos sur revenus des mis en cause dans les dossiers, pas de connaissance des règles d intégration ou de cumul des amendes respectivement pour les délits et contraventions, application stricte des barèmes de la circulaire de 2007 (repris ou non dans les protocoles d accord) - une concurrence de fait des victimes privées informées : transaction civile (en relation avec la copie des pv adressées à certaines victimes type fédération de pêche ou de chasse) - une concurrence de fait à la mise en œuvre des outils de police administrative : ex mesure transactionnelle => déposer un dossier de demande Autorisation ou Déclaration (en lieu et place d une mise en demeure préfectorale, pourtant obligatoire) - quelle place à l avocat, en l absence de copie du PV au mis en cause? Vers un dvpt récent des refus de transaction par le MEC! 6
Quelques pratiques déviantes - pas d inscription au casier judiciaire (visa juge du siège absent, # compo) : 36 transactions entre 1954 et 1988 concernant la société PROTEX (devenu SYNTRON) près de Tours : nouvelle pollution en 1988, avec importante mortalité piscicole et suspension AEP ville de Tours pendant 1 semaine! - des «négociations» de fait avec certains «mis en cause influents» Conclusions Quid des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives? (obligations du droit européen de l environnement) 7