Stage à la Maison Médicale Jeanne Garnier



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Transcription:

Stage à la Maison Médicale Jeanne Garnier PARIS XVème du lundi 4 Février au vendredi 29 Mars 2002

Introduction Je viens d effectuer un stage d une durée de huit semaines, en tant que médecin omnipraticien et étudiante en bioéthique, à la Maison Médicale Jeanne Garnier (MMJG), spécialisée en soins palliatifs. Cette expérience a été rendue possible grâce à la bourse que m a octroyée l Institut International de Recherche en Éthique Biomédicale () et bien entendu grâce à Madame le Docteur Marie- Sylvie Richard et aux responsables de la MMJG qui m ont invitée dans ces lieux. Il m a été demandé par l de rédiger un rapport de stage. J avoue qu il m est difficile de faire part pleinement et en y mettant le ton juste de cette expérience vécue en unité de soins palliatifs, sans rompre ni la confiance dont m ont honorée les soignants et les malades du service, ni la confidentialité que je leur dois. Ceci étant dit, je rendrai compte de ce séjour parisien en présentant d abord les objectifs et la problématique de ma recherche, de manière un peu plus détaillée que dans mon dossier de candidature. Ensuite, je décrirai de manière factuelle le déroulement du stage. Enfin, je témoignerai de mes remarques et de mes interrogations face à cette expérience, contribuant ainsi, je l espère, à l avancement des connaissances dans le domaine de la recherche en éthique biomédicale.

Objectifs et Problématique du sujet de recherche Le concept des soins palliatifs, partisan du «laisser mourir», s oppose en principe et en pratique au «faire mourir», à l euthanasie et au suicide médicalement assisté. Dans de rares cas, les soins palliatifs s avèrent insuffisants à soulager l extrême souffrance des patients. Quelques uns réclament alors une aide pour mourir. Et, si certains médecins s y opposent vigoureusement, d autres envisagent le recours à ces pratiques illégales. Comment comprendre le processus de la prise de décision médicale dans ce contexte clinique particulier? Soins palliatifs : historique L accompagnement bénévole des mourants dans des «hospices» 1 s est professionnalisé, médicalisé, et s est étendu, dans les années 1960 et sous l impulsion de C. Saunders, de l Angleterre à l Amérique du Nord. Depuis la création du St Christopher s Hospice londonien par C. Saunders (1967), et celle de la première Unité de Soins Palliatifs hospitalière montréalaise par B. Mount (1974), un nombre important de services de soins palliatifs a été créé à travers le monde. Soins Palliatifs : définition La définition des soins palliatifs reste sujette à débat, variant d un organisme à l autre et au cours du temps. La définition que donnait en 2000 l Association Québécoise des Soins Palliatifs est la suivante : «Ensemble des interventions nécessaires à la personne atteinte d une maladie dont l évolution compromet la survie ainsi qu à ses proches, afin d améliorer leur qualité de vie en considérant les besoins dans toutes leurs dimensions. 1 instauré par les Dames du Calvaire (Jeanne Garnier) au XIXème siècle puis les Soeurs de la Charité (Marie Aikenhead)

Les soins palliatifs reconnaissent [entre autres] : - La très grande valeur de la vie et le caractère naturel de la mort 2...» Soins palliatifs : caractéristiques Des définitions données par les associations de soins palliatifs canadienne, québécoise, française et l'o.m.s depuis les années 1970 ressortent les caractéristiques principales de ce type de soins, et l évolution de ces dernières : Ce sont des soins actifs et globaux, intéressant la personne malade dans son ensemble somatique, psychologique, social et spirituel. D abord réservés aux patients atteints de cancer en phase terminale, ils étendent leurs indications non seulement à plusieurs maladies incurables parfois chroniques 3, mais aussi dès le diagnostic de la maladie et jusqu à la mort, ce qui implique la diffusion de leur approche dans tous les champs de la médecine. Leur objectif est le soulagement de la «douleur totale» du malade pour améliorer sa qualité de vie. Ils sont organisés autour d une équipe interdisciplinaire et se passent à domicile ou en institution. Leur philosophie s intéresse au bien-mourir et s oppose en principe à toute action qui pourrait retarder ou «provoquer intentionnellement la mort». Soins palliatifs : éthique clinique Pour certains, les soins palliatifs sont revendiqués comme position éthique4, mettant en oeuvre une certaine conception de la vie. Il s agit pour eux, soignants et accompagnants au sens large, de mettre en pratique la philosophie des soins palliatifs, et d «être simplement humains». Ainsi, le concept de douleur totale suscite la prise en compte des multiples dimensions de la personne. La reconnaissance du caractère singulier de chacun incite au respect de l altérité. La relation à l autre devient primordiale, d où, en pratique clinique, le souci permanent de maintenir le malade en état de conscience. D ailleurs, si l éthique des soins palliatifs est souvent perçue comme éthique du prendre soin, éthique de la compassion et de la sollicitude, elle est aussi considérée comme une éthique relationnelle. La communication entre les soignants et le patient, mais aussi avec les proches, est au centre de l activité palliative. L union de tous les acteurs de soins palliatifs en une véritable «communauté de soins», reflète l engagement de chacun 2 Rapport Lambert - Lecomte, sur l état de situation des soins palliatifs au Québec, pour l AQSP (en processus d évaluation auprès de ses membres), 2000 3 maladies neurodégénératives, SIDA, cardiopathies ou pneumopathies sévères, polypathologies du grand âge, etc...

au service de l idéal commun. L éthique clinique impose aux soignants, une réflexion permanente sur les problèmes rencontrés dans la pratique médicale. En soins palliatifs, l éthique médicale prévaut dans son intégralité, mais elle incite à la remise en question de l attitude médicale, à une «conversion intérieure», devant l aggravation inéluctable de la maladie : la qualité de vie prime sur sa durée. Les soins palliatifs choisissent de laisser mourir (ne pas initier voire interrompre les traitements qui prolongent l agonie) plutôt que de faire mourir (pratiquer l euthanasie ou l aide au suicide). Quand laisser mourir? Devant le refus, la disproportion, ou l inanité d un traitement? Comment laisser mourir? En soulageant parfois au risque d'entraîner la mort, ou en suscitant l inconscience du malade? Où laisser mourir? À domicile ou à l hôpital? Pourquoi laisser mourir? Peut-on être certain de l inutilité du traitement curatif? A-t-on réellement épuisé toutes les ressources médicales? Et puis que répondre, et comment répondre à la demande de mourir d un patient en grande souffrance? Autant de questions qui rendent la prise de décision difficile et qui mettent en jeu la responsabilité du médecin. Problématique Longtemps, les soins palliatifs ont eu la réputation de soulager toutes les douleurs en fin de vie et promettaient une mort paisible et sans souffrance. Il s avère que parfois une prise en charge adaptée se révèle impuissante à offrir une fin de vie supportable 4. Parmi les patients en extrême souffrance, un certain nombre, estimant avoir perdu toute qualité de vie, demande de façon rationnelle et récurrente une aide pour mourir 5 6. Parmi eux, la douleur n est pas le plus fréquemment en cause 7, mais plutôt une souffrance globale, un délabrement physique et moral à l origine d un sentiment complexe de perte de dignité, de limitation de soi et de lassitude de vivre. 4 Sobel, R., «The Myth of the Control of Suffering», Journal of Medical Humanities, vol. 17, n*4, 1996 5 D après Deleuze Y., Van Oost C., «Aliquando mederi saepe cedare semper consolare. Faut-il légiférer dans le domaine de l euthanasie?», Ethica Clinica, La mort médicalisée, 1998, n*9, p. 36-38 6 Byock, I. R., Consciously Walking the Fine Line : Thoughts on a Hospice Response to Assisted Suicide and Euthanasia», Journal of Palliative Care, 1993, vol.3, n*9, p.25-28 7 Natali F., Décisions en fin de vie, l euthanasie en question, Soins, n*647, juillet-août 2000, p. 42-47

Devant un patient qui souffre, trop difficile à soulager, et qui demande de manière conséquente et itérative une aide pour mourir, les médecins proposent différentes solutions. Pour les uns, ils s agit de répondre à la demande du patient et de pratiquer exceptionnellement l euthanasie 8 ou l aide au suicide 9, malgré leur interdiction légale. Pour d autres en revanche, ces solutions sont inacceptables. Les médecins ont alors exceptionnellement recours à la sédation palliative 10. Enjeux Dans le débat sur l aide à la mort médicalisée, la conception de la médecine elle-même est en jeu, et celle des soins palliatifs. S opposent la médecine moderne, scientifique et technique, inspirée de Bacon, et la médecine hippocratique. En effet, le respect de l autonomie et celui de la qualité de la vie, fers de lance des arguments promouvant ces pratiques, sont les principes qui guident la médecine moderne. D autres raisons sont avancées, telles la compassion devant une personne 8 L euthanasie est un acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d autrui pour mettre fin à ses souffrances. La définition de P. Verspieren a le mérite d être claire : «Le terme «euthanasie» évoque désormais la responsabilité d un professionnel de la santé ou d un proche dans la mort d un malade ou d un handicapé. Dans une telle perspective, est euthanasique le geste ou l omission qui provoque délibérément la mort du patient dans le dessein de mettre fin à une vie marquée par la souffrance». Verspieren P., Euthanasie, Encyclopedia Universalis, p 113-115 9 «L aide médicale au suicide est le fait d aider quelqu un à se donner volontairement la mort en lui fournissant les renseignements et/ou les moyens nécessaires.» Sénat du Canada, De la vie et de la mort, Rapport du Comité sénatorial spécial sur l euthanasie et l aide au suicide, Juin 1995 - Doucet, H., Les promesses du crépuscule, Réflexions sur l euthanasie et l aide médicale au suicide, Labor et Fides, 1998, p17 Le motif : le soulagement de la souffrance, et l intention : la mort de la personne, sont les mêmes que pour l euthanasie. Seules diffèrent les modalités du geste. L aide au suicide garantit l autonomie de la personne qui souffre, l euthanasie non, mais elle est parfois jugée plus efficace donc plus humaine. 10 On appelle sédation l «induction par l administration d une benzodiazépine ou d un neuroleptique d un sommeil artificiel qui permet au malade de perdre la conscience de sa souffrance». Girardier J., Béal J-L., Alavoine V., «Les situations extrêmes en soins palliatifs», Infokara, 1995, 38, p. 35-45 - Richard M-S., «Faire dormir les malades», Laennec, Juin 1993, 322-327 La sédation prend plusieurs formes en soins palliatifs, selon qu elle est temporaire ou continue, profonde ou superficielle. Elle est toujours associée à d autres traitements symptomatiques. Son but est le soulagement du patient en détresse. La forme la plus préoccupante de sédation est la narcose profonde, continue, dite «complète» ou «terminale», véritable anesthésie générale provoquée et maintenue jusqu au décès du malade.

en souffrance, l humanité, et la liberté. Pour des médecins tenants de l euthanasie et de l aide au suicide, ces gestes peuvent et doivent faire partie des actes médicaux 11. A contrario, parce que le sens de la médecine hippocratique est fondé sur le respect de la vie humaine, et en particulier sur son caractère sacré 12, ce courant de la médecine s oppose à l aide médicale au suicide et à l euthanasie, et ne peut les concevoir comme des tâches médicales 13 14 15. Ces pratiques fragilisent la relation de confiance entre médecin et patient. Un explicite droit de mourir inciterait à un implicite devoir de mourir. Le risque du passage de l euthanasie volontaire à l euthanasie non- voire in- volontaire est craint. Et surtout, l euthanasie n est qu une réponse technique à la question fondamentale du sens de la mort 16 17. Ils prônent alors les soins palliatifs, comme alternative à l euthanasie 18, et proposent la 11 «Un des objectifs les plus importants de la médecine est de permettre aux malades qui sont en phase terminale de mourir, autant que c est possible, sans souffrance, en demeurant responsables et en conservant leur dignité. Dans ce cadre, l aide médicale au suicide constitue un continuum dans les options disponibles pour donner des soins de confort.» Quill, T., Cassel, C.K., Meier, D., «In Care of the Hopelessly Ill - Proposed Clinical Criteria for Physician-Assisted Suicide», The New England Journal of Medicine, 325, 5 novembre 1992, p. 1380-1381, cité par Doucet, Hubert, Les promesses du crépuscules, Réflexions sur l euthanasie et l aide médicale au suicide, Labor et Fides, 1998, p. 64 12 visions religieuse et laïque 13 Wanzer, S.H. et al., «The Physician s Responsability toward Hopelessly Ill Patients A second Look», The New England Journal of Medicine, 320, vol.13, 30 mars 1989, p. 844-849, cité par Doucet, Hubert, Les promesses du crépuscules, Réflexions sur l euthanasie et l aide médicale au suicide, Labor et Fides, 1998, p. 65 14 Byock I.R., «Consciously Walking the Fine Line : Thoughts on a Hospice Response to Assisted Suicide and Euthanasia», Journal of Palliative Care, 1993, vol.9, n*3, p.25-28 15 Matray B, «Nouvelles requêtes adressées à la médecine : les soins de fin de vie et la «demande de mourir», Revue Prévenir, n*38, 1er semestre 2000 16 «Il faut se garder de faire de l'euthanasie ou du suicide assisté un placebo à une détresse existentielle.» «La société se doit de déterminer les valeurs qu'elle veut privilégier. Il serait regrettable qu'elle confie à ses médecins la compétence de sanctionner des décisions qui renvoient au sens de la vie ou de la mort.» Lesage, P., «Une extension des limites : le suicide assisté et l'euthanasie», Éthica Clinica, Dépénaliser l'euthanasie : La parole aux professionnels de la santé, 978, p. 27-30 17 Voyer G., «Perspective canadienne : l'euthanasie et l'aide au suicide», Ethica Clinica, Dépénaliser l'euthanasie? La parole aux professionnels de la santé, 978, p. 22-27 18 Byock I.R., «The Hospice Clinician s Response to Euthanasia / Physician Assisted Suicide», The Hospice Journal, 1994, vol.9, n*4, p. 1-8

sédation palliative. Cette dernière, si elle est acceptée sur le plan légal, ne pose pas moins de problèmes sur les plans philosophique, moral et pratique. Alternative à l euthanasie, elle est aussi une réponse technique et pharmacologique à une demande de mort..., même si l intention première est de soulager en respectant l interdit ultime de prendre la vie 19. Elle reste insatisfaisante, et transgresse les principes fondateurs de la pratique médicale en fin de vie, du soulagement et de la quête de sens d une existence finissante. Objectifs Le soulagement de la souffrance par des soins palliatifs appropriés ne soulève, en soi, aucune controverse morale... jusqu au moment ultime de la fin de vie : c est à cet instant, précisément, qu au nom d une même éthique les comportements des médecins peuvent diamétralement s opposer... La volonté actuelle d une réflexion partagée sur ces questions de la part des médecins est indéniable, en témoignent les nombreux articles qui leur sont consacrés dans les revues médicales spécialisées, vouées aux soins palliatifs. Elle intéresse également les décideurs sociopolitiques, amenés à se pencher sur la question de la légalisation éventuelle des pratiques d aide médicale à la mort. Enfin, depuis l émergence de la bioéthique, comme l indique l abondante littérature sur le sujet, les bioéthiciens se montrent concernés par l ensemble des problèmes décisionnels en fin de vie. Cependant, la plupart des courants de bioéthique, et surtout le principlism, sont théoriques, et laissent peu de place au sujet éthique, en l occurrence le médecin, qui doit décider dans le vécu de l action. Dans la situation qui nous intéresse, où la mort est au rendez-vous de chacune des options, et bien que des critères cliniques aient été proposés pour 19 D après Revelart E., «Faire dormir les malades, une autre réponse face aux morts difficiles? Point de vue d un anesthésiste», Ethica Clinica, La mort médicalisée, 1998, n*9, p. 11-20

l aide médicale à la mort 20 et pour la sédation terminale 21, les choix ne font souvent que refléter les prises de positions existentielles et individuelles 22. L objectif de la recherche entreprise est d offrir, par le partage des expériences vécues rapportées et de par mes propres réflexions, une aide à la prise de décision médicale. 20 Quill Thimoty.E.; «Doctor, I want to die. Will you help me?», JAMA, 1993 August 18, 270 (7) : 870-873 - Emanuel Linda L.; «Facing Requests for Physician-Assisted Suicide, Toward a Practical and Principled Clinical Skill», JAMA, 1998 August 19, 280 (7) :??? 21 Mazzocato, Claudia; «À propos de la «sédation» en phase terminale. Le point de vue clinique», Infokara, septembre 1996, 43 : 31-37 22 D après l excellent article de Marin, Isabelle; «L agonie ne sert à rien», Esprit, Juin 1998, 243 : 27-36

Le stage Objectifs préalables Le stage pratique effectué en tant que médecin au sein de la Maison Médicale Jeanne Garnier devait me permettre de mieux connaître la réalité des situations cliniques en soins palliatifs, d étudier l inscription des préoccupations éthiques dans la pratique clinique quotidienne, et devant les limites des interventions proposées aux patients en grande détresse physique ou morale. Cette confrontation sur le terrain de mes connaissances éthiques théoriques avec la pratique clinique me paraissait indispensable à l élaboration d un travail utile et pertinent. Par ailleurs, il était question de mettre à profit ce stage pour effectuer la collecte des données auprès des médecins français qui pratiquent les soins palliatifs. Réalisations concrètes Au sein du service Sainte-Jeanne, Maison Médicale Jeanne Garnier

Présentation de la Maison Médicale Jeanne Garnier La MMJG, d hier à aujourd hui Au XIXème siècle, une jeune veuve lyonnaise du nom de Jeanne Garnier décide de s occuper des mourants seuls et abandonnés au sein de sa paroisse. Avec d autres veuves, elle fonde en 1842 l Association des Dames du Calvaire, approuvée par l Archevêque de Lyon, laquelle se charge d accueillir «ceux qui ne peuvent trouver de place dans les hôpitaux ou qu on ne garde pas parce qu on est impuissant à les guérir». Dans le même esprit, à Paris, Aurélie Jousset fonde l Oeuvre du Calvaire en 1874. Elle ouvre un «hospice» dans le XVème arrondissement, tout près de la Maison Médicale actuelle. D abord nommé «Maison Médicale des Dames du Calvaire», l hospice prend plus tard le nom de «Maison Médicale Jeanne Garnier». Située à l adresse actuelle (106, avenue Émile Zola, PARIS XV) depuis le début du XXème siècle, la MMJG a été entièrement reconstruite en 1996. La MMJG est aujourd hui et depuis 1977 un établissement de soins palliatifs privé, à but non lucratif, participant au service public hospitalier. Elle est gérée par l Association des Dames du Calvaire, régie par la loi 1901 et reconnue d utilité publique depuis 1923. Cependant, alors que le nombre des Dames du Calvaire diminuait, l archevêque de Paris et le Conseil d administration de l Association ont fait appel en 1988 à l Institut religieux «la Xavière» pour poursuivre le développement de l oeuvre des Dames et en garantir l esprit. La MMJG, entre quatre murs Deux bâtiments forment l établissement. L un, moderne, entièrement neuf, abrite les bureaux des services socioadministratifs d une part, et les services de soins d autre part : Quatre-vingts chambres individuelles, comprenant chacune une salle d eau et équipées d un téléphone et d une télévision, sont réparties sur trois étages et dans six services ou unités de soins. Outre un lit d appoint disponible dans chaque chambre, un «espace famille» est réservé aux proches d un malade à chaque étage, comprenant une salle de séjour, une cuisinette, une chambre et une salle de bains. Trois salons funéraires sont à la disposition des proches d un malade décédé. Les différents rites religieux peuvent y être pratiqués.

En plus du «noyau central» où sont disposées les salles de soins, de réunion d équipe et les bureaux des médecins dans chaque service, le personnel dispose d un restaurant, d une bibliothèque, d une grande salle de réunion et de plusieurs salles de repos. L autre bâtiment est plus ancien : la «Maison des Dames» conservée et rénovée, abrite la pharmacie, la salle du Conseil d'administration, les locaux de l aumônerie et la chapelle, toujours ouverte, les bureaux et locaux réservés aux bénévoles, et enfin les locaux de l Association des Dames du Calvaire et ceux de la communauté des Xavières. Un parc paysager entoure les bâtiments, protégeant les malades des bruits de la rue et leur permettant d avoir une vue, de leurs lits, sur la nature. Aux beaux jours, les patients peuvent se promener dans les allées du jardin, à pied, en fauteuil ou même en lit. La MMJG, accueil et formation La MMJG accueille environ mille patients par an, venant le plus souvent de la région d Île de France. D abord réservés aux personnes atteintes de cancer en fin de vie, les soins palliatifs prodigués à la MMJG sont depuis 1992 proposés aussi aux malades atteints du SIDA et à ceux qui présentent d autres maladies graves et évolutives dont la sclérose latérale amyotrophique. La MMJG travaille en réseau avec les hôpitaux les plus proches et avec les équipes de soins à domicile (HAD = hospitalisation à domicile et SAD = soins à domicile, notamment l Association François-Xavier Bagnoud). La MMJG est un lieu de formation pratique (stages) pour les soignants (médecins, infirmières) qui préparent les différents diplômes universitaires de soins palliatifs. Elle organise divers séminaires de formation continue en ses murs, ou bien dans d autres établissements partenaires. La MMJG, toute une équipe Dans chacune des 6 unités de l établissement travaille une équipe multidisciplinaire. Chacune d elle est composée, classiquement, de :

- deux médecins, qui se relaient à mi-temps dans le service, et qui partagent le service de garde dans toute la MMJG de façon à ce qu une permanence médicale soir assurée 24h sur 24 et 7 jours sur 7, - sept infirmièr(e)s dont une coordonatrice, - neuf aides-soignant(e)s, - deux agents de service hospitalier, - un(e) kinésithérapeute (= physiothérapeute) (à mi-temps), - deux psychologues (à temps partiel, sur plusieurs services), - une assistante-sociale (= travailleuse sociale) (à temps partiel) - et plusieurs bénévoles (dans la journée et en soirée). Une art-thérapeute organise des séances d art-thérapie dans l atelier de la MMJG ou dans les chambres. Une équipe d aumônerie catholique est disponible dans toute la MMJG. Elle communique, le cas échéant, avec des représentants d autres religions, qui peuvent intervenir auprès des malades et de leurs proches, à leur demande. Bien entendu, interviennent également le personnel des services socioadministratifs et celui de la cuisine et de l entretien. Le soutien nécessaire aux membres de l équipe soignante est concrétisé par les «groupes de parole», animés par les psychologues et proposés chaque semaine dans chacune des unités de soins, et par des formations données régulièrement au sein de la MMJG. La MMJG, sa mission Telle qu elle est définie dans le livret de présentation de la MMJG, intitulé «La vie s accompagne», 1996, et inspirée du Projet Institutionnel de l Association des Dames du Calvaire, 1992, la mission de la MMJG est la suivante : «La MMJG s inspire de l esprit des Dames du Calvaire. Elle fait siennes les orientations éthiques de l Église catholique et s inscrit dans le courant humaniste des Soins Palliatifs. Les membres du personnel et les bénévoles s engagent à respecter les objectifs suivants : - Accueillir, soigner, accompagner les malades et soutenir leurs proches sans distinction de race, de nationalité, de religion ni de conviction philosophique.

- Reconnaître que le malade est une personne unique, digne d être aimée et respectée pour elle-même, quelle que soit sa condition physique, sociale, psychologique et spirituelle. - Soulager la douleur pour assurer au malade une réelle qualité de vie en cette dernière étape de son existence, sans en hâter le terme, ni la prolonger par des thérapeutiques devenues inappropriées. Le recours à l euthanasie, considérée comme une aide active à mourir, est totalement exclu. - Satisfaire les besoins fondamentaux du malade et l aider à garder, le plus longtemps possible, sa capacité de communiquer et son autonomie. - Respecter son désir d être informé en vérité sur son état, au fur et à mesure de ses questions. - Discerner ses attentes spirituelles pour y répondre s il en exprime le souhait. - Reconnaître que la mort est une étape normale de la vie de chacun, tout autant que la naissance, l adolescence, l âge adulte, la vieillesse et qu elle peut offrir une chance ultime de se réaliser en intégrant toutes les dimensions de l existence.» Déroulement du stage Dates et horaires Le stage s est déroulé du lundi 4 février 2002 au vendredi 29 mars 2002, dans l Unité Sainte-Jeanne de la MMJG, sous la responsabilité du Docteur Jean- François Richard. Les horaires quotidiens prévus se calquaient sur ceux réalisés chaque semaine par le Dr Richard (hormis les gardes de nuit) et par le Docteur Dany Masternak pendant cette période (entre 5 et 10h de présence par jour). Les jours de vacances du Dr Richard ont été en partie compensés par deux gardes médicales de fin de semaine, dans les six unités de la MMJG. Fonctions Le stage a consisté en un suivi des médecins dans la totalité de leurs fonctions dans le service. Il s agissait :

- d accueillir les malades à leur entrée dans le service, réaliser l examen clinique d admission, et instaurer les traitements. - d assurer le suivi de chacun des malades chaque jour, c est-à-dire évaluer son état quotidien, l examiner, l informer, discuter avec lui des traitements et des soins, prendre (avec lui si possible) les décisions thérapeutiques le concernant. - de rencontrer les proches des malades, lors de l admission à l unité, et les soutenir, les informer de l évolution du malade tout au long de son séjour. - de partager les réflexions des médecins autour des prises de décisions médicales : discussion des «cas cliniques», indications et choix des traitements... - de participer à la vie de l équipe soignante : partage des réflexions autour des décisions à prendre pour les malades, soutien mutuel dans les moments difficiles avec en particulier les participations aux «groupes de paroles», discussion des problèmes organisationnels. J ai pu ainsi rencontrer 34 patients et leurs proches, à l Unité Sainte- Jeanne. L un des points forts de cette expérience a été la participation à la vie d équipe. Celle-ci a été entre autres choses favorisée par la durée du stage. Elle a surtout été permise par l équipe elle-même qui m a accueillie avec une grande bienveillance et m a autorisée à partager son vécu. En dehors de la MMJG - vendredi 8 février 2002 : Conférence sur les questions d éthiques actuelles : euthanasie, avortement, clonage, handicap (arrêt Perruche) - par le Docteur Marie- Sylvie RICHARD - auprès des jeunes professionnels d une paroisse parisienne. - mardi 12 février 2002 : Préparation et participation au cours intitulé «Ethique de la relation soignant-soigné : Information, consentement et refus de soins» - par le

Docteur Jean-François RICHARD - Cours donné dans le cadre des Journées pour le monde de la santé, École Cathédrale, PARIS IV - mercredi 13 février 2002 : Colloque «Éthique des sciences et formation aux droits de l Homme» - Brigitte LE MINTIER «Relations entre éthique et droit, entre éthique et droits de l Homme» - Yves QUÉRÉ «Nécessité d une éducation scientifique qui fasse place à la réflexion éthique et à la référence aux droits de l Homme» - École Normale Supérieure - jeudi 14 février 2002 : Cours intitulé «La décision médicale» - par le Docteur Marie-Sylvie RICHARD - aux étudiants du D.I.U. de Soins Palliatifs d une Faculté de Médecine parisienne. - jeudi 21 février 2002 : Recherche bibliographique au Centre de Documentation et d Information François-Xavier BAGNOUD, Soins palliatifs, Accompagnement, Mort et Deuil, PARIS XV - lundi 11 mars 2002 : Conférence de Clôture du D.E.A. d Éthique Médicale et Biologique prononcée par Madame le Professeur Bartha-Maria KNOPPERS, Professeur titulaire de Droit à l Université de Montréal «Médecine et Droit : Les enjeux éthiques sur la recherche en génétique et la clinique», Faculté de Médecine Necker Enfants Malades, PARIS V - jeudi 14 mars 2002 : Recherche bibliographique au Centre de Documentation et d Information François-Xavier BAGNOUD, Soins palliatifs, Accompagnement, Mort et Deuil, PARIS XV

Contribution à l avancement des connaissances dans le domaine de la recherche en éthique biomédicale Théorie éthique versus pratique clinique J ai constaté au cours de ce stage en unité de soins combien la réflexion en éthique biomédicale que j ai entamée il y a quatre ans était pertinente. En effet, elle me donne un recul, qui m'apparaît d ailleurs nécessaire, dans l appréhension des enjeux éthiques issus de la pratique soignante. J ai eu l occasion à plusieurs reprises de partager avec les soignants de l unité Sainte-Jeanne mes connaissances en bioéthique : notamment quand j ai participé à la préparation du cours donné par le Dr Richard à l école Cathédrale intitulé : «Ethique de la relation soignant-soigné : Information, consentement et refus de soins»; et aussi, chaque jour, au chevet des malades, lors des prises de décisions médicales. Par ailleurs, j ai pu affirmer, grâce à ce stage, ma conviction que cette réflexion en éthique biomédicale ne gagnerait rien à n être que trop éthérée et devait nécessairement être ancrée dans la complexité de la réalité. Cette «reprise» du terrain m était indispensable. Je crois fermement qu on ne peut bien parler que de ce qu on connaît bien. Décalage interculturel en bioéthique Non seulement dans le service, mais aussi et surtout lors des conférences auxquelles j ai assisté, comme d ailleurs l an dernier lors du séminaire d éthique médicale à Necker, j ai perçu un décalage interculturel autour des notions d éthique médicale et de bioéthique. Il serait nécessaire, pour l expliquer adéquatement, de l étudier profondément et avec méthode. Différences en soins palliatifs La pratique des soins palliatifs est certainement différente, des deux côtés de l Atlantique, et pour cause : autre évolution, systèmes de santé distincts, valeurs

socioculturelles différentes... Il m est cependant difficile de comparer ce que j ai constaté dans cette USP française à ce qui se passe dans les USP québécoises. D abord, ce n était pas l objectif de ce stage. D autre part, je ne connais pas suffisamment les structures de soins palliatifs du Québec pour faire un quelconque exercice de comparaison.

Bilan Il est indéniable que l objectif premier de ce stage a été pleinement réalisé, puisque j ai pu intégrer une équipe de soins confrontée à la réalité clinique, discuter des enjeux éthiques émergeant de la pratique médicale quotidienne, vivre parfois les limites de l intervention des soignants face aux malades en grande souffrance, mais aussi constater les nombreuses ressources de l équipe. En revanche, je n ai pu débuter la collecte des données de recherche, et pour cause : je n avais pas pu déposer mon projet de recherche avant de partir, notamment du fait d un retard d ordre administratif dans la validation de mon examen de synthèse. Malgré tout, cette expérience me permettra indéniablement d approfondir mes réflexions autour de ma question de recherche et de les rendre moins virtuelles et donc plus pertinentes, et certainement aussi d améliorer ma méthodologie de recherche.

Conclusion En guise de conclusion, je tiens à redire combien me parait fondamentale la connaissance du milieu médical pour réfléchir justement et de manière pertinente à l éthique clinique. Si cette réflexion gagne sans aucun doute à se faire sur le mode de l interdisciplinarité, il n en est pas moins essentiel d y faire participer les divers acteurs de soins. D autre part, j ai pu constater plusieurs différences culturelles dans la façon d aborder et de résoudre les problèmes éthiques issus de la pratique médicale, en France et au Québec. Si ces distinctions existent bien au niveau de la réflexion, des concepts, des principes..., qu en est-il de leur impact réel dans l action? Il serait intéressant d étudier cette question. Et puis, bien que la philosophie des soins palliatifs, et leurs caractéristiques soient partagées par les structures de soins palliatifs du monde entier, comme le confirment plusieurs études réalisées sur le sujet, on comprend parfaitement qu existent des particularités géographiques. L expérience que je viens de vivre était indispensable pour continuer de mener à bien et de manière efficace et appropriée ma recherche en éthique clinique. Mon travail de thèse reprendra, autour de la problématique annoncée, chacun des trois grands thèmes abordés ici. Je voudrais dire en terminant combien je suis reconnaissante envers l qui m a permis de réaliser ce stage et envers la MMJG qui m a si bien accueillie. Et je tiens à remercier très chaleureusement les soignants de l Unité Sainte- Jeanne pour leur bienveillance et leur générosité envers moi tout au long de ces deux mois passés parmi eux. ------------------------------------------------------