La lettre. Fl---ilège : prix 2011, 2012 et 2013. Observatoire des Retraites. de l. Décembre 2013 - N 20. éditorial

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Transcription:

La lettre Observatoire des Retraites de l Fl---ilège : prix 2011, 2012 et 2013 Décembre 2013 - N 20 Sommaire éditorial éditorial 1 L équité et les réformes des retraites 2 Partager les gains d espérance de vie entre travail et retraite : l effet des réformes Simon Rabaté, prix de mémoire 2013 Inégalités et effets redistributifs des régimes de retraite au Maroc Salah-Eddine Benjelloun, prix d encouragement 2011 Les retraites d entreprise 15 Les retraites supplémentaires des dirigeants d entreprise Jean de Calbiac, prix d encouragement 2011 L inconfort juridique des retraites professionnelles Marie Martini Quels sont les risques? Quentin Guibert et Frédéric Planchet De la performance des placements sur le long terme David Le Bris, prix de thèse 2012 La dépendance 39 Frais de soins de santé des retraités : enjeux financiers et perspectives Mylène Favre-Béguet et Norbert Gautron, membres du jury Pourquoi le marché de l assurance dépendance ne se développe-t-il pas davantage? Manuel Plisson, prix de thèse 2011 Le soutien familial aux personnes âgées dépendantes Roméo Fontaine, prix de thèse 2013 Une fonction innovante pour l accompagnement de la personne âgée à domicile, la gestion de cas Leïla Hughes Les ingrédients de la réussite Jean-Marc Abergel Cette lettre donne la parole aux auteurs des travaux reçus pour le prix de l Observatoire des Retraites en 2011, 2012 et 2013 et aux membres du jury. L équité des réformes des régimes de retraite est abordée sous deux angles différents. Simon Rabaté cherche dans quelle mesure le principe d un partage des gains d espérance de vie entre activité et retraite, introduit en 2003 dans le système de retraite français et prolongé par la réforme de 2013, se vérifie dans les faits. Salah-Eddine Benjelloun montre que les mesures prises par les régimes marocains dans le seul but d assurer leur pérennité, en ignorant les questions d équité, accentuent certaines redistributions régressives et risquent d affaiblir le consensus nécessaire à l acceptation des réformes. Faute d un cadre législatif propre, les retraites supplémentaires soulèvent de délicats problèmes juridiques comme le montrent Jean de Calbiac et Marie Martini. Les régimes d entreprise doivent concilier le droit du travail et celui de l assurance, auxquels s ajoute le droit des sociétés lorsqu ils concernent les dirigeants de l entreprise. Tous deux confirment les conséquences néfastes de l instabilité législative en ce domaine, instabilité déjà dénoncée par Vincent Roulet dans la lettre de 2011 consacrée aux prix précédents. Financés en capitalisation, ces régimes présentent des risques propres qui font l objet de l article de Quentin Guibert et Frédéric Planchet. David Le Bris complète leur approche par les enseignements tirés de l histoire de la capitalisation boursière française, reconstituée depuis 1854. Il montre l instabilité des rendements, qui explique le passage à la répartition des régimes de retraite obligatoires après la Seconde Guerre mondiale. La dépendance appelle des soins et des aides. Norbert Gautron et Mylène Favre-Béguet montrent la difficulté de couvrir en assurance collective des frais de santé qui augmentent avec l âge. Manuel Plisson examine pourquoi si peu de gens s assurent contre le risque de dépendance. Roméo Fontaine décrit le rôle central joué par les familles dans l aide aux personnes âgées dépendantes. Est-il appelé à diminuer? Mais certaines personnes âgées sont isolées. à partir d expériences différentes, celle des «gestionnaires de cas», celle de Voisin-age créé par les petits frères des Pauvres, Leila Hugues et J ean-marc Abergel montrent comment créer autour d elles des réseaux. Ces articles nous invitent à la réflexion et à l action.

> L équité ET LES RéFORMES DES RETRAITES Partager les gains d espérance de vie entre travail et retraite : l effet des réformes Simon Rabaté Doctorant à l école d économie de Paris Diplômé de l école Normale Supérieure de la rue d Ulm, Simon Rabaté a travaillé à l INSEE sur le modèle de micro simulation du système de retraite Destinie, avant de rejoindre l Institut des politiques publiques comme chercheur dans le domaine des retraites. Il a également commencé une thèse de doctorat sous la direction de Didier Blanchet et André Masson, intitulée «Systèmes de retraite et équité, quelles réformes pour quels objectifs». Son mémoire de master 2 «Politiques publiques et développement» de l école d économie de Paris, réalisé sous la direction de Patrick Aubert et Didier Blanchet, porte sur le partage des gains d espérance de vie prévu par la réforme de 2003 entre durée de carrière et durée de vie en retraite. Il a obtenu le prix de mémoire 2013 de l Observatoire des Retraites. S interrogeant sur la notion d équité, il examine ici dans quelle mesure la réforme de 2003 a effectivement réparti les gains d espérance de vie entre la période d activité pour deux tiers et la période de retraite pour un tiers, et jusqu à quel point la réforme de 2013 prolonge cette répartition. L augmentation régulière de l espérance de vie, conjuguée à l arrivée en retraite des générations du baby-boom, met en question la pérennité du régime de retraite par répartition, en France comme dans les autres pays développés. Le relèvement de l âge de la retraite est la réponse usuelle à ces déséquilibres. Cependant, l âge effectif de départ en retraite n est pas manipulable directement, mais seulement de manière indirecte, via les paramètres d âge du système (âge minimal d ouverture des droits, âge de départ au taux plein), la durée requise pour le taux plein, ou encore les taux de décote et surcote. L augmentation de la durée d assurance a été le levier privilégié pour tenter d élever l âge moyen de départ en retraite des vingt dernières années, avec les réformes de 1993, 2003, et plus récemment 2013. Outre une portée symbolique moindre par rapport à d autres paramètres du système comme l âge minimal de départ en retraite, l augmentation de la durée de cotisation permet également des justifications d ordre éthique, au-delà même des questions de soutenabilité du système de retraite. à mesure que l espérance de vie augmente, il peut paraître logique d augmenter la durée de la vie active. La loi de 2003 portant réforme des retraites est à ce titre emblématique : elle instaure un mécanisme automatique d augmentation de la durée d assurance en fonction des gains d espérance de vie. Elle vise un partage homothétique des gains d espérance de vie entre la durée en retraite et la durée en carrière, qui maintiendrait constant le rapport entre les deux. Même si la validité de ce principe peut être interrogée, l étude du partage 2

L équité et les réformes des retraites Décembre 2013 - N 20 Partager les gains d espérance de vie entre travail et retraite : l effet des réformes des gains d espérance de vie entre carrière et retraite, et l effet des réformes récentes sur celui-ci, peut se faire en référence à cette cible. Partage des gains d espérance de vie et équité intergénérationnelle à mesure que la durée de vie augmente, à durée travaillée inchangée, la durée passée en retraite augmente. Dès lors, il peut paraître injuste que les générations futures bénéficient d un partage du cycle de vie entre travail et retraite plus avantageux. Elever la durée de cotisation à mesure que l espérance de vie augmente peut donc être vu comme un principe d équité entre les générations, et a été présenté comme tel. Ainsi, la règle d augmentation de la durée d assurance de la réforme de 2003 1 a pour objectif «d assurer l équité entre les générations» en «stabilisant le rapport entre temps de travail et temps de retraite» 2. Mais dans quelle mesure le partage des gains d espérance de vie entre la carrière et la retraite (les fameux «2/3 1/3») pour maintenir constant le rapport entre les deux grandeurs est-il un bon principe d équité entre les générations? S il peut paraître évident, le principe d égalisation du rapport entre durée travaillée et durée en retraite n est pas directement rattaché à une norme d équité clairement identifiable. Il est cependant possible de mettre en lumière au moins deux principes d équité sous-jacents à ce principe de maintien constant du rapport entre temps de travail et temps de retraite. Premièrement, le partage homothétique des gains d espérance de vie peut être vu comme un moyen d assurer l égalisation des taux de rendement interne (les taux d actualisation, qui égalisent les cotisations versées et les pensions reçues tout au long du cycle de vie) entre les différentes générations. En effet, l augmentation de l espérance de vie conduit mécaniquement, toutes choses égales par ailleurs (taux de cotisations, niveaux de pensions, durée de carrière et âge de départ à la retraite), à une augmentation du rendement interne. Dès lors, si l espérance de vie augmente d une génération à l autre, et que les niveaux de cotisations et les niveaux relatifs de pensions ne changent pas, les TRI devront également augmenter d une génération à l autre. Sous certaines hypothèses, il apparaît même que le maintien constant du rapport entre durée en carrière et durée en retraite correspond exactement à la norme d égalisation des taux de rendement internes, à taux de cotisation et niveaux de pensions inchangés. Notons toutefois que les insuffisances pratiques et théoriques de la norme d égalisation des taux de rendements du système de retraite ont été soulignées dans la littérature (Fleurbaey, 2002 ; Blanchet, 2010). Deuxièmement, maintenir constant le rapport entre durée travaillée et durée en retraite peut s interpréter comme un objectif d équité qui chercherait à garantir à chaque génération un égal droit au repos, une même proportion de la durée travaillée qui serait consacrée à une période de loisir après la vie professionnelle. L idée d un droit au repos est un élément implicite du système de retraite français, qui ne figure pas dans les textes, mais qui est présent dans les attentes des Français par rapport au système de retraite. Cette aspiration se traduit chez les Français par une certaine impatience du départ en retraite, pour pouvoir bénéficier d une retraite le plus longtemps possible (Benallah et al. 2011). Le maintien constant du rapport entre durée travaillée et durée en retraite peut donc être vu comme un moyen d assurer un égal droit au repos à toutes les générations. Cependant, il faut noter que l équité entre les générations au regard du droit au repos n est garantie que dans la mesure où l espérance de vie en bonne santé croît à la même vitesse que l espérance de vie en général. D autres remarques plus générales peuvent être avancées contre la caractérisation de l équité entre les générations comme le maintien constant du rapport entre durée travaillée et durée en retraite. La première objection naturelle est que ce critère est incomplet : d autres dimensions du bienêtre des individus (revenu, intégration sur le marché du travail) doivent être pris en compte pour comparer le bien-être relatif des différentes générations. Deuxiè- 1. Voir Annexe 2. Exposé des motifs de la loi n 2003-75 du 21 aout 2003 portant réforme des retraites. 3

Partager les gains d espérance de vie entre travail et retraite : l effet des réformes (suite...) Simon Rabaté mement, la volonté d égaliser la durée relative du travail et de la retraite entre les générations peut sembler opposée à l idée même de progrès. L augmentation de la durée passée en retraite au cours du siècle est davantage considérée comme une avancée sociale que comme une injustice intergénérationnelle profonde. Enfin, l échelle intergénérationnelle n est pas forcément la seule pertinente, et l on peut se demander pourquoi ce principe d égal rapport entre travail et retraite ne pourrait être décliné au niveau intragénérationnel. Ainsi, la justification de l augmentation de la durée d assurance (ou de manière générale, de la durée travaillée) en termes d équité intergénérationnelle semble fragile. L autre objectif affiché de l augmentation de l âge de départ en retraite, la soutenabilité du système de retraite dans un contexte de gains d espérance de vie, reste valable. Quel partage des gains d espérance de vie entre travail et retraite? Dans l optique d une évaluation de la réforme de 2003, il est important d analyser l évolution de long terme du rapport entre la durée de carrière et la durée de retraite, et de confronter cette évolution à l objectif de maintien constant de ce ratio visé par la réforme. Le modèle de microsimulation Destinie (voir Blanchet et al., 2011), permet de simuler les comportements de départ en retraite à horizon 2060. Comme tout exercice de ce type, les projections reposent sur une série d hypothèses : évolution sur le long terme de la productivité, du chômage, des trajectoires professionnelles et salariales, comportement de départ en retraite de type «départ au taux plein». Dans le but de différencier les effets des réformes successives, différents scénarios de simulation sont utilisés : en législation 2003, en législation 2013 (avant la réforme de fin 2013), et un scénario contrefactuel dans lequel la durée d assurance est bloquée à 40 ans. Le graphique 1 présente l évolution de l âge de départ en retraite moyen par génération selon la législation considérée. Il apparaît que les réformes récentes (2003 et 2010) ont un impact très important en projection sur l âge moyen de départ en retraite. L effet cumulé des deux réformes conduit, en fin de projection, à un âge de retraite d environ 64,6 ans contre 61,8 ans en l absence de réformes (scénario contrefactuel). à partir de l âge de départ en retraite, nous pouvons calculer la durée moyenne en retraite (à partir des espérances de vie par génération), que l on compare à la durée moyenne en carrière pour analyser l évolution du rapport entre le temps de travail et le temps de retraite. Graphique 1, évolution de l âge moyen de départ en retraite, par génération 4

L équité et les réformes des retraites Décembre 2013 - N 20 Partager les gains d espérance de vie entre travail et retraite : l effet des réformes Tableau 1, évolution de l âge moyen de départ en retraite, par génération Scénarios Variation Variation Part Durée en retraite (i) Espérance de vie (ii) (i)/(ii) En années En années Contrefactuel 4 4,8 82% 2003 2,6 4,8 54% 2013 1,2 4,8 26% Dans un premier temps, il est intéressant de s intéresser uniquement à la part des gains d espérance de vie traduits en gains de durée en retraite sur l ensemble de la période étudiée. Le tableau 1 montre que l augmentation de la durée en retraite ne représente jamais un tiers des gains d espérance de vie : la seule réforme de 2003 ne parvient pas à cet objectif (54%), alors qu avec la réforme de 2010 cette cible est dépassé (seulement 26% des gains d espérance de vie pour la retraite). Mais le partage des gains d espérance de vie entre temps de travail et temps de retraite dépend de l évolution relative entre la durée de carrière et la durée de retraite. L analyse de l évolution de la durée de carrière est rendue assez complexe du fait qu il n y a pas de définition univoque de celle-ci. La plus immédiate, et retenue ici, est la durée validée pour la retraite, tous régimes confondus. Mais précisons que d autres concepts de la durée de carrière peuvent être envisagés, plus restrictifs (la durée en emploi) ou plus larges (l écart entre l âge de départ en retraite et l âge de fin d étude), et l évolution du rapport entre durée de carrière et durée de retraite est évidemment tributaire de la définition choisie. Le graphique 2 présente l évolution du rapport entre durée en carrière et durée en retraite pour les générations 1940-1989. En l absence de réforme, le ratio est fortement décroissant, ce qui traduit une part plus importante du cycle de vie consacrée à la retraite pour les générations futures. Avec les réformes successives, le rapport est de moins en moins décroissant : le partage des gains d espérance de vie n est plus si avantageux pour les générations futures. En fin de projection, le niveau du rapport est proche du niveau initial : l objectif de stabilisation du rapport entre temps de travail et temps de retraite est donc en partie atteint. Notons toutefois que cet équilibre ne résulte pas directement de la règle d allongement de la durée d assurance, mais de la conjonction de cette règle avec l élévation des paramètres d âge du système de retraite. Graphique 2, évolution du rapport entre durée de carrière et durée de retraite Quels effets de la réforme de 2013? La réforme des retraites de 2013 prévoit une nouvelle augmentation de la durée d assurance cible pour l obtention du taux plein. Les résultats présentés n incorporent pas la réforme récemment votée. Cependant, l interprétation de la réforme 5

Partager les gains d espérance de vie entre travail et retraite : l effet des réformes (suite...) Simon Rabaté de 2003 choisie fait que la prise en compte de la réforme de fin 2013 ne bouleverse pas les résultats obtenus. En effet, la formule d augmentation de la durée d assurance était supposée «à horizon 2020», soit jusqu à la génération 1960. Les simulations précédentes sont en réalité basées sur une interprétation plus large de la réforme : nous appliquons la formule de la loi de 2003 pour toutes les générations étudiées, à horizon 2060. Cela se justifie dans l optique d une étude du principe de la loi de 2003, les objectifs de pérennité du système de retraite et d équité intergénérationnelle n ont pas de raison de ne plus être valable après 2020. Le graphique 3 présente différents sentiers d évolution de la durée d assurance cible pour le taux plein : celui prévu par la réforme de 2003 à horizon 2020, le prolongement de celui-ci pour toutes les générations, et enfin le rythme prévu par la réforme de 2013. Il apparaît donc que l augmentation de la durée d assurance prévue dans le scénario «2003 prolongée», utilisé dans les simulations précédentes, excède celle prévue par la réforme de 2013. Ainsi, la prise en compte de la réforme de 2013 ne change pas fondamentalement l analyse. L augmentation de l âge moyen de départ en retraite est toutefois légèrement moins importante que dans le scénario «2013» (préréforme) utilisé, ce qui implique un partage des gains d espérance de vie plus avantageux pour les générations de fin de projection. D une part, la réforme de 2013 s inscrit dans la continuité de la réforme de 2003, puisqu elle prolonge l augmentation de la durée d assurance selon un rythme proche de celui qui aurait été obtenu en prolongeant l application de la réforme de 2003 au-delà de 2020. Mais d autre part, la décision explicite de stabiliser cette durée à partir de la génération 1973, justifiée par un besoin de financement moindre à partir de 2035, rompt avec l objectif de stabilité du rapport entre temps de travail et temps de retraite entre générations. Graphique 3, évolution de la durée d assurance cible par génération Peut-être est-il possible d y voir, en creux, la primauté de l objectif de pérennité du système de retraite sur le principe d équité intergénérationnelle dans la réforme de 2003. Annexe : la formule de la loi de 2003 La formule de calcul de la durée d assurance cible Un des volets de la loi de 2003 portant réforme des retraites prévoit une règle d augmentation de la durée d assurance cible pour l obtention du taux plein. La durée minimale d assurance pour bénéficier du taux plein est augmentée d un trimestre dès que le ratio entre la durée d assurance et la durée moyenne de la période de retraite dépasse la valeur de référence (celle de l année 2003). En effet, selon l article 5 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, «la durée d assurance nécessaire pour bénéficier d une pension de retraite au taux plein et la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d une pension civile ou militaire de retraite ( ) évoluent de manière à maintenir constant, jusqu en 2020, le rapport constaté, à la date de publication de la présente loi, entre ces durées et la durée moyenne de retraite.» Le principe d égalisation du rapport entre durée passée en carrière et durée passée en retraite est donc traduit, dans une règle opérationnelle, par l égalisation du rapport entre la durée d assurance nécessaire 6

L équité et les réformes des retraites Décembre 2013 - N 20 Partager les gains d espérance de vie entre travail et retraite : l effet des réformes pour obtenir le taux plein et la durée moyenne en retraite (calculée par l espérance de vie à 60 ans pour la génération née en (n), de laquelle on retranche la hausse de la durée d assurance entre 2003 et n). La loi prend donc pour référence un cas type bien particulier : une carrière qui débute à 20 ans et qui est sans interruption jusqu au départ en retraite, lorsque la durée cible pour l obtention du taux plein est atteinte. La règle d augmentation de la durée d assurance cible n est donc pas du tout basée sur la carrière «réelle» des individus. Formellement, le ratio R entre la durée d assurance requise pour le taux plein et la durée moyenne de retraite, telle que calculée dans la loi, s écrit : R = x y-(x-40 ) x est la durée d assurance requise pour une génération donnée, y l espérance de vie à 60 ans pour cette génération, et donc y-(x-40) la durée moyenne passée en retraite pour cette génération. Le partage homothétique des gains d espérance de vie Si l on réécrit la formule pour exprimer la durée d assurance en fonction de l espérance de vie, on obtient : x y-x+40 Et l on peut exprimer l effet de l augmentation de l espérance de vie (à 60 ans) sur : - la durée d assurance : dx dy = R = R 1 + R = 1,79 2,79 = 0,6 - la durée passée en retraite : d(y-x+40) dy = dy dy x = (y-x+40)r x = R y + R 40 1 + R 1 + R dx dy = 1 0,64 = 0,36 Ainsi, un gain d espérance de vie de un an augmente de 0,64 ans la durée de cotisation, et de 0,36 ans la durée passée en retraite. La loi assure donc un partage homothétique des gains d espérance de vie à 60 ans, selon la proportion suivante : environ 2/3 pour le temps passé en carrière, contre environ 1/3 pour le temps passé en retraite. La formule de la réforme de 2003 est donc censée permettre de maintenir constant le rapport entre temps de travail et temps de retraite. Cependant, le choix des grandeurs au numérateur (la durée d assurance pour le temps de travail), et au dénominateur (l espérance de vie à 60 ans retranchée de la durée d assurance au delà de 40 ans pour le temps de retraite), ne correspond pas forcément aux deux durées ciblées. Un écart est donc possible entre l objectif de la loi et sa mise en application opérationnelle. La valeur cible de ce ratio est celle calculée à partir des valeurs de x et y pour l année 2003, avec une durée d assurance pour le taux plein de 40 ans et une espérance à 60 ans estimée à 22,39 ans. La cible visée pour le ratio est donc R = 22,39/40 = 0,56. Pour les générations nées entre 1943 et 1948, la durée d assurance cible est maintenue constante, pour permettre l alignement de cette durée cible dans le régime de la fonction publique sur celle du régime général. Puis, à partir de la génération née en 1949, la loi rentre vraiment en application et la durée d assurance est augmentée d un trimestre, dès que le ratio R calculé pour une génération donnée se trouve en-dessous de la valeur cible. Références Benallah S., P. Aubert, N. Barthelemy, M. Cornu-Pauchet et J. Samak (2011) : «Les motivations de départ à la retraite», DREES, études et résultats n 745, janvier 2011. Blanchet D. (2010) : «Le débat sur la retraite en France : le critère intergénérationnel aide-t-il à trancher?», Regards croisés sur l économie. Blanchet D., S. Buffeteau, E. Crenner et S. Le Minez (2011) : «Le modèle de microsimulation Destinie 2 : principales caractéristiques et premiers résultats», économie et Statistique n 441-442. Fleurbaey M. (2002) : «Retraites, générations et catégories sociales : de l équité comme contrainte à l équité comme objectif», Revue d économie financière, n 68, p.91-112. 7

> L équité ET LES RéFORMES DES RETRAITES Inégalités et effets redistributifs des régimes de retraite au Maroc Salah-Eddine benjelloun Associé gérant de la Société ASTROLABE Consulting, Cabinet spécialisé en économie des retraites, Consultant chercheur, Groupement ESIRAMED. Déjà titulaire d un doctorat en mathématiques appliquées et d un diplôme d ingénieur informaticien, Salah-Eddine Benjelloun a consacré sa thèse d économie, réalisée sous la direction d Alain Bienaymé et de Najat El Mekkaoui de Freitas dans le cadre de l Université Paris-Dauphine, à l évaluation des réformes des retraites au Maroc. Le jury a voulu saluer par un prix d encouragement ce travail considérable qui apporte une contribution essentielle aux réflexions et réformes en cours, en démontrant et mesurant les inégalités et les conséquences des réformes engagées et des mesures envisagées par les principaux régimes. Il plaide ici pour que le souci légitime d assurer la viabilité financière à long terme du système de retraite du Maroc n occulte pas les considérations d équité et ne perpétue pas les phénomènes de redistribution régressive, des salariés les plus précaires vers ceux ayant des carrières complètes. Les réformes (paramétriques) engagées par les principaux régimes de retraite visaient la réduction des dépenses d allocations de retraite par une baisse du rendement technique, ou alors l augmentation des ressources par une hausse progressive des taux de cotisation. L objectif étant de faire face aux déséquilibres financiers à venir. Le débat sur la réforme des retraites s est donc focalisé sur l équilibre financier à long terme des régimes, mettant en lumière des notions d «horizon de viabilité» et de «dette implicite» pour justifier l urgence de la réforme. L évaluation des effets des réformes sur les situations individuelles des retraités, l analyse des finalités des régimes de retraite et les aspects liés à l équité intra et intergénérationnelle sont ainsi relégués au second plan, voire ignorés. Systèmes de retraite au Maroc : diagnostic et perspectives Les régimes de retraite au Maroc sont loin de constituer des blocs homogènes. Leur diversification les prédispose, en principe, à être plus flexibles que les systèmes uniformes et à offrir plus d options d adaptabilité. Ils restent, toutefois, un peu moins diversifiés que ceux d autres pays dans la mesure où ils ne comportent pas de régime type «filet de sécurité». Les systèmes de gouvernance des principaux régimes de retraite se distinguent singulièrement par l hétérogénéité des structures mises en place et l étendue des pouvoirs conférés aux dirigeants. Au plan démographique, les prochaines décennies seront indéniablement marquées par un renflement relativement important de la pyramide des âges de la population marocaine. Deux facteurs expliquent principalement cette évolution : la baisse de la fécondité et l allongement de l espérance de vie. 8

L équité et les réformes des retraites Décembre 2013 - N 20 Inégalités et effets redistributifs des régimes de retraite au Maroc La réforme projetée du dispositif des retraites devrait intégrer le poids des «dettes implicites» accumulées, à des niveaux d importance variable, par les régimes de retraite. L ampleur de ces dettes a été assurément accentuée par les générosités inconsidérées tant explicites qu implicites des régimes. Mais les véritables enjeux sont essentiellement liés aux déséquilibres financiers prévisibles pour l ensemble des régimes de retraite. Les facteurs explicatifs des tendances futures ont été suffisamment élucidés : évolution démographique, importance des dettes implicites, faiblesse de la couverture et importance de l économie informelle. Autant de facteurs qui justifient amplement la nécessité d engager une réforme profonde du système de retraite au Maroc. Amorcé dès 1997, sous l impulsion des organisations financières internationales, le processus de réforme des retraites au Maroc a été à l origine, d abord, de la diffusion de plusieurs rapports, ensuite, de l implication, en 2004, des partenaires sociaux dans un cadre formel (Commissions Technique et Nationale), enfin, de l obtention d un «consensus» sur les termes de référence devant orienter la réforme projetée. Les scénarii envisagés en 2010, allant de la création de deux pôles public et privé à l unification des régimes, continuent à animer un débat lancinant au sein desdites Commissions. Parallèlement, les principaux régimes ont engagé des réformes paramétriques. Réformes dont la portée a été bien limitée. Elles n ont pas permis une amélioration significative de la viabilité financière à long terme de ces régimes. Ces réformes ont essentiellement visé la baisse du rendement technique des régimes et l augmentation des ressources par une hausse progressive des taux de cotisation. Le débat sur la réforme des retraites s est forcément focalisé sur l équilibre financier à long terme des régimes, reléguant au second plan les aspects relatifs à la parité actifs/retraités, à l équité intra et intergénérationnelle et à la prise en compte des contraintes des carrières précaires. La plupart des évaluations réalisées et des diagnostics établis ne permettent guère d apporter des éléments de réponse à de nombreuses interrogations, notamment à celles relatives aux conséquences des réformes intervenues ou projetées sur les effets redistributifs des systèmes de retraites. Une première évaluation des effets des réformes de retraite au Maroc Les méthodes généralement retenues pour l élaboration des évaluations actuarielles procèdent à une agrégation des données relatives aux affiliés, ce qui permet de construire un profil moyen par génération. Ce faisant, elles ont l inconvénient majeur de ne pas tenir compte de la diversité des parcours professionnels au sein d une même génération. à l opposé, les approches basées sur les cas types, généralement utilisées pour appréhender les effets des réformes sur les situations individuelles, s articulent autour de carrières salariales construites de manière «conventionnelle» à partir d un salaire de référence (salaire minimum ou salaire plafond), sur des sous-périodes définies de manière approximative, voire arbitraire. Les conclusions auxquelles elles aboutissent sont souvent contestées en raison de leur insuffisance à estimer les charges du régime, la représentativité des cas types ainsi construits n étant pas mise en regard (Aubert, 1999 ; Assous et al, 2001). Notre recherche est fondée sur une approche par cas types, mais qui utilise des échantillons représentatifs des salariés affiliés aux quatre principaux régimes. L évaluation des effets des réformes s appuie sur des profils types représentatifs de parcours professionnels réellement observés par génération. La construction de ces profils types s inscrit dans la lignée des travaux récents de modélisation par carrières types (Raynaud, 2004 ; Briard, 2005 ; Koubi, 2005-2006). Ce qu une telle approche apporte de plus par rapport aux travaux cités réside dans le fait que les profils types (ou classes homogènes) de carrières salariales n ont pas été réduits à des profils moyens. La diversité des parcours professionnels qui les composent sert de base à l analyse de distribution du taux de rendement actuariel (de l opération retraite) pour chaque génération. 9

Inégalités et effets redistributifs des régimes de retraite au Maroc (suite...) Salah-Eddine benjelloun à cet effet, un outil de projection et d évaluation a été développé à partir de la modélisation des principaux régimes marocains de retraite : ASTROLABE (Analyse, Simulation et Traitement des Retraites fondés sur des Options de réformes, à l aide d un Logiciel Actuariel Bilanciel d évaluation). Nous avons retenu une approche financière en optant pour le rendement actuariel de l opération retraite (le taux de rendement actuariel est calculé selon une logique assurantielle prenant en compte le risque viager ex ante) et autres indicateurs du niveau de vie des retraités. Le recours aux courbes de Lorenz permet d appréhender le caractère inégalitaire des distributions de revenus dans le temps. Les effets des réformes sont donc appréhendés à trois niveaux : Individuel La projection des carrières salariales individuelles et la simulation des différents changements de législation permettent d appréhender au niveau de chaque affilié les répercussions des réformes en termes de niveau de pension, de taux de remplacement du dernier salaire et de rendement actuariel de l opération retraite. Intragénérationnel L évaluation permet d analyser la distribution du taux de remplacement du dernier salaire et du taux de rendement actuariel pour les affiliés de la même génération, répartis en groupes homogènes par une analyse de classification prenant en compte les caractéristiques de leurs carrières salariales. Afin d élucider l évolution de la redistribution intragénérationnelle au fur et à mesure de l engagement des différentes réformes, on compare le caractère inégalitaire des distributions des pensions associées aux différentes législations examinées à l aide des courbes de Lorenz. Intergénérationnel L évaluation des effets des réformes s inscrit dans une optique prospective en considérant des générations futures de retraités. Des réformes qui accentuent les inégalités Parallèlement au processus de réflexion sur la réforme, les principaux régimes ont engagé leurs propres réformes : Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) Depuis sa création en 1959 au profit des salariés du secteur privé, le régime géré par la CNSS a opéré plusieurs réajustements des taux de cotisation et relèvements du salaire plafond. à partir de 2004, la pension de vieillesse est liquidée sur la base de la moyenne des 96 derniers salaires mensuels au lieu des 36 ou 60 derniers salaires mensuels. Caisse Marocaine des Retraites (CMR) Les réformes intervenues en 1990 et 1997 ont eu pour effet l élargissement de l assiette de cotisation. Mais c est en 2004 que les taux de cotisation ont augmenté pour la première fois, au rythme de 2% par an jusqu en 2006, faisant passer le taux global de 14 à 20 % pour les fonctionnaires (pensions civiles) et de 14 à 21 %, avec 7 % à la charge de l affilié et 14 % à la charge de l état, pour les pensions militaires. Régime Collectif d Allocation de Retraite (RCAR) - Entamé en 2002, le processus d intégration des caisses internes des établissements publics, s est poursuivi jusqu en 2008. Caisse Interprofessionnelle Marocaine de Retraites (CIMR) - Créé en 1949 au profit des salariés du secteur privé, ce régime facultatif, par points, a engagé trois réformes qui ont été à l origine d une baisse drastique des pensions. L incidence redistributive de ces réformes est appréhendée en comparant le caractère inégalitaire des distributions des pensions correspondant aux différentes législations. La comparaison est effectuée à l aide des courbes de Lorenz. L analyse est menée pour les quatre régimes de retraite marocains en comparant la distribution des salaires à celle des pensions correspondant à chaque législation. Si la distribution des pensions est au-dessus de celle des salaires, le régime de retraite réduit durant la retraite les inégalités observées au niveau des salaires. Inversement, une distribution des pensions au-dessous de celle des salaires traduit une accentuation des inégalités des revenus durant la retraite. Le critère de dominance de Lorenz permet de distinguer parmi les distributions associées aux différentes législations laquelle est la plus égalitaire (El Moudden, 2006). La génération 1952 est au centre de l évaluation des effets des réformes 10

L équité et les réformes des retraites Décembre 2013 - N 20 Inégalités et effets redistributifs des régimes de retraite au Maroc sur les situations individuelles. Il s agit d une génération de transition au regard des réformes engagées ou projetées dans le secteur privé. Les assurés de cette génération subiront de plein fouet, et les conséquences des ajustements paramétriques introduits par la CNSS (régime obligatoire), et les effets conjugués des trois réformes engagées par la CIMR (régime complémentaire et facultatif). Le graphique ci-après montre comment, pour cette génération, les réformes engagées par la CNSS ont aggravé de plus en plus les inégalités. La courbe «Législation avant réforme» domine largement au sens de Lorenz celle associée à la «Législation 1993-1995». La première apparaît donc substantiellement plus «égalitaire». Cet écart est induit par la forte augmentation du Salaire Plafond qui est passé de 3.000 à 5.000 DH. La courbe «Législation 1993-1995» domine également au sens de Lorenz celle correspondant à la «Législation 2002». En effet, la réforme engagée en 2002 a été à l origine de la deuxième augmentation du Salaire Plafond (qui est passé de 5.000 à 6.000 DH), elle aggrave, comme la «Législation 1993-1995», les inégalités mais dans une moindre mesure. L écart entre la courbe de Lorenz «Législation 2002» et celle de la «Réforme 2004» est moins prononcé. Il correspond à la mise en œuvre de la mesure phare introduite par cette dernière réforme : prise en compte des salaires des huit dernières années au lieu des trois ou cinq dernières années pour la détermination du Salaire de Référence. Graphique 1, niveau d iniquité dans la distribution des pensions Caisse Nationale de Sécurité Sociale Au demeurant, ayant porté sur l augmentation du Salaire Plafond et l élargissement de l assiette du Salaire de Référence, les trois réformes engagées par la CNSS ont accentué les inégalités. Les gagnants et les perdants des systèmes de retraites L analyse de l évolution des distributions des taux de rendement interne (Tri) au fur et à mesure de l engagement de réformes ou de réajustements montre bien qu il y aurait des gagnants et des perdants en termes de rentabilité de l opération retraite selon le niveau de vie des assurés. La mesure de l ampleur et de l évolution des gains et des pertes pour chacune des six classes de parcours professionnels donne un éclairage fort pertinent sur le sens dans lequel s opère la redistribution intra générationnelle et, par ricochet, sur la réduction ou la reproduction des inégalités. Lorenz (pensions CNSS) 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% Niveau d'iniquité dans la distribution des pensions - Génération 1952 0% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% % cumulés des assurés assués Répartition égalitaire Législation 2004 Législations avant réformes Législation 2002 Législations 1993-1995 Salaires Note : Les salaires de la courbe de Lorenz* correspondent à ceux perçus juste avant le départ à la retraite de la génération 1952 (Année 2012). * Une courbe de Lorenz associée à une distribution des revenus représente la relation entre la proportion cumulée des titulaires d un revenu et la proportion cumulée des revenus. Pour apprécier l inégalité, on doit comparer la courbe représentative de la distribution effective avec la droite d égalité parfaite qui correspond à la bissectrice. Plus la courbe s éloigne de cette bissectrice, plus la répartition est inégalitaire. Source : Données CNSS. Calculs de l auteur 11

Inégalités et effets redistributifs des régimes de retraite au Maroc (suite...) Salah-Eddine benjelloun Les différentes législations qui se sont succédées se caractérisent de la manière suivante Législation avant 1993 1961-1992 - Salaire plafond : 3.000 DH - Taux de cotisation : 5,04 % - Salaire de référence : Moyenne des 36/60 derniers mois déclarés Législation 1993 1993-1994 - Salaire plafond : 5.000 DH - Taux de cotisation : 6,84 %, 7,95 %, 8,95 % - Salaire de référence : Moyenne des 36/60 derniers mois déclarés Législation 1995 1995-2001 - Salaire plafond : 5.000 DH - Taux de cotisation : 9,12 % - Salaire de référence : Moyenne des 36/60 derniers mois déclarés Législation 2002 2002-2003 - Salaire plafond : 6.000 DH - Taux de cotisation : 11,89 % - Salaire de référence : Moyenne des 36/60 derniers mois déclarés Législation 2004 2004-2011 - Salaire plafond : 6.000 DH - Taux de cotisation : 11,89 % - Salaire de référence : Moyenne des 96 derniers mois déclarés Tableau 1 Concernant le niveau de vie des retraités, le Taux de remplacement du dernier salaire (Tr), en tant que mesure instantanée du bien-être, présente l inconvénient de n intégrer ni les flux de cotisations versées ni ceux des prestations perçues. De ce fait, il n est pas approprié pour mesurer la redistribution induite par un régime de retraite. Il n en demeure pas moins qu il éclaire, dans une certaine mesure, sur les effets redistributifs du plafonnement des salaires déclarés (Walraet et al, 2003). Dans le cas de la génération 1952 affiliée à la CNSS, les différentes augmentations du salaire plafond auraient principalement profité aux profils types 4 et 5 avec des améliorations substantielles qui atteindraient respectivement 11,9 et 16,1 points. L amélioration du Tr des assurés à salaires très élevés se limiteraient à 2,2 points contre respectivement 1 et 1,4 point pour les profils types 1 et 2. Des pensions décroissantes La réforme engagée par la CNSS en 2004 a porté, entre autres, sur l élargissement de l assiette servant de base à la détermination de la pension (96 derniers salaires mensuels déclarés au lieu des 36 ou 60 derniers salaires mensuels déclarés). Cette mesure a particulièrement pénalisé les carrières précaires. La baisse du niveau des pensions est d autant plus accentuée par l absence d une revalorisation des derniers salaires déclarés. La baisse accentuée du niveau de la pension CIMR, en fonction de la durée de service de celle-ci, se fera singulièrement sentir par les affiliés ayant liquidé leur retraite à partir de 2003, année d engagement de la dernière réforme. Ils subiront les effets conjugués des trois réformes, avec un rendement technique en baisse continue depuis la réforme de 1992, pour atteindre son niveau le plus bas de 8,71 %, en 2010. La nécessité d intégrer l équité La mesure fine des conséquences des réformes intervenues ou envisagées éclaire pertinemment sur les perdants et les gagnants de l opération retraite, d une part ; et montre dans quel sens s opère la redistribution, progressive ou régressive, des régimes de retraite, d autre part. Le consensus sur la nécessité 12

L équité et les réformes des retraites Décembre 2013 - N 20 Inégalités et effets redistributifs des régimes de retraite au Maroc Tableau 2 Impact des réformes sur le taux de rendement interne - Génération 1952 Cas type 1 Classe 1 Classe 2 Classe 3 Classe 4 Classe 5 Classe 6 Ensemble Législation avant 1993 Femmes 13,45 % 14,79 % -100 % 10,08 % 8,59 % - 11,25 % Hommes 13,06 % 14,78 % -100 % 10,23 % 9,13 % 9,22 % 11,25 % Ensemble 13,13 % 14,78 % -100 % 10,21 % 9,03 % 9,22% 11,25 % Législation 1993 Femmes 11,35 % 12,41 % -100 % 8,83 % 8,61 % - 10,27 % Hommes 11,46 % 12,55 % -100 % 9,87 % 9,03 % 8,95 % 10,40 % Ensemble 11,44 % 12,52 % -100 % 9,86 % 8,95 % 8,95 % 10,37 % Législation 1996 Femmes 11,30 % 12,38 % -100 % 9,79 % 8,58 % - 10,23 % Hommes 11,40 % 12,51 % -100 % 9,83 % 8,99 % 8,91 % 10,36 % Ensemble 11,39 % 12,48 % -100 % 9,83 % 8,92 % 8,91 % 10,34 % Législation 2002 Femmes 10,70 % 11,90 % -100 % 9,73 % 8,87 % - 10,51 % Hommes 10,99 % 12,06 % -100 % 9,71 % 9,25 % 9,18 % 10,22 % Ensemble 10,94 % 12,03 % -100 % 9,71 % 9,18 % 9,18 % 10,19 % Législation 2004 2 Femmes 10,63 % 11,55 % -100 % 9,50 % 8,87 % - 9,92 % Hommes 10,77 % 11,70 % -100 % 9,49 % 9,20 % 9,18 % 10,02 % Ensemble 10,75 % 11,67 % -100 % 9,49 % 9,14 % 9,18 % 10,01 % Effets cumulés des différentes réformes sur le taux de rendement interne - Génération 1952 Cas type Classe 1 Classe 2 Classe 3 Classe 4 Classe 5 Classe 6 Ensemble Législation avant 1993 Législation 2004 13,13 % 14,78 % -100 % 10,21 % 9,03 % 9,22% 11,25 % 10,75 % 11,67 % -100 % 9,49 % 9,14 % 9,18 % 10,01 % écart -2,38 % -3,11 % - -0,72 % 0,11 % -0,04% -1,24 % Notes : 1. Issues d un échantillon (au 1/13éme des données originelles, soit 120.000 assurés) représentatif des salariés du secteur privé, les carrières salariales servant de base à l évaluation des effets des réformes ont été réparties en groupes homogènes identifiés par une analyse de classification hiérarchique ascendante (Nakache et al, 2005). Chaque groupe correspond à un profil type de parcours professionnels effectivement observés. Six classes homogènes d actifs sont ainsi formées par génération: cl1. Carrière moyenne, à faible salaire ; cl2. Carrière courte avec salaires majoritairement compris entre le Smig et le salaire plafond ; cl3. Carrière très courte et précaire (faible densité de déclaration, salaires bas) ; cl4. Carrières très longues avec salaires majoritairement compris entre le Smig et le salaire plafond; cl5. Carrières très longues avec salaires majoritairement supérieur au salaire plafond; cl6. Carrières longues avec salaires élevés. 2. La mesure phare introduite par la législation de 2004 porte sur le salaire de référence permettant de déterminer le montant de la pension. La pension est désormais calculée sur la base de la moyenne des 96 derniers mois déclarés au lieu des 36 ou 60 derniers mois déclarés. Cette mesure pénalise davantage les carrières précaires (saisonniers avec une faible densité de déclaration et des bas salaires). Pour les profils types cl1, cl2 et cl4, les baisses de Tri ressortent respectivement à 0,19, 0,36 et 0,22 point. Les assurés dont les parcours professionnels correspondent aux profils 1 et 2 ne sont pratiquement pas concernés par la mesure : le salaire de référence n est rien d autre que le salaire plafond. 13

Inégalités et effets redistributif des régimes de retraites au Maroc (suite...) Salah-Eddine benjelloun Tableau 3 Effets cumulés des différentes réformes sur le taux de remplacement CNSS (Génération 1952) Cas type Classe 1 Classe 2 Classe 3 Classe 4 Classe 5 Classe 6 Ensemble Législation avant 1993 74,56 % 61,49 % - 56,58 % 21,05% 2,22 % 52,39 % Législation 2004 75,56 % 62,93 % - 68,46 % 37,16 % 4,44 % 61,02 % Ecart 1 % 1,44 % - 11,88 % 16,11 % 2,22 % 8,63 % Source : Données CNSS. Calculs de l auteur Tableau 4 Impact de la réforme engagée par la CNSS en 2004 sur le taux de remplacement (Génération 1952) Cas type Classe 1 Classe 2 Classe 3 Classe 4 Classe 5 Classe 6 Ensemble Législation avant 1993 Femmes 68,80 % 67,03 % - 69,59 % 35,81 % - 59,25 % Hommes 77,34 % 67,41 % - 71,86 % 38,17 % 4,44 % 63,55% Ensemble 75,85 % 67,34 % - 71,55 % 37,73 % 4,44 % 62,77 % Législation 1993 Femmes 69,20 % 62,07 % - 66,10 % 35,84 % - 57,68 % Hommes 76,91 % 63,12 % - 68,85 % 37,46 % 4,44 % 61,68 % Ensemble 75,56 % 62,93 % - 68,46 % 37,16 % 4,44 % 61,02 % Ecart -0,29 % -4,41 % - -3,09 % -0,57 % - -1,75 % Graphique 2 Ampleur de la baisse en % 0-0,1-0,2-0,3-0,4-0,5-0,6-0,7 Baisses du niveau de la pension CIMR liquidée à partir de 2010 Effets des réformes 1992-1998 - 2003 Durée de service de la pension en nombre d'années 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Baisse moyenne sur toute la durée Baisse annuelle d intégrer la question de l équité doit être conforté. Certes, l équité doit être considérée en termes d effort de contribution et de durée de bénéfice de la pension, mais aussi en termes de solidarité. Solidarité envers la précarité des carrières qui peut mettre en péril le droit même à une pension, et la pénibilité du travail qui affecte indéniablement l espérance de vie. Des réformes qui n intègrent pas un minimum d équité n auraient pas de chance d obtenir le consensus nécessaire à leur acceptation. 1. à l issue d une durée de service de 12 années, la pension est réduite de 46,5 % (baisse moyenne sur toute la période) au moment où la baisse subie la 12ème année atteint 54,7 % et 64 % la 20ème année. 14

> LES RETRAITES D ENTREPRISE Les retraites supplémentaires des dirigeants d entreprise Jean de CALBIAC Docteur en droit, Avocat, cabinet Fromont Briens Réalisée sous la direction de Patrick Morvan dans le cadre de l Université Paris II Panthéon- Assas, la thèse de Jean de Calbiac, intitulée «Les avantages sociaux des dirigeants d entreprise 1» explore un domaine qui emprunte au droit des sociétés et au droit du travail, aboutissant à une forte incohérence qui se manifeste notamment en matière de retraite supplémentaire, objet de son article. Comme Vincent Roulet 2 avant lui, il constate les incessantes modifications par des lois «émotionnelles» d un cadre juridique qui n en demeure pas moins insuffisant. Sa thèse a reçu un prix d encouragement de l Observatoire des Retraites. La mise en place ou l extension d un régime de retraite au profit d un dirigeant mandataire social suppose d appréhender les dispositions régissant : le traitement fiscal et social du financement du régime, les conditions d autorisation par la société du régime au dirigeant. Les entreprises et les professionnels des assurances collectives prêtent généralement attention à ces premières règles qui sont communes aux salariés et aux mandataires sociaux. Une mauvaise pratique peut entraîner la perte du régime fiscal et social de faveur attaché à certains régimes (exonération de cotisations de sécurité sociale, déductibilité du bénéfice imposable pour la société et du revenu imposable du dirigeant). Force est de constater que les règles d autorisation des avantages propres aux mandataires sociaux sont beaucoup moins connues. Pourtant, leur méconnaissance peut exposer l intéressé et les autres dirigeants à de lourdes sanctions (nullité de l avantage, engagement de la responsabilité personnelle, sanctions pénales). L attribution d un complément de retraite à un mandataire social obéit à des procédures spécifiques. Les raisons d être de ces règles d autorisation se conçoivent facilement. On imagine mal qu un salarié (même directeur des ressources humaines) contracte, de sa propre initiative, avec un de ses dirigeants et encore moins qu un dirigeant contracte avec luimême. Le droit prévient ce risque de conflit d intérêt en donnant aux organes de la société une compétence exclusive dans la détermination de la rémunération des dirigeants. Les règles issues du droit du travail laissent alors la place aux dispositions du Code de commerce, lesquelles varient selon la forme de la société et l admission ou non de ces titres sur un marché réglementé. Sociétés non cotées Aussi surprenant que cela soit, aucune disposition législative n envisage la mise en place de garanties de retraite supplémentaires au profit des dirigeants de sociétés non cotées. Dans le silence des textes, la Cour de cassation 1. Publiée sous ce titre aux Presses Universitaires d Aix-Marseille, préface de Patrick Morvan, 2012, 296 pages. 2. Vincent Roulet, prix de thèse 2010, «épargne retraite : (in)cohérence et (in)utilité des évolutions législatives» in La Lettre de l Observatoire des Retraites n 18, novembre 2011. 15