Politique de réduction des capitaux propres : Impacts pour les actionnaires



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Transcription:

Université de Bretagne Occidentale Institut des Administrations des Entreprises DESS d Ingénierie Financière Promotion 2003-2004 EMILIE LE GALL Politique de réduction des capitaux propres : Impacts pour les actionnaires Mémoire Théorique Enseignant tuteur : M. Jérémy MORVAN

Sommaire Introduction...3 Section 1 : Les fondements théoriques d une Offre Publique de Rachat d Actions Propres...5 I - Qu est qu une OPRA?...6 1 - Les aspects financiers et juridiques d une OPRA...7 A) le cadre juridique...7 B) Un contexte économique et financier propice au développement des OPRA...11 2 - Les principales causes d une OPRA et leurs impacts pour les actionnaires...13 A) Une régulation du cours de Bourse...13 B) L OPRA : une alternative aux opportunités insuffisantes d'investissements...15 C) Le rachat d actions présente des avantages par rapport à la distribution de dividendes exceptionnels...16 II Les actionnaires ont-ils intérêt à participer à une OPRA?...17 1- Le contrôle de la société et le recentrage de l actionnariat...18 A) La situation de l actionnaire minoritaire...18 B) La situation de l actionnaire majoritaire...19 2 - Le prix et la prime de rachat : le gain réel de l actionnaire...21 A) La position de l actionnaire...21 B) L analyse de la plus value réalisée...22 Section 2 Etude empirique : Programme de rachat d actions propres réalisé par le Groupe SAGEM...24 I - Présentation générale de l OPRA...26 II - Les résultats de l OPRA...28 1- Analyse de l actionnariat...29 2- Impacts financiers pour les actionnaires...31 Conclusion...36 Bibliographie...37 Annexes...39 2

Introduction Après la publication du rapport «Esambert» en janvier 1998, plusieurs réformes ont assoupli le régime de rachat par une société cotée de ses propres actions, possibilité jusque là quasi inutilisée compte tenu des dispositions réglementaires très restrictives. Le principal changement effectué par le législateur a été de substituer le principe d interdiction du rachat d actions propres au principe général d autorisation, associé à une transparence accrue et un encadrement drastique de la procédure de rachat. Depuis, l Autorité de Marché Financier (AMF) autorise mensuellement plusieurs entreprises à lancer un programme ou une offre publique de rachat d'actions propres (OPRA). Une enquête de PricewaterhouseCoopers, publiée en 2000, faisait état d une très forte croissance de ce type opération : 40% des sociétés cotées avaient déjà lancé un programme de rachat d actions, parmi lesquelles la quasi-totalité des sociétés du CAC40 (95%) et du SBF120 (88%). Et ce mouvement ne faiblit pas. Mais pourquoi un tel engouement pour ce genre opération? Des sociétés économiquement saines lancent un programme de rachat d actions pour de multiples raisons. En outre, dans la littérature, l OPRA peut mettre en évidence un cours de bourse sous évalué, elle envoie donc un signal fort au marché. Elle peut aussi laisser apparaître une absence d opportunité d investissement correspondant aux attentes des actionnaires. De plus, elle peut être perçue comme une alternative à une distribution de dividendes exceptionnels impactant différemment les actionnaires. Par ailleurs, d une manière générale, un programme de rachat permettrait d assouplir la gestion de la structure financière de l entreprise par une meilleure allocation des fonds propres. En effet, une entreprise peut décider de racheter ses propres actions dans le but de les annuler et ainsi redistribuer des liquidités excédentaires qu elle juge non judicieux de garder. Mais toutes ces justifications vont-elles dans le sens de l actionnaire? Est-ce vraiment son intérêt d y participer? Sa non participation entraînerait potentiellement un gain de contrôle et un recentrage de l actionnariat. Mais parallèlement, l actionnaire renoncerait alors à une plus value éventuelle en cas de revente de ses actions. Alors quelle issue privilégiée? 3

En outre, la solution est conditionnée par la place qu occupe l apporteur de capitaux dans le corps actionnarial : un actionnaire minoritaire n aura pas les mêmes finalités, ni le même comportement qu un actionnaire majoritaire. Pour apporter des réponses, après avoir développé dans une première section quelques éléments théoriques sur les fondements de l OPRA, nous allons étudier, dans une deuxième section, le cas d une entreprise française économiquement saine, SAGEM, effectuant un rachat d actions propres ordinaires, et dont les objectifs principaux sont la régularisation du cours de bourse et la réduction de son capital par annulation d une partie des actions propres acquises. 4

Section 1 : Les fondements théoriques d une Offre Publique de Rachat d Actions Propres 5

I - Qu est qu une OPRA? Une OPRA est le rachat par une société de ses propres actions. C'est une pratique qui a connu un essor considérable depuis la mise en place de la réforme entamée en 1998. En effet, suite à une consultation réunissant experts et dirigeants d entreprises sous la tutelle de M. Bernard Esambert 1, les constats suivants ont été mis en évidence : la demande croissante des dirigeants de sociétés en faveur d une réelle gestion économique et financière des capitaux propres, avec une plus grande souplesse d intervention sur les marchés financiers, le souci d harmonisation européenne des procédures d offres publiques, la nécessité de rendre la place boursière de Paris aussi attractive que les autres bourses dans un contexte de marchés financiers «globalisés», ce type d opération est une pratique usitée depuis longtemps aux Etats Unis et en Grande Bretagne Le législateur a donc instauré de nouveaux textes réglementaires assouplissant les modalités de l opération et simplifiant la procédure. Afin de mieux comprendre ce qu est une OPRA, une première partie sera consacrée aux aspects juridiques et financiers de l opération, en l insérant dans le contexte économique propice à son développement. Puis, un tour d horizon des principales causes poussant les dirigeants à pratiquer le rachat de leurs propres actions sera développé afin de pouvoir mettre en évidence dans une seconde partie les différents impacts pour les actionnaires. 6

1 - Les aspects financiers et juridiques d une OPRA A) le cadre juridique La profonde modification de la législation sur le rachat par les sociétés de leurs propres actions a été amorcée par le rapport de M. Esambert. Les différentes propositions dont elles sont issues ont été les principales sources d'inspiration des nouvelles modalités juridiques intervenues le 2 juillet 1998, libéralisant ainsi le rachat par les sociétés de leurs propres actions. Par la suite, la Commission des Opérations de Bourse 2 a complété le nouveau dispositif par l adoption de deux règlements, homologués le 21 août 1998 et publiés au Journal Officiel le 6 septembre 1998. Afin de comprendre l impact de ce changement législatif, un bref rappel sur les modalités régissant ce type opération avant la réforme doit être effectué : L article 217 de la loi du 24 juillet 1966 prohibait l achat par une société de ses propres actions, soit directement, soit par un tiers agissant pour le compte de la société. Le motif invoqué alors était qu une société ne pouvait être son propre actionnaire : une entité ne pouvant à la fois être créancière et débitrice d elle-même. Cependant, ce principe général d'interdiction était assorti de trois dérogations permettant aux entreprises d intervenir sur leurs propres titres en vue d une réduction de capital : 1- lorsqu elle était non motivée par des pertes après approbation d'assemblée Générale Extraordinaire (articles 215 et 216 de la loi de 1966). Les actions devaient impérativement être annulées dans un délai d un mois après la clôture de l offre publique, elles ne pouvaient donc être conservées ni à fortiori réutilisées. Ce sont ces articles qui posent le fondement de l OPRA. 1 M. Bernard Esambert, membre de la Commission des Opération de Bourses, a rédigé un rapport rendu public le 14 janvier 1998 sur le rachat par les sociétés de leurs propres actions, suite à une mission de réflexion confiée le 17 juillet 1997 par M. Michel Prada, président de la COB. 2 La Commission des Opérations de Bourse, la COB, est un organe de surveillance et de contrôle des opérations effectuées sur les marchés financiers. Elle a été remplacé par l AMF, Autorités des Marchés Financiers, le 1 er août 2003 née de la fusion de la COB, du Conseil des marchés financiers (le CMF) et du Conseil de Discipline de la Gestion Financière (le CDGF) 7

2 - lorsqu elle permettait aux entreprises de faire participer leurs salariés à leurs résultats par attribution d actions ou en consentant des options d achat sur ces actions (art. 217-1) 3 lorsqu elle était réalisée en vue d'une régularisation du cours de bourse. Cette dérogation concernait les sociétés dont les titres étaient admis aux négociations sur un marché réglementé (art. 217-2). Pour être légitime, les opérations devaient avoir pour objectif de «réduire les fluctuations excessives de cours». Les interventions devaient être réalisées en contretendance par rapport au dernier cours coté, par l intermédiaire d une seule société de bourse, et ne devaient pas dépasser le quart de la moyenne quotidienne du volume de transactions constatées sur une période de référence avant l intervention. Par ailleurs, l article 217-3 complétait le dispositif dérogatoire en interdisant aux sociétés de posséder plus de 10% de ses propres actions «( ) directement ou par l intermédiaire d une personne agissant en son propre nom, mais pour le compte de la société». Ces dérogations étaient d un formalisme très lourd et nécessitaient un délais très long, décourageant ainsi les sociétés à agir sur leur propres actions. La loi de 1966 n était plus adaptée compte tenu des besoins des entreprises d avoir une meilleure dynamique de gestion de leurs capitaux propres, et de l évolution des marchés financiers. L objectif de la réforme a été d élargir les modalités d une OPRA en substituant le principe d interdiction du rachat d actions au principe général d autorisation, accompagné d un encadrement drastique de la procédure. L essentiel de la réforme se trouve dans l article 41 de la loi de 1998 et dans 2 règlements de la COB. Les principales caractéristiques sont présentées ci-dessous. L article 41 de la loi du 2 juillet 1998, modifiant l article 217-2 de 1966, stipule que «l Assemblée Générale d une société dont les actions sont soumises aux négociations sur un marché réglementé peut autoriser l organe d administration à acheter un nombre de titres représentant jusqu à 10% du capital». L Assemblée Générale définit les modalités, le plafond et la durée de l opération de rachat, qui ne peut excéder 18 mois. Le régime de régularisation des cours est ainsi supprimé et s intègre désormais dans un dispositif plus large : le programme de rachats d actions. Les finalités de ce programme sont définies par l Assemblée Générale de la société. Les titres rachetés peuvent alors être : soit acquis, cédés ou transférés par tous les moyens, 8

soit annulés, soit utilisés par les sociétés qui font participer leurs salariés aux fruits de leur expansion par attribution d actions, soit enfin proposés aux salariés dans le cadre de plan d achat d actions. Cet article précise également le régime d annulation des actions rachetées. L annulation est autorisée par une Assemblée Générale Extraordinaire, l AGE, avec possibilité de délégation à l organe d administration. Elle ne peut porter que sur 10% du capital de la société par période de 24 mois. Un rapport spécial, établi par les commissaires aux comptes, est transmis aux actionnaires 15 jours au moins avant l'age. Il remplace ainsi les dispositions relatives à la loi de 1966 qui imposait la nécessité de communiquer aux commissaires aux comptes le projet de réduction de capital 45 jours au moins avant l AGE. En contrepartie, le principe général d autorisation du rachat par les entreprises de leurs propres actions s accompagne d un dispositif de transparence accrue (Règlement n 98-02 3 ) et d un encadrement rigoureux des procédures de rachat (Règlement n 98-03 3 ). Le règlement n 98-02 a pour objectif d assurer la diffusion uniforme, auprès de tous les actionnaires, d une information exhaustive à tous les stades du programme de rachat : avant l Assemblée Générale devant approuver ce programme, et au fur et à mesure de son avancement. De plus, préalablement à cette Assemblée Générale, l entreprise initiatrice doit fournir une note d information qui devra être validée par l AMF. Le but est de permettre aux actionnaires et aux intervenants sur le marché financier de se forger une opinion sur les modalités du programme. Cette notice doit comporter des mentions obligatoires : la finalité du programme et l utilisation des titres rachetés, la part maximale du capital et le nombre de titres que l émetteur se propose d acquérir, le montant maximum consacré à la réalisation du programme, la part du programme pouvant être réalisée par voie de blocs, la durée et le calendrier du programme, 3 Les modalités d application des règlements n 98-02 et n 98-03 ont été explicitées par la Commission des Opérations de Bourse, devenue l AMF, et le Comité d Urgence du Conseil National de la Comptabilité. 9

les incidences des rachats sur les principaux agrégats comptables et financiers de l émetteur, le régime fiscal applicable et pour finir, les intentions de la personne contrôlant, seule ou de concert, l émetteur. Cette note d information doit être mise à disposition des actionnaires au plus tard 15 jours avant l Assemblée Générale. Sa diffusion est assurée soit par un envoi nominatif, soit par la publication dans un quotidien financier français, soit par la publication d un résumé et la mise à disposition de la note. Par ailleurs, les sociétés doivent informer mensuellement l AMF de l évolution de l OPRA concernant le nombre d actions rachetées et leur prix ainsi que sur le nombre de titres annulés. Le règlement n 98-03 4 pose qu à lui le principe de régularité des interventions de la société instigatrice : celles-ci ne doivent pas «avoir pour objet d entraver le fonctionnement régulier du marché et d induire autrui en erreur» (art. 7). En outre, elles doivent respecter les critères cumulatifs suivant : elles doivent représenter un volume maximum de 25% de la moyenne des transactions quotidiennes constatées sur une période de référence précédent l intervention (cette disposition ne s applique pas aux transactions de blocs) elles sont effectuées par un seul intermédiaire par séance de bourse. lorsqu il s agit de cessions de blocs, elle sont réalisées à un prix inférieur ou égal au cours de bourse. Dans les autres cas, elles sont effectuées dans une fourchette de prix comprise entre le cours le plus bas et le cours le plus élevé atteint au cours de la séance de bourse. Pour les titres cotés en continu, les interventions ne doivent pas être effectuées lors de la formation des cours, c est à dire avant l ouverture et à l ouverture de la séance de bourse ou à la première cotation du titre, à la reprise des cotations, et durant la dernière demi-heure de la séance ou au fixing de clôture. 4 Le règlement n 98-03 modifie les dispositions relatives au règlement n 90-04 de la Commission, issue de la loi de 1966. 10

De plus, un émetteur doit s abstenir d intervenir sur ses propres titres pendant les 15 jours qui précèdent la publication de ses comptes consolidés, et dès lors qu il se trouve en situation d initié (art. 8). La modification législative a eu un effet d engouement sur les sociétés : d après un rapport publié le 31 janvier 2000 par la COB, entre le 6 septembre 1998 et le 30 septembre 1999 : 504 programmes de rachat d actions ont été visés par la COB (soit 51,5% des sociétés cotées sur les marchés réglementés français), le montant total des rachats réalisés par les sociétés s élevait à 9,06 milliards d euros. Un tel essor des OPRA n'a pu s'effectuer que dans un contexte économique favorable. B) Un contexte économique et financier propice au développement des OPRA La réforme est intervenue dans un contexte macro et micro économique favorable à l essor et à la réussite des programmes de rachat. Ce contexte a été la résultante de plusieurs facteurs pouvant se résumer ainsi : L amélioration de la situation financière des entreprises a eu pour effet d accroître leur trésorerie de manière conséquente. En outre, leur capacité d autofinancement est telle que pour éviter une surcapitalisation souvent sanctionnée par le marché, les dirigeants sont contraints de trouver la meilleure solution à l utilisation de ses «Free Cash Flow 5». Dans un contexte boursier favorable et en période de faible rendement des placements à court terme, il devient alors plus judicieux d investir en actions, voire dans ses propres actions. La montée en puissance du modèle «Shareholder» dans les politiques de gouvernance des entreprises met en évidence une volonté de favoriser les apporteurs de capitaux par la mise en œuvre de stratégies favorisant l accroissement de la valeur actionnariale. Si les dirigeants 5 La théorie de Free Cash Flow de Jensen sera développée dans la deuxième partie de cette section. 11

d une société estiment que les opportunités d investissements ne correspondent pas aux attentes escomptées, ils peuvent décider de distribuer les liquidités correspondantes aux actionnaires par l intermédiaire d une OPRA. Cette tendance peut s accentuer dans un contexte de stratégie commerciale et industrielle axée sur une politique de recentrage de la société sur le corps de métier principal, lorsque celle-ci n offrent pas nécessairement de possibilités immédiates d investissements. Afin d éviter une diversification hasardeuse et incertaine de leur activité, il devient alors préférable de distribuer les cash flow correspondant aux actionnaires. En période de taux d intérêt relativement faible, si une société ne désire pas utiliser ses cash flow disponibles ou si elle les juge insuffisants pour mener à bien son programme de rachat, elle peut avoir recours à l endettement pour financer le rachat de ses propres actions à un coût relativement modéré tout en agissant dans l intérêt de l actionnaire. En effet, lorsqu une société connaît des difficultés financières, la majeure partie du risque revient aux apporteurs de capitaux puisque dans le cas extrême d une liquidation judiciaire, ils se trouvent en dernière position dans la récupération de leur apport. Ainsi lorsque la situation financière est pérennisée et que l établissement se situe sur un sentier de croissance satisfaisant, il peut être judicieux de transférer le risque vers les créanciers de la société en sollicitant un emprunt afin de racheter ses propres actions et ainsi distribuer les liquidités correspondantes aux actionnaires. Dans cette situation, l entreprise peut tirer profit d un effet du levier d endettement positif 6 : le coût de l emprunt est inférieur au coût du capital, ce qui augmente mécaniquement la rentabilité des fonds propres et par voie de conséquence la valeur actionnariale. L éclatement de la bulle spéculative intervenue brutalement en 2000 a fait chuter les valeurs des différentes places boursières mondiales. Le cours des actions de certaines sociétés s est effondré rendant ces entreprises vulnérables face aux tentatives de prise de contrôle inamicale. En effet, lorsque la valeur des titres d une société est faible ou sous évaluée, son acquisition par une entreprise concurrente s en retrouve facilité. Dans cette situation, le rachat d actions propres peut s avérer un moyen de prévenir une OPA. D une part, la réduction du capital 6 La relation de l effet de levier financier mesure l impact de l endettement sur la rentabilité des capitaux propres : kc =ka+(ka-kd)* D/CP où kc représente le taux de rentabilité des capitaux propres (CP) après impôt, ka le taux rentabilité économique après impôt, et kd le coût de la dette (D) après impôt. Le rapport D/CP correspond au levier d endettement. Si ka>kd, l effet de levier est alors positif, et kc augmente. 12

diminue la trésorerie excédentaire et augmente mécaniquement le bénéfice par action. Le cour s ajuste ainsi à la hausse (le mécanisme relatif à l utilisation de l OPRA dans le but de réguler le cours de bourse sera développé plus en détail dans la prochaine partie). D autre part, le rachat d actions propres permet un recentrage de l actionnariat puisque le nombre de titres en circulation diminuera d autant. La société devient alors plus difficile à acquérir. Ainsi, depuis la réforme de 1998, le contexte économique et financier français est propice au développement de programme de rachat : faiblesse des taux d intérêt, récente vague d OPA, cours de bourse souvent sous évalué, bonne santé financière des entreprises Il convient maintenant de s attarder plus en détail aux principales causes relatives à une OPRA afin de mettre en évidence son impact pour les actionnaires. 2 - Les principales causes d une OPRA et leurs impacts pour les actionnaires Les principales motivations qui poussent les entreprises à procéder à des opérations de rachat de leurs propres actions correspondent à des logiques différentes. Dans la littérature, principalement trois y sont développées : la régulation du cours de bourse, un palliatif aux opportunités d investissement insuffisantes et une alternative à une distribution de dividendes exceptionnels A) Une régulation du cours de Bourse Un programme de rachat d actions propres peut être mis en place lorsque les dirigeants considèrent leur cours de bourse sous évalué compte tenu des bons indicateurs économiques de la société. Dans les notices d informations de l AMF, publiées dans les journaux économiques, cette finalité est souvent annoncée : «la régularisation des cours de bourse par intervention systématique en contre tendance». C est un signal positif envoyé aux actionnaires et au marché : en intervenant sur la valeur des titres, les dirigeants montrent 13

qu ils agissent conformément aux intérêts des apporteurs de capitaux en favorisant la valeur actionnariale. De plus, selon la théorie de l Agence, le contenu informationnel du lancement d un programme de rachat peut également constituer un moyen de résoudre les conflits entre les dirigeants et les actionnaires, au détriment des créanciers de l entreprise. En théorie, l impact réel sur le cours de bourse correspond à un effet mécanique : conformément à la loi de l offre et de la demande, si, pour une demande constante, le nombre de titres en circulation diminue, ils seront alors plus rares et par conséquent la valeur de l action augmentera. Mais c est une vision un peu trop simpliste pour en dégager les effets réels sur les actionnaires. L analyse doit plus particulièrement porter sur deux indicateurs de la valeur actionnariale : le Bénéfice Par Action (le BPA) et l inverse du PER : Le BPA traduit l enrichissement théorique d un actionnaire détenant un titre au cours de l exercice. l inverse du PER 7 exprime le niveau de rentabilité attendu par des actionnaires. Le rachat d actions par une entreprise entraînera une augmentation du BPA, si l inverse du PER est supérieur au taux d intérêt de l endettement ou des placements après impôt ; autrement dit, si le coût de la dette ou le rendement des placements des liquidités nécessaires au rachat d actions est inférieur à la rentabilité escomptée par les actionnaires. Cependant, ce raisonnement est à prendre avec précaution. L évolution du BPA informe des performances futures de l entreprise mais il n est pas un réel indicateur de création de valeur. Il faut prendre en considération d autres éléments afin d estimer si l opération de rachat est véritablement source de création de valeur pour l actionnaire. Cela sera effectivement le cas si : le poids de la dette contraint les dirigeants à de meilleures performances, le prix auquel le rachat est réalisé est inférieur à la valeur estimée de l action, les fonds ainsi restitués aux actionnaires ont, dans l entreprise, une rentabilité marginale inférieure au coût du capital. La régulation du cours de bourse représente un élément majeur dans les finalités annoncées d un programme de rachat. L actionnaire ne doit pas se cantonner à l effet mécanique sur le 7 Le Price Earning Ratio s obtient par la relation (cours de l action / BPA). C est un indicateur mettant en évidence la croissance future des bénéfices d une société. 14

BPA. Il doit bien s informer de la gestion et de l environnement économique de l entreprise afin d évaluer au mieux tous les impacts le concernant. B) L OPRA : une alternative aux opportunités insuffisantes d'investissements Toute dépense qui conduit à l acquisition ou à la constitution d un actif en vue de créer de la valeur constitue un investissement. Deux conditions doivent alors être remplies: 1- l investissement doit être rentable d un point de vue économique : VAN 8 >0 2- l investissement doit correspondre aux exigences de rentabilité des actionnaires : TRI 9 doit être à un niveau acceptable. Concrètement, l entreprise a intérêt à investir lorsque la rentabilité du projet est supérieure ou égale au coût moyen pondéré du capital. Ainsi, une société dégageant des flux de liquidités excédentaires ne les réinvestira seulement si le taux de rentabilité est au moins égal à celui exigé par les apporteurs de fonds. Dans la cas contraire, il y aura destruction de valeur et les dirigeants auront alors intérêt à restituer ces liquidités s ils ne veulent pas être sanctionnés. Cette logique correspond à la théorie des «Free Cash Flow» de JENSEN (1986). Alors, en l absence d opportunité d investissements au taux exigé par les actionnaires, les dirigeants préféreront mettre en place un programme de rachat d actions afin de leur distribuer les surplus dégagés. Les actionnaires pourront alors les réinvestir dans des projets qu ils jugent plus rentables, et notamment dans des entreprises naissantes qui ont généralement un fort besoin en capitaux propres. Elles sont certes plus risquées mais «garantissent», si le projet est mené à bien, un retour sur investissement plus élevé. Il s agit ici d une réallocation des ressources des entreprises arrivées à maturité vers d autres en pleine croissance. De plus, le rachat d action envoie un signal positif aux actionnaires puisqu il met en évidence la 8 La Valeur Actuel Nette est un critère important dans les décisions de choix d investissement. Elle se calcule en faisant la somme des flux futurs engendrés par l investissement actualisé au taux de rentabilité exigé par les actionnaires. 9 Le Taux de Rendement Interne représente le taux d actualisation qui annule la VAN. Il mesure la rentabilité du projet : si TRI > Taux rentabilité exigé par les actionnaires, alors l investissement est rentable. 15

volonté des dirigeants de favoriser leurs intérêts. Par ailleurs, en lançant un tel programme, ils évitent une politique de diversification hasardeuse et le sur-investissement, souvent mal perçue par les actionnaires. Alors, l OPRA peut s apparenter à une «décapitalisation» nécessaire lorsque les opportunités d investissements se révèlent insuffisantes. C) Le rachat d actions présente des avantages par rapport à la distribution de dividendes exceptionnels Le rachat d actions et la distribution de dividendes exceptionnels répondent à une même logique financière : restituer les free cash flow aux actionnaires en l absence d opportunités d investissements satisfaisantes. Mais l effet concret pour les apporteurs de fonds y est différent : 1 - La distribution de dividendes n a pas d impact réel et durable sur le patrimoine de l actionnaire. Certes, l annonce de cette distribution fait augmenter le cours de l action, mais cette augmentation n est que temporaire : la valeur de l action est amputée du montant des dividendes peu de temps après son versement. Ainsi, le dividende n a pas d effet relutif sur le BPA : il correspond seulement à une distribution de trésorerie pour un nombre constant d actions. A l inverse, le rachat d actions a des effets plus permanents sur la valorisation boursière. A court terme, l actionnaire qui apporte ses actions à l OPRA pourra vendre ses titres à un prix souvent supérieur à celui du marché. A long terme, il bénéficiera de l augmentation du BPA et de la revalorisation du cours du bourse, ce qui par voie de conséquence augmentera la valeur de ses actifs boursiers. 2 - Par ailleurs, le versement de dividendes est une opération «imposée» à l actionnaire puisqu elle s applique à tous, tandis que le rachat d actions est «libre de participation». 3 - Enfin, ces deux opérations envoient un signal positif au marché. Cependant, il peut être interprété par les investisseurs de manière complètement différente : 16

le versement de dividendes reflète les bons résultats passés de l entreprise, mais il ne représente qu un faible indicateur sur ses performances futures. le rachat d actions est interprété comme un signe de confiance en l avenir : l entreprise est considérée comme gérant au mieux son capital en investissant dans ses propres titres et comme soucieuse des intérêts des actionnaires. Même si l objectif de ces deux opérations apparaissent identiques dans le sens qu elles agissent dans l intérêt de l actionnaire, elles représentent une finalité différente : la distribution de dividende peut représenter un moyen de réduire les conflits entre actionnaires et dirigeants, tout en «fidélisant» les apporteurs par une distribution de liquidité ; alors que le rachat d actions modifie plus profondément la structure actionnariale et correspond à une logique de gestion de plus long terme. II Les actionnaires ont-ils intérêt à participer à une OPRA? Comme on a pu le voir précédemment, la participation de l actionnaire à un programme de rachat d actions est libre de participation. Sa décision dépend essentiellement de deux composantes : sa position dans le corps actionnarial : un actionnaire majoritaire n aura pas la même logique financière qu un actionnaire minoritaire. son objectif recherché à la détention d actions de la société et de son coût d opportunité qui y est assorti : renforcer son contrôle au sein de la société ou réaliser des plus values. Le but de cette partie est de développer chacune des positions en mettant en évidence les avantages et les inconvénients pour les actionnaires. 17

1- Le contrôle de la société et le recentrage de l actionnariat L un des effets induit par un programme de rachat est de diminuer le nombre d actions en circulation, ce qui modifiera par conséquent la structure actionnariale. D une manière générale, un actionnaire voulant renforcer son contrôle dans une société aura intérêt à ne pas participer à l opération puisque la réduction du nombre de titres provoquera une augmentation des droits de vote 10 pour nombre constant d actifs détenus, ce qui renforcera le pouvoir de décision des détenteurs lors des Assemblées Générales. Cependant, la notion de contrôle doit être abordée d une manière différente selon que l actionnaire soit minoritaire ou majoritaire. A) La situation de l actionnaire minoritaire Selon l objectif recherché, deux possibilités s offrent à l actionnaire minoritaire : 1 Il peut considérer l OPRA comme un moyen de s impliquer davantage dans l entreprise. En outre, sa non participation au programme augmente son contrôle et son poids dans le corps actionnarial. Mais tout dépend de son pourcentage de détention initial. En effet, si après l opération, il détient moins de 10% du capital, sa situation ne changera pas fondamentalement : ses droits de vote n auront pas plus de poids dans les décisions, il ne pourra prétendre seulement qu à une part plus élevée de dividende. Au contraire, s il dépasse le seuil de 10%, il pourra alors interférer dans les décisions. Par exemple, il aura alors la possibilité de demander à la justice la désignation d un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion afin de dénoncer les abus de droits des majoritaires. Par ailleurs, son abstention peut le mener à une position de minorité de blocage (détention d un tiers des voix plus une, pour une société anonyme). Il aura alors la 10 Ici, on fait l hypothèse qu une action = une voix. On exclut donc toutes les actions à dividendes prioritaires ou les actions sans ou à double droit de vote, ainsi que les produits dérivés. 18

possibilité de s opposer à une proposition débattue lors d une Assemblée Générale Extraordinaire s il n est pas d accord avec son contenu. Ainsi, sa non participation au rachat d actions par la société n aura qu un impact relatif. Dans la plupart des cas, son gain de contrôle ne changera pas fondamentalement sa situation sauf s il se situe dans la limite des seuils précédemment évoqués. Il ne peut que conforter sa position de minoritaire. 2 - Il décide de privilégier la plus value potentielle en apportant une partie de ses actions au programme de rachat. Il risque alors de perdre éventuellement sa minorité de blocage. Par ailleurs, s il décide d apporter la totalité de ses titres, la structure de l actionnariat se retrouve alors concentrer sur un plus petit nombre d apporteurs de fonds. Mais cette situation s avère généralement improbable puisque la société émettrice ne peut racheter qu au maximum 10% de ses actions et qu elle doit satisfaire de manière équitable tous les actionnaires. Par conséquent, plusieurs actionnaires minoritaires apportant un nombre conséquent d actions ne seront probablement pas servis dans leur totalité. Le seul effet certain de la participation de minoritaire est qu elle renforce la part des actionnaires principaux. B) La situation de l actionnaire majoritaire La situation de l actionnaire majoritaire est différente : le programme de rachat d actions aura un impact plus conséquent sur son contrôle dans la société. En effet, son objectif à travers sa participation au capital est de s immiscer dans la gestion et d influencer les décisions courantes de la société. La notion de contrôle est alors davantage privilégiée. Dans un premier cas, un actionnaire majoritaire décide d apporter une partie de ses titres au programme. Il perdra alors une part relative de son contrôle dans la société. Mais cette réduction de pouvoir dépend de son pourcentage de détention initial. Malgré sa participation, il peut choisir de garder un nombre d actions lui permettant de conserver la majeure partie de ses droits de vote et ainsi continuer à jouir de son statut d actionnaire principal. Mais ce 19

comportement peut aller à l encontre de l un des objectifs du programme: il aura, en effet, comme conséquence d amoindrir le recentrage du corps actionnarial. Cependant l OPRA peut être l occasion pour un majoritaire de se dégager partiellement de l entreprise tout en réalisant une plus value plus importante que dans le cadre d une vente classique sur le marché. Dans un deuxième cas, un actionnaire majoritaire peut décider de ne pas participer au programme de rachat. Son contrôle déjà conséquent dans la société s en retrouvera ainsi renforcer. On peut alors se poser la question suivante : l actionnaire majoritaire ne pourrait-il pas être l instigateur du programme puisqu il y retirerait un gain de contrôle et une valorisation de son portefeuille d actions liée à la régulation du cours de bourse? Pour éviter ce genre d abus, l AMF a imposé aux entreprises de préciser dans la notice d information «les intentions de la personne contrôlant, seule ou de concert, l émetteur». Ainsi, l actionnaire majoritaire est obligé de déclarer sa participation ou non à l opération et dans quelle proportion avant même la publication de la note officielle. L objectif ici est de garder l égalité entre tous les actionnaires. Cependant, il ne faut pas négliger la possibilité d une entente informelle entre les majoritaires et les dirigeants de la société dans le but d évincer les minoritaires. Il revient alors à l AMF de surveiller et de contrôler leurs réels intentions. En conclusion, on ne peut pas juger de manière générale l impact d un programme de rachat d actions pour une société. La réduction du nombre d actionnaires 11 qui s en suit n est pas forcément effective. Il faut prendre en compte le pourcentage du flottant dans l actionnariat présent au départ. Les conséquences sur la structure du capital et pour les actionnaires sont alors à analyser au cas par cas. Par ailleurs, les notions de perte de contrôle et de coût du contrôle ne sont pas directement quantifiables. Mais on peut essayer de les aborder par le concept de coût d opportunité, c est à dire selon que l actionnaire considère la réalisation ou non d une plus value immédiate comme un gain ou une perte vis à vis de son contrôle dans la société. 11 Le flottant correspond à la part des actions qui appartient à des investisseurs obéissant à une pure logique financière, c est à dire ceux favorisant la plus value. 20

2 - Le prix et la prime de rachat : le gain réel de l actionnaire Dans l optique où l actionnaire privilégierait la plus value, il est dans son intérêt de participer au programme de rachat puisque, dans de nombreux des cas, la société émettrice propose d acquérir les titres à un cours supérieur à celui du marché. A) La position de l actionnaire En général, l actionnaire minoritaire ne recherche pas le contrôle de la société. Il investit principalement sur le marché dans une logique de placement de court terme, sans trop se préoccuper de la gestion courante de l entreprise. Il reste néanmoins vigilant sur les performances économiques et financières, ainsi que sur tout élément pouvant influer sur la valeur de l action. Il va donc s attarder davantage à l évolution des cours et à la plus value qu il peut réaliser en cas de désinvestissement. Ainsi, le rachat d actions par la société représente pour lui un moyen de dégager un gain supérieur compte tenu du prix de cession proposé dans le cadre du programme. Pour l actionnaire majoritaire, la logique est différente. En effet, il peut se trouver dans une situation où il a un besoin de liquidité immédiate. Il pourra alors apporter une partie de ses actions à l OPRA : il obtiendra ainsi de l argent frais tout en réalisant une plus value. Mais en revendant ses parts de la société, il perdra une partie de son contrôle et de ses droits de vote à l Assemblée Générale. Ici aussi, tout dépend de son pourcentage de détention de départ. La cession peut représenter une part marginale de ses actifs, elle n aura alors qu un effet limité sur son pouvoir de décision. En fait, le majoritaire doit opérer un arbitrage entre le besoin de liquidité immédiate et la perte de contrôle sur la société. Comme nous avons pu le voir, l entreprise propose de racheter ses actions à un cours supérieur à celui normalement constaté sur le marché. Mais quelle est vraiment la plus value potentielle pour l actionnaire? Je vais alors donner quelques éléments de réponses dans la partie suivante. 21

B) L analyse de la plus value réalisée Pour que son offre soit attractive, l entreprise émettrice propose de racheter ses actions à un prix supérieur à celui du marché. L écart entre les deux cours représente la prime proposée à l actionnaire. Elle se calcule ainsi : prime proposée = prix annoncé cours coté le jour de la transaction Cette prime conditionne pour une grande partie la réussite de l OPRA. Elle peut représenter un argument majeur pour certains apporteurs de fonds hésitants. Cependant, elle ne doit pas être trop importante puisqu elle provoquerait un afflux important de titres difficile à servir dans son intégralité compte tenu du seuil réglementaire de 10%. Le prix annoncé dans le cadre d une OPRA doit respecter une certaine régularité des cours observés lors d une période de référence. Les dirigeants ne peuvent donc pas doubler le prix de rachat afin d assurer le succès de l opération. Par ailleurs, la participation au programme ne sera réellement bénéfique pour l actionnaire que s il revend ses titres à un cours supérieur auquel il les a acheté. La plus value potentielle réalisée est formalisée ainsi : Plus value 12 = prix de vente de l action dans le cadre de l OPRA prix de l action le jour de l achat En fait, la prime proposée et la plus value potentielle sont deux composantes à analyser en même temps. En effet, si le cours de l action a chuté avant le lancement de l OPRA, l investisseur risque de réaliser une moins value par rapport à son investissement de base s il réalise l opération directement sur le marché. Alors, il peut être dans son intérêt d apporter ses titres au programme compte tenu de la prime proposée. Cependant une autre variable peut influencer le choix de l apporteur de fonds : la régulation du cours de bourse liée à l opération. En outre, suite au programme de rachat, la valeur de l action risque d augmenter. L actionnaire peut choisir d attendre cette augmentation effective avant de céder ses titres sur le marché s il considère que le gain potentiel sera plus important que la prime liée au programme. 12 Ici on fait abstraction de la fiscalité liée à l opération. 22

La cession des titres dans le cadre de l OPRA est alors conditionnée par : la prime proposée l anticipation de l augmentation du cours de bourse la plue value potentielle souhaitée L actionnaire devra donc effectuer un arbitrage entre ses trois éléments afin d optimiser la gestion de son portefeuille d actions. 23

Section 2 Etude empirique : Programme de rachat d actions propres réalisé par le Groupe SAGEM 24

SAGEM est un groupe en perpétuelle évolution, présent dans divers secteurs de technologies de pointe. Son activité se divise essentiellement en deux branches : la communication (65,9% de son CA 13 en 2003) regroupant la téléphonie mobile, l Internet, la mise en place de réseaux de fibres optiques. Il occupe la place de 2 ième groupe français de télécommunication, la sécurité et la défense (34,1% de son CA en 2003) en développant des systèmes aéronautiques et aéroterrestres à usage militaire. C est le 3 ième groupe européen en électronique de défense et de sécurité. SAGEM a une forte implantation à l international avec une présence dans une vingtaine de pays. Il réalise plus de 50% de son chiffre d affaires à l étranger. Entre 2002 et 2003, SAGEM a connu une forte croissance : son chiffre d affaires consolidé a augmenté de 15% et son résultat net consolidé de 55%, passant de 77 millions à 119 millions. C est un groupe porteur qui a su s adapter à l évolution du marché et de la demande. Afin d optimiser la gestion de ses capitaux propres, le groupe met en place chaque année un programme de rachat d actions. L étude réalisée ci-après concerne celui mis en œuvre en avril 2003. Au cours de cette même année, le Groupe SAGEM a réalisé d autres opérations modifiant substantiellement la composition de son capital, en particulier la fusion absorption de sa holding COFICEM en décembre 2003. Ainsi, pour ne pas interférer les résultats de l analyse, les données pertinentes concernant le programme s appuieront principalement sur des informations arrêtées au 30 septembre 2003, date à laquelle l essentiel des rachats effectués dans le cadre l opération ont été réalisés. Les documents de référence utilisés pour l analyse sont : 13 CA : Chiffre d affaires 25

la note d information relative au programme de rachat d actions soumise à l Assemblée Générale Mixte du 23 avril 2003 ( Annexe 1), la notice d information concernant la fusion absorption de la holding COFICEM par SAGEM SA intervenue en décembre 2003 : elle nous donne une synthèse des éléments financiers concernant le groupe au 30 septembre 2003 I - Présentation générale de l OPRA Le but de cette partie est de mettre en évidence les caractéristiques principales contenues dans la notice d information disponible en annexe 1, de manière à pouvoir analyser dans la partie suivante les résultats de l opération. Ce programme a été soumis et approuvé par l Assemblée Générale Mixte réunit le 23 avril 2003. Les principales modalités peuvent se résumer ainsi : Les objectifs du programme Par ordre de priorité décroissante, les objectifs annoncés sont : la régularisation du cours de bourse, par intervention systématique à contre tendance, l annulation d actions propres détenues par la société l attribution d options d achat d actions au personnel de la société et du groupe l échange d actions propres dans le cadre d opérations de croissance externe. Le seuil de détention d actions propres Le programme porte sur un rachat maximum de 1 600 000 actions, soit 4,6% du capital. Cependant, SAGEM ne peut détenir directement ou indirectement plus de 10% de son capital, soit un nombre maximal de 3 476 244 actions. Compte tenu du nombre d actions détenues à la date du 31 mars, soit 2 477 297 actions, elle ne pourra donc acheter un maximum de 998 948 titres représentant 2,9 % de son capital. 26

Les modalités de rachat Le prix d achat maximum est fixé à 160 par action. Ainsi, le montant nécessaire à la mise en œuvre de ce programme ne pourra être supérieur à (998 948*160) = 159 831 680. Il est conforme au dispositif réglementaire stipulant que le montant maximum destiné à un tel programme ne peut dépasser le niveau des réserves libres de la société et, ce jusqu à l arrêté officiel des comptes de l exercice suivant. Au 31 décembre 2002, elles s élevaient à 393 millions. Par ailleurs, la société précise que le financement de l OPRA se fera uniquement par l intermédiaire de ses ressources propres. Les actions pourront être rachetées par intervention sur le marché. Il ne sera pas fait usage de produits dérivés. Le présent programme devra être réaliser conformément au dispositif adopté par l Assemblée Générale du 23 avril 2003, pendant une période prenant fin à la date de l Assemblée Générale suivante, et au maximum pour une durée de 18 mois à compter du jour de vote de l acceptation du programme. Modalités d annulation des actions Les actions acquises par la société ne peuvent être annulées qu à hauteur de 10% du capital sur un période de 24 mois (art. L 225-209 du Code de Commerce). Le capital social se composant de 34 762 449 actions, le nombre maximum d actions susceptible être annulées, compte tenu des opérations déjà effectuées, est alors : Nombre maximum d actions annulables 3 476 244 - Nombre d actions annulées depuis le 30/11/2001 1 846 162 = Nombre d actions susceptible être annulées jusqu au 30/11/2003 1 630 082 Impact sur les éléments financiers Conformément aux déclarations obligatoires, la note d information contient des éléments permettant d apprécier l incidence du programme sur la situation financière du groupe. Il en ressort, compte tenu des hypothèses retenues, que le rachat de SAGEM de 2,9% 14 de son capital engendrerait une diminution de 1,6% du résultat net et de 2,8% du nombre moyen d actions en circulation, ce qui provoquerait un effet relutif de 1,2 % du bénéfice par action. L actionnariat 14 Rachats de 998 948 actions à un prix unitaire moyen de 65 27

Le capital de SAGEM 15 est principalement détenu par trois actionnaires : la holding COFICEM (41,72%), COGEMA ( 7,53%) et CDC (6,97%). Elle détient aussi en autocontrôle 7,13% de son capital. Le reste des actionnaires, représentant 36,65%, a déclaré avoir un seuil statutaire de détention inférieur à 2,5%. On peut supposer qu une majorité d entre eux sont des petits porteurs provenant essentiellement du «Public». A cette date, il n existait aucun pacte d actionnaires. D autres part, COFICEM représentant «la personne contrôlant, seule ou de concert, l émetteur» affiche son intention de ne pas participer au programme de rachat, se réservant toutefois le droit d acquérir ou de céder des titres en fonction des opportunités du marché. II - Les résultats de l OPRA Le programme de rachat d actions sera principalement analysé sur la période d avril à septembre 2003. En effet, suite à la fusion absorption de la holding COFICEM par SAGEM SA réalisée en décembre 2003, les différents éléments pertinents pour l année 2004 se retrouvent biaisés par cette opération. J ai ainsi jugé préférable de me baser sur un document officiel relatif à cette fusion absorption et faisant état de la situation de la SAGEM au 30 septembre. Par ailleurs, selon les informations que j ai pu recueillir, l essentiel des opérations concernant le programme de rachat se situe pendant cette période de 5 mois. Ainsi, je mettrai en évidence l impact sur le corps actionnarial de la société, puis je m intéresserai plus particulièrement aux aspects financiers relatifs aux actionnaires. 15 Situation au 31 mars 2003 28

1- Analyse de l actionnariat Le corps actionnarial de SAGEM entre le 23 mars et le 30 septembre 2003 se décomposait ainsi (les graphiques concernant la répartition du capital sont disponibles en annexe 3): Actionnariat 23 mars 2003 Actionnariat Fin Sep 2003 % % Actionnaires Droits de % Droits % Droits de Nb actions Détention Nb actions Détention Droits de Vote Vote de Vote Vote du capital du capital COFICEM 14 504 238 41,72 27 464 838 57,33 14 504 238 43,56 27 464 838 57,76 COGEMA 2 618 634 7,53 4 468 134 9,33 2 618 634 7,86 4 468 134 9,4 SAGEM SA 16 2 477 297 7,13 0 0 1 382 263 4,15 0 0 CDC 2 421 297 6,97 2 531 509 5,28 741 796 2,23 1 411 396 2,97 Autres 12 740 983 36,65 13 439 625 28,06 13 446 863 40,38 13 598 014 28,6 FCPE - - - - 606 206 1,82 606 206 1,27 TOTAL 34 762 449 100 47 904 106 100 33 300 000 100 47 548 588 100 Soit une variation sur la période : Variation mars / sept 2003 % Détention % Droits de Actionnaires % du nb Nb actions du capital Vote ( en actions (en pts) pts) COFICEM 0 0 1,84 0,43 COGEMA 0 0 0,33 0,07 SAGEM SA -1 095 034-44,20-2,98 0 CDC -1 679 501-69,36-4,74-2,31 Autres 705 880 5,54 3,73 0,54 FCPE 606 206 100 1,82 1,27 TOTAL -1 462 449 16 Titres auto détenus 29

En parallèle au programme, l'assemblée Générale du 23 avril a annulé 1 462 449 actions (soit 4,20% du capital). Le capital social se réduit donc de 34 762 449 à 33 300 000, résultat que l on retrouve bien dans le tableau ci dessus. Il reste alors 167 633 actions sur 1 630 082 susceptible d être annulées avant le 30/11/2003. L'actionnaire majoritaire, COFICEM, la holding du groupe, n'a pas participé à l'opération: ses pourcentages de détention du capital et de droits vote ont été renforcés en augmentant respectivement de 1,84 points et de 0,43 points, pour un nombre de titres constants. Il en est de même pour la COGEMA mais dans une moindre mesure compte tenu de sa position de minoritaire : la variation du taux de détention n est que de 0,33 points correspondant à une hausse de 0,07 points de ses droits de vote. Par contre, la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), minoritaire, a diminué de 69,36% son nombre actions en apportant une partie de ses titres à l'opra. Elle ne détient plus que 2,23% du capital et diminue ainsi son contrôle de 2,31 points dans la société. Des Fonds Communs de Placement d Entreprises (FCPE) sont rentrés dans le capital de SAGEM pendant ces 5 mois en acquérant 606 206 actions, soit 1,82 % du capital. La catégorie «Autres» est plus difficile à analyser. Elle représente essentiellement le public: certains y ont participé d'autres non, mais il est difficile d estimer concrètement de leur participation ou non à l'opra. Globalement, il semblerait que le nombre de petits porteurs ait augmenté par rachat sur le marché d'une partie des titres n entrant pas dans le cadre de l'opra puisque le nombre d actions détenues par cette catégorie s accroît de 5,54%. Par ailleurs, au 23 mars 2003, SAGEM détenait 2 477 297 actions propres. Ces titres autodétenus ne sont grevés d aucun droit de vote. Entre le 4 avril 2003 et le 30 septembre 2003, elle a acquis 336 893 actions 17 dans le cadre de l'opra sur la base d un cours moyen s élevant à 72,64, soit un montant total de 24 471 439,71. Compte tenu des différentes opérations effectuées sur le capital et notamment l annulation des 1 462 449 actions, le nombre de titres détenus par SAGEM s élevait à 1 382 263 au 30 septembre 2003, 17 source : note information issue de la fusion absorption de COFIGEM par SAGEM SA. 30