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Lampe sur pied Surfboard de Gioffredo Reggiani (1960, édition Reggiani). Fauteuil en fils d acier de Warren Platner (1966, Knoll) et fauteuil vintage années 50.
À Milan Chez Nathalie Jean Architecte puis designer et aujourd hui créatrice de bijoux, Nathalie Jean a toujours navigué au gré de ses envies. Son appartement milanais reflète son parcours et ses rencontres dans la ville du design. Texte Chiara Dal Canto / Photos Alessandra Ianniello LIVING INSIDE 241
Elle est amusante, cultivée et canadienne. Nathalie Jean parle l italien, le français et l anglais et passe d une langue à l autre sans aucune difficulté. Souvent, elle s exprime même avec une légère pointe d ironie. Architecte de formation, elle a travaillé dans une agence de Montréal avant d émigrer en Italie. À son arrivée, à la fin des années 80, elle a eu la chance de faire ses premiers pas dans le studio d Ettore Sottsass, l un des lieux bouillonnants de Milan. Elle y travaillait dans la décoration et l agencement de boutiques pour de grandes marques. À cette époque, l aventure Memphis était terminée et l agence savourait le succès de ses créations qui lui avaient attiré l attention internationale, des projets prestigieux et des clients par dizaines. Quarante jeunes collaborateurs venus du monde entier formaient une communauté insolite de designers, tous dirigés par un maître dont le charisme s apparentait à celui d un gourou. «Ce furent des années de partage et de plaisir indescriptible.»nathalie se souvient qu à partir de ce moment, elle a compris qu elle resterait à Milan. Amis et collègues, amis d amis, connaissances, clients Toutes ses relations, milanaises mais pas seulement, se sont nouées là-bas et se sont développées au fil des années pour former des cercles de plus en plus élargis. En 1995, elle s installe à son compte et commence à travailler sur une série de projets d aménagement qui la conduisent aux quatre coins du monde. Mais elle décide ensuite d abandonner l architecture pour se consacrer à la création de bijoux qui l entraîne vers de nouveaux succès. Situé dans le centre de Milan, son appartement saisit toute l authenticité de la ville et reflète ses propres expériences, que ce soit dans les meubles de Sottsass, les souvenirs de ses amis ou les témoignages de sa vie professionnelle. Il n a pas beaucoup changé au cours de ces vingt dernières années. Seules la couleur des murs et Page de gauche Au pied de la bibliothèque, tabourets noirs chinés aux puces de Clignancourt et tabouret vert Platner (Knoll). Tapisserie des années 30. Ci-dessus Dans le séjour, deux fauteuils vintage anonymes encadrent un miroir ancien surmonté d une photo d Ettore Sottsass. Devant le miroir, petite table milanaise des années 50. 243
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l atmosphère des pièces, qui ont connu au fil du temps différentes fonctions, ont subi quelques transformations. L appartement a conservé sa configuration d origine avec ses nombreuses pièces qui bordent un couloir sans fin. «J avais à peine franchi la porte de l appartement que j étais conquise. Après l avoir visité, je n ai pas hésité une seule seconde.» Le déplacement d un des murs de la cuisine témoigne de l existence de deux types de carrelages que Nathalie avait étendus dans la pièce. À une époque, la chambre de sa fille Agate, aujourd hui étudiante en art, faisait office de salle à manger, mais elle a été déplacée car trop éloignée de la cuisine. Portobello, Clignancourt, Milan, Bruxelles Le salon et la salle à manger ont été réunis et seule une bibliothèque les sépare aujourd hui. En revanche, la propriétaire a essayé de préserver autant que possible les éléments d origine, notamment les sols qui alternent parquets et carrelages aux motifs géométriques et aux couleurs saisissantes. «Là d où je viens, les choses anciennes ont moins de 200 ans, c est pourquoi j éprouve un grand respect pour celles qui ont du vécu», confie-t-elle. Il semblerait en effet que Nathalie nourrisse une vive passion pour les objets qui ont un passé. Les brocantes, les ventes aux enchères, les antiquaires, les marchés aux puces sont des lieux que Nathalie a souvent fréquentés pour acheter des meubles, inconnus ou reconnus, datant des années 50, voire d avant, et qui ont souvent atterri à son domicile. Tous les objets qu elle a acquis relatent une histoire, de Portobello Road et Clignancourt aux canaux de Milan et Bruxelles. Le miroir dans l entrée vient probablement d une discothèque, le buffet avec ses panneaux en parchemin d un antiquaire de Crémone ; les deux fauteuils en velours jaune ont été dénichés sur une route de la Brianza. Dans sa chambre, la bibliothèque signée Mathieu Matégot a été troquée Page de gauche 1/ Tête de lit fabriquée avec des tissus balinais. Chaise Panton originale (Herman Miller) et étagère Nuage de Mathieu Matégot. 2/ Nathalie Jean, créatrice de bijoux contemporains, aime «les choses anciennes, qui ont du vécu». 3/ Dans la salle à manger, le lustre en laiton italien des fifties répond aux chandeliers Turner de Xavier Lust (Driade). Chaises et rangement chinés. 4/ Manteau 50 s dégoté dans un flea market de la 42 e rue de New York. Sac des années 40 déniché aux puces, à Paris. En haut Au-dessus de la gazinière, gravure sur papier de Shigeo Fukuda. Au-dessus de la table, neuf photos en couleur de Tatjana Patitz intitulées The Most Beautiful Woman in the World de Charles Ray. 245
Page de gauche L entrée prend des allures de discothèque grâce au mur revêtu de mosaïque miroir et aux deux spectaculaires suspensions vintage en Murano. Ci-contre Suspendus à la patère en métal émaillé noir trouvée aux puces de Saint-Ouen à Paris, deux chemises de nuit italiennes des années 40, deux ceintures vintage des années 30 et 50 et deux colliers signés Nathalie Jean. Le chevet fifties a été déniché dans une foire aux antiquaires à Milan. 247
ID-HOME 3 Ci-dessus Le tableau Ibiza Sunset de Mario Milizia domine la chambre de Nathalie. Une chaise longue Djinn d Olivier Mourgue et une bibliothèque F54 de Renato Forti séparent le couchage du reste de la pièce. Lampe de chevet Tolomeo (Artemide), chaise Superleggera de Giò Ponti (Cassina) et, sur le bureau, à droite, lampe Calla d Aldo Nason. Ci-contre Dans la salle de bains, applique fin XIX e en fer forgé doré à la feuille, mosaïque de verre derrière le lavabo, tabouret revêtu de vinyl argent, porte-serviettes Art déco et meuble fuchsia réalisé sur mesure. contre un de ses colliers en argent et le grand lustre suspendu au-dessus de la table en verre a été reçu en paiement d une commande. Nathalie s est reconvertie dans la conception de bijoux lorsque son désir de faire quelque chose de ses mains a pris le dessus. Selon elle, son travail d architecte l empêchait d être en contact direct avec ses créations. Sa soif de liberté l a donc conduite vers la création de bijoux qui, aujourd hui, occupent une place d honneur dans des musées prestigieux et sur les pages des magazines féminins. Ce sont des pièces uniques produites en séries limitées. Ils sont le fruit de sa curiosité et de sa finesse, de son sens de l observation et de sa capacité à assimiler un large éventail de techniques. Depuis ses premières créations en papier qui utilisaient des modèles géométriques rotatoires jusqu à ceux d aujourd hui qui détonnent grâce à leurs matériaux et leur design, Nathalie s est toujours servie de la science, et surtout des mathématiques, faisant preuve de la même rigueur que pour concevoir les gratte-ciel de ses débuts. Aujourd hui, on peut la trouver à Milan, via Solferino, dans sa petite boutique de 12 m 2, où, derrière la vitrine, elle se sent comme un poisson dans l eau. Entourée des bijoux qu elle a dessinés et façonnés, Nathalie Jean est aujourd hui la plus heureuse des créatrices. 248