Séminaire «services écosystémiques et sécurité alimentaire quelles solutions pour des systèmes de production durables» (11/01/2011 MAEE) Relevé de conclusions & questionnaire en vue de la réunion du mois de mars 2011 Préambule : «Lorsqu un problème nous résiste malgré d énormes efforts de recherche, nous devons mettre en doute ses données premières. L imagination est alors plus importante que la connaissance.» A. Einstein La journée a été riche en contributions variées, exprimant des vues de différentes origines contextuelles et qui révèlent un potentiel encore peu valorisé jusqu ici ; rares ont été les interventions strictement affirmatives ou présentées comme des solutions certaines sur un sujet dont les enjeux relèvent de la complexité entre économie, écologie et impératifs divers des sociétés humaines. Reste à organiser et faire fructifier le dialogue des «tribus» en présence. I. Relevé de conclusions / principaux points abordés 1. Eléments de contexte Une période charnière Le moment est propice pour faire des contributions constructives et utiles dans le cadre des réflexions en vue de Rio+20 sur l un des sujets centraux de ce rendez-vous à savoir la croissance verte. Les entrées possibles sont vastes mais reposent toutes, avec une actualité nouvelle, la question des impacts réciproques et à long terme entre les questions d environnement et de développement, et de leur lien direct avec le changement climatique, d une part, et la sécurité alimentaire, d autre part. pour démarrer une réflexion sur le long terme La sécurité alimentaire a été appréhendée selon 4 axes (disponibilité/production agricole, nutrition et qualité, accessibilité, stabilité et gestion des crises), qui devraient permettre une gestion sur le court et le moyen terme. Il reste encore aujourd hui à engager une réflexion sur le plus long terme et sur la prise en compte de l environnement. La question des liens entre services écosystémiques et sécurité alimentaire n est pour l instant pas assez reprise dans les enceintes qui traitent de sécurité alimentaire. Dans ce cadre, une réflexion est nécessaire sur la manière dont ces problématiques pourraient être mieux priorisées dans ces agendas afin de plaider en faveur d une meilleure intégration des services écosystémiques (comité sécurité alimentaire et élaboration d un cadre mondial GISA notamment) Les implications de ce long pas de temps qui régit le lien entre gestion des écosystèmes et sécurité alimentaire sont notamment (i) le caractère primordial de l appropriation des modalités de gestion par les acteurs locaux et de leur transmission ; (ii) la nécessité de s interroger sur l adaptation de nos moyens d actions (quels dispositifs? quels moyens financiers?), (iii) la difficulté d anticiper les externalités (cf. changement climatique). On notera que les discussions ont davantage porté sur les questions de production agricole, ne constituent pas l unique condition de l accession à la sécurité alimentaire (les questions d accès à l alimentation et de stabilité n ont par exemple pas été abordées).
Vers une intensification écologique Le rappel a été fait d une opposition historique entre environnement et agriculture. Les besoins alimentaires vont considérablement augmenter dans les prochaines décennies. Enjeu : produire mieux, plus, et autre chose, mais en tenant compte du fonctionnement et de la viabilité à long terme des écosystèmes. Diverses options sont en présence : - augmenter la productivité au détriment de la biodiversité ordinaire - augmenter les surfaces au détriment de la biodiversité sauvage - redéfinir les bases et la coexistence d une agriculture locale d une part et mondiale d autre part Une hypothèse de départ est que le coût économique, social et environnemental de la ségrégation (espaces hyperproductifs compensés par la mise en place de «sanctuaires») est élevé : «l apartheid est non durable», et la mise en place de «sanctuaires» est nécessaire mais insuffisante : il faut aller plus loin. Une solution résiderait donc dans l intensification écologique des systèmes de production, c'est-à-dire une optimisation des processus écologiques pour produire davantage tout en favorisant la prise en compte de l environnement et de la biodiversité. 2. Voies à explorer pistes de réflexion Le principal défi consiste donc à élaborer les cadres conceptuels et les outils techniques nécessaires pour élargir l espace du compromis entre les services d approvisionnement (et donc de production alimentaire) et les autres services rendus par les écosystèmes (services de support, de régulation, d aménités). Il s agit de faire en sorte que le choix d optimiser les services de productions ne se réalise pas au dépend des autres services, de limiter les «trade-offs». De nombreux efforts conceptuels et techniques existent, mais les manques restent considérables. Quelques pistes de réflexion : Evaluer les «trade-offs» (les concessions mutuelles entre agriculture et environnement) : l évaluation des performances de l agriculture est indispensable pour redonner à l agriculture son caractère multifonctionnel et la placer en fournisseur de service. Une approche par les écosystèmes pose la question centrale de la «gouvernance» des ressources naturelles (enjeu d élaboration de politiques publiques, enjeu de l articulation des règles locales de gestion des ressources naturelles et des règlementations nationales, enjeu d une gestion transfrontalière, etc). Développer des outils d ingénierie (technique, financière, pédagogique) pour des systèmes agricoles multifonctionnels afin d ouvrir l espace des compromis entre production agricole et environnement. Les éléments qui semblent à ce stade incontournables sont la pluri-spécificité, l adaptation aux conditions locales (il n existe pas de solution technique unique), sur le long terme, la priorité à la vie des sols (matière organique, structure, activité biologique, flux hydriques et minéraux).
L agro écologie s inscrit souvent en opposition aux pratiques conventionnelles, mais le terme a des contours mal définis (polisémie : science, politique, technique). S il est manifeste qu elle peut constituer une solution locale dans diverses situations, il reste à définir de quelle manière les pratiques qu elle recouvre pourraient répondre aux enjeux globaux de sécurité alimentaire et de protection de la biodiversité. Les enjeux (interface développement/environnement) propres aux zones sèches ont été mis en avant, eu égard au thème de la journée : o activités dominées par l agriculture et l élevage o une biodiversité endémique et générale importante et souvent négligée o des facteurs de vulnérabilité environnementale (variabilité climatique, ressources en eau limitées, dégradation des sols, etc) o une population vulnérable avoisinant 1/5 de l humanité La création de marchés peut être un instrument utile pour la gestion de l environnement ce qui nécessite une intervention publique. Les payements pour services écosystémiques (PSE) couvrent de nombreuses acceptions et peuvent constituer un type d outil. Il ne saurait toutefois constituer une réponse unique à un problème complexe et les politiques de PSE doivent être recontextualisées : ils sont particulièrement fonctionnels là où le coût d opportunité est faible et les activités rentables pas toujours dynamiques. Il convient par ailleurs de veiller aux effets pervers potentiels (création de rentes). La nécessaire articulation entre le local et le régional o importance de l inscription dans un contexte local : besoin des acteurs locaux ; question du foncier agricole sur laquelle il faut compter et qui va complexifier la gestion ; adaptation aux conditions locales indispensable o difficulté de passer du local au national voire au régional (bassin versant) mais gain de temps o niveau national, échelle intéressante pour produire des compromis : étude comparative sur les performances écologiques des politiques agricoles pourrait être une piste d étude (France-Brésil) o bassin versant (régional) unité territoriale qui fait sens d un point de vue environnemental (aspect transfrontalier d un certain nombre d écosystèmes) Réfléchir aux modes de consommation pour traiter ces enjeux du point de vue des pays en développement et des pays industrialisés. La consommation augmentera de façon disproportionnée dans les zones où les ressources naturelles et les capacités de production sont les plus faibles, qui correspondent en grande partie aux zones sèches. Outre la pression démographique, les habitudes alimentaires jouent un rôle primordial dans la pression exercée par les écosystèmes, et la généralisation du modèle occidental à plus de 3000kcal par jour ne saurait être viable. La question de la meilleure prise en compte des problématiques environnementales dans la production agricole est donc bien un problème global.
3. Conclusions Un besoin important de clarification et d outils d aide à la décision à l interface entre les questions sur l environnement et celles sur la production alimentaire. Les seules propositions techniques sont trop limitées pour faire face aux enjeux actuels. L agriculture est bien une question centrale en termes de gestion des ressources naturelles, d impact sur l environnement et de lutte contre la pauvreté. Son caractère multifonctionnel est largement à documenter et à explorer. Conserver une thématique suffisamment large (e.g. : agroécologie) paraît important à cet égard. Au-delà de la définition de boîtes à outils techniques ou d aide à la décision pour une transition vers des systèmes de production plus durables, une réflexion est nécessaire sur les mécanismes de coopération avec les pays en développement dans ce cadre (aide publique au développement, financements innovants, etc) et sur les contraintes autres que purement techniques relatives à une telle transition, notamment dans les PED (enjeux sociaux, politiques, économiques, etc). Compte tenu de leurs enjeux, une hypothèse de focalisation de la thématique du groupe sur les zones arides et semi-arides a été explorée, en lien avec la mise en œuvre d un accord multilatéral sur l environnement issu de RIO 1992 à savoir la Convention sur la Lutte contre la Désertification. Notamment sur l Afrique tropicale sèche et/ou sur la Méditerranée, ainsi que sur les thématiques croisant l eau, la production agricole, et la gestion éco-systémique des bassins versants. Un grand nombre d initiatives existe : il est nécessaire de dresser la liste de celles qui sont convergentes aux différents niveaux (société civile pays agences des nations unies institution de recherche) pour apporter une contribution utile mais avoir des alliés et ne pas dupliquer. La nécessaire prise en compte du corollaire des politiques agricoles et énergétiques de pays développés, notamment en lien avec les modes de consommation.
Questionnaire étude sur les contours d une contribution aux réflexions sur l économie verte 1. Quelles sont selon vous les priorités de recherches pour une meilleure intégration des problématiques environnementales dans la production alimentaire? 2. Quelle serait l approche à privilégier pour l élaboration d une contribution utile (un sujet/une région/un écosystème/autre)? 3. Parmi les sujets/approches qui sont ressorties des discussions du 11 janvier dernier, quels seraient selon vous ceux qu il conviendrait de privilégier? 4. Quelle forme pourrait prendre un plaidoyer pour une meilleure intégration de l environnement dans les questions de sécurité alimentaire (livre vert/blanc ; recueil ; livre politique ; boîte à outils ; autre )? 5. Dans quelles enceintes/fora/événements promouvoir les travaux du groupe pourraient-ils être promus et avec quelles initiatives devraient-ils être articulés?