TABLE DES MATIERES. I.2. La mutualisation des empreintes digitales : clef de voûte du système Dublin



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Transcription:

Préface Lorsque les pays de l Union européenne commencent à appliquer, en 1995, le principe d un seul Etat responsable de l examen d une demande d asile, il s agit pour eux de mettre fin à la possibilité pour les personnes en demande de protection de déposer des demandes d asile multiples dans les autres Etats. La mise en œuvre de ce principe devait s accompagner d un processus d harmonisation des politiques de l asile dans lesquelles notamment les procédures qui encadrent l examen d une demande devaient aboutir à un traitement quasi équivalent dans tous les Etats membres; tout en présentant un niveau de garanties conforme aux instruments internationaux relatifs à la protection des personnes, au premier rang desquels la Convention de Genève sur les réfugiés. L échec de ce processus d harmonisation vient évidemment questionner la légitimité du principe d un seul Etat responsable de l examen d une demande d asile. Mais l implantation progressive au sein de l Union européenne d une base de données communautaire qui mutualise les empreintes digitales des personnes ayant transité ou séjourné dans un autre Etat membre a donné au système Dublin une nouvelle envergure. Les effets s en sont rapidement ressentis en France où les situations de personnes placées sous procédure de détermination d un Etat membre se sont multipliées, ainsi que les transferts effectifs. Face à cette accélération, la nécessité de s assurer du respect des droits et en premier lieu du droit de solliciter l asile des personnes concernées est devenue primordiale pour éviter toute dérive vers une politique du chiffre. Dès sa publication au mois de février 2003, Forum réfugiés a donc suivi pas à pas la mise en œuvre et l application du règlement Dublin au plan régional puis national. L accompagnement juridique de nombreuses personnes soumises à cette procédure a permis d appréhender de façon concrète les évolutions en la matière. Pour déterminer ou rappeler les principes et les garanties nécessaires au respect du droit d asile des personnes concernées, et appuyé en cela par la Commission du droit des étrangers du Barreau de Lyon, de nombreux contentieux ont jalonné l instauration d une pratique administrative du règlement Dublin II. Ce livret met donc à disposition toutes les connaissances acquises sur les mécanismes instaurés par le règlement Dublin. Il fait la synthèse de notre expérience pratique sur ce point, essayant de rendre accessible et exploitable ce système qui restera malgré tout marqué par sa complexité. 1

TABLE DES MATIERES Partie I : Comprendre les principes généraux du règlement Dublin I.1. De Dublin I à Dublin II I.2. La mutualisation des empreintes digitales : clef de voûte du système Dublin I.3. Le règlement Dublin : Principes, critères et mécanismes I.3.1. Demandeurs d asile, famille, mineur les définitions du règlement 1.3.2. La détermination de l Etat responsable 1.3.2.a. Les deux mécanismes de détermination de l Etat responsable : La prise en charge et la reprise en charge I.3.2.b. Les critères de détermination de l Etat responsable I.3.2.c. Des délais de procédure différents suivant le mécanisme I.3.2.d. Les modalités de transfert du demandeur d asile Partie II : Evaluer pratiquement la situation du demandeur d asile placé sous procédure Dublin II.1. Retracer le parcours du demandeur d asile pour déterminer le mécanisme applicable II.1.1 Avoir une première approche des raisons de la mise sous procédure Dublin II.1.2 Déduire de ces informations la procédure appliquée II.1.2 Vérifier s il n y a pas eu de retour dans le pays d origine entre le séjour dans l Etat requérant et le séjour dans l Etat requis II.2 Vérifier les délais encadrant la procédure de détermination de l Etat responsable II.2.1 Prendre connaissance des étapes de la demande d admission au séjour au titre de l asile II.2.2 Vérifier les étapes de la procédure de demande d asile en France II.2.3 Vérifier les étapes de la mise sous procédure Dublin 2

II.3 Déterminer la situation familiale et/ou humanitaire du demandeur d asile II.3.1 Recueillir les informations sur la famille II.3.2 Recueillir les informations sur les aspects humanitaires II.4 Faire le point sur les démarches de protection déjà entreprises dans l Etat de reprise en charge II.4.1 Déterminer quelles sont les démarches de protection qui ont été entreprises dans l Etat requis et leur degré d avancement II.4.2 S informer sur les pratiques de l Etat membre responsable II.5 S assurer du respect du droit à l information du demandeur d asile II.5.1 Vérifier les modalités de transmission de l information II.5.2 Vérifier le contenu de l information Partie III : Dublin : La jurisprudence Annexes 3

Partie I : Comprendre les principes généraux du règlement Dublin Dans le cadre de la construction d un espace européen commun appliqué à la question de l asile, les Etats ont souhaité mettre fin aux situations d asylum shopping et des demandeurs d asile sur orbite. L asylum shopping concerne les personnes qui, ayant été déboutées de leur demande de protection dans un Etat membre de l espace européen, déposent une ou plusieurs autres demandes dans un autre Etat de l Union. A l inverse les demandeurs d asile sur orbite sont des personnes pour lesquelles aucun Etat de l espace européen ne s estime compétent pour traiter leur demande de protection. La convention de Schengen 1, puis la convention de Dublin (dite Dublin I) 2, ont été adoptées pour remédier à ces deux situations. Le principe de base est de ne plus laisser les demandeurs d asile libres du choix de l Etat dans lequel ils déposent leur demande d asile. C est ainsi qu un ensemble de règles précises a été élaboré d abord dans un cadre intergouvernemental puis dans le cadre communautaire 3 afin de permettre en toutes situations la détermination de l Etat membre responsable d une demande d asile introduite sur le territoire de l Union Européenne (UE). I.1. De Dublin I à Dublin II La convention Dublin a mis en place une procédure de répartition des demandes d asile au sein de l espace communautaire basée sur le lien entre le demandeur d asile et un Etat de l Union européenne. Afin de couvrir toutes les situations possibles, la responsabilité d un Etat a été établie sur l existence de liens familiaux, administratifs (autorisation d entrée et de séjour) ou matériels (preuves et indices d entrée et de passage) reliant le demandeur d asile avec un Etat particulier. Le lien de fait (Etat dans lequel la demande d asile est déposée) constituait le dernier critère lorsque aucun des autres critères n avaient pu se révéler efficace. Un certain nombre de délais, non contraignants, encadraient la procédure engagée en vue du transfert du demandeur d asile vers l Etat responsable. Pour autant, la convention de Dublin n a pas apporté les résultats escomptés en matière de clarification de la responsabilité des Etats. Son application et son interprétation n ont pu échapper aux inconvénients tenant à sa nature de traité international amplement soumis aux aléas des relations interétatiques. Le bilan de sa mise en œuvre fut en demi teinte pour les 1 Convention d application de l Accord Schengen, signée le 19 juin 1990 et entrée le 26 mars 1995. 2 Convention de Dublin signée le 15 juin 1990 et entrée en vigueur le 1 er septembre 1997 3 Règlement du 18 février 2003, entré en vigueur le 17 mars 2003 4

Etats. 4. Parmi les lacunes de la Convention Dublin figurait notamment le respect de l unité de famille du demandeur d asile soumis à cette procédure et la longueur excessive des procédures engagées. Une application stricte des règles posées par la convention de Dublin conduisait à la séparation des membres d une même famille. De même, l absence de délais limités pour mettre en œuvre la totalité de la procédure de détermination d un Etat responsable plaçait de fait les personnes dans des situations intermédiaires et interminables. Enfin et surtout, la détermination de la responsabilité des Etats se heurtait au manque de preuves du passage ou du séjour des demandeurs d asile dans un autre Etat. Ce bilan a conduit la Commission européenne à réexaminer les critères de détermination. Sur la base d un travail d évaluation, elle initia donc la rédaction d un nouveau texte reprenant, en les améliorant, les principes de base et les mécanismes de détermination établis par la Convention. Le règlement Dublin (dit Dublin II) s est inscrit tout au long de son élaboration et lors de son adoption en 2003 dans un processus politique en cours au plan communautaire : celui de l harmonisation européenne du traitement des demandes d asile tant au niveau des conditions d accueil, que des procédures d asile et de la définition du contenu de chacune des protections possibles. Il sera parmi les premiers textes d harmonisation de l asile a être adopté. Cette rapidité dans le processus d adoption s explique par la moindre difficulté des Etats à s accorder sur des mécanismes techniques de régulation des flux plutôt que sur des définitions communes de protection des réfugiés. Enfin, la nature même du texte démontre à l évidence le choix de l efficacité sur cette question. Il s agit en effet d un règlement communautaire qui est directement applicable dans chacun des Etats membres sans avoir à le transposer dans la législation nationale. Le contenu du règlement a donc eu pour objectif de combler les lacunes du précédent système. Il a instauré des règles précises qui prennent en compte, dans une certaine mesure, les exigences du respect de l unité familiale ou des situations humanitaires. De même, toute la procédure est encadrée dans le temps par des délais dont le non respect obligera automatiquement un des deux Etat concernés à traiter la demande d asile. 4 Entre 1998 et 1999, sur la totalité des demandes d asile introduites sur le territoire de l Union européenne seules 6% ont fait l objet d une demande de transfert vers un autre Etat responsable. Sur ces 6%, seules 1,7% avaient réellement abouti à une reprise en charge effective par un autre Etat - in Commission Staff Working Paper, Evaluation of the Dublin Convention, 12-06-01, SEC(2001)256 5

I.2. La mutualisation des empreintes digitales : clef de voûte du système Dublin Le règlement européen du 11 décembre 2000 prévoit l enregistrement dans un fichier central des empreintes digitales de trois catégories d étrangers : les demandeurs d asile, les personnes ayant franchi irrégulièrement une frontière extérieure de l UE et celles séjournant irrégulièrement sur le territoire de l UE. Cet outil informatique facilite considérablement la preuve du passage et/ou du séjour des demandeurs d asile dans un autre Etat membre de l Union. Il est entré en vigueur le 15 janvier 2003. De façon pratique, ce système est matérialisé par l implantation dans les services de certaines Préfecture d une borne informatique 5 permettant la prise d empreintes. Ces dernières sont immédiatement transmises à l unité centrale du fichier européen localisé au Luxembourg et géré par la Commission européenne. Le résultat de la comparaison est transmis en retour dans les minutes qui suivent. La réponse est donc immédiate et bien plus rapide que la prise d empreinte faite à l encre et transmise par fiches au ministère de l intérieur aux fins de comparaison avec le fichier central européen. I.3. Contenu du règlement Dublin : Principes, critères et mécanismes Le règlement Dublin a été adopté le 18 février 2003. Il est entré en vigueur le 17 mars 2003. Il ne s applique qu aux demandes d asile introduites à partir du 1 er septembre 2003. Le 2 septembre 2003, la Commission européenne a publié un règlement d application qui vient préciser certains aspects pratiques du règlement Dublin. Le règlement Dublin s applique aux 25 Etats membres de l Union européenne, à l exception du Danemark où Dublin I continue de s appliquer dans l attente de la conclusion d un accord avec l Union européenne. De plus, la Norvège et l Islande sont concernés par Dublin II. En 2008, la Suisse devrait aussi intégrer le système Dublin. 5 A notre connaissance, quinze Préfectures sont dotées de cette borne. Pour des précisions sur l utilisation pratique du matériel EURODAC se référer à la circulaire du Ministre de l intérieur aux préfectures en date du 31 décembre 2002 NOR/INT/D/02/00219/C 6

I.3.1. Demandeurs d asile, famille, mineur les définitions du règlement Le règlement établit avec précision un certain nombre de termes essentiels aux mécanismes du règlement 6 : La demande d asile : Elle est définie comme «toute demande pouvant être comprise comme une demande de protection internationale en vertu de la convention de Genève». Tel n est pas le cas si l étranger sollicite expressément une autre forme de protection qui peut faire l objet d une demande séparée. La demande d asile est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur d asile ou un procès verbal dressé par les autorités est parvenu à l organisme compétent (article 4 2). En France, la personne qui dépose une demande d asile n a pas le choix de la qualification de cette demande (statut de réfugié ou protection subsidiaire). Une seule demande est donc déposée par le demandeur. De ce fait, le mécanisme de détermination de l Etat responsable s applique à toute demande d asile quand bien même celle-ci relèverait explicitement de la protection subsidiaire 7. Par ailleurs, la jurisprudence a considéré que le fait de s être présenté en Préfecture pour déposer une demande d asile et avoir été mis en possession d une convocation suffit à établir qu une demande d asile a été introduite (voir partie III). Demandeur d asile : Il s agit de toute personne ayant présenté une demande sur laquelle il n a pas été statué définitivement. Mineur non accompagné : Il s agit d une personne de moins de 18 ans non mariée dont aucun adulte n est responsable ni à l entrée, ni pendant le séjour sur le territoire. 6 Sauf exception ces définitions sont mentionnées à l article 2 du règlement Dublin II. 7 Pour une décision contraire, voir TA Lyon, 8 avril 2004, n 0402579, A. 7

Les membres de la famille : Dans toutes les situations, le lien familial devait déjà exister dans le pays d origine -- article 2 Sont considérés comme membres de la famille : Le conjoint ou partenaire non marié engagé dans une relation stable Les enfants mineurs du couple : Ils doivent être à la charge de leurs parents quel que soit le mode de filiation et ne doivent pas être mariés. Il n est pas nécessaire qu ils soient nés sur le territoire d accueil et qu ils aient ou non déposé une demande d asile article 4-3. Le père, la mère, ou le tuteur lorsque le réfugié ou le demandeur d asile est mineur et non marié. Etat requis et Etat requérant : Au sens du règlement, l Etat qui enclenche la procédure de détermination Dublin est appelé «Etat requérant» et celui qui est présumé être responsable est nommé «Etat requis». Titres de séjour : Par titre de séjour il faut entendre tout document autorisant le maintien sur le territoire à l exception : - des autorisations de séjour délivrées pendant la période nécessaire à la détermination de l Etat responsable. - des autorisations de séjour délivrées pendant l examen de la demande d asile ou d une demande d une autre autorisation de séjour. 8

1.3.2. La détermination de l Etat responsable Dublin II envisage deux catégories de situations régies chacune par un mécanisme propre. La différence entre les deux réside dans le dépôt ou non d une première demande d asile avant l arrivée sur le territoire d un deuxième Etat membre. C est la trace du passage du demandeur d asile dans un premier Etat membre de l UE qui déclenche la procédure de détermination de l Etat responsable. Ces deux mécanismes, s ils conduisent tous deux au transfert du demandeur d asile d un Etat vers un autre, se différencient par les délais qu ils imposent dans la conduite de la procédure. 1.3.2.a. Les deux mécanismes de détermination de l Etat responsable : La prise en charge et la reprise en charge - Le mécanisme de prise en charge Il s applique aux demandeurs d asile qui ont transité ou séjourné dans un Etat membre de l Union Européenne sans déposer de demande d asile et qui rejoignent un autre Etat. - Le mécanisme de reprise en charge Il concerne les demandeurs d asile ayant déposé une première demande dans un Etat membre puis une nouvelle demande dans un autre Etat. La première demande d asile peut être en cours de traitement, les personnes peuvent déjà en avoir été déboutées, s en être désistées ou l avoir abandonnée. Le règlement prévoit en son article 3-2 qu un Etat peut toujours examiner une demande d asile quand bien même il n en serait pas responsable au sens du règlement 8. 8 En France, cette réserve de souveraineté est aussi prévue à l article L741-1 alinéa 2 du Code de l entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile : «Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l Etat d accorder l asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l un des cas mentionnés aux 1 à 4» 9

I.3.2.b. Les critères de détermination de l Etat responsable La responsabilité d un Etat est établie est fonction de l intensité du lien entre le demandeur d asile et un Etat. Au total, ce sont onze critères qui sont répartis en quatre grandes catégories de liens (familiaux, administratifs, matériels et de fait). En plus de ces catégories, le règlement prévoit une série de situations humanitaires à prendre en compte. Chaque critère de détermination de l Etat responsable n a vocation à s appliquer que si le critère qui le précède dans le règlement est inopérant dans la situation en question. C est le principe de l application hiérarchique des critères du règlement (article 5). L ultime critère retenu en cas d échec des précédents est celui du lieu de dépôt de la demande d asile (article 13). Dans tous les cas, c est la situation qui existait au jour où le demandeur d asile a présenté pour la première fois sa demande auprès d un Etat membre qui doit être prise en compte (article 5-2). Dans un souci de clarté et pour en faciliter l utilisation, les critères ont été reproduits sous la forme de tableaux. Ces tableaux présentent les critères relatifs à la situation personnelle et familiale du demandeur d asile (tableau n 1 : liens familiaux), à ses modalités d entrée et de séjour sur le territoire d un Etat (tableau n 2 : l ien administratif, matériel et de fait) et les situations humanitaires envisagées. La première colonne reprend les critères prévus par le règlement, la deuxième colonne renvoie aux articles concernés, la troisième indique quel est l Etat responsable, enfin la dernière colonne précise quelques modalités. 10

TABLEAU 1 LES LIENS FAMILIAUX DE LA PERSONNE Critères Article Etat responsable Remarques Mineur non accompagné 6 Etat dans lequel se trouve légalement un membre de la famille de ce mineur Etat dans lequel ce mineur dépose sa demande d asile s il n a pas de famille dans un autre Etat de l Union européenne 15 3 9 Etat dans lequel se trouve un membre de la famille de ce mineur autre que ses parents ou son tuteur légal 10 Ce rapprochement familial doit être dans l intérêt du mineur. Ce rapprochement familial doit être dans l intérêt du mineur Le dépassement des délais de prise en charge dans le cadre des recherches nécessaires ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure de détermination. Liens familiaux avec un/des réfugié(s) 7 Etat dans lequel sont présents le/les membres de famille réfugiés Le consentement des intéressés pour ce rapprochement doit être recueilli par écrit11. Liens familiaux avec un/des demandeur(s) d asile 8 Etat dans lequel le/les membres de famille sont en cours de demande d asile La demande d asile ne doit pas déjà avoir fait l objet d une décision sur le fond. Le consentement des intéressés doit être recueilli par écrit 12. Respect de l unité de famille en cas de dépôts simultanés ou successifs de demandes d asile 14 Etat responsable du plus grand nombre de demandes d asile, à défaut Etat responsable du plus âgé des demandeurs Ce critère doit permettre de régler les situations où l application stricte des critères de détermination conduirait à séparer les membres d une même famille. Les dépôts doivent être suffisamment rapprochés dans le temps pour que cet article s applique. Motifs familiaux et/ou culturels 15 13 L Etat peut décider d être responsable indépendamment des critères établis Le consentement des personnes doit être recueillis par écrit 14. 9 L article 15 du règlement Dublin II n est pas contraignant pour les Etats. Il ne constitue qu une possibilité qui leur est offerte. 10 Article 12 du règlement d application de la Commission européenne. 11 Article 17 du règlement Dublin II 12 Idem. 13 L article 15 du règlement Dublin II n est pas contraignant pour les Etats. Il ne constitue qu une possibilité qui leur est offerte. 14 Article 17 du règlement Dublin II

TABLEAU 2 LES LIENS ADMINISATRATIF ET MATERIELS : L ENTREE ET LE SEJOUR DE LA PERSONNE Critères Article Etat responsable Remarques Titre de séjour / visa en cours de validité 9 Etat de délivrance du document S il y a plusieurs titres de séjour ou visas, sera responsable l Etat qui a délivré le document dont la validité est la plus longue ou l échéance la plus lointaine. L Etat reste responsable même si le document qu il a délivré l a été sur la base d une identité falsifiée. Si le document est obtenu par fraude, l Etat auquel se rattache le document n est pas responsable si la fraude est postérieure à la délivrance du document. Titre de séjour périmé depuis moins de deux ans Visa périmé depuis moins de six mois 9 Etat de délivrance du document La personne ne doit pas avoir quitté le territoire des Etats membres depuis la délivrance du titre de séjour concerné. Le visa doit avoir permis l entrée effective sur le territoire d un Etat Membre. Titre de séjour périmé depuis plus de deux ans Visa périmé depuis plus de six mois Entrée irrégulière et/ou séjour irrégulier d au moins cinq mois 10-1 9 Etat dans lequel la demande est introduite Etat sur le territoire duquel l entrée s est faite, ou sur lequel a séjourné le demandeur La personne ne doit pas avoir quitté le territoire des Etats membres depuis la délivrance du titre de séjour concerné. Le visa doit avoir permis l entrée effective sur le territoire d un Etat Membre. La responsabilité de l Etat concerné s éteint 12 mois après le franchissement de la frontière. La réalité de l entrée doit être étayée par des preuves ou indices 15. Retour dans le pays d origine entre le séjour dans l Etat membre requis et celui dans l Etat requérant 16 3 Etat sur le territoire duquel la dernière demande d asile est déposée La responsabilité de l Etat concerné n est retenue que si : - le demandeur d asile a quitté volontairement le territoire des Etats membres pendant une durée d au moins 3 mois - il ne possède pas de titre de séjour valide dans cet Etat membre concerné ou sans conditions de délais si: - l Etat requis a pris et effectivement mis en œuvre, suite au rejet ou au retrait de la demande d asile, les dispositions nécessaires pour que le demandeur d asile se rende dans son pays d origine. 15 La liste de ces preuves et indices est établie dans les Annexes du règlement d application de la Commission.

TABLEAU 3 CAS PARTICULIERS DES SITUATIONS DE DEPENDANCE Attention : les situations contenues dans ce tableau ne sont que des possibilités de dérogation au règlement laissées à la discrétion des Etats Critères Article Etat responsable Remarques La situation de dépendance peut concerner soit le demandeur d asile lui-même, soit l un des membres de la famille du demandeur d asile 16. Grossesse / enfant nouveau né Les liens familiaux devaient exister dans le pays d origine (donc a priori tout membre de la famille). Maladie grave Handicap grave Vieillesse 15 2 Les Etats laissent normalement les membres concernés de la famille ensemble ou effectuent les démarches nécessaires pour les rapprocher La nécessité et l opportunité du rapprochement s apprécient au regard : - de la situation familiale dans le pays - des causes de la séparation - de l état des différentes procédures en cours (en matière d asile ou de droit des étrangers) - de la capacité du demandeur d asile ou du membre de la famille à apporter effectivement l assistance nécessaire Le choix de l Etat et la date du transfert sont fonctions de la capacité de la personne dépendante à se déplacer. La preuve s effectue par tous moyens. 16 Articles 11 1, 2 et 3 du règlement d application de la Commission européenne.

I.3.2.d. Des délais de procédure différents suivant le mécanisme Lorsqu à la suite de l introduction d une demande d asile, un Etat membre présume que le traitement de cette demande pourrait relever de la responsabilité d un autre Etat, des délais viennent se mettre en place pour encadrer leur relation. Trois catégories de délais sont prévues : - Le délai de saisine de l Etat requis par l Etat requérant - Le délai de réponse de l Etat requis - Le délai de transfert du demandeur d asile Ces délais varient selon que le demandeur d asile relève d un des deux mécanismes prévus par le règlement Dublin : la prise en charge ou la reprise en charge. Ces délais étant contraignants, si l Etat auquel ils s imposent ne les respecte pas, il devient automatiquement responsable du traitement de la demande d asile. - Le délai de saisine de l Etat requis par l Etat requérant. Saisine de l Etat responsable Prise en charge art.17-1 art.17-1 al.2 La requête doit être envoyée au plus tard dans les trois mois qui suivent l introduction de la demande d asile A défaut de respecter ce délai, l Etat sur le territoire duquel la demande d asile a été déposée est responsable de son examen. Reprise en charge art. 20 Cet article ne faisant mention d aucun délai, l Etat n est donc contraint par aucun délai pour envoyer sa requête de reprise en charge.

- Le délai de réponse de l Etat requis. Réponse positive ou absence de réponse de l Etat requis Prise en charge a. 18-1 L Etat requis doit répondre dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête ou, en cas d urgence déclarée par l Etat requérant, dans un délai pouvant varier d une semaine à un mois, 17 Le défaut de réponse dans ce délai vaut acceptation. L Etat requis doit répondre dans un délai de deux semaines si la requête est fondée sur des données obtenues via EURODAC. Reprise en charge a. 20-1-b Si les données proviennent d autres sources, l Etat requis dispose d un mois pour répondre. Dans les deux cas, le défaut de réponse dans les délais équivaut à une acceptation.. Réponse négative de l Etat requis Le refus de l Etat requis doit être précisément motivé. Prise en charge et reprise en charge a.18-5 a. 5 18 L Etat requérant peut solliciter un réexamen de la situation dans les trois semaines suivant la réception de la réponse négative. L Etat requis doit alors se prononcer sur cette demande de réexamen dans un délai de 2 semaines. Dans cette procédure de réexamen, les délais de réponses (deux mois, un mois ou une semaine) ne recommencent pas à courir. 17 Article 17-2 alinéa 1 - l urgence peut être déclarée lorsque la demande d asile introduite fait suite à un refus de séjour, à un séjour irrégulier, à la prise d une mesure d éloignement ou à une mise en détention 18 Article 5 du règlement d application de la Commission européenne

- Le délai de transfert de la personne de l Etat requérant à l Etat requis. Le délai de transfert court à compter de la réponse explicite ou implicite de l Etat requis. Prise en charge et reprise en charge a.19-4 Le délai de principe est de 6 mois. Si le demandeur d asile est en prison, ce délai est porté à 12 mois. Si le demandeur a pris la fuite ce délai est porté à 18 mois. En cas d absence de transfert dans ces délais, l Etat requérant devient responsable du traitement de la demande d asile.. I.3.2.d. Les modalités de transfert du demandeur d asile Le règlement Dublin et son règlement d application 19 précisent les modalités de transfert du demandeur d asile qui s imposent à l Etat requérant qu il s agisse de la prise ou de la reprise en charge. Dès la décision implicite ou explicite de prise en charge ou de reprise en charge le demandeur d asile se voit notifier la décision de ne pas voir sa demande d asile examinée par l Etat sur le territoire duquel il se trouve, ainsi que l obligation d être transféré vers l Etat responsable (a.19 1 et 2 20 ). Cette décision, en plus d être motivée, doit indiquer les délais dans lesquels le transfert doit s effectuer. Le transfert peut être volontaire ou contraint : - si le transfert est volontaire, une date limite de transfert doit être fixée au demandeur d asile. - si le transfert est contraint, deux modalités d exécution coexistent : o le «départ contrôlé» qui consiste en un accompagnement du demandeur d asile par un agent de l Etat jusqu à l embarquement o le transfert «sous escorte» caractérisé par l accompagnement du demandeur d asile par un agent de l Etat jusqu à la remise effective aux autorités. 19 Article 7 du règlement d application de la Commission européenne 20 Règlement Dublin II

Dans tous les cas, l Etat requérant a l obligation de restituer au demandeur d asile tous ses documents. A défaut, il doit les confier aux membres de l escorte, ou en tout état de cause, les transmettre par d autres voies appropriées aux autorités de l Etat requis.. Les recours contre la décision de transfert La décision de transfert est susceptible d un recours qui ne suspend pas l exécution du transfert. Le règlement prévoit néanmoins que ce recours peut être suspensif de l exécution du transfert lorsque les tribunaux le décident au cas par cas et dans le cadre de la législation nationale (article 19-2). En droit français, deux mécanismes permettent de donner cet effet suspensif à ce recours. Ce sont les référés suspension et les référés liberté. 21 21 Ces deux référés sont prévus aux articles L521-1 et L521-2 du Code de Justice Administrative. Le référé suspension permet de demander au juge de suspendre l exécution d une décision administrative dès lors que l urgence de la situation le justifie et qu il est démontré que la décision administrative en cause fait l objet d un doute sérieux quant à sa légalité. Ce référé doit obligatoirement être accompagné d un recours en annulation contre la décision. Le référé liberté permet au juge d ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d une liberté fondamentale à laquelle l administration a porté une atteinte grave et manifestement illégale, dès lors que l urgence de la situation le justifie. Pour plus de détails se reporter, par exemple, à la Note pratique GISTI - CICADE «Se servir du référé - liberté et du référé suspension», déc. 2002.

LA PRISE EN CHARGE - PROCEDURE NORMALE Schéma récapitulatif Le requérant a introduit une demande d asile dans un Etat qui n est pas responsable de son traitement par application des critères détaillés au chapitre III du règlement Dublin II (respect de l unité de famille, détention d un titre de séjour ou d un visa en cours de validité ou non, délivré par un Etat membre ; preuve ou indice du passage ou séjour, régulier ou irrégulier, dans un Etat membre etc.)- (article 16-1-a). Dépôt de la requête motivée par l Etat requérant dans un délai de 3 mois (article 17) Réception de la demande par l Etat requis Absence de réponse de l Etat requis dans un délai de 2 mois (article 18-7) Réponse de l Etat requis dans le délai de 2 mois (article 18-1) Accord implicite de prise en charge du demandeur d asile Accord explicite de prise en charge du demandeur d asile Refus de prise en charge du demandeur d asile si les indices et preuves sont insuffisants (article 18-5) Transfert du demandeur d asile à l Etat requis par l Etat requérant (article 19-4) 6 mois 12 mois 18 mois Délai de principe Si le demandeur d asile est en prison Si le demandeur d asile est en fuite ou Absence de transfert par l Etat requérant à l Etat requis dans les délais (article 19-4) Etat requérant reste responsable

LA PRISE EN CHARGE PROCEDURE D URGENCE Schéma récapitulatif Le requérant a introduit une demande dans un Etat qui n est pas responsable de son traitement par application des critères énoncés par le règlement et détaillés au chapitre III (respect de l unité de famille, détention d un titre de séjour ou d un visa en cours de validité ou non, délivré par un Etat membre ; preuve ou indice du passage ou séjour, régulier ou irrégulier, dans un Etat membre etc.) (article 16-1-a). Cette demande d asile a été introduite dans l Etat requérant suite à : un refus de séjour, un séjour irrégulier, une mesure d éloignement, une mise en détention (article 17-2 alinéa 1). ************************************* Dépôt de la requête motivée par l Etat requérant dans un délai de 3 mois (article 17) Réception de la demande par l Etat requis Absence de réponse dans le délai d un mois (article 18-7) Réponse de l Etat requis dans un délai - D une semaine minimum (article 17-2 al2) - Ou d un 1 mois maximum si circonstances particulières (article 18-7) Accord implicite de prise en charge du demandeur d asile Accord explicite de prise en charge du demandeur d asile Refus de prise en charge du demandeur d asile si les indices et preuves sont insuffisants ou Transfert du demandeur d asile à l Etat requis par l Etat requérant (article 19-4) 6 mois 12 mois 18 mois Délai de principe Si le demandeur d asile en prison Si le demandeur d asile en fuite Absence de transfert par l Etat requérant à l Etat requis dans les délais (article 19-4) Etat requérant reste responsable

LA REPRISE EN CHARGE Le requérant, qui a introduit une demande d asile dans l Etat sur le territoire duquel il se trouve, entre dans l une des situations suivantes : - Il a déposé une précédente demande d asile en cours d examen dans un autre Etat membre, et il séjourne sans en avoir reçu la permission sur le territoire d un autre Etat membre (article 16-1-c). - Il s est désisté d une première demande d asile déposée dans un premier Etat membre et en a formulé une autre dans un autre Etat membre (article 16-1-d). - Il est débouté d une précédente demande d asile dans un Etat Membre, et séjourne sans en avoir reçu la permission sur le territoire d un autre Etat Membre (article 16-1-e). *************************** Dépôt de la requête motivée par l Etat requérant (article 20-1-a) (sans indication de délai) Réception de la demande par l Etat requis Si l identification du demandeur d asile a été faite sur la base d indices Délai de réponse = un mois (article 20-1-b) Si l identification du demandeur d asile a été faite sur la base du système EURODAC Délai de réponse = deux semaines (article 20-1-b) Absence de réponse de l Etat requis dans les délais impartis Réponse de l Etat requis dans les délais impartis Accord implicite de reprise en charge du demandeur d asile (article 20-1-c) Accord explicite de reprise en charge du demandeur d asile (article 20-1-b) Refus de reprise en charge du demandeur d asile Transfert du demandeur d asile à l Etat requis par l Etat requérant (article 20-1-d) Absence de transfert par l Etat requérant à l Etat requis dans les délais (article 20-2) 6 mois 12 mois 18 mois Délai de principe Si le demandeur d asile est en prison Etat requérant reste responsable Si le demandeur d asile est en fuite

Partie II : L évaluation pratique de la situation du demandeur d asile placé sous procédure Dublin Avertissement Cette partie est destinée à toute personne amenée à recevoir et conseiller un demandeur d asile qui fait l objet d une procédure de détermination de l Etat responsable de sa demande d asile. Construite autour d un entretien d évaluation avec le demandeur d asile, elle permet d analyser de manière complète sa situation et de déterminer s il y a lieu de contester la mise sous procédure Dublin. En cas de mauvaise application du règlement, il convient d utiliser les voies habituelles de recours de droit administratif (recours gracieux, recours hiérarchique, recours contentieux). En pratique, il est rare que les recours administratifs (gracieux et hiérarchiques) aboutissent. De ce fait, le recours contentieux devant le tribunal administratif est le plus souvent une étape incontournable pour obtenir gain de cause. Pour cette évaluation, le demandeur d asile devra apporter les documents en sa possession (de son pays, de la France et éventuellement d un pays tiers) ainsi que son récit de demande d asile. Il n est pas rare que le demandeur d asile ignore les raisons pour lesquelles il fait l objet d une procédure différente des autres demandeurs d asile, ainsi que la finalité de cette procédure. Dans d autres cas, il peut avoir une mauvaise compréhension de cette procédure, née d informations incomplètes ou erronées. Il est donc important d expliquer de manière simple, et avant toute autre démarche, l esprit du règlement Dublin : - Un seul Etat de l Union Européenne est responsable du traitement de la demande d asile ou de l éloignement d un demandeur d asile débouté. - Cette responsabilité est déterminée sur la base de la preuve d une demande d asile, d un simple passage, de la délivrance d un titre de séjour ou d un visa dans ou pour un autre Etat membre. - Un ou plusieurs de ces Etats ont été sollicités par la France pour prendre ou reprendre en charge le demandeur d asile. - A terme un transfert vers ce pays devrait se faire.

Si une demande d asile est en cours dans un autre Etat Membre, il est important d insister sur le risque encouru par la personne de voir sa demande d asile rejetée en son absence dans cet Etat, sans pouvoir à terme être autorisée à solliciter l asile en France. La possibilité d un départ volontaire immédiat doit alors être abordée. L évaluation de la procédure qui est engagée à l encontre du demandeur d asile implique de s intéresser à quatre types de données : 1. Le parcours du demandeur d asile 2. Les délais encadrant la procédure de détermination de l Etat membre responsable 3. La situation familiale et humanitaire du demandeur d asile 4. Le besoin de protection du demandeur d asile La question de l information du demandeur d asile sur la procédure qui lui est appliquée est traitée de manière complémentaire du fait de son caractère transversal. II.1. Retracer le parcours du demandeur d asile pour déterminer le mécanisme applicable Cette partie permet de disposer de toutes les informations nécessaires et élémentaires sur le parcours du demandeur d asile pour déterminer par la suite la procédure Dublin qui lui est appliquée. II.1. 1. Avoir une première approche des raisons de la mise sous procédure Dublin. - Quelle est la date de départ du pays pour venir demander l asile en Europe? - Quel a été l itinéraire utilisé : o Quels ont été tous les pays traversés jusqu à l arrivée en France? o Quel est le temps passé dans chacun de ces pays? - Quelles sont les traces du passage du demandeur d asile dans les pays traversés avant d arriver en France (prise d empreintes, identification par les autorités, démarches ayant produit des documents etc.)? - Quels sont les documents disponibles : o Passeport international? o Visa pour un pays européen? o Titre de séjour délivré par un pays européen en cours de validité? o Documents quels qu ils soient émanant d un autre pays européen?

- S il s agit d une famille, vérifier si le parcours a toujours été fait ensemble. Il convient de garder à l esprit qu un visa délivré par les autorités d un autre Etat membre rend celui-ci responsable de la demande d asile, quand bien même le demandeur n est pas entré, ou n a pas séjourné sur le territoire de cet Etat membre pendant son parcours. II.1.2. Déduire de ces informations, la procédure appliquée (prise ou reprise en charge). - Une demande d asile a-t-elle été déposée dans l un des pays traversés? - Si oui, la demande d asile a-t-elle été rejetée (en première instance ou définitivement?), est-elle en cours, y a-t-il eu désistement (si oui à quelle date?) II.1.3. Vérifier s il n y a pas eu de retour dans le pays d origine entre le séjour dans l Etat requis et celui dans l Etat requérant. - En cas de retour intermédiaire dans le pays d origine : o Le retour a-t-il été organisé et mis en œuvre par les autorités de l Etat concerné, ou le demandeur d asile est-il rentré par ses propres moyens? o Quel est le temps passé dans le pays d origine en cas de retour intermédiaire? o Le demandeur d asile dispose-t-il de documents ou de preuves démontrant qu il est effectivement retourné dans son pays avant de venir en France? Il n est pas évident que les personnes ayant fait l objet de l exécution d un renvoi dans leur pays par un Etat membre aient conservé la preuve de ce renvoi. Nous pouvons supposer, dans ce cas de figure, que l Etat membre requis à des fins de reprise en charge fournira cette preuve afin de ne pas être jugé responsable de la demande d asile de la personne. Rappels : Les obligations [de prise en charge ou de reprise en charge] cessent si le ressortissant d un pays tiers a quitté le territoire des Etats membres pendant une durée d au mois trois mois, à moins qu il ne soit titulaire d un titre de séjour en cours de validité délivré par l Etat membre responsable (art 16-3). Les obligations [de prise en charge ou de reprise en charge] cessent également dès que l Etat membre responsable de l examen de la demande d asile a pris et effectivement mis en œuvre, à la suite du retrait ou du rejet de la demande d asile, les dispositions nécessaires pour que le ressortissant d un pays tiers se rende dans son pays d origine ou dans un autre pays où il peut légalement se rendre (art 16-4).

La cessation de responsabilité en vertu de ces dispositions (art. 16-3 & 16-4) ne peut être invoquée que sur la base d éléments de preuve matériels ou de déclarations circonstanciées et vérifiables du demandeur d asile (art. 4 règlement d application de la Commission européenne). II.2 Vérifier les délais encadrant la procédure de détermination de l Etat responsable Il s agit ici d une part de vérifier le respect des délais de procédure en France en identifiant les dates clés et en vérifiant l existence de mentions écrites et d autre part d identifier le parcours administratif exact de la personne depuis qu elle est en France. II.2.1 Prendre connaissance des étapes de la demande d admission au séjour au titre de l asile - Quelles sont les date et lieu d entrée en France? - Quelle est la date de première présentation en Préfecture pour demander l asile en France? - Recherche de documents permettant d établir les différentes démarches : Convocation préfecture, document de domiciliation associative, autorisation provisoire de séjour, récépissé. Rappels : Etat requérant dispose d un délai de 3 mois à compter de l introduction de la demande d asile pour adresser une requête à l Etat requis. S il ne respecte pas ce délai, il devient automatiquement responsable du traitement de la demande d asile (art 17-1). Il y a introduction de la demande d asile, à partir de laquelle le délai de 3 mois court, dès qu une convocation et remise au demandeur d asile en Préfecture (voir infra partie II). Ce délai de 3 mois ne concerne que la procédure de prise en charge (article 16-3). II.2.2 Vérifier les étapes de la procédure de demande d asile en France - Quelle est la date de délivrance du formulaire OFPRA? - Quelle est la date d enregistrement de la demande d asile? - Quelle est la date d entretien? - Quelle est la date de rejet? - Quelle est la date de dessaisissement de l OFPRA?

II.2.3 Vérifier les étapes de la mise sous procédure Dublin - Quelle est la date de mise sous convocation Dublin? - Quelle est la date de la requête de prise ou reprise en charge? - Quelle est la date de l accord de l Etat requis de prendre ou reprendre en charge? Rappels : Prise en charge : L Etat membre requis doit statuer dans un délai de deux mois à partir de la réception de la demande (art 18-1), à défaut de réponse dans ce délai il y a accord implicite (art 18-7) Les Etats disposent d un délai de principe de 6 mois à compter de l acceptation de la demande de prise en charge ou de la décision issue d un recours, pour transférer (art 19-3). Ce délai peut être porté à 12 et 18 mois (art.19-4). Un défaut de transfert dans les délais impartis rend l Etat membre requérant responsable du traitement de la demande d asile (art 19-4). Reprise en charge : L article 20 ne donne pas d indication de délai pour le dépôt de la requête de reprise en charge. L Etat requis dispose d un délai d un mois pour répondre à la demande de reprise en charge (ce délai est porté à deux semaines si cette demande est formulée sur la base du fichier Eurodac). A défaut de transfert dans les délais, l Etat requis est réputé avoir accepté implicitement la reprise en charge (art 20-1). Les délais de transfert sont identiques à ceux prévus dans le cadre de la prise en charge (art 20-1&2). Un défaut de transfert dans les délais engage la responsabilité de l Etat membre requérant (art 20-2). Le règlement fixe les modalités de calcul des délais selon qu ils s expriment en jours, en mois etc. (art.25) II.3 Déterminer la situation familiale et/ou humanitaire du demandeur d asile Cette partie est destinée à s assurer du respect de l unité de famille et que soit pris en compte l intérêt d un traitement conjoint de la demande d asile. Enfin, elle permet de vérifier s il y a lieu de solliciter une mesure exceptionnelle à titre humanitaire. II.3.1. Recueillir les informations sur la famille - Le conjoint ou le concubin est-il présent en France ou dans un autre Etat membre (données personnelles et situation administrative actuelle)? - Y a-t-il des preuves du mariage ou de la vie commune?

- Des enfants sont-ils présents en France ou dans un autre Etat membre (données personnelles et situation administrative actuelle)? - Y a-t-il des preuves du lien de filiation? - Des membres de famille élargie sont-ils présente en France ou dans un autre Etat membre (liens de parenté, situation administrative et personnelle)? - Quelles ont été les modalités de voyage avec les membres de la famille et de dépôt des demandes d asile en France et/ou dans d autres Etats membres? En cas de parcours différents des membres de la famille, il convient de vérifier dans quel pays la demande d asile a été présentée en premier pour savoir si les membres doivent tous être transférés dans l Etat membre ou tous être admis au séjour en France. Lorsqu il est fait appel à l Etat responsable du plus grand nombre de demandes d asile, ce critère de détermination ne précise pas s il faut comprendre le terme «membres de la famille» comme ne concernant que ceux qui sont effectivement en procédure ou si les mineurs accompagnants sont aussi inclus. Ce point est parfois important dans la mesure où, selon que les services de préfectures rattachent les enfants au père ou la mère, toute la famille peut être contrainte d être transférée vers un autre Etat membre, ou au contraire, déclencher l admission au séjour provisoire au titre de l asile en France pour toute la famille. Néanmoins, on peut interpréter cette disposition comme ne concernant pas les mineurs accompagnants dans la mesure où le règlement Dublin ne concerne que les personnes qui ont déposé une demande d asile. Dans le cadre de la défense des intérêts de mineurs, accompagnés ou non, il est toujours possible d invoquer la Convention internationale des droits de l enfant. Rappels : «Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale» (art 8 Convention Européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales (CEDH)). «Il y a lieu de préserver l unité des familles dans la mesure où ceci est compatible avec les autres objectifs poursuivis par l établissement de critères et mécanismes de détermination de l Etat Membre responsable de l examen d une demande d asile» (6 ème considérant du préambule du règlement Dublin). «Le traitement conjoint des demandes d asile des membres d une famille par un même Etat membre est une mesure permettant d assurer un examen approfondi des demandes et la cohérence des décisions prises à leur égard» (7ème considérant du préambule du règlement Dublin).

«Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale» (article 3 de la convention relative aux droits de l enfant) 22 «Les Etats parties veillent à ce que : a) Nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ni la peine capitale ni l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de dix-huit ans; b) Nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, n'être qu'une mesure de dernier ressort, et être d'une durée aussi brève que possible; c) Tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, et d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge. En particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l'on estime préférable de ne pas le faire dans l'intérêt supérieur de l'enfant, et il a le droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance et par les visites, sauf circonstances exceptionnelles; d) Les enfants privés de liberté aient le droit d'avoir rapidement accès à l'assistance juridique ou à toute autre assistance appropriée, ainsi que le droit de contester la légalité de leur privation de liberté devant un tribunal ou une autre autorité compétente, indépendante et impartiale, et à ce qu'une décision rapide soit prise en la matière» (article 37 de la convention relative aux droits de l enfant). II.3.2. Recueillir des informations sur les aspects humanitaires - Existe- t-il une situation sanitaire et médicale (pathologie, handicap, vieillesse ) o empêchant le transfert o nécessitant la présence d un membre de la famille quel que soit son lien de parenté, et l Etat censé être responsable selon le règlement. - Existent- t-ils des liens particuliers avec la France (langues, histoire.) II.4 Faire le point sur les démarches de protection déjà entreprises dans l Etat de prise ou de reprise en charge Les développements suivants permettent de vérifier l état des procédures engagées par le demandeur d asile dans l Etat membre responsable. Par ailleurs, il s agit aussi de vérifier que les conditions d étude de la demande d asile dans l Etat membre responsable ne violent pas les dispositions des conventions internationales relatives aux droits de l homme (article 3 de la Convention européenne des droits de l homme). II.4.1. Déterminer quelles sont les démarches de protection qui ont été entreprises dans l Etat requis et leur degré d avancement 22 La convention relative aux droits de l enfant a été adoptée le 20 novembre 1989 et est entrée en vigueur le 2 septembre 1990.