Les Chirurgiens-Dentistes sont-ils Concepteurs ou Prescripteurs de prothèses? De l'importance de bien définir, appliquer et respecter les principes relatifs aux responsabilités et obligations du praticien. Avant Propos Un récent article paru dans une revue de Prothèse a provoqué une juste émotion chez de nombreux praticiens. Cette revue donnait la parole à un certain nombre d acteurs du domaine de la prothèse dentaire, industriels, prothésistes français et étrangers, qui, pour quelques uns, évoquent, ( en prenant comme référence certains pays, tels le Canada ), la possible légalisation de la denturologie! Il est bien évident que l avenir de nos professions ( Chirurgiens-Dentistes et Prothésistes ) ne peut pas être envisagé selon une telle évolution. L on est cependant en droit de s interroger sur la genèse de tels propos. Il nous semble opportun de rappeler que certaines délégations de taches faites par le Chirurgien- Dentiste au laboratoire sont à même de créer inévitablement de telles conséquences. Ainsi que l écrivait très justement, en Octobre 1996, le Président de l Ordre National, «il ne faut pas fournir aux «denturologues» un prétexte pour alimenter leur «combat». Un autre débat, dont la finalité pourrait conduire à de mêmes issues, a conduit certains a essayer de contester notre responsabilité de «fabricant» de la prothèse! Il nous a semblé qu il était nécessaire de faire le point sur un sujet hélas toujours récurrent Copyright Gérard Jourda 1
1. Situation actuelle Dans un article paru dans le CDF, notre Confrère Guy ROBERT, après avoir rappelé que l'acte prothétique est un acte médical, écrivait que " les chirurgiens -dentistes doivent comprendre qu'il faut qu'ils restent responsables en tout domaine de leurs actes ( prothétiques )". En fonction des textes de référence ( Documents AFSSAPS ), les prothèse dentaires sont des dispositifs médicaux sur mesure, ( définition confortée par les termes utilisés dans la déclaration de conformité associée "...le dispositif médical sur mesure est destiné à l'usage exclusif d'un patient déterminé,... " ). D une façon concomitante, la remise en question de notre définition de " fabricants" de dispositifs médicaux sur mesure crée une ambiguïté certaine vis-à-vis de nos responsabilités. Cette contestation de notre définition de " fabricant " remet en effet directement en cause nos responsabilités et capacités de concepteurs de la prothèse, pour nous laisser seulement, à terme, une attribution ( restrictive ) de " prescripteurs "! Une telle définition ne peut pas être acceptée. 2. L acte médical en prothèse Tout praticien sait que l'acte prothétique est un acte médical nécessitant: - l' anamnèse des données cliniques, - l'établissement d'un diagnostic, - l'établissement d'un plan de traitement, - la mise en oeuvre d'un traitement pré-prothétique, -..., avant d'entreprendre le traitement prothétique en lui-même. Il nous semble opportun de rappeler que la parfaite maîtrise du traitement prothétique passe, au delà de la traçabilité purement matérielle ( marque de l'alliage, numéros de lots, fiche navette laboratoire,... ), par une traçabilité clinique, peut-être rarement réalisée, car certainement mésestimée au niveau de son importance légale et de ses conséquences. Si l'on se réfère aux textes, parmi tous les impératifs que les praticiens doivent respecter, nous devons, entre autres, établir ( et archiver ) pour tout dispositif médical sur mesure ( donc pour toute prothèse ), une " documentation permettant de comprendre la conception,... du produit ( du dispositif médical sur mesure, donc de la prothèse ) ". Copyright Gérard Jourda 2
3. La traçabilité clinique en Prothèse : son importance Les praticiens doivent, au quotidien respecter ces principes, mais l'on doit déplorer que les éléments constituants de l'analyse des différentes options prothétiques, donc du plan de traitement, donc de la traçabilité clinique, ne soient pas toujours matérialisés, patents et archivés dans les dossiers des patients. Ceci entraîne des conséquences aussi diverses que fâcheuses au niveau des responsabilités du praticien ( devoir d'information, consentement éclairé du patient, obligation de moyens,... ). De plus, cette lacune participe directement à la mise en cause de notre statut de concepteur de la prothèse. Il semble évident que notre meilleure défense soit bien d'apporter la preuve formelle que nous maîtrisons, dans son ensemble, l'acte prothétique. Nous pensons que la traçabilité clinique clôture toute discussion. Nous avons toujours défendu le dialogue et la communication entre le praticien et le laboratoire. Cela n'empêche aucunement, au contraire, les prises de responsabilités réciproques du praticien et du laboratoire. L'exemple le plus probant est bien celui de la prothèse partielle amovible et du tracé qui accompagne la réalisation de la prothèse. Comment en effet ne pas penser que, dans le domaine de la prothèse partielle amovible, lorsque le praticien laisse au laboratoire la réalisation du tracé de la prothèse, il abandonne une prérogative essentielle de son exercice, ouvrant ainsi la porte aux propositions de denturologie. Les prises de position formelles de la F.D.I., des instances professionnelles, ainsi que les conclusions issues des débats professionnels européens, ( textes européens légaux défendus lors de leur élaboration par la C.N.S.D.),( Directive Européenne 93/42), définissent parfaitement les responsabilités réciproques du laboratoire et du praticien, ( " le laboratoire réalise techniquement la pièce prothétique selon le tracé fourni par le praticien " ). 4. Le praticien : concepteur de la prothèse. Si l on reprend l exemple de la prothèse partielle amovible ( et du tracé afférent ), la responsabilité du praticien est pleine et entière vis-à-vis du tracé, et à ce titre, le praticien est bien le concepteur de la prothèse, puisque non seulement il établit et adresse au laboratoire le tracé ( " plan " ) de la prothèse, mais il réalise aussi toute la préparation de la bouche nécessaire à la parfaite adaptation de la prothèse. Copyright Gérard Jourda 3
Dans l'hypothèse ou le tracé est délégué au laboratoire, il est évident que l'on créé alors un porte à faux de la responsabilité professionnelle, qui ouvre la porte à des revendications inacceptables. Il en est bien sur de même pour toutes les autres conceptions prothétiques. A l'heure ou des outils informatiques spécifiques d Aide à la Décision Clinique permettent au praticien de réaliser très rapidement la conception des différentes architectures prothétiques pour un cas clinique donné, ceci quelle que soit la thérapeutique prothétique qu'il envisage, que de plus, de tels progiciels permettent de visualiser en temps réel la construction prothétique, d'archiver toutes ces informations et ainsi d apporter la preuve de la totale maîtrise de la conception prothétique, il est impossible de ne pas considérer l'importance de la traçabilité clinique. Dans de telles conditions, il parait alors difficile de mettre en doute la capacité du praticien en tant que concepteur de la prothèse. De plus, la traçabilité clinique confère au praticien la possibilité de mettre en évidence toute son expertise de spécialiste. Une telle pratique de notre exercice concourre aussi à la valorisation de l'acte prothétique ainsi qu'à l'objectif de démarche qualité que nous recherchons tous au quotidien. Conclusion En conclusion, il ne saurait y avoir d'ambiguïté. En fonction des textes de références, le Chirurgien Dentiste demeure bien le Maître d œuvre de la prothèse, même si l'on peut estimer que le terme de «fabricant» ne soit pas rigoureusement approprié. Le Chirurgien-dentiste est certes aussi le Prescripteur de la prothèse, et ce à double titre, vis-àvis du laboratoire, et aussi vis-à-vis du patient. Mais avant tout, le Chirurgien Dentiste s'inscrit bien comme le Concepteur de la prothèse. Au praticien de l illustrer au quotidien. Copyright Gérard Jourda 4
BIBLIOGRAPHIE BELUCHE P. DARMONY A. MARTIN M. Et si l'on parlait de traçabilité. Publication Syndicat des Chirurgiens -Dentiste du Rhône. Juin 2000 FROMENT J. La relation patient-praticien. Une relation singulière bien réglementée. Dossier ADF. Commission de la législation professionnelle. Nov. 1999 JOURDA G. Le dossier Prothèse du Patient. Assurance traçabilité. Le C.D.F. N 1082. 20 Juin 2002. pp. 236-239 JOURDA G. Quatre éléments pour un plan de paix prothétique La lettre de l'ordre National des Chirurgiens -Dentistes N 16. 2003. pp. 22 MISSIKA P. Recommandations pour recueillir le consentement du patient en prothèse. Revue de la S.O.P. OESTREICHER C. Bulletin Officiel de l'ordre National des Chirurgiens-Dentistes. 1997-1 ROBERT A. Editorial du Bulletin de l Ordre National Numéro Spécial. Novembre 1998 ROBERT G. Délocalisation et prothèses dentaires Le C.D.F. N 1179 / 1180 23/30 Septembre 2004 pp. 26 DOCUMENTS Guide pour la mise sur le marché de dispositifs médicaux sur mesure Article R 665-5 Article R 665-24 Copyright Gérard Jourda 5